Rapport n° 187 (2002-2003) de M. Jacques CHAUMONT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 février 2003
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I. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ALLEMANDE DU 21
JUILLET 1959 ET LES AVENANTS DU 9 JUIN 1969 ET DU 28 SEPTEMBRE 1989
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II. LA RÉFORME FISCALE ADOPTÉE EN
ALLEMAGNE AU COURS DE L'ANNÉE 2000
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III. L'IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA SUPPRESSION
DU TRANSFERT DE L'AVOIR FISCAL POUR LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE
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IV. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA
PROCÉDURE DE RATIFICATION DE L'AVENANT DU 20 DÉCEMBRE 2001
PAR L'ALLEMAGNE
N° 187
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 février 2003 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation de l' avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d' assistance administrative et juridique réciproque en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune , ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières , du 21 juillet 1959, modifiée par l'avenant du 9 juin 1969 et par l'avenant du 28 septembre 1989, signé à Paris le 20 décembre 2001,
Par M. Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 337 , 522 et T.A. 74
Sénat : 136 (2002-2003)
Traités et conventions. |
I. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-ALLEMANDE DU 21 JUILLET 1959 ET LES AVENANTS DU 9 JUIN 1969 ET DU 28 SEPTEMBRE 1989
A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA CONVENTION ET DE SES AVENANTS
La convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 vise à éviter les doubles impositions qui pourraient résulter de l'application des législations fiscales internes allemande et française, pour une même période, à des revenus perçus par une même personne physique ou morale.
Cette convention est globalement conforme, en matière de règles d'imposition des bénéfices des personnes morales et des revenus des personnes physiques, au modèle de convention fiscale établi par l'OCDE, mais présente toutefois quelques particularités : elle comprend, par exemple, un régime spécifique pour les travailleurs frontaliers, dispositif dérogatoire d'imposition à la résidence de ces personnes (alors qu'habituellement ces rémunérations sont imposées dans le pays du lieu d'exercice de l'activité). De même, la convention prévoit un mécanisme original , en comparaison des pratiques habituelles en la matière, de prélèvement de la retenue à la source sur les dividendes .
Par ailleurs, la convention fiscale comprend un système d'échange de renseignements et d'assistance administrative en matière d'assiette et recouvrement de l'impôt.
L'avenant du 9 juin 1969 a principalement modifié le régime d'imposition des dividendes en accordant notamment le transfert de l'avoir fiscal au profit des personnes résidentes d'Allemagne et en instituant un dispositif particulier de retenue à la source, décrit plus loin.
Cet avenant a également instauré entre la France et l'Allemagne un échange automatique d'information en matière de modifications des législations fiscales internes dans le domaine de l'impôt sur les sociétés et des revenus distribués.
Pour sa part, l'avenant du 28 septembre 1989 a fait entrer l'impôt de solidarité sur la fortune dans le champ des impôts couverts par la convention, modifié les articles conventionnels traitant de la rémunération du personnel employé de manière temporaire à l'étranger et des travailleurs frontaliers, et créé un dispositif de bénéfice des avantages conventionnels au profit des organismes de placement collectifs de valeurs mobilières (OPCVM) allemands qui, jusqu'alors, ne pouvaient obtenir ni la retenue à la source au taux réduit de 15 %, ni le transfert de l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source française.
B. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF CONVENTIONNEL ACTUEL APPLICABLE AUX DIVIDENDES
Le régime des dividendes est prévu par l'article 9 de la convention. Remanié par les avenants de 1969 et 1989, il prévoit une imposition de ces rémunérations dans l'Etat de résidence du bénéficiaire, sachant qu'une retenue à la source au taux réduit de 15 % peut être prélevée dans l'Etat source des dividendes. Par ailleurs, les dividendes versés par une société de capitaux française à un résident allemand ouvrent droit à transfert de l'avoir fiscal .
L'article 9 prévoit également que les dividendes distribués par une société d'un Etat à une société résidente de l'autre Etat détenant plus de 10 % du capital de la première société ne sont pas soumis à retenue à la source dans l'Etat source et corrélativement, n'ouvrent pas droit à avoir fiscal.
Enfin, de manière originale, la retenue à la source n'est jamais acquittée lors de la distribution de dividendes par des sociétés françaises à des bénéficiaires allemands. Afin d'être certain que l'avoir fiscal bénéficie réellement à des résidents allemands, celle-ci est soustraite du montant de l'avoir fiscal dont le Trésor allemand réclame le transfert au Trésor français après que l'usager allemand a déclaré l'avoir fiscal sur sa déclaration d'impôt sur le revenu, pour les personnes physiques, ou de résultat, pour les personnes morales.
II. LA RÉFORME FISCALE ADOPTÉE EN ALLEMAGNE AU COURS DE L'ANNÉE 2000
A. LES PRINCIPALES MESURES DE LA RÉFORME FISCALE ALLEMANDE ADOPTÉE EN DERNIÈRE LECTURE LE 14 JUILLET 2000 PAR LE BUNDESRAT
La réforme fiscale allemande adoptée en juillet 2000, prévue pour être mise en place au cours de la période 2001-2005, constitue le second volet d'une réforme qui avait d'abord porté sur les années 1999 et 2000. Les principales mesures figurent dans l'encadré ci-après.
Les principales mesures de la réforme fiscale allemande Les mesures visant les ménages allégement de l'ensemble du barème de l'impôt sur le revenu (le taux minimal passe de 19,9 % en 2001 à 15 % en 2005 ; le taux maximal est ramené de 48,5 % en 2001 à 42 % en 2005) ; l'abattement personnel d'impôt sur le revenu (tranche à 0 % de l'impôt sur le revenu) est relevé de 7.150 euros en 2000 à 7.660 euros en 2005 ; suppression de l'avoir fiscal, remplacé par un abattement de 50 % applicable aux dividendes imposables ; abaissement à 1 % du seuil de 10 % au-delà duquel les plus-values immobilières sont imposables. Les mesures visant les entreprises les deux taux d'impôt sur les sociétés de 40 % (bénéfices non distribués) et 30 % (bénéfices distribués) sont abaissés et unifiés à 25 % ; exonération des plus-values de cession de participations allemandes détenues depuis au moins un an, quel que soit le niveau de participation ; exonération des dividendes de sources allemande ou étrangère, quel que soit le niveau de participation de la société distributrice ; augmentation de la plupart des durées d'amortissement ; baisse du plafond de l'amortissement dégressif des actifs mobiliers ; extension aux succursales allemandes de sociétés étrangères et aux sociétés de personnes des règles fiscales tendant à lutter contre la sous-capitalisation ; durcissement du dispositif anti-paradis fiscaux : le seuil de participation dans les sociétés étrangères visées par le dispositif est abaissé de 50 % à 10 %. |
B. LES CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME FISCALE EN MATIÈRE D'IMPOSITION DES DIVIDENDES
Jusqu'en 2000, l'Allemagne disposait d'un régime d'élimination des doubles impositions économiques des dividendes semblable à celui qui prévaut encore à l'heure actuelle en France.
Un crédit d'impôt (équivalent allemand de l'avoir fiscal) était attaché aux dividendes de source allemande. Il n'était accordé qu'aux seuls résidents d'Allemagne.
La réforme fiscale votée en juillet 2000, applicable dès les dividendes versés en 2001, prévoit la suppression de l'avoir fiscal attaché aux dividendes de source allemande. L'élimination de la double imposition économique des dividendes, que le dividende soit d'origine allemande ou étrangère, est désormais assurée de la manière suivante :
- pour les personnes physiques, le dividende est imposé après déduction d'un abattement de 50 % ;
- pour les personnes morales, le dividende est exonéré, quel que soit le niveau de participation dans la société distributrice.
La double imposition économique des dividendes étant désormais intégralement prise en charge par l'Allemagne, le transfert de l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source française n'a plus lieu d'être. Si l'avoir fiscal continuait à être transféré, on parviendrait en effet, dans certains cas, à un revenu net perçu par le bénéficiaire allemand de la distribution française supérieur au dividende mis en paiement.
III. L'IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA SUPPRESSION DU TRANSFERT DE L'AVOIR FISCAL POUR LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE
Environ 37.000 demandes de transfert de l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source française à destination de résidents d'Allemagne étaient reçues chaque année par la direction générale des impôts (DGI).
Le flux cumulé de ces transferts d'avoir fiscal peut être évalué à 51 millions d'euros pour l'année 1999, 58,3 millions d'euros au titre de 2000 et 62,6 millions d'euros pour 2001, dernière année pour laquelle des statistiques ont pu être établies, soit une augmentation de 15 % entre 1999 et 2000 et de 7 % entre 2000 et 2001. Or, au cours de la même période, le taux de l'avoir fiscal attaché aux dividendes versés à des personnes morales a constamment diminué.
L'avoir fiscal, considéré comme un dividende pour l'application de la convention, étant lui-même soumis à retenue à la source de 15 % en France, le gain financier pour le Trésor français peut être estimé, pour des taux d'avoir fiscal de 15 % pour les personnes morales et de 50 % pour les personnes physiques, en vigueur au cours de l'année 2001, à 49,6 millions d'euros (soit 85 % de 62,6 millions d'euros).
Du côté allemand, l'impact direct de cette mesure ne peut être chiffré. Seule l'économie générale de la mesure visant à supprimer l'imposition des dividendes versés aux personnes morales est connue. Elle peut être estimée à 1,5 milliard d'euros, pour l'ensemble des revenus concernés, sachant qu'une partie de cette perte fiscale est compensée par la suppression de l'avoir fiscal.
On notera que l'avenant du 20 décembre 2001 à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 n'entraîne aucune conséquence financière pour les actionnaires français de sociétés allemandes, dans la mesure où l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source allemande n'était jamais transféré à des actionnaires français.
Financièrement, seul le Trésor public allemand est touché par cette modification de la convention fiscale franco-allemande puisqu'il va désormais prendre en charge l'élimination de la double imposition économique des dividendes de source française alors qu'auparavant, cette charge incombait au trésor public français .
IV. L'ÉTAT D'AVANCEMENT DE LA PROCÉDURE DE RATIFICATION DE L'AVENANT DU 20 DÉCEMBRE 2001 PAR L'ALLEMAGNE
L'avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, signé à Paris le 20 décembre 2001, a été approuvé en dernière lecture par le Bundestag le 11 septembre 2002. La loi d'approbation est parue dans la Bundesgesetzblatt (Journal officiel allemand) le 17 septembre 2002.
Du côté allemand, l'avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, signé à Paris le 20 décembre 2001, est donc ratifié. Ce texte pourra alors entrer en vigueur dès le premier jour du deuxième mois qui suivra la notification par la France à l'Allemagne de l'accomplissement des procédures internes françaises requises pour son approbation.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 25 février 2003, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport .
M. Jacques Chaumont, rapporteur, a présenté le projet de loi tendant à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et la République fédérale d'Allemagne.
Il a indiqué que cet avenant visait à prendre en compte les conséquences de la réforme fiscale adoptée en juillet 2000 par le Parlement allemand sur les modalités d'imposition des dividendes définies par la convention fiscale.
Il a rappelé que la convention fiscale entre la France et l'Allemagne, remaniée par deux avenants datant de 1969 et de 1989, prévoyait une imposition de ces rémunérations dans l'Etat de résidence du bénéficiaire, une retenue à la source au taux réduit de 15 % pouvant être prélevée dans l'Etat source des dividendes.
Par ailleurs, il a précisé que les dividendes versés par une société de capitaux français à un résident allemand ouvraient droit à un transfert de l'avoir fiscal.
Il a souligné que la retenue à la source n'était jamais acquittée lors de la distribution de dividendes par des sociétés françaises à des bénéficiaires allemands, mais qu'elle était soustraite du montant de l'avoir fiscal dont le Trésor allemand réclame le transfert au Trésor français après que l'usager allemand a déclaré l'avoir fiscal sur sa déclaration d'impôt sur le revenu, ou sur les résultats, s'il s'agit d'une personne morale.
Il a souligné que cette manière de procéder permettait de s'assurer que l'avoir fiscal bénéficiait bien à des résidents allemands. Enfin, il a noté que l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source allemande n'était jamais transféré aux actionnaires français.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a indiqué que la réforme fiscale votée en juillet 2000 en Allemagne avait prévu une exonération des dividendes de source allemande ou étrangère pour les entreprises allemandes, et une suppression de l'avoir fiscal pour les ménages, remplacé par un abattement de 50 % applicable aux dividendes imposables.
Dans ces conditions, M. Jacques Chaumont, rapporteur , a indiqué que la double imposition des dividendes était intégralement prise en charge par l'Allemagne, et que le transfert de l'avoir fiscal attaché à des dividendes de source française n'avait plus lieu d'être maintenu. L'avenant à la convention fiscale franco-allemande supprimait donc ce dispositif, dont l'application était incompatible avec la nouvelle législation fiscale allemande.
Il a souligné qu'il résultait ainsi de la réforme fiscale allemande une économie évaluée à près de 50 millions d'euros pour l'Etat français, dont les services des impôts recevaient chaque année environ 37.000 demandes de transfert de l'avoir fiscal.
M. Jacques Chaumont, rapporteur , a considéré que le présent projet de loi tendant à approuver un avenant permettait de prendre en compte la réforme fiscale votée en Allemagne pour l'application des dispositions de la convention fiscale conclue entre la France et l'Allemagne. Il a souligné qu'il résultait des dispositions de l'avenant un transfert de charge du trésor public français vers le trésor public allemand, et a proposé de donner un avis favorable à son approbation.
Sur proposition de M. Jacques Chaumont, rapporteur , la commission a décidé de proposer au Sénat d'approuver l'avenant à la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles-impositions et d'établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières.