EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 février 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission des finances a procédé à l' examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur le projet de loi n° 84 (2004-2005) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de son altesse sérénissime le prince de Monaco , signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué au préalable que les huit projets de loi soumis à la commission avaient tous pour but, en application de l'article 53 de la Constitution, d'autoriser l'approbation de conventions fiscales signées par le gouvernement français. Il a noté que quatre de ces projets de loi proposaient d'autoriser l'approbation de conventions fiscales nouvelles, permettant ainsi de compléter un réseau de conventions bilatérales déjà dense. Il a précisé que ces accords, selon la formule consacrée, visaient à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et qu'il s'agissait de :
- l'accord signé avec la République d'Albanie le 24 décembre 2002, qui avait fait l'objet d'une approbation du Parlement albanais en mai 2003 ;
- l'accord signé avec la République d'Azerbaïdjan le 20 décembre 2001 et ratifié par le Parlement azerbaïdjanais le 19 février 2002 ;
- l'accord signé avec la République de Croatie le 19 juin 2003 ;
- et enfin, l'accord avec la République Tchèque, signé le 28 avril 2003, approuvé par le Parlement tchèque en mars 2004.
Il a observé que trois autres projets de loi proposaient, par ailleurs, l'approbation d'avenants, le premier à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, le deuxième à la convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de son altesse sérénissime le prince de Monaco, signée à Paris le 18 mai 1963 et modifiée par l'avenant du 25 juin 1969, et le troisième enfin, très spécifique, rendu nécessaire par la fusion entre Air France et KLM, avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Il a indiqué, enfin, qu'un projet de loi autorisait l'approbation d'une convention fiscale multilatérale, en l'occurrence la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, élaborée conjointement par le Conseil de l'Europe et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a présenté succinctement les conventions fiscales nouvelles faisant l'objet des quatre premiers projets de loi, ainsi que le projet de loi relatif à l'avenant à l'entente fiscale France-Québec, précisant que ces textes appelaient peu de commentaires sur un plan technique. Il a souligné que les conventions conclues avec l'Albanie, l'Azerbaïdjan, la Croatie et la République Tchèque s'inspiraient très largement du modèle de la convention OCDE et comportaient les aménagements habituellement conclus par la France, des précisions ayant été introduites concernant les revenus mobiliers, les plus-values de cession de parts, d'actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, la non-discrimination afin que les conventions ne fassent pas obstacle à l'application de la législation fiscale en la matière. Il a fait remarquer, en outre, que les textes des conventions conclues avec l'Albanie et la Croatie étaient assez proches des conventions fiscales conclues par la France avec les autres pays de la région, tels que la Macédoine ou la Slovénie. Il a montré que si la convention avec l'Albanie venait combler un réel vide juridique, puisqu'aucune convention fiscale n'avait jamais été conclue avec ce pays, les autres venaient tirer les conséquences de la disparition de la Tchécoslovaquie, de l'URSS et de la Yougoslavie, l'Azerbaïdjan, la Croatie et la République Tchèque ayant marqué, en effet, leur préférence pour une nouvelle convention fiscale, en quelque sorte « au goût du jour », plutôt que pour le maintien des conventions établies par des Etats aujourd'hui disparus.
S'agissant plus particulièrement de la République Tchèque, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué que les autorités tchèques avaient souhaité obtenir un rééquilibrage du texte de 1973, qui leur apparaissait exagérément favorable aux intérêts français. Il a noté, néanmoins, que, selon le ministère des affaires étrangères, certaines nouvelles stipulations étaient plus favorables aux investissements français que celles contenues dans le traité précédent, citant par exemple la suppression de la retenue à la source, prévue par l'article 10 en ce qui concernait les dividendes provenant de participations supérieures à 25 %, qui aurait pour effet de ne plus conduire la France à imputer sur l'impôt sur les sociétés l'impôt prélevé à ce titre par la République tchèque, comme tel était le cas auparavant dans le cadre de la convention franco-tchécoslovaque.
En ce qui concernait l'avenant signé, à Paris, le 3 septembre 2002, à l'entente fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, datant du 1er septembre 1987, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a fait remarquer, au préalable, la particularité de cet accord, qui était le seul accord fiscal conclu par la France avec une subdivision politique d'un Etat, la convention fiscale franco-canadienne tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975, stipulant en effet, dans son article 29, que « la France et les provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation fiscale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions de la présente Convention ». La convention fiscale franco-canadienne ayant fait l'objet d'un avenant, en date du 30 novembre 1995, il a indiqué que l'avenant à l'entente fiscale entre la France et le Québec reprenait, dans un souci d'harmonisation, les modifications apportées à la convention franco-canadienne.
Il a noté que ces modifications étaient multiples, conformes pour l'essentiel au modèle de l'OCDE, la principale d'entre elles consistant à étendre les impôts couverts par l'entente fiscale, en ce qui concernait la France, à la taxe sur les salaires, à l'impôt de solidarité sur la fortune et, pour l'application de certains articles, aux droits de mutation à titre gratuit, ce dernier ajout permettant de prévoir un dispositif d'élimination de la double imposition des successions, suite à la suppression, par le Canada et ses provinces, des droits de mutation à titre gratuit et de leur remplacement par une taxation sur les plus-values latentes au jour du décès.
