Rapport n° 161 (2005-2006) de M. Bernard SEILLIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 18 janvier 2006

Disponible au format Acrobat (571 Koctets)

Tableau comparatif au format Acrobat (197 Koctets)

N° 161

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 janvier 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, pour le retour à l ' emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ,

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2668 , 2684 et T.A. 511

Sénat : 118 (2005-2006)

Emploi.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Lors de sa déclaration de politique générale le 8 juin dernier, le Premier ministre s'est engagé à gagner la « bataille pour l'emploi ». Dans cette perspective, le Gouvernement souhaite lever les obstacles qui jalonnent le parcours de retour à l'emploi pour ceux qui en sont le plus éloignés, à commencer par les bénéficiaires de minima sociaux.

Le présent projet de loi a donc pour objectif d'améliorer l'efficacité du principal outil existant en matière d'incitation à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux, à savoir les dispositifs d'intéressement, et de desserrer les contraintes matérielles qui entourent la reprise d'activité.

A cet effet, le texte s'attache à harmoniser et à simplifier les dispositifs d'intéressement, afin de les rendre plus lisibles et donc plus attractifs pour leurs bénéficiaires potentiels. Il transforme le système complexe actuel d'allocations différentielles en un dispositif beaucoup plus compréhensible de primes forfaitaires. Ces primes seront complétées, le quatrième mois d'activité, par une prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros, pour faire face aux frais parfois très importants qu'entraîne le retour à l'emploi. En améliorant la prévisibilité des revenus en cas de reprise d'activité, le Gouvernement table sur un effet psychologique déclencheur pour les bénéficiaires de minima sociaux.

Pour la première fois, le projet de loi tient également compte de l'environnement du retour à l'emploi, en proposant aux bénéficiaires de minima sociaux une réponse concrète à la question de la garde de leurs jeunes enfants. Votre commission salue la prise de conscience que traduit cette disposition, même si elle mesure toute la difficulté de mettre en oeuvre un accueil préférentiel des enfants de bénéficiaires de minima sociaux en crèche, dans un contexte de pénurie de l'offre de garde.

Dans un souci de justice sociale, le projet de loi cherche ensuite à améliorer le dispositif de lutte contre la fraude aux minima sociaux. Celle-ci nuit à la fois à la légitimité de ces prestations pour l'opinion publique et à l'équité de leur attribution. L'Assemblée nationale a rendu sa cohérence au dispositif prévu par le texte initial qui avait été mise à mal par l'absence de coordination entre différents textes en navette. Votre commission ne peut qu'approuver cette initiative.

L'Assemblée nationale a enfin introduit un nouveau titre à ce projet de loi, afin de procéder à de nouvelles adaptations - très ponctuelles - du régime des contrats aidés créés par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.

*

* *

Votre commission soutient de façon générale les réformes proposées par le présent projet de loi. Elle tient cependant à souligner qu'il ne représente que la première étape d'une réforme plus profonde de l'ensemble du système français des minima sociaux : il ne concerne en effet que trois minima sociaux sur les neuf que compte notre système de protection sociale et, surtout, il ne s'attache qu'à la seule question de l'articulation entre minima sociaux et revenus d'activité.

Selon votre commission, une véritable réforme des minima sociaux devrait prendre en compte deux aspects : d'une part, une harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux et la modification de leurs conditions d'attribution en vue de leur mobilisation comme instrument en faveur du retour à l'emploi, d'autre part, la généralisation d'un accompagnement professionnel et social de qualité à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux.

Deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux du groupe travail de votre commission sur les minima sociaux et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par Michel Mercier et Henri de Raincourt, devraient prochainement être déposées sur le bureau du Sénat. L'ambition de votre commission est donc de se saisir à nouveau de ce sujet qu'elle étudie depuis plus de neuf mois à l'occasion de l'examen de ces deux textes, afin de proposer une mise en cohérence globale du système français des minima sociaux.

