C. AUDITION DE M. PIERRE BURBAN, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS), ACCOMPAGNÉ DE M. JEAN-LOUIS BUHL, DIRECTEUR GÉNÉRAL
Réunie le mercredi 30 octobre 2002, la commission a entendu M. Pierre Burban, président du conseil d'administration, et M. Jean-Louis Buhl, directeur général, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
En propos liminaire, M. Pierre Burban a précisé que le nouveau conseil d'administration de l'ACOSS était désormais définitivement installé, et que l'ensemble de ses membres étaient désormais attachés à assumer pleinement leurs missions, en dépit de l'absence des représentants du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Il a également rappelé les priorités de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'ACOSS et l'Etat : l'amélioration du service rendu aux usagers, de la qualité des informations statistiques, financières et comptables produites par la branche recouvrement de la sécurité sociale, et l'optimisation de la gestion des ressources humaines. A cet égard, il a souligné que l'ensemble des dispositions de l'article 75 de la loi n° 2001-2146 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, réformant les modalités de fonctionnement de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS), qui gère les personnels de la sécurité sociale, étaient aujourd'hui entrées en application.
Puis M. Pierre Burban a indiqué que le conseil d'administration de l'ACOSS avait émis un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, l'un des principaux éléments de satisfaction étant un début de clarification des circuits financiers de la sécurité sociale, qui ne peut que faciliter le travail de la branche recouvrement.
Répondant ensuite aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres financiers , M. Pierre Burban a fourni les éléments d'information suivants :
- le point le plus bas, en 2002, de la trésorerie du régime général a été atteint le 18 octobre dernier, à - 4,36 milliards d'euros (contre une estimation initiale de - 4,10 milliards d'euros). Ce seuil ne devrait pas être, à nouveau, franchi d'ici la fin de l'année ;
- l'écart constaté, au cours de ces dernières années, entre, d'une part, le plafond d'avances de trésorerie autorisé pour le régime général en loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, le profil effectif de ladite trésorerie, s'explique par le fait que ce plafond est déterminé à partir d'une évaluation, à la fin d'une année donnée, de l'évolution prévisionnelle de la trésorerie du régime général au cours de l'année suivante. Dès lors, des aléas d'ordre économique (évolution de la masse salariale et de l'objectif national des dépenses maladie, notamment), réglementaire ou technique peuvent altérer la prévision initiale retenue dans la loi de financement ;
- le triplement, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, du plafond d'avances de trésorerie autorisé au régime général traduit l'accélération de la dégradation de son profil de trésorerie constatée depuis le début de l'année 2002, et qui devrait se confirmer en 2003. L'année prochaine, le point le plus bas de la trésorerie du régime général devrait ainsi revenir, selon les estimations des services de l'ACOSS qui ne sont pas encore définitives, à - 10,5 milliards d'euros le 12 décembre 2003. Dès lors, il est nécessaire de prévoir cette évolution en ajustant à due concurrence, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le plafond d'avances ;
- la possibilité, ouverte aux caisses nationales du régime général, de placer leurs excédents durables en dehors de la trésorerie commune gérée par l'ACOSS n'a jamais été utilisée jusqu'à présent. Le placement, rémunéré, des disponibilités des branches excédentaires au sein de cette trésorerie commune permet aux branches déficitaires de se « refinancer » à moindre coût, ce qui profite, en définitive, à l'ensemble de la sécurité sociale ;
- s'agissant des récentes observations de la Cour des comptes sur les méthodes de provisionnement appliquées, jusqu'à présent, par l'ACOSS, l'agence a entrepris, avec la direction de la sécurité sociale, de définir de nouvelles règles, plus adaptées au passage à la comptabilité en droits constatés. A ce sujet, M. Jean-Louis Buhl, directeur général , a souligné les difficultés particulières que présente l'application, à un système de comptabilité publique, des règles de la comptabilité privée relatives au traitement des créances douteuses.
Toujours en réponse aux questions de M. Alain Vasselle, rapporteur sur les équilibres financiers , M. Pierre Burban a fait part de ses interrogations, et de celles du conseil d'administration de l'ACOSS, concernant l'imputation (puis l'inscription sous forme de provision), dans les comptes de chaque branche, sur instruction réglementaire émanant des autorités de tutelle, de la dette contractée par l'Etat à l'égard de la sécurité sociale au titre du déficit, en 2000, du fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales (FOREC). A cet égard, M. Pierre Burban a estimé que la définition, par une mesure législative, en l'occurrence l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, des modalités d'imputation et de répartition, entre chaque caisse nationale, du remboursement de la moitié de cette dette, garantissait à l'ACOSS une meilleure « lisibilité » et une plus grande stabilité des règles qui lui sont applicables.
