III. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mardi 18 mai 2004 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. André Lardeux sur le projet de loi n° 299 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et la proposition de loi n° 145 (2003-2004), de M. Alain Vasselle, relative à la création d'une assurance dépendance .
M. André Lardeux, rapporteur , a tout d'abord rappelé la gravité du drame de la canicule, qui a mis en évidence, à l'été 2003, la nécessité de mieux prendre en charge les personnes âgées dépendantes. Le texte présenté par le Gouvernement, qui s'inscrit dans un programme d'actions plus vaste, propose un mode de financement original pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Il comporte trois titres : le premier est consacré à la mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte, le deuxième institue la « journée de solidarité » et le troisième prévoit les dispositions créant une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et les modalités de son financement.
M. André Lardeux, rapporteur , a présenté le volet préventif qui comprend, d'une part, la définition d'un plan départemental de veille et d'alerte, d'autre part, la tenue d'un fichier communal des personnes âgées et des personnes handicapées permettant aux autorités de disposer rapidement de la liste des personnes auxquelles une attention particulière devra être portée. Il a, sur ce point, considéré que la charge supplémentaire qui en résultera, pour les communes, justifie qu'une compensation financière leur soit accordée, conformément à l'article 72-2 de la Constitution.
Il a ensuite exposé le principe de la journée de solidarité qui, s'inspirant du modèle allemand, consiste à transformer un jour férié en jour ouvré sans rémunération supplémentaire afin de dégager des moyens financiers nouveaux à affecter à la prise en charge de la dépendance. En rupture avec la tendance à la réduction du temps de travail, cette mesure aurait pour effet d'accroître de 0,4 % le temps de travail des Français. Le choix de ce dispositif s'explique par le fait que la préservation de notre protection sociale ne peut plus reposer sur l'augmentation de la pression fiscale, mais suppose un effort supplémentaire afin d'accroître la richesse nationale.
M. André Lardeux, rapporteur , a rappelé que l'instauration de cette journée préserverait le revenu des ménages : elle ne donnerait certes pas lieu à rémunération supplémentaire, mais les salariés mensualisés, auxquels les jours fériés sont déjà payés, ne subiraient aucune perte de salaire. Par ailleurs, sa mise en oeuvre devrait permettre l'augmentation de la production des entreprises privées et une amélioration du fonctionnement des services publics.
M. André Lardeux, rapporteur , a ensuite évoqué les difficultés pratiques que pose l'application de cette mesure, notamment dans les entreprises où les jours fériés ne sont pas chômés et pour lesquelles la journée de solidarité n'entraînerait pas systématiquement de production supplémentaire. Il a également évoqué la situation des salariés non mensualisés qui bénéficient généralement du chômage des jours fériés, mais sans être rémunérés et pour lesquels il semblait difficile d'imposer une journée supplémentaire de travail sans aucune contrepartie financière.
Conscients de ces difficultés, le Gouvernement, puis l'Assemblée nationale, ont opéré les assouplissements nécessaires : le projet de loi propose désormais que les partenaires sociaux fixent, par la négociation, la date de la journée de solidarité et que le lundi de Pentecôte ne soit imposé qu'à défaut d'accord. Il est également prévu de rémunérer les salariés non mensualisés s'ils étaient amenés à travailler une journée de plus et d'aménager le régime applicable aux salariés à temps partiel ou à ceux changeant d'employeur en cours d'année.
Puis M. André Lardeux, rapporteur , a présenté la seconde innovation du projet de loi : le financement de l'autonomie des personnes âgées ou des personnes handicapées par une Caisse nationale dédiée à cet objet et les modalités de calcul des ressources nouvelles. Sur la base estimée de la richesse supplémentaire produite par une journée travaillée, le Gouvernement a considéré qu'une contribution équivalente à 0,3 % de la masse salariale pouvait être demandée aux entreprises. Celle-ci sera instituée, calculée et recouvrée selon les mêmes modalités que les cotisations patronales d'assurance maladie et devrait rapporter 1,6 milliard d'euros, soit 1,2 milliard versé par les employeurs privés et 400 millions par les employeurs publics. En y ajoutant les 300 millions d'euros attendus de la contribution additionnelle à la taxe de 2 % sur les revenus du capital, on évalue à 1,9 milliard d'euros les moyens nouveaux affectés à la Caisse nationale de solidarité pour la prise en charge de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Sur ce point, M. André Lardeux, rapporteur , a précisé que, dans l'attente des conclusions du rapport Briet-Jamet, le projet de loi ne pouvait pour l'instant prévoir, de manière définitive, les organes et les missions de cette Caisse. Cette question sera traitée d'ici quelques mois dans un texte de loi ultérieur.
Il a ajouté qu'il ne lui paraissait pas souhaitable que la gestion du risque dépendance soit confiée à la sécurité sociale, en raison de sa situation financière d'abord, et parce qu'il serait préjudiciable de se priver de la riche expérience des départements dans la prise en charge de la dépendance.
Il a ensuite exposé la répartition des ressources nouvelles entre les actions destinées respectivement aux personnes âgées et aux personnes handicapées, ces deux secteurs étant strictement distingués :
- les personnes handicapées bénéficieront, à partir de 2005, de 850 millions d'euros, essentiellement consacrés au financement de la prestation de compensation ;
- les personnes âgées sont attributaires de 60 % des recettes nouvelles : 20 % serviront de complément pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), les 40 % restants permettront de solvabiliser les actions en faveur des personnes âgées affichées dans le plan de solidarité pour l'autonomie, c'est-à-dire la médicalisation des établissements et l'accentuation de l'effort en faveur de la vie à domicile. Par ailleurs, les crédits actuels du fonds de financement de l'APA, soit un milliard d'euros, seront regroupés au sein de la future Caisse.
Enfin, compte tenu du vieillissement de la population française, M. André Lardeux, rapporteur , a estimé utile de promouvoir la prévoyance individuelle ou collective. Il a retenu dans ce but plusieurs éléments d'une proposition de loi déposée par M. Alain Vasselle et plusieurs de ses collègues, destinés à créer des incitations fiscales et sociales permettant aux personnes de s'assurer, ou d'assurer leurs ascendants, face au risque de la dépendance.
M. Gilbert Chabroux s'est étonné que les contestations formulées contre ce texte lors des débats à l'Assemblée nationale, et ne provenant pas seulement de l'opposition, n'aient pas été rapportées dans cette présentation. Il a estimé que le projet de loi rompait le pacte de solidarité nationale, dans la mesure où l'effort principal porte sur les salariés. Alors que les entreprises verront leur production augmenter, ce qui permettra d'ailleurs à l'État de prélever davantage de recettes fiscales, les salariés ne retireront aucun bénéfice de leur journée de travail supplémentaire. Il a déploré le manque de précisions concernant les contours définitifs de la Caisse nationale de solidarité, ainsi que l'absence de cohérence de l'action du Gouvernement qui poursuit des objectifs connexes à travers des textes différents comme la réforme de l'assurance maladie, les responsabilités locales ou la compensation du handicap, ce qui ne permet pas d'appréhender globalement la situation. Il a indiqué qu'en conséquence son groupe s'opposerait à ce projet.
M. Guy Fischer a estimé que les amendements du rapporteur portaient sur des points de détail et ne traitaient pas les vrais problèmes soulevés par ce projet de loi. Tout en partageant l'objectif d'une meilleure prise en charge de la dépendance, il a estimé que ce projet de loi remettait en cause le pacte de solidarité et la durée du travail dans notre pays. Il s'est inquiété des encouragements donnés aux assurances privées, prélude à une privatisation de la sécurité sociale. Il a déploré que le débat sur la création d'une cinquième branche de sécurité sociale soit esquivé et que le texte ne prévoie aucun dispositif pour réduire les inégalités entre départements. Il a annoncé que son groupe s'opposerait à l'adoption de ce projet de loi.
M. Alain Vasselle s'est réjoui que les partenaires sociaux puissent fixer à leur gré la date de la journée de solidarité.
M. Alain Gournac a également approuvé la souplesse offerte aux partenaires sociaux et s'est déclaré très satisfait du message de solidarité adressé à nos aînés par ce projet de loi. Il a souhaité que la prise en charge de la dépendance soit assurée au plus près des usagers.
M. Michel Esneu s'est félicité que la concertation ait permis d'introduire les souplesses nécessaires dans le texte et a estimé que les valeurs de générosité et de fraternité devaient être remises à l'honneur.
M. Bernard Cazeau est revenu sur le manque de cohérence entre les différents projets du Gouvernement. Il a indiqué que le projet ne garantissait pas que les recettes permettraient de faire face à l'augmentation future des besoins et il a estimé qu'on ne pouvait dissocier le cas des personnes âgées dépendantes de celui des personnes handicapées.
M. Claude Domeizel s'est étonné que le rapport ne mentionne pas l'opposition unanime des instances consultées à ce projet de loi. Il s'est inquiété des difficultés de financement des travaux à mener dans les maisons de retraite et a estimé que la compensation accordée aux collectivités territoriales devait prendre en compte d'autres sujétions que la seule création de fichiers.
Mme Annick Bocandé a demandé si la totalité des recettes prélevées en application de ce projet iraient à la Caisse nationale de solidarité et comment elles seraient réparties.
M. André Lardeux, rapporteur , a répondu que la totalité des recettes seraient bien affectées à la Caisse et que l'article 10 du projet de loi définissait les conditions de répartition des crédits. Il a jugé excessives les critiques adressées à ce projet de loi, qui constitue une réponse pragmatique à la nécessité de trouver de nouvelles ressources pour faire face à la dépendance, en mettant aussi à contribution les revenus du capital. Il a précisé qu'il souhaitait une compensation de l'ensemble des dépenses résultant pour les collectivités locales de la mise en place des plans de veille. Il s'est réjoui des garanties de souplesse et de proximité apportées par le texte et a souhaité que des incitations soient créées pour encourager les Français à s'assurer contre le risque de dépendance.
A l'issue de ce débat, la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi et des amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte destiné à la protection des personnes âgées et des personnes handicapées), la commission a adopté un amendement excluant les « personnes particulièrement vulnérables » des populations concernées par le plan d'urgence, en raison de l'imprécision du public visé. Elle a aussi supprimé l'obligation d'assurer un contact périodique avec les personnes âgées et handicapées isolées à leur domicile, cette disposition apparaissant difficile à appliquer. Elle a également adopté un amendement de clarification juridique.
A l'article 2 (création d'une journée de solidarité), la commission a adopté un amendement simplifiant les conditions dans lesquelles les salariés à temps partiel peuvent effectuer leur journée de solidarité.
A l'article 3 (application de la journée de solidarité au secteur agricole), elle a adopté un amendement de coordination.
A l'article 4 (adaptation des stipulations conventionnelles relatives au lundi de Pentecôte), elle a adopté un amendement précisant les cas dans lesquels les stipulations relatives au lundi de Pentecôte ou aux autres jours chômés deviennent inopposables.
La commission a adopté sans modification l'article 5 (adaptation des clauses conventionnelles et des stipulations contractuelles à la modification de la durée du travail liée à la création de la journée de solidarité).
A l'article 6 (application de la journée de solidarité dans les fonctions publiques), elle a adopté un amendement précisant les conditions de fixation de la journée de solidarité dans les établissements d'enseignement ne relevant pas du ministère de l'éducation nationale et indiquant que la journée de solidarité n'est pas une journée d'enseignement supposant la présence des élèves.
A l'article 7 A (rapport au Parlement sur l'évaluation de l'allocation personnalisée à l'autonomie), elle a adopté un amendement modifiant la date de remise du prochain rapport.
A l'article 7 (création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées), elle a adopté un amendement précisant que le financement de la prestation de compensation ne serait assuré que dans la limite des fonds disponibles.
A l'article 7 bis (statut de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), la commission a adopté un amendement instituant un contrôle parlementaire de la Caisse, comparable à celui effectué dans le cadre du contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
A l'article 7 ter (organes et missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), elle a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 8 (produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), elle a adopté un amendement précisant que les recettes de la Caisse seraient aussi composées des crédits non consommés de l'année précédente.
A l'article 9 (charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour l'année 2004), la commission a adopté un amendement garantissant le caractère pérenne des règles définies par le présent projet de loi pour la répartition du concours financier versé par la Caisse aux départements, ainsi qu'un amendement de coordination.
A l'article 10 (charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à compter de 2005), elle a adopté un amendement précisant que les reports de crédits d'une année à l'autre seraient effectués section par section.
A l'article 11 (dispositions transitoires liées à la disparition du fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie), elle a adopté un amendement de coordination.
Après l'article 11 , elle a adopté un amendement créant un article additionnel indiquant que les charges supplémentaires résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi seraient compensées dans des conditions prévues par la loi de finances pour 2005.
Avant l'article 12 , elle a inséré une division additionnelle relative à l'assurance du risque dépendance composée de quatre articles additionnels : le premier institue une réduction d'impôt sur le revenu pour les primes d'assurance dépendance perçues par les assurés devenus dépendants ; le deuxième crée une déduction de l'assiette du revenu imposable pour les cotisations acquittées dans le cadre de contrats individuels d'assurance dépendance ; le troisième introduit cette même déduction pour les personnes ayant souscrit ces contrats au bénéfice des ascendants directs ; le quatrième vise à exclure de l'assiette des cotisations sociales patronales les contributions afférentes au financement des prestations dépendance.
La commission a enfin adopté l'article 12 (modalités d'entrée en vigueur de la loi) sans modification.
La commission a adopté le projet de loi ainsi amendé .