II. AUDITIONS

Réunie le jeudi 13 mai 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 299 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

1. Audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

La commission a tout d'abord procédé à l' audition de M. Jean-Marie Spaeth , président du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. André Lardeux, rapporteur, a souhaité connaître la position du conseil d'administration de la CNAMTS sur ce projet de loi, ainsi que les éventuels termes de l'alternative que l'on pouvait envisager pour assurer la prise en charge du risque autonomie-dépendance.

M. Jean-Marie Spaeth a tout d'abord souligné le caractère partiel du débat en cours en raison, d'une part, de la perspective d'une seconde loi sur les missions de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), dont le contenu reste à déterminer, d'autre part de l'attente des conclusions définitives du rapport confié à MM. Raoul Briet et Pierre Jamet sur ce sujet, qui ne sont pour l'instant disponibles que sous la forme d'un document d'étape.

Après avoir relevé le caractère exceptionnel de l'avis négatif sur le projet de loi, rendu unanimement, tant par le conseil d'administration de la CNAMTS que par ceux des trois autres organismes gestionnaires consultés du régime général, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA), il a fait part de son opposition au dispositif retenu, pour des raisons tenant à la fois à son fond et à sa forme. Sur la forme, il a déploré le manque de concertation initial, ainsi que l'éclatement de la discussion entre différents projets de loi actuellement en navette ou en cours de préparation. Sur le fond, et en s'appuyant sur le rapport d'étape Briet - Jamet établi dans le cadre de la mission de préfiguration de la CNSA, il a fait part de l'inquiétude du conseil d'administration de la CNAMTS, qui redoute que la création de la CNSA ne soit la première étape d'un processus aboutissant à la partition de la prise en charge des soins des assurés sociaux. Après avoir considéré que le projet de loi porterait alors en germe un risque de rupture du pacte de solidarité entre les générations, il a annoncé que la CNAMTS et les autres organismes gestionnaires cités seront amenés à présenter, dans les prochains jours, un ensemble de contre-propositions.

Après avoir rappelé que la CNSA devrait fournir une somme de 170 millions d'euros afin d'accélérer la médicalisation des maisons de retraite, M. André Lardeux, rapporteur , s'est interrogé sur les dispositions de l'article 9 du projet de loi, qui prévoit une contribution des régimes d'assurance maladie pour le financement des établissements accueillant des personnes âgées.

M. Jean-Marie Spaeth a souligné qu'en 2002, l'assurance maladie avait consacré 2,2 milliards d'euros au financement de l'accueil des personnes âgées. Il s'est ensuite déclaré totalement opposé à l'orientation envisagée par le document d'étape Briet - Jamet consistant à transférer la totalité de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM) médico-social, soit un montant annuel de l'ordre de 8 milliards d'euros, aux départements. Il a considéré que ce schéma était condamnable, dans la mesure où il était de nature à remettre en question l'effectivité de la tarification ternaire - avec trois parties distinctes pour les soins, l'hébergement et la dépendance - des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes. Rappelant que ce mécanisme apportait un élément de transparence et de bonne gestion, il s'est inquiété de la perspective de voir une part des dépenses de soins, dans ces établissements, s'imputer sur celles des soins de ville, et échapper ainsi à la régulation d'ensemble de la dépense.

Il a également jugé qu'au-delà de la question du périmètre des compétences envisagé pour la CNSA par rapport à celui de la CNAMTS, se posait celle du choix de société d'offrir un accès aux soins le plus égalitaire possible pour les assurés sociaux.

M. Nicolas About, président, a fait observer que le rapport d'étape Briet - Jamet n'était qu'un simple document de travail et, qu'en tant que tel, il n'avait fait l'objet d'aucune approbation officielle, de quelque nature que se soit.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré par ailleurs que confier le forfait soins aux présidents de conseils généraux n'apparaissait pas cohérent sur le plan médical et était porteur d'un risque réel d'augmentation des dépenses. Considérant que la CNAMTS assurait au mieux la cohérence des négociations avec les interlocuteurs de référence de l'assurance maladie, il craignait de voir apparaître, à la place d'accords nationaux, une succession d'accords locaux les plus divers entre les présidents de conseils généraux et les différentes catégories de professionnels.

M. André Lardeux, rapporteur , a observé que le schéma envisagé excluait le risque d'un dérapage des dépenses, dans la mesure où l'utilisation des fonds reposait sur le principe d'une enveloppe fermée et que, seule, une décision d'un conseil général pouvait le conduire, sur une base strictement volontaire, à accroître son intervention dans le domaine de la dépendance. Il a également précisé que la contribution de la CNAMTS transiterait par la CNSA, avant d'être répartie par celle-ci entre les départements, suivant un mécanisme analogue à celui de l'actuel fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA).

M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que la CNAMTS proposerait que les présidents de conseils généraux ne puissent établir la tarification de la partie soins sans avoir au moins recueilli, au préalable, un avis conforme de sa part.

M. André Lardeux, rapporteur, a posé la question de savoir si les comptes de la CNSA devaient figurer, ou non, dans la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Spaeth a précisé que deux options étaient en fait possibles : ou bien choisir, comme il le souhaitait et comme l'illustre l'exemple de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, de créer un cinquième risque dans le cadre même de l'assurance maladie, ou bien décider que la dépendance ne relevait pas de la sécurité sociale. Il a ajouté que, dans ce deuxième cas, le rattachement de la CNSA à la loi de financement de la sécurité sociale deviendrait impossible. Après avoir indiqué que le problème ne résidait pas tant dans la création de la CNSA que dans la définition de son futur rôle, il a considéré que celui-ci devrait se limiter à celui d'un simple fonds.

M. Serge Franchis a rappelé que, dès la création de la prestation spécifique dépendance, s'était posée la question de la prise en charge de la dépendance dans le cadre d'un cinquième risque de la sécurité sociale ou par le biais de mécanismes d'assurance. Il s'est interrogé sur la notion de dépendance, en se demandant s'il s'agissait d'un état pathologique relevant d'une prise en charge sanitaire ou nécessitant un complément de ressources, à l'image des personnes titulaires du statut de grand invalide de guerre.

M. Jean-Marie Spaeth a considéré que les trois volets de la tarification des établissements accueillant des personnes étaient d'une nature différente, dans la mesure où la partie soins relevait de prestations en nature, tandis que l'hébergement et le traitement de la dépendance correspondaient tous deux à des prestations en espèces. Dans ces conditions, il a estimé qu'il n'était pas acceptable d'envisager que les dépenses de soins soient différentes sur le territoire national en fonction du degré de richesse et des choix faits par les départements.

M. André Lardeux, rapporteur, a souligné que le volet dépendance comportait également, pour une large part, des prestations en nature, notamment pour les personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à domicile.

M. Nicolas About, président, a fait valoir l'utilité, en confiant plus de pouvoirs aux conseils généraux, de disposer d'un opérateur de proximité, qui est, de surcroît, responsable devant les électeurs.

M. Gilbert Chabroux a souhaité pouvoir disposer du texte de l'avis rendu par le conseil d'administration de la CNAMTS. Il a également indiqué qu'il attendait avec intérêt la publication, par la CNAMTS et les autres caisses gestionnaires du régime général, des contre-propositions annoncées. Réaffirmant son opposition à la solution retenue par le Gouvernement, il a déclaré que la suppression d'un jour férié pour financer la prise en charge de la dépendance revenait à instituer une bonne oeuvre obligatoire et sélective, constituant une rupture avec le pacte social. Il a enfin insisté sur la nécessité de trouver de nouveaux moyens financiers.

M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'au-delà de l'avis négatif rendu par le conseil d'administration de la CNAMTS, il considérait ne pas avoir la légitimité suffisante pour se prononcer, ès qualité, sur le principe même de la suppression d'un jour férié pour financer la dépendance, ni pour élaborer des propositions financières alternatives. Pour autant, il a estimé, à titre personnel, que son opposition au présent projet de loi n'allait pas jusqu'à considérer qu'il remettait en cause le pacte social.

M. Guy Fischer s'est déclaré fondamentalement opposé à ce texte, au motif qu'il constituait, à ses yeux, le premier pas d'un processus conduisant au démantèlement de la sécurité sociale. Il a par ailleurs regretté que le sujet de la dépendance et des missions de la CNSA soit simultanément abordé dans de nombreux projets de loi en discussion ou en préparation, ce qui nuit à la clarté du débat. Après avoir estimé que les besoins des personnes âgées dépendantes étaient sous-estimés, il a affirmé que ce texte constituait, après la catastrophe sanitaire de l'été dernier, un projet de loi-alibi.

Soulignant que le schéma retenu par le Gouvernement tendait fondamentalement à remettre en cause la législation sur les trente-cinq heures, à laquelle certains n'hésitaient pas à attribuer une part de responsabilité dans le bilan de la crise de la canicule, il a rappelé que le groupe communiste républicain et citoyen défendait, pour sa part, la prise en charge de la dépendance dans le cadre d'un cinquième risque de la sécurité sociale géré par la CNAMTS.

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