I. L'AMBITION PRINCIPALE DU PROJET DE LOI : SOUTENIR LE RETOUR À L'EMPLOI DES BÉNÉFICIAIRES DE MINIMA SOCIAUX

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE DES OBSTACLES AU RETOUR À L'EMPLOI DES TITULAIRES DE MINIMA SOCIAUX

1. L'intéressement : un outil d'incitation au retour à l'emploi ancien mais mal exploité

a) L'intéressement est aujourd'hui caractérisé par une pluralité de dispositifs, complexes et peu lisibles

L'intéressement, c'est-à-dire la possibilité de cumuler - de façon temporaire et dans la limite d'un plafond - revenus du travail et allocation, est une forme ancienne d'incitation au retour à l'activité. Dès la création du revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988, le législateur avait prévu un tel mécanisme : il s'agissait d'encourager la reprise d'activité puis, une fois passée une période d'essai - initialement fixée à trois mois et désormais égale à six mois - de retirer progressivement le soutien de l'Etat, l'allocataire étant supposé avoir suffisamment consolidé sa situation professionnelle pour assurer seul les charges de son foyer.

Un dispositif d'intéressement, inspiré de celui applicable aux bénéficiaires du RMI, a également été mis en place pour les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API) par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Mais les modalités du cumul autorisé entre revenus d'activité et allocation ne sont pas identiques pour ces trois prestations :

- dans le cas du RMI et de l'API, l'intéressement s'appuie sur un mécanisme d'abattement sur les revenus d'activité pris en compte pour le calcul de l'allocation différentielle auquel peut prétendre le bénéficiaire : grâce à cet abattement, les personnes qui reprennent un emploi peuvent continuer à percevoir une partie de l'allocation même si le salaire qu'elles reçoivent est supérieur au plafond de ressources ouvrant droit normalement à la prestation. L'allocation différentielle diminue naturellement au fur et à mesure de l'augmentation du salaire perçu ;

- pour l'ASS, le mécanisme retenu est nettement plus complexe en raison de la nature même de cette prestation : il ne s'agit d'abord pas d'une allocation purement différentielle car elle peut se cumuler intégralement avec les autres revenus du bénéficiaire jusqu'à un premier plafond, puis à taux partiel jusqu'à un second plafond. Il s'agit ensuite d'une allocation journalière et non mensuelle comme le RMI et l'API. Il s'agit enfin d'une allocation chômage, par définition versée à raison d'une situation de non-emploi : son versement est, par conséquent, normalement interrompu dès la signature d'un nouveau contrat de travail. Pour toutes ces raisons, le mécanisme d'intéressement retenu consiste à autoriser un cumul entre salaire et allocation en échange d'une réduction du nombre de jours indemnisables dans le mois, calculé en fonction de la rémunération brute perçue. En pratique, cela revient à diminuer l'allocation qui aurait été théoriquement versée, en application des simples règles de plafond de ressources, d'un montant égal à 40 % de la rémunération brute de l'intéressé.

Dans tous les cas, les régimes d'intéressement prévoient une première période au cours de laquelle un cumul intégral entre salaire et allocation est possible, mais sa durée varie d'une prestation à l'autre, voire - pour une même prestation - d'un bénéficiaire à l'autre : ainsi, pour l'ASS, la durée de ce cumul intégral est de six mois, calculés de date à date à compter de la signature du contrat de travail, alors que pour le RMI et l'API, sa durée varie de trois à six mois, en fonction de la combinaison des dates de reprise d'activité et de révision trimestrielle des droits. Le régime apparemment plus favorable de l'ASS doit toutefois être nuancé car, pour cette allocation, le cumul intégral est soumis à un plafond de salaire, ce qui n'est pas le cas pour les autres allocations.

b) Un mécanisme qui ne porte pas les fruits escomptés lors de sa création

Soucieuse de tenir compte, dans toute leur diversité, des situations individuelles, notre législation sociale se perd en raffinements qui aboutissent à des dispositifs complexes et totalement hermétiques pour les non spécialistes et plus encore pour les bénéficiaires eux-mêmes. Tel est bien le cas pour les dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux : le mode de calcul de l'allocation différentielle à laquelle ils ont droit est d'une telle complexité que bien souvent, même les travailleurs sociaux, pourtant rompus à cet exercice, ont du mal à indiquer aux bénéficiaires le montant sur lequel ils peuvent compter.

