C. LES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES

En premier lieu, la Cour des comptes s'inquiète des difficultés prévisibles d'évaluation de l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ n° 2002-1138 du 9 septembre 2002) : « à l'évidence, la relation entre la LOPJ et les lois de finances n'a pas été clairement définie, ce qui rendra le bilan de la première particulièrement difficile à réaliser, voire artificiel ». En effet, selon l'article 2 (3 ème alinéa) de la LOPJ, « les crédits prévus par la présente loi s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens d'engagement et de paiement ouverts par la loi de finances initiale pour 2002 et à ceux nécessaires pour faire face aux conséquences, sur le coût des rémunérations, des mesures générales d'augmentation et des ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels ». Cette rédaction ouvre le champ à des discussions récurrentes entre le ministère de la justice et celui du budget sur l'imputabilité ou non à la LOPJ des mesures prises, relève la Cour des comptes qui, ajoute que « le surcroît de moyens accordés laisse entendre que les seules mesures nouvelles allouées au ministère doivent s'inscrire dans le cadre de la LOPJ ; la conséquence est que les mesures décidées par le garde des sceaux sont considérées comme se rattachant à la loi, alors que rien ne justifie directement cette interprétation ».

De plus, les résultats de gestion de l'exercice 2003 font apparaître ou confirment trois domaines de dépenses augmentant rapidement et qui tendent à peser lourdement sur le budget du ministère :

- les frais de justice (expertises, consignations, écoutes téléphoniques, etc.) augmentent de 30 % en deux ans (de 2001 à 2003) 2 ( * ) et restent difficiles à évaluer et surtout à gérer de manière maîtrisée. Les frais d'enquêtes criminelles, notamment, ne semblent ni gérés efficacement ni même prévus de manière précise. Les efforts de la chancellerie pour maîtriser ce type de dépenses (procédures de commandes groupées, par exemple) devront être très sérieusement renforcés, puisque ces crédits, engagés sur la base des demandes des magistrats « donneurs d'ordre », perdront, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), leur caractère évaluatif. Ils seront globalisés au sein d'une enveloppe fermée accordée à chaque juridiction (crédits limitatifs), ce qui devrait ralentir leur progression ;

- le contrôle des budgets du secteur privé habilité ou conventionné de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n'est pas assuré, malgré les efforts accomplis depuis la publication en juillet 2003 d'un rapport public particulier de la Cour des comptes la concernant. Les dépenses se sont en effet accrues de 20 % entre 2000 et 2003 . La Cour des comptes s'interroge à nouveau « sur les capacités des services de la PJJ pour assurer la tutelle de budgets souvent gérés par des associations » ;

- l'amélioration des conditions d'attribution de l'aide juridique et la revalorisation de la rémunération des auxiliaires de justice ont débouché sur un accroissement des dépenses de 44 % en trois ans ( dont 23 % de 2002 à 2003 ), évolution qui devrait se poursuivre dans les années à venir.

En outre, les résultats de la gestion font apparaître un certain nombre de difficultés pour répondre aux besoins considérables d'investissements, transcrits en dotations d'autorisations de programme en forte hausse. Seulement un tiers des dotations disponibles a été utilisé en 2003. La nouvelle agence de maîtrise d'ouvrage de travaux du ministère de la justice (AMOTJ), créée par un décret n° 2001-798 du 31 août 2001, doit encore trouver son rythme de fonctionnement, particulièrement sur les opérations concernant l'administration pénitentiaire. Enfin, la Cour des comptes pointe « la difficulté rencontrée par le ministère à évaluer le coût final de ses opérations ». Pour illustration, la Cour des comptes évoque l'évaluation du coût final estimé du projet de rénovation des cinq grandes prisons, qui a fait l'objet d'une augmentation de 25 % par rapport à mars 2002 et dont les dates lointaines de livraison (2012 pour les Baumettes et Fleury Mérogis, non fixées pour les autres) « laissent craindre une nouvelle dérive ».

* 2 La progression s'est aggravée depuis : elle a dépassé 40 % de 2002 à 2004.

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