VI. TABLE RONDE « MÉDECINE ET FIN DE VIE »
Professeur Philippe COLOMBAT, hématologue, président du
groupe
de réflexion sur l'accompagnement et les soins palliatifs en
hématologie
et oncologie au CHU de Tours, Professeur Louis
PUYBASSET, responsable de l'unité de neuroréanimation
chirurgicale à l'hôpital de la
Pitié-Salpêtrière, membre du groupe de réflexion
éthique de la société française d'anesthésie
réanimation, Docteur Renée SEBAG-LANOË, ancien chef de
service de gérontologie et soins palliatifs à l'hôpital
Paul Brousse, Professeur Marc VERNY, neurogériatre à
l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Professeur
Jean-Michel ZUCKER, chef de département honoraire de l'Institut Curie
(oncologie
pédiatrique)
(mercredi 16 février 2005)
M. Bernard Seillier, président , a rappelé que l'ensemble des sénateurs ont été conviés à participer à la table ronde qui réunit aujourd'hui le professeur Philippe Colombat, hématologue, président du groupe de réflexion sur l'accompagnement et les soins palliatifs en hématologie et oncologie au CHU de Tours, le professeur Louis Puybasset, responsable de l'unité de neuroréanimation chirurgicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, membre du groupe de réflexion éthique de la société française d'anesthésie réanimation, le docteur Renée Sebag-Lanoë, ancien chef de service de gérontologie et soins palliatifs à l'hôpital Paul Brousse, le professeur Marc Verny, neurogériatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et le professeur Jean-Michel Zucker, chef de département honoraire de l'Institut Curie (oncologie pédiatrique).
M. Gérard Dériot, rapporteur , a présenté trois questions sur lesquelles il souhaite connaître le sentiment des participants. La première est consacrée aux difficultés médicales et éthiques soulevées par la fin de vie des patients ; la deuxième traite des apports de la proposition de loi elle-même ; la dernière concerne la situation des personnes qui, bien que n'étant pas en fin de vie, réclament, au nom de leur dignité, un droit à mourir.
En préambule, M. Philippe Colombat a rappelé sa double qualité de chef de service en hématologie-oncologie, au titre de laquelle il dirige des recherches cliniques et fondamentales, et de praticien engagé dans la démarche des soins palliatifs, notamment en tant que président du groupe de réflexion sur l'accompagnement et les soins palliatifs en hématologie et oncologie. Lors de ses études, il a adhéré à la section tourangelle du mouvement « Jusqu'à la mort, accompagner la vie - JAMALV ». Depuis, il a piloté la conception et la mise en oeuvre d'un projet d'équipe mobile, d'un projet de réseaux de soins palliatifs à domicile, ainsi que la mise en place d'une unité de soins palliatifs à l'horizon 2006.
Il a ensuite affirmé que la fin de vie des patients en cancérologie et en hématologie ne présente pas de spécificités par rapport aux autres disciplines médicales, même si certains symptômes physiques s'avèrent difficiles à contrôler. En hématologie, les pathologies évoluent rapidement, contraignant les praticiens à une adaptation constante des traitements pour conserver aux soins leur caractère proportionné. Il est donc absolument nécessaire d'améliorer la formation des médecins, de leur permettre de recourir à des aides extérieures et de favoriser des mécanismes de prises de décisions sur la base d'une démarche participative respectueuse des préférences des patients et de leurs familles.
M. Philippe Colombat a ensuite déclaré qu'au cours de ses trente années d'exercice, il n'avait été confronté qu'à deux demandes d'euthanasie, chiffre à rapporter aux 500 nouveaux patients par an qu'il doit traiter. La première demande émanait d'un homme en fin de vie qui avait appris, de manière incidente, que sa famille attendait sa mort avec impatience. La deuxième demande avait été formulée par une patiente en proie à une grande souffrance physique, mais qui, accompagnée au moyen d'une sédation et d'un recours à des séances de balnéothérapie, avait finalement fini ses jours paisiblement, non sans avoir auparavant eu par deux fois l'occasion de rentrer chez elle et de se retrouver parmi ses proches.
Puis il s'est félicité de la méthodologie adoptée par la commission de l'Assemblée nationale, présidée par Jean Leonetti, et a approuvé sans réserve le contenu de la proposition de loi qu'elle a élaborée. Celle-ci clarifie les problèmes auxquels sont confrontés les praticiens, et notamment les réanimateurs, dans la prise en charge des patients en fin de vie. Faisant suite aux travaux réalisés par les sociétés savantes qui ont permis l'émergence d'un consensus sur le traitement approprié de la fin de vie, elle met l'accent sur le caractère collégial de la prise de décision médicale et sur le développement des soins palliatifs au-delà de l'hôpital, dans les structures médico-sociales. Seule, la question des personnes lourdement handicapées et qui réclament la mort n'est pas abordée, mais celle-ci relève d'une problématique différente.
M. Philippe Colombat a affirmé, à ce titre, qu'il n'existe pas de consensus pour légiférer en faveur d'une dépénalisation de l'euthanasie. L'introduction d'une exception d'euthanasie, hors les cas de fin de vie, porterait atteinte à des valeurs fondamentales, notamment au respect intangible de la vie, et se heurterait rapidement à la difficulté de définir le handicap pouvant justifier une telle exception : les patients atteints de la maladie d'Alzheimer et d'autres maladies neurodégénératives, ou simplement grabataires, pourraient se trouver ainsi visés. Il a insisté sur le fait que le médecin ne doit pas disposer du droit de tuer.
Il a enfin souligné l'importance des moyens nécessaires pour assurer l'accès de tous à une médecine palliative de qualité et s'est inquiété de la situation matérielle et morale du monde hospitalier, les médecins souffrant notamment d'un sentiment de déconsidération.
En préambule, M. Alain Faye a fait part de son expérience de chirurgien digestif à l'hôpital Poincaré de Garches, où il est régulièrement sollicité pour installer une sonde permettant d'alimenter des patients handicapés, certains étant lourdement atteints, inconscients ou encore frappés du syndrome de « locked-in ».
Il s'est déclaré surpris que l'alimentation ait pu être assimilée à un traitement et, de ce fait, que le patient puisse la refuser. L'alimentation n'est pas consubstantielle à la maladie et constitue un droit fondamental de la personne humaine, comme l'hygiène et le confort. Il s'est inquiété que l'on puisse s'abstenir d'alimenter une personne, même à sa demande, rappelant que le défaut d'alimentation avait constitué l'un des pires supplices dans l'Antiquité ou au Moyen-Âge. Il a considéré que l'augmentation des demandes d'arrêt d'alimentation présentées devant les tribunaux américains est imputable à la pression exercée par des compagnies d'assurance refusant d'acquitter le prix de la survie d'un patient.
M. Alain Faye a également observé que la prise en charge d'un patient place le praticien devant une obligation de moyens, celui-ci ayant pour mission d'en préserver le bien être et la dignité. Il a considéré que le caractère déraisonnable d'un soin, ou encore l'acharnement thérapeutique, n'apparaît manifeste qu'a posteriori.
Il a enfin fait part de ses craintes que les dispositions de la proposition de loi n'entraînent des dérives graves en ne permettant de résoudre qu'un petit nombre de cas.
En préambule, M. Louis Puybasset a rappelé sa qualité de responsable de l'unité de neuroréanimation chirurgicale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et a fait part de ses réflexions sur les dispositions de la proposition de loi, estimant nécessaire de distinguer les différents types de patients, conscients, inconscients ou handicapés.
Il a tout d'abord détaillé la situation du patient conscient qui ne souffre pas d'un handicap majeur. Le refus de l'obstination déraisonnable constitue une garantie, tant pour celui-ci que pour son médecin. La proposition de loi consacre les droits du malade en donnant à celui-ci le dernier mot, hors le cas de l'urgence vitale et sous la réserve qu'il ait reçu l'information nécessaire et mûri sa réflexion. La proposition prévoit, en outre, utilement, l'extension de ces dispositions aux soins palliatifs, tout en maintenant l'interdit de l'injection létale.
M. Louis Puybasset a ensuite exposé le cas du patient conscient, victime d'un handicap majeur et qui, malgré son désir, ne peut se suicider. Le premier devoir du praticien est de constater l'absence de trouble du jugement chez le malade, qui ne saurait, dans cette hypothèse, exprimer une volonté libre et éclairée. Les patients lourdement handicapés, tout en restant parfaitement lucides, relèvent de quelques pathologies énumérables : les syndromes de « locked-in », les tétraplégies très hautes, la maladie de Charcot et certaines formes très avancées de sclérose en plaques. La proposition de loi propose d'arrêter les soins si ces personnes le réclament. Le patient étant maître de son jugement, personne ne doit pouvoir le contraindre à recevoir des soins pour demeurer en vie ou être contraint à s'alimenter. Il a précisé que les autorités de l'église catholique n'ont pas dénoncé l'ouverture d'une telle faculté au profit du malade. Il a également indiqué que, dans l'état américain de l'Oregon, qui ouvre aux patients le droit au suicide assisté ou à l'arrêt de l'alimentation entraînant la mort, ceux-ci préfèrent la seconde solution à la première.
Puis M. Louis Puybasset a présenté le cas des patients inconscients, en réanimation, et présentant un pronostic désespéré. Le médecin, après une analyse neurologique approfondie, peut connaître les séquelles éventuelles dont souffrira le malade. La procédure des directives anticipées permet de connaître la volonté de ce dernier. Il a estimé nécessaire, d'une part, de rechercher si le patient souffrait déjà de la maladie concernée lorsqu'il s'est exprimé et, d'autre part, de ne pas faire peser les décisions d'entreprendre ou de poursuivre les soins sur les membres de la famille.
En conclusion, il a considéré que la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale constitue une voie originale, présentant une synthèse harmonieuse entre la liberté, c'est-à-dire le respect de la volonté des patients, l'égalité - par la recherche de l'homogénéisation des pratiques et des soins - et la fraternité. Elle permet, en outre, de faire entendre en Europe la voix française du point de vue de l'éthique.
En préambule, Mme Renée Sebag-Lanoë a rappelé sa qualité d'ancien chef du service de gérontologie et de soins palliatifs à l'hôpital Paul Brousse. Elle a fait part de sa longue expérience en matière d'accompagnement des patients et des personnes âgées, qui a débuté en 1977 et s'est poursuivie tout au cours des années 1980 et 1990 : elle a notamment participé en 1985 à la commission présidée par Mme Geneviève Laroque, ayant abouti à la rédaction du rapport « soigner et accompagner jusqu'au bout », et à la création d'un enseignement en soins palliatifs. Elle a précisé qu'elle avait quitté ses fonctions de chef de service en 2001.
Elle a ensuite observé que, si les fins de vie sont identiques d'un point de vue médical, chaque patient appelle en lui-même une attention particulière et une réponse personnalisée. Aussi bien est-il nécessaire de prévoir, dans les structures hospitalières, des équipes suffisamment nombreuses, formées et soutenues pour apporter cette réponse.
Mme Renée Sebag-Lanoë s'est ensuite félicitée de l'inscription, dans la loi, du principe du refus de l'obstination déraisonnable, les praticiens qui refusaient l'acharnement thérapeutique ayant eu, par le passé, le sentiment d'avoir transgressé la loi, alors même que ce type d'abstention relève du bon usage des soins. Elle a toutefois souhaité que cette inscription n'aboutisse pas au risque inverse de l'abandon thérapeutique injustifié, souvent craint en gériatrie, qui conduit à proposer au patient des soins de qualité médiocre sous couvert de compassion.
Puis elle a confirmé la nécessité de prévoir, dans la loi, le droit pour le patient de refuser tout ou partie d'un traitement, car on ne peut soigner une personne contre sa volonté. Elle a insisté, en revanche, sur deux préalables à cette prise en compte : le premier est que le patient ait reçu une information dans des termes clairs et compréhensibles, le langage médical devant être parfois traduit ; le second est que le praticien se soit assuré que le malade n'est ni déprimé, ni confus, ni délirant, c'est-à-dire hors d'état d'exprimer un jugement libre et éclairé, ce qui est fréquent chez les vieillards.
Mme Renée Sebag-Lanoë a ensuite observé que l'inscription dans la loi des risques entraînés par les traitements à « double effet » peut apparaître comme un avertissement excessif, la pharmacologie distinguant précisément la dose thérapeutique de la dose toxique. Elle a craint que cette précision ne renforce la prévention qu'ont certains patients à l'encontre des traitements antalgiques qui, pourtant, en les soulageant efficacement, leur permettent de mieux vivre, et parfois plus longtemps.
Puis elle a estimé que la faculté offerte au patient de rédiger des directives anticipées permettrait peut-être de calmer leurs angoisses. Elle a réitéré son sentiment sur l'importance d'assurer une bonne information des personnes sur l'environnement médical de la fin de vie, la connaissance des soins palliatifs par les patients restant souvent imprécise.
En conclusion, Mme Renée Sebag-Lanoë a affirmé que la médecine doit s'efforcer d'assurer le confort des malades en fin de vie, de leur procurer un soutien psychologique et, éventuellement, de traiter leur dépression. Elle doit, en outre, être discrète avec le malade, notamment au moment d'épisodes aigus intercurrents. Elle doit enfin leur envoyer une image moins dévalorisée d'eux-mêmes, la notion de dignité étant intrinsèque à l'être humain, même si elle dépend parfois, dans l'esprit des patients, du regard porté sur eux par les autres.
Après avoir rappelé sa qualité de neurogériatre, M. Marc Verny a souhaité distinguer, dans les problèmes posés par la fin de vie, les patients dont les équipes soignantes ont connaissance et pour lesquelles les décisions ont pu être préparées, de ceux parvenant à l'hôpital en situation d'urgence ou au stade terminal de leur maladie, et dont le relatif anonymat pose des difficultés particulières aux praticiens.
Il a ensuite insisté sur la nécessité de ne pas confondre le respect de la volonté ou le traitement de la souffrance des patients de ceux de leur entourage, faisant valoir que l'intérêt des proches ne coïncide parfois pas avec celui du malade.
Il a ensuite défini ce qu'il considère comme le juste soin, c'est-à-dire celui qui offre au patient le maximum de confort. La définition de ce soin repose sur une balance bénéfice-risque, la prescription devant, dans l'intérêt du malade, comporter plus d'avantages que d'inconvénients. Il a également souligné les complications qu'entraîne parfois l'alimentation artificielle, en termes de surinfection.
Puis M. Marc Verny a cité, pour illustrer les risques que comporte le recours à des directives anticipées, le cas des patients qui indiquent leur intention de se suicider s'ils devaient être atteints de la maladie d'Alzheimer et qui se rétractent lorsque la maladie est déclarée. Il a souligné l'importance de la résilience, c'est-à-dire la capacité du patient à accepter sa maladie ou son handicap, puis à apprendre à les supporter et les surmonter.
En conclusion, il a insisté sur les moyens humains et matériels nécessaires pour assurer à chaque patient une fin de vie digne.
M. Jean-Michel Zucker a tout d'abord déclaré avoir participé au groupe de pédiatres français qui s'étaient intéressés précocement aux soins palliatifs pédiatriques. Il a précisé avoir été auditionné par la mission présidée par M. Jean Leonetti à l'Assemblée nationale et qu'il avait été invité à rédiger un document annexé au rapport remis par Mme Marie de Hennezel, sur l'accompagnement de la fin de vie.
Il a ensuite fait part des spécificités de la prise en charge de la fin de vie chez l'enfant. Celle-ci, bien que peu fréquente, est toujours douloureuse. Aussi, depuis quelques années, l'offre de soins palliatifs pédiatriques s'est organisée, parallèlement aux soins prodigués aux adultes. Elle a consisté à équiper les services de soins pédiatriques dans le souci d'assurer un suivi continu de l'enfant par les équipes soignantes. Il a estimé, par ailleurs, que le développement de lieux d'accueil pour les parents dans les structures pourrait encore progresser.
Puis M. Jean-Michel Zucker a observé que l'enfant fait face à des besoins physiques et intellectuels auxquels les soignants doivent s'adapter, requérant ainsi la mise en place de soins intensifs et imaginatifs. Il a évoqué le livre « L'enfant éternel », écrit par le père d'une enfant malade, M. Philippe Forest, pour qui la dernière année vécue avec sa fille fut d'une grande intensité émotionnelle.
Il a considéré que l'inscription dans la loi du principe du refus de l'obstination déraisonnable valide une évolution des pratiques médicales. En pédiatrie, les praticiens ont longtemps eu tendance à privilégier la réanimation comme ultime soin apporté à l'enfant, mais préfèrent désormais une fin de vie au sein du service hospitalier ou à son domicile.
Il a enfin formulé sa crainte que l'inscription dans la loi du risque des effets secondaires d'un traitement destiné à lutter contre la douleur du patient n'entraîne la réticence de ces derniers et dégrade l'image des soignants. Il a insisté sur l'importance de l'intention avec laquelle est prescrit le traitement, qui doit être dénué de toute volonté de tuer. S'il a admis que certaines pathologies ou handicaps particulièrement invalidants peuvent poser la question de l'exception d'euthanasie, la notion de dignité demeure consubstantielle à l'être humain, comme le souligne le livre de M. Jacques Ricot, consacré à « La philosophie et la fin de vie ».
Mme Isabelle Debré s'est interrogée sur la capacité de la médecine à prédire l'état psychique et physique futur d'une personne à la seule analyse d'une image par résonance magnétique (IRM). Elle a par ailleurs relevé ce qui lui semblait être une contradiction entre l'affirmation de la légitimité de tenir compte des directives anticipées établies par un malade et la constatation que beaucoup de patients en fin de vie sont déprimés.
Mme Renée Sebag-Lanoë a observé que le rôle du médecin est d'écouter le malade, la volonté précédemment exprimée par ce dernier devant demeurer réversible. L'existence de directives anticipées permet, en revanche, aux personnes d'être rassurées devant l'angoisse de se trouver un jour dans l'impossibilité d'exprimer cette volonté.
M. Louis Puybasset a précisé que le recours à une IRM correctement menée permet réellement d'apprécier l'état du patient au cours de la phase aiguë et les conséquences qui en résulteront. Il a regretté l'accès encore trop restrictif des malades à cette technique d'imagerie.
M. François Autain a considéré que la médecine n'est pas une science exacte et comporte nécessairement une part d'incertitude. Il a souligné que tous les intervenants ont dénoncé le manque de moyens dont souffre la médecine hospitalière et s'est interrogé sur la capacité et la volonté de la société à dégager les moyens nécessaires pour faire face au vieillissement. Il a dénoncé le risque de voir s'établir durablement une médecine à plusieurs vitesses qui écarterait les personnes aux revenus modestes des bénéfices des soins les plus modernes. Il a ensuite qualifié de barbare de proposer l'arrêt de l'alimentation en compensation au refus de dépénaliser l'euthanasie. Il s'est enfin interrogé sur l'opportunité d'inscrire les directives anticipées du patient au sein de son dossier médical personnel.
M. Guy Fischer a constaté le consensus sur le fait que le texte de la proposition de loi réponde aux besoins des médecins. Il s'est, en revanche, inquiété du manque de moyens affectés à la médecine et, notamment, aux soins palliatifs dans les quartiers populaires. Il a enfin dénoncé le douloureux transfert de charge morale et matérielle sur les proches d'un patient en fin de vie, dû aux seules lacunes et à la paupérisation du système de soins.
M. Alain Faye a jugé contestables les positions prises par certaines autorités de l'Eglise catholique sur l'arrêt de l'alimentation des patients.
M. Louis Puybasset a insisté sur la nécessité d'affecter les moyens nécessaires au bon fonctionnement des soins palliatifs, faisant valoir qu'en Hollande, la dépénalisation de l'euthanasie avait constitué une solution de facilité, moins onéreuse que le développement d'une médecine palliative de qualité.
M. Gérard Dériot, rapporteur , a observé que les soins palliatifs demeurent une discipline récente et que la loi permettra leur développement. Il a également considéré que les collectivités territoriales, dont les départements, qui ont la charge des maisons de retraite, seront amenées à médicaliser celles-ci progressivement.
M. Philippe Colombat a insisté sur la nécessité d'aboutir à une prise en charge globale satisfaisante du patient, le développement des soins palliatifs nécessitant, par ailleurs, une dynamique et une démarche participatives, en elles-mêmes économes de moyens.
Mme René Sebag-Lanoë a rendu hommage aux bénévoles qui accompagnent et soutiennent les patients, tout en insistant sur la nécessité de ne pas confondre leurs tâches avec celles des soignants. Elle a déploré que la présence des bénévoles soit plus importante en cancérologie qu'en gériatrie. Elle a, par ailleurs, souhaité que la rédaction des directives anticipées soit effectuée avec le médecin traitant et a insisté sur l'importance de la circulation de l'information. Elle a ensuite considéré que la prise en charge d'un patient en fin de vie constitue une sollicitation de tous les instants pour la famille, épuisante lorsqu'elle se prolonge très longtemps, et a souligné, à ce titre, les limites de l'accompagnement à domicile. Elle a enfin observé que des progrès considérables restent à accomplir dans les établissements médico-sociaux.
M. Jean-Michel Zucker a insisté pour que soignants, patients, familles ou médias cessent d'utiliser les termes détestables de « légume » ou de « condamné » pour désigner certains malades, terminologie dépourvue de tout fondement scientifique ou humain.