2. Le coût prévisionnel de l'élargissement en 2007-2013
Le chiffrage de l'impact financier de l'élargissement pour l'après 2006 est encore très aléatoire , du fait des probables changements de périmètre avec l'adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie 37 ( * ) , comme des incertitudes pesant sur les perspectives financières globales, dont les négociations ne font que débuter (cf. infra ). Il est néanmoins certain que ce coût sera nettement plus élevé que l'actuel.
Les estimations conduites par M. Maxime Lefebvre pour le Centre d'études européennes de Strasbourg (CEES) et l'Institut français des relations internationales (IFRI) dans leur rapport conjoint publié en août 2004 38 ( * ) , fondées sur la proposition de la Commission européenne de cadrage financier pour la période 2007-2013, font apparaître un coût net prévisionnel de l'élargissement de 31,4 milliards d'euros en 2013 (en intégrant l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie) , aux prix de 2004, soit plus de 75 euros par habitant et par an pour les 15 anciens Etats membres, cinq fois plus que sur la période 2004-2006 .
D'après Nicolas-Jean Bréhon 39 ( * ) , « les dépenses liées (soit le coût brut) à l'élargissement peuvent être évaluées entre 29 et 44 milliards d'euros par an entre 2007 et 2013, soit 257 milliards en sept ans . A partir de 2010, les nouveaux Etats membres absorberont plus de la moitié des dépenses de cohésion et plus du quart du budget communautaire. (...) Avec les règles actuelles de financement (la France apportant environ 17 % du budget et 30 % de la correction britannique (...)), la France supporterait un peu moins de 20 % de ce coût, soit 6 milliards d'euros, ou encore 100 euros par habitant et par an ».
Chiffrage du coût d'une éventuelle adhésion turque
Depuis le Conseil européen d'Helsinki de 1999, la Turquie bénéficie du statut de candidat et est donc intégrée au programme budgétaire de préadhésion (instrument PHARE). Les crédits d'engagement octroyés demeurent modestes : 149 millions d'euros en 2003 et 242 millions d'euros en 2004.
Dans l'hypothèse de l'ouverture de négociations, il est vraisemblable que l'adhésion ne pourrait intervenir avant 2014-2015 au plus tôt, compte tenu de la nécessité de « digérer » préalablement l'élargissement à 25, puis à 27 ou 28 Etats membres, et de l'ampleur du défi que constituerait l'adhésion d'un pays qui serait le plus peuplé de l'Union (70 millions d'habitants aujourd'hui, dont 7 millions d'agriculteurs, mais 100 millions à l'horizon 2040) mais dont le PIB par habitant serait quatre fois inférieur à celui de l'Union à 25. A moyen terme, c'est-à-dire à compter des prochaines perspectives financières, le montant des aides de préadhésion serait sans doute substantiellement accru.
A plus long terme et à cadre réglementaire inchangé, la Turquie atteindrait certainement le plafond de 4 % du PIB fixé pour les aides régionales, soit 22,5 milliards d'euros. Après une montée en puissance progressive, l'adhésion turque pourrait donc conduire à des dépenses supplémentaires annuelles comprises entre 20 et 25 milliards d'euros, et 28 milliards d'euros en 2025, soit près du tiers du budget actuel.
C'est donc peu dire que l'adhésion de la Turquie constituerait un choc budgétaire majeur , qui impliquerait une nouvelle et profonde redéfinition des politiques et de l'envergure du budget communautaire.
Source : « jaune » annexé au PLF 2005
* 37 L'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie est acquise : ces deux Etats ont entamé leurs négociations d'adhésion début 2000 et ont vocation à intégrer l'UE en 2007, suivant le calendrier précisé au Conseil européen de décembre 2003 et rappelé par la Commission européenne le 6 octobre. Pour ces deux pays, l'objectif est de signer le traité d'adhésion dès 2005. Une clause pourrait néanmoins autoriser la Commission à reporter d'un an l'adhésion, si des difficultés sérieuses survenaient dans les préparatifs.
La Croatie a déposé une demande d'adhésion en février 2003, et le Conseil européen lui a formellement reconnu le statut de pays candidat en juin 2004. L'ouverture des négociations d'adhésion pourrait intervenir début 2005, mais la Commission a d'ores et déjà élaboré une stratégie budgétaire de préadhésion en bonne et due forme, impliquant notamment le transfert des crédits versés à la Croatie de la rubrique « actions extérieures » vers la rubrique « préadhésion ». La Croatie espère intégrer l'UE à la même date que la Roumanie et la Bulgarie, soit en 2007.
Le Conseil européen a également réaffirmé constamment, depuis juin 2000, la vocation à intégrer l'Union de l'ensemble des Etats des Balkans occidentaux.
* 38 « Quel budget européen à l'horizon 2013 ? Moyens et politiques d'une Union élargie ».
* 39 In Le Monde Economie du 29 septembre 2004 : « Coût de l'élargissement, les vrais chiffres ».