Présentant l'avenant à la convention fiscale du 18 mai 1963 avec Monaco, il a montré que le texte s'inscrivait dans un cadre plus large de modernisation des relations entre la France et la Principauté, un nouveau traité d'amitié et de coopération ayant été en effet signé le 24 octobre 2002 à la demande des autorités monégasques. En ce qui concernait le dispositif, il a précisé que l'article premier de l'avenant visait à corriger les évolutions anormales dans la déduction des rémunérations des dirigeants de l'assiette de l'impôt monégasque sur les bénéfices, l'article 2 permettant d'assujettir à l'impôt de solidarité sur la fortune les résidents français installés à Monaco depuis 1989. Il a fait observer que cette imposition s'appliquait depuis le 1 er janvier 2002 et concernait environ deux cents contribuables, soit une base taxable de plus de 800 millions d'euros. Il a donc considéré que, s'agissant des personnes physiques, l'avenant poursuivait la logique initiale, visant à assimiler les citoyens français résidant à Monaco à des contribuables français classiques, ceci expliquant peut-être la décroissance du nombre de Français résidant à Monaco, revenus de 15.222 à 9.454 immatriculés de 1984 à 2002.
Il a ajouté que l'avenant était, par ailleurs, complété par un échange de lettres, qui contenait des dispositions, très attendues par la France, en matière de partage des recettes de taxe sur la valeur ajoutée. Il a expliqué que la convention fiscale du 18 mai 1963 prévoyait, en effet, un partage du produit total des perceptions opérées sur le territoire des deux Etats dans un sens peu favorable à la France, d'où la nécessité d'un rééquilibrage.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a indiqué en ce qui concernait l'avenant à la convention fiscale avec les Pays-Bas du 7 avril 2004 que celui-ci tendait à prendre en compte l'accord intervenu entre Air France et KLM, les négociations sur la fusion entre les deux compagnies aériennes nationales, afin de constituer le premier opérateur européen ayant, en effet, inclus un volet fiscal. Il a précisé que le Gouvernement néerlandais tenait à obtenir la garantie que les opérations de restructuration auxquelles donnerait lieu la constitution d'un groupe combiné ne remettraient pas en cause leur droit d'imposer les résultats actuels et futurs de KLM, même si cette société devait être absorbée, à terme, par Air France. Il a expliqué que la France avait accepté, dès lors, de modifier les règles conventionnelles en ce sens et que tel était précisément l'objet de l'avenant précité, qui ne modifiait pas la convention elle-même, mais insérait dans le protocole annexé une stipulation destinée à régler le cas particulier du rapprochement Air France - KLM. Il a montré que le paragraphe 1 de l'avenant posait ainsi le principe du droit exclusif des Pays-Bas d'imposer les revenus, gains en capital et fortune rattachables à l'activité de transport aérien de l'actuelle société KLM, quel que soit le lieu où se trouvait le siège de direction effective de celle-ci.
Enfin, en ce qui concernait la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe et des pays membres de l'OCDE, signée par la France le 17 septembre 2003, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a signalé que ce nouvel instrument juridique et fiscal était utile du point de vue français pour trois raisons majeures. Il a noté premièrement que la convention compléterait le réseau de conventions fiscales bilatérales conclues par la France, permettant par exemple d'élargir l'échange de renseignements à d'autres impôts que ceux couverts par les conventions fiscales ou les directives européennes, impôts locaux, droits d'enregistrement, contributions indirectes, TVA et taxes diverses perçues au profit de l'Etat, et d'uniformiser la pratique des pays signataires en matière d'échange de renseignements. Il a fait valoir, deuxièmement, que cette convention organisait l'assistance au recouvrement, rarement visée par les conventions fiscales bilatérales, la convention prévoyant que l'Etat requis devait procéder au recouvrement de la créance fiscale de l'Etat requérant de la même manière que s'il recouvrait ses propres créances, permettant ainsi de lutter contre l'organisation par les contribuables de leur insolvabilité dans l'Etat qui avait établi les impositions. Il a montré, troisièmement, que la convention, en proposant un ensemble de règles en vue de la notification de documents à l'étranger, venait « mettre de l'ordre » dans une pratique administrative internationale aux frontières mal définies. Il a ajouté que onze pays, y compris la France, avaient à ce jour signé la convention qui constituait un complément utile aux conventions bilatérales.
A l'issue de cette présentation, M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a proposé de demander au Sénat d'adopter les huit projets de loi précités.
Un débat s'est alors engagé.
M. Jean Arthuis, président , a remercié le rapporteur pour la qualité de sa présentation et la précision de sa description des enjeux liés à la fusion entre Air France et KLM et ses conséquences sur la convention fiscale avec les Pays-Bas.
M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est félicité de l'existence d'un accord direct entre la France et le Québec. Il s'est interrogé, par ailleurs, sur la compatibilité avec le droit communautaire de l'avenant à la convention fiscale entre la France et les Pays-Bas concernant KLM, l'imposition des bénéfices devant, en principe, être établie dans le pays du siège de l'entreprise.
M. Jean Arthuis, président , a souligné que cet accord visait à répondre à une préoccupation politique du Gouvernement des Pays-Bas, mais que sa portée pratique était vraisemblablement plus limitée.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur , a confirmé cette analyse, donnant lecture de l'exposé des motifs du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et les Pays-Bas, indiquant qu'afin de tenir compte de la difficulté pratique à déterminer les bénéfices et gains en capital concernés, le texte renvoyait à une consultation ultérieure des parties pour la fixation des modalités de mise en oeuvre du principe de répartition du droit d'imposer prévu en cas de disparition ou de transfert de l'essentiel de l'activité de KLM.
A l'issue de cet échange, la commission a décidé de demander au Sénat d'adopter les huit projets de loi précités, dont le présent projet de loi .