S'agissant, enfin, de l'article 47 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, M. Pierre Burban a indiqué qu'il vise à harmoniser les dispositions applicables à diverses contributions dont le recouvrement direct incombe à l'ACOSS.
M. Gilbert Chabroux s'est ensuite interrogé sur les conséquences, pour la trésorerie du régime général, d'une évolution économique éventuellement moins favorable que celle retenue pour le « cadrage » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il a également souhaité connaître la part, dans le total des dépenses du FOREC, du nouvel allégement général de cotisations prévu dans le cadre du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
M. Guy Fischer s'est inquiété des effets éventuellement défavorables, en termes d'effectifs et de rémunérations, des modifications actuellement apportées à l'organisation du travail dans les organismes de sécurité sociale tels, par exemple, les gains de productivité induits par la généralisation de la carte « Vitale ». Il a également souhaité savoir si les restes à recouvrer auprès des entreprises représentaient, encore aujourd'hui, un manque à gagner significatif pour la sécurité sociale.
M. Jean Chérioux a alors souligné l'intérêt, pour l'ACOSS, d'adopter un système comptable lui permettant de mieux apprécier l'importance, dans ses comptes, des créances inscrites en non-valeur au regard du montant total des provisions correspondantes. Il s'est, ensuite, interrogé sur les conséquences financières, pour la trésorerie commune gérée par l'ACOSS, du choix qui serait éventuellement fait, par certaines branches du régime général, de placer ailleurs leurs excédents.
Toujours à ce sujet, M. André Vantomme a souhaité connaître le montant des créances irrécouvrables, actuellement comptabilisées par l'ACOSS.
Répondant aux divers intervenants, MM. Pierre Burban et Jean-Louis Buhl ont fourni les précisions suivantes :
- dans l'hypothèse où l'évolution de l'activité économique et des comptes le nécessiterait, le Gouvernement a annoncé qu'il déposerait un projet de loi de financement rectificative. L'ajustement éventuel du plafond d'avances de trésorerie pourrait donc, éventuellement, intervenir à cette occasion. La variable déterminante, en ce domaine, sera l'évolution de la masse salariale, dont dépendent 70 % des recettes du régime général. En toute hypothèse, le relèvement du plafond d'avances ne reflète que l'accumulation des déficits du régime général, soit - 4 milliards d'euros prévus en 2002, et - 6 milliards d'euros en 2003 ;
- la réalisation des objectifs de la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'ACOSS et l'Etat, et, notamment, le souci d'améliorer davantage le service rendu aux usagers, dépend de la motivation des personnels de la branche recouvrement (soit 13.500 personnes sur un total de 170.000 salariés travaillant dans les organismes de sécurité sociale). Cette question est donc l'une des préoccupations essentielles du conseil d'administration de l'ACOSS. Par ailleurs, la nécessaire adaptation de l'organisation des services aux réalités du terrain et aux demandes des usagers n'est pas obligatoirement synonyme de regroupement des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), sauf accord de celles-ci, exprimé par leurs conseils d'administration et leurs comités d'entreprise. Cette adaptation passe plutôt par la définition de nouvelles modalités de collaboration entre URSSAF, qu'il s'agisse de la mutualisation des moyens et des services ou de l'expérimentation, au plan local, des possibilités offertes par les technologies modernes ;
- le mythe des « dettes patronales » à l'égard de la sécurité sociale a vécu, le taux des restes à recouvrer par l'ACOSS étant désormais faible, et en diminution constante au cours de ces dernières années. Ces restes à recouvrer traduisent aujourd'hui, pour l'essentiel, la « mortalité » des entreprises défaillantes et reflètent, ainsi, l'évolution de la conjoncture économique ;
- l'entrée en vigueur, à compter du 1 er juillet 2003, du nouvel allégement de charges sociales défini dans le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi devrait se traduire par une dépense supplémentaire d'un milliard d'euros pour le FOREC ;
- les créances irrécouvrables représentent, dans les comptes de l'ACOSS, de l'ordre de 1,2 à 1,3 milliard d'euros, pour un total de restes à recouvrer atteignant 14 milliards d'euros ;
- l'« externalisation » du placement des excédents des branches bénéficiaires se traduirait par une aggravation des contraintes de trésorerie du régime général et pénaliserait, de ce fait, l'ensemble de la sécurité sociale.