ANNEXE DU PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT ET MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DE SÉCURITE CIVILE
PRÉAMBULE
La protection des populations compte parmi les missions essentielles des pouvoirs publics.
L'exercice de cette responsabilité implique toutefois bien d'autres acteurs dont la diversité est devenue une caractéristique de la sécurité civile. Cette diversité est nécessaire pour faire face à la pluralité des risques pesant sur la population d'une société moderne : conséquences plus lourdes des phénomènes naturels, vulnérabilité aux risques technologiques et aux effets de la malveillance, besoin de prise en charge publique liée [ mot substitué par l'Assemblée nationale : « lié »] à la moindre efficacité des solidarités familiales et de voisinage.
Les menaces terroristes ajoutent un élément essentiel dans la prévention des risques. Les services de secours peuvent être amenés à intervenir sur les conséquences d'actes terroristes. La participation de ces services au dispositif d'ensemble de la sécurité intérieure constitue une évolution marquante de la période récente.
La sécurité civile est l'affaire de tous. Tout citoyen y concourt par son comportement. Une véritable culture de la préparation au risque et à la menace doit être développée.
La présentation d'un projet de loi sur la sécurité civile fournit aujourd'hui l'occasion de définir les orientations qu'il faut imprimer à la conduite de la mission de protection et de secours pour qu'elle réponde aux crises nouvelles et aux attentes de la population, au-delà des dispositions normatives destinées à améliorer le fonctionnement des services et la situation de leurs personnels.
Ces orientations présentent deux caractéristiques :
-- elles sont volontaristes, traduisant l'impératif de mobiliser les énergies et les moyens pour obtenir des progrès mesurables dans l'action face aux conséquences des risques de défense et de sécurité civiles ;
-- elles imposent une coordination dépassant les frontières habituelles des services, de leurs attributions et de leurs prérogatives, pour mieux les faire travailler ensemble.
On peut les regrouper sous les trois axes suivants :
-- s'attaquer résolument aux risques, en les anticipant davantage (I. -- Connaître, prévoir et se préparer),
-- refonder la « protection des populations » (II. -- Affirmer la place du citoyen au coeur de la sécurité civile),
-- mobiliser tous les moyens, en encourageant les solidarités (III. -- Organiser la réponse aux événements).
I. -- S'ATTAQUER RÉSOLUMENT AUX RISQUES (Connaître, prévoir et se préparer)
Il faut aujourd'hui appréhender toute la réalité du danger : anticiper les crises, prendre de vitesse les catastrophes, travailler sur chaque risque de défense et de sécurité civiles, en combinant le souci de la prévention et celui de l'intervention.
Dans cette perspective, s'attaquer aux risques, c'est :
-- synthétiser l'état des connaissances sur les risques dans une démarche pour la première fois réellement pluridisciplinaire, allant de l'analyse scientifique des phénomènes à l'organisation des secours ;
-- repenser la planification opérationnelle ;
-- élargir la pratique des exercices à des entraînements en vraie grandeur.
I. -- 1. Le recensement actualisé des risques
Le constat est fréquemment fait que les travaux scientifiques portant sur les risques naturels et technologiques sont utiles mais demeurent le fait de spécialistes, sans que des conséquences pratiques en soient systématiquement tirées. De même, les catastrophes donnent lieu, le plus souvent, à des analyses approfondies et à des retours d'expériences, mais sans beaucoup d'échanges pluridisciplinaires.
Traiter ensemble ces différents aspects doit permettre de mieux couvrir chaque risque en s'adaptant à sa réalité. Il s'agit d'aborder de façon cohérente :
-- la connaissance du phénomène et de ses conséquences, afin d'améliorer la description des scénarios, l'analyse des causes, les outils de prévision, ainsi que les possibilités de prévention ou d'atténuation des effets ;
-- l'organisation juridique des responsabilités :
-- si l'aspect opérationnel du traitement des crises paraît clair et connu des autorités et de la population, il n'en va pas de même du traitement des risques en amont. Le champ en est très vaste, les responsabilités y sont souvent imbriquées, les règles de droit complexes et mal connues. Des clarifications sont nécessaires.
-- la préparation de la population et des secours (aspect opérationnel).
Cette démarche doit être conduite au niveau national et au niveau départemental.
Auprès du ministre de l'intérieur, un Conseil national de la sécurité civile sera le lieu permettant de vérifier l'état de la préparation aux risques de toute nature.
Sans concurrencer les travaux des organismes déjà impliqués dans la prévention ou la prévision, il valorisera leurs compétences ainsi que celles des ministères en charge des différents risques, en favorisant la convergence des données de la recherche et des retours d'expérience. Au-delà de la simple connaissance, il s'assurera de la mise en commun de leurs ressources au service de la planification, de la préparation et de la conduite opérationnelle. Il établira une typologie des risques et des menaces et analysera leurs conséquences et les modalités de gestion des crises qui s'y rapportent.
Présidé par le ministre chargé de la sécurité civile, le conseil rassemblera en collèges les principales administrations concernées, les grands opérateurs de services publics, les organismes de recherche et d'expertise les plus directement impliqués et, bien entendu, les élus et les acteurs du secours [ mots insérés par l'Assemblée nationale : « , notamment la Croix-Rouge française et la Fédération nationale de protection civile »]. Il rendra compte de son action au Gouvernement, lors de son assemblée plénière au cours de laquelle les missions qui lui auront été confiées feront l'objet d'un rapport public.
Cette démarche trouvera son prolongement au niveau local dans le conseil départemental de sécurité civile, placé auprès du préfet, qui sera doté d'une compétence générale dans le domaine de la protection des populations. Tout comme le conseil national, il mobilisera la compétence des organismes impliqués dans la prévention, la prévision et les secours (représentants des élus locaux, des organisations professionnelles, des services de l'État et [ mot substitué par l'Assemblée nationale : « , »], des services publics [ mots insérés par l'Assemblée nationale : « et des associations »], etc.) et contribuera à la convergence de leur expérience et de leur action.
Pour mener ces analyses, qui exigent à la fois une approche scientifique et une connaissance approfondie du fonctionnement des services publics, le Gouvernement aura recours de façon plus fréquente aux avis conjoints des inspections générales concernées (IGA, CGPC, CGM, CGGREF, IGE, IGAS).
Enfin, cet effort doit être prolongé et la « veille » scientifique et administrative organisée et maintenue, assurant un continuum avec le dispositif de protection des populations. Pour chaque risque, un ministère sera désigné comme « chef de file » (avec indication de la direction centrale responsable), pour assurer en permanence la mise à jour de l'analyse scientifique, et les recommandations d'adaptation des dispositifs de prévention, de prévision et de pré-alerte. Il se tiendra en relation avec la direction de la défense et de la sécurité civiles (DDSC), qui mobilisera ses correspondants en cas de crise (cf. II).
I. -- 2. La rénovation de la planification opérationnelle
La refonte de la planification opérationnelle constitue une réforme de grande ampleur. Aujourd'hui, en effet, les plans d'urgence et de secours sont nombreux (plus d'une vingtaine dans chaque département) et, par conséquent, souvent tenus de façon incomplète, voire laissés en déshérence.
Face à cette situation, la planification doit être simplifiée sans perdre sa pertinence et de façon à pouvoir être effectivement tenue à jour et adaptée aux technologies modernes. Cette réforme est l'occasion de repenser le système de planification.
Le plan ORSEC s'articulera désormais autour d'une organisation de gestion de crise commune et simplifiée, assortie d'un recensement des risques. L'organisation des secours se composera des dispositions générales et modulables de gestion de crise applicables en toutes circonstances (« tronc commun » ORSEC) et des dispositions spécifiques propres à certains risques préalablement identifiés, complétant les dispositions générales (les plans de secours spécialisés, les plans particuliers d'intervention, le plan rouge...). Le recensement des risques a pour objectif la réalisation d'un répertoire des risques, reconnu par tous les acteurs concernés et leur permettant de partager une approche commune. Il garantira la cohérence avec la politique de prévention.
Au-delà de cette nouvelle architecture, c'est la conception même des plans, de leur élaboration et de leur mise à jour, qui doit évoluer.
La logique des plans évoluera du simple recensement des responsables et des ressources vers une planification des scénarios, centrée sur la définition des actions correspondant à chaque situation et fournissant aux responsables des éléments précis, renvoyant à des procédures connues et testées, pour construire les dispositifs de gestion de crise (les plans iront, par exemple, jusqu'à la préparation de messages de communication de crise).
Chaque acteur concerné (grands services publics, collectivités [ mot substitué par l'Assemblée nationale : « territoriales »] , etc.) sera associé à la préparation de ces dispositions et aura la charge de prévoir en conséquence son organisation propre : plans spécifiques des opérateurs de télécommunications, plans blancs des établissements hospitaliers, par exemple, et plan de sauvegarde pour les communes (cf. III sur cet aspect).
La réalisation de cette nouvelle planification, dans un délai compatible avec les enjeux, qui peut être estimé à trois ans, repose sur une mobilisation de l'État, et notamment des préfectures, par ailleurs chargées du fonctionnement des états-majors de crise.
L'action sera conduite sous l'impulsion des préfets de zone de défense. Ils contrôleront la réalisation des plans ORSEC départementaux et auront la charge d'arrêter le plan ORSEC de zone. Ils s'assureront de la cohérence avec les plans ORSEC maritimes élaborés par les préfets maritimes. Ce dispositif zonal est destiné à couvrir les situations de catastrophes touchant plusieurs départements ou pour lesquelles des moyens spécifiques doivent être déployés.
I. -- 3. Le passage de l'exercice à l'entraînement
Le réalisme et la pertinence des plans devront être testés en impliquant non seulement les autorités publiques et les services de secours, mais aussi la population. Il faut bâtir une véritable politique d'exercices, variés et réalistes.
Au cours des prochaines années, les exercices de sécurité et de défense civiles ne se limiteront pas à des essais des systèmes de transmissions et à la formation des états-majors, mais devront être joués [ mot substitué par l'Assemblée nationale : « effectués »] aussi souvent que nécessaire en grandeur réelle, en y associant directement le public. A brève échéance, il convient de s'astreindre à un exercice en vraie grandeur au moins par département chaque année.
Les nouveaux exercices seront menés à trois niveaux : cadres et états-majors, acteurs multiples des crises, population elle-même. L'entraînement des « gestionnaires de la crise » sera développé à l'échelon local au-delà des seuls services de secours. La programmation pluriannuelle des exercices, sur les priorités ressortant de l'analyse des risques, assurera une démarche cohérente de préparation à la crise. On y intégrera l'entraînement à une réponse rapide aux attentes du public et des médias déjà pratiqué dans certains exercices de sécurité civile, la communication des pouvoirs publics apparaissant en effet essentielle pour la maîtrise de la crise. Les exercices feront l'objet d'un suivi par des évaluateurs indépendants, dotés d'instruments objectifs de nature à garantir la fiabilité des enseignements.
L'examen des réactions et des attentes du corps social, manifestées notamment à la suite des dernières catastrophes naturelles et technologiques, a favorisé un certain développement de la culture du retour d'expérience utile au perfectionnement permanent des dispositifs conçus pour faire face aux risques.
Cette pratique dorénavant mieux diffusée doit être améliorée par le partage des travaux et la désignation de l'autorité chargée de veiller à leur approche pluridisciplinaire, et de veiller à la diffusion des conclusions à la fois aux services pour améliorer leurs procédures, et au public dans un souci de transparence et d'information de la population.