Cette complexité pose deux problèmes spécifiques concernant le public des bénéficiaires de minima sociaux :

- elle nuit à la prévisibilité de leurs revenus, qui est pourtant indispensable pour des ménages fragiles et qui peut être une source de repli sur le revenu d'assistance, dont le montant préfixé rassure ;

- elle porte atteinte au caractère incitatif du dispositif d'intéressement car un système aussi complexe n'a aucune chance d'avoir un réel impact psychologique sur les comportements individuels.

L'efficacité des dispositifs d'intéressement est également amoindrie par la chronologie des revenus particulièrement heurtée à moyen terme qu'elle impose aux bénéficiaires. Ceux-ci doivent en effet gérer une réduction significative de leurs revenus au bout d'un an : un titulaire du RMI isolé qui retrouve un emploi à mi-temps voit son revenu reculer de 16 % en fin d'intéressement. La baisse peut atteindre jusqu'à 50 % dans le cas d'une femme seule avec deux enfants employée à mi-temps et qui bénéficie de l'API.

Ces difficultés expliquent que l'intéressement n'ait pas porté les fruits escomptés lors de sa création. Il reste peu connu : en 2004, quatre allocataires de l'ASS sur dix en ignoraient l'existence. Comme en atteste le tableau suivant, il est également peu utilisé :

Proportion de personnes en intéressement lors d'une reprise d'activité

Décembre 1998

Décembre 1999

Décembre 2000

Décembre 2001

Décembre 2002

0 RMI

0 12,3 %

0 14,1 %

0 13,6 %

0 12,2 %

0 13,3 %

1 API

1 n.c

1 n.c

1 5,1 %

1 5,1 %

1 5,6 %

2 ASS

2 16 %

2 16 %

2 13,8 %

2 12,8 %

2 13,2 %

Source : « Synthèse des bilans de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions », IGAS, rapport n° 2004-054 de mai 2004 - Calculs DREES (France métropolitaine, décembre 2003)

La faiblesse du taux de bénéficiaire de l'API en intéressement souligne également une autre lacune de ces dispositifs : ils ne tiennent pas compte de l'environnement de la reprise d'activité. Pour les parents isolés, la question de l'accès à un mode de garde se révèle être un frein parfois bien plus important à la reprise d'activité que la simple question de l'intérêt financier à retourner au travail. D'une façon plus générale, le retour à l'emploi entraîne des frais de toute nature qui découragent souvent les bénéficiaires d'entamer une recherche active d'emploi.

2. L'amorce récente d'une politique plus volontariste en matière d'incitation à la reprise d'activité

Dans le cadre du « plan d'urgence pour l'emploi », annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 8 juin 2005, le Gouvernement s'est notamment fixé pour priorité de favoriser la reprise d'activité pour ceux qui en sont le plus éloignés et de rendre le travail plus attractif que l'assistance. Dans cette perspective, un certain nombre de mesures ont déjà été prises, attestant d'une prise de conscience des différents obstacles au retour à l'emploi rencontrés par les bénéficiaires de minima sociaux.

a) La création d'une prime de retour à l'emploi

Le décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 a créé une prime exceptionnelle de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros, en faveur des bénéficiaires du RMI, de l'ASS, de l'API et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) chômeurs de longue durée qui reprennent une activité professionnelle. Il s'agit d'une prime temporaire et exceptionnelle, valable jusqu'au 31 décembre 2006.

Elle a un double objet : grâce à son montant élevé, elle est censée avoir un effet psychologique sur les bénéficiaires de minima sociaux et jouer un rôle de déclencheur pour le retour à l'emploi. Par ailleurs, bien que totalement libre d'emploi, elle a été conçue pour permettre aux intéressés de faire face aux frais de toute nature qui peuvent survenir lors d'une reprise d'activité (habillement, transport, frais de garde...).

Dans le souci de favoriser les emplois les plus susceptibles d'assurer une insertion professionnelle durable, la prime est réservée aux personnes qui reprennent une activité supérieure ou égale au mi-temps, pendant au moins quatre mois, dans le secteur marchand. Versée au terme de ces quatre mois minimum d'activité, elle est financée par l'Etat.

b) La mobilisation des outils fiscaux

Afin d'accroître encore l'incitation financière à la reprise d'activité, le Gouvernement s'est attaché à améliorer le dispositif de la prime pour l'emploi , créée en 2001, qui vise à soutenir le pouvoir d'achat des personnes en emploi mais dont la rémunération reste faible. En 2005, cette mesure fiscale concernait 8,9 millions de bénéficiaires, la prime moyenne versée s'élevant à 294 euros, pour un coût total d'environ 2,7 milliards d'euros.

La loi de finances pour 2006 prévoit d'abord une augmentation de la prime de base accordée : celle-ci passera de 538 euros en 2005 à 809 euros en 2007, soit 50 % d'augmentation cumulée. Un effort particulier est fait en direction des personnes travaillant à temps partiel : pour un revenu d'activité correspondant à un Smic à mi-temps, la prime devrait augmenter de 80 % entre 2005 et 2007, voire plus en fonction de la composition du foyer.

Afin de répondre à une autre critique récurrente, une mensualisation de la prime est également prévue pour les personnes qui en ont déjà bénéficié l'année précédente et le mécanisme d'acompte pour les nouveaux bénéficiaires sera développé. L'Etat devrait consacrer près de 500 millions d'euros à ces mesures dès 2006 et environ un milliard d'euros en 2007.

Conscient enfin du frein au retour à l'emploi que peut représenter la mobilité géographique , le Gouvernement a également créé un nouveau crédit d'impôt, d'un montant de 1.500 euros, en faveur des chômeurs ou bénéficiaires de minima sociaux depuis plus de douze mois, des victimes de licenciement économique et des bénéficiaires d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui acceptent de reprendre une activité à plus de 200 kilomètres de leur domicile entre le 1 er juillet 2005 et le 31 décembre 2007.

B. L'OBJECTIF DU PROJET DE LOI : RÉNOVER LES INSTRUMENTS D'INCITATION AU RETOUR À L'EMPLOI

1. Faire de l'intéressement un levier réellement efficace en faveur de l'insertion professionnelle des titulaires de minima sociaux

a) Un dispositif unifié, simple et lisible

Annoncée par le Premier ministre lors de sa conférence de presse mensuelle du 1 er septembre 2005, la réforme de l'intéressement prévue par le présent projet de loi vise à rendre plus simples et plus lisibles les mécanismes d'incitation financière à la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux.

A cet effet, le projet de loi prévoit la mise en place d'un mécanisme d'intéressement identique pour les trois minima sociaux dits « d'insertion » que sont le RMI, l'ASS et l'API. Les simplifications apportées concernent quatre domaines principaux :

- le système d'allocation différentielle est remplacé par un dispositif d'aide forfaitaire, afin que chaque bénéficiaire puisse calculer lui-même le gain que lui procure le retour à l'emploi : le montant de la prime d'intéressement est fixé à 150 euros pour une personne seule et à 225 euros dans toutes les autres configurations familiales. Il convient également de souligner le changement de perspective permis par cette transformation : au lieu de continuer à percevoir une allocation minorée, qui rattache encore les bénéficiaires au système de l'assistance, ils percevront désormais une prime liée à leur situation d'emploi. Il s'agit d'un élément psychologique important dans la décision de retour vers l'emploi ;

- conséquence du passage d'un système d'allocation différentielle à un système de primes forfaitaires, l'intéressement s'applique désormais quel que soit le salaire perçu lors de la reprise d'activité. Le projet de loi prévoit une simple possibilité de plafonner le salaire ouvