C. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Quelles que soient les réserves que peuvent susciter les conditions dans lesquelles le Constituant est appelé à intervenir, le Gouvernement n'avait d'autre choix, après l'avis rendu par le Conseil d'Etat, que de déposer un projet de loi constitutionnelle destiné à permettre la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen.

1. Le projet de loi initial

Depuis 1992, le titre XV de la Constitution, composé de quatre articles, est consacré aux Communautés européennes et à l'Union européenne.

L'article 88-1 dispose que « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ».

L'article 88-3 prévoit la possibilité d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux citoyens de l'Union résidant en France.

L'article 88-4 prévoit la transmission à l'Assemblée nationale et au Sénat des projets et propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative, ainsi que d'autres documents, et la possibilité pour les assemblées de voter des résolutions sur les projets, propositions ou documents qui leur sont soumis.

Le présent projet de loi constitutionnelle tend à modifier l'article 88-2 de la Constitution.

L'article 88-2, créé par la loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht, ne comportait à l'origine qu'un alinéa ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne ».

La loi constitutionnelle n°99-49 du 25 janvier 1999, préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, a limité le champ de cet alinéa aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire tout en insérant dans l'article 88-2 un nouvel alinéa aux termes duquel : « Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétence nécessaires à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés ».

Afin de rendre conforme à la Constitution la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, le Gouvernement a choisi de compléter cet article 88-2 plutôt que d'insérer un nouvel article dans la Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle tend donc à compléter l'article 88-2 par un nouvel alinéa. Cet alinéa était ainsi rédigé dans le projet de loi constitutionnelle déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale : « Sont fixées par la loi les règles relatives au mandat d'arrêt européen conformément aux dispositions des décisions-cadres prises par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du traité mentionné au premier alinéa ».

Ce texte se distingue des deux alinéas existants de l'article 88-2 par l'absence de référence à la réserve de réciprocité . Une telle absence se justifie par la nature de la décision-cadre, qui, à la différence des traités, a vocation à s'appliquer même en l'absence de réciprocité. Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n°98-400 DC du 20 mai 1998 portant sur la loi organique relative au droit de vote des ressortissants européens, la réciprocité doit être appréciée au niveau de la procédure de ratification des traités, et non pas à l'intérieur même des structures européennes, puisque celles-ci prévoient déjà des sanctions en cas de manquement aux obligations communautaires.

Notons néanmoins que les décisions-cadres, contrairement aux directives, ne peuvent faire l'objet d'un recours en manquement.

Le texte proposé par le Gouvernement faisait référence « aux décisions-cadres » et non seulement à celle du 13 juin 2002. Il tendait ainsi à rendre a priori constitutionnelles les modifications ultérieures de la décision-cadre du 13 juin 2002 , ce qui paraît heureux si l'on veut éviter des modifications successives de la Constitution à propos d'une même question.

2. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a examiné le projet de loi constitutionnelle le 17 décembre 2002. Sur proposition de son rapporteur, M. Xavier de Roux, elle a modifié la rédaction de l'article unique du projet de loi constitutionnelle. Le texte proposé pour le troisième alinéa de l'article 88-2 de la Constitution dispose désormais que « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne ».

Pour justifier cette modification, le rapporteur de l'Assemblée nationale s'est notamment interrogé « sur l'opportunité de faire figurer une référence aux décisions-cadres dans la loi fondamentale, à l'heure où les réformes institutionnelles envisagées remettent en cause l'existence de cette procédure ».

De fait, les travaux de la Convention européenne, qui prépare la réforme des traités européens, montrent qu'il existe une forte volonté d'utiliser dans les domaines de la justice et des affaires intérieures les instruments du droit communautaire, notamment la directive, et donc de supprimer l'instrument de la décision-cadre.

Il n'est cependant pas certain que cette précaution sera suffisante pour éviter une nouvelle révision constitutionnelle après la réforme des traités en cours de préparation. Le Traité sur l'Union européenne lui-même subsistera-t-il à l'issue des réformes en cours de préparation ?

3. La proposition de votre commission des Lois : adopter sans modification le projet de loi constitutionnelle

Sous réserve des observations formulées à propos des relations entre droit communautaire dérivé et droit constitutionnel, votre commission des Lois a décidé d'approuver sans modification le présent projet de loi constitutionnelle.

La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen est l'une des premières réalisations concrètes de la coopération judiciaire européenne. Elle doit maintenant être mise en oeuvre le plus rapidement possible.

La décision-cadre fixe au 31 décembre 2003 la date limite de transposition de ses dispositions. Six Etats (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Portugal) se sont engagés, lors d'une réunion informelle du Conseil « Justice et Affaires intérieures », tenue à Saint-Jacques de Compostelle, à devancer la date limite de mise en oeuvre de la décision-cadre.

Il convient donc qu'un projet de loi de transposition soit déposé sur le Bureau du Parlement dans les plus brefs délais après l'adoption définitive du présent projet de loi constitutionnelle, afin que la France puisse mettre en oeuvre dès cette année le mandat d'arrêt européen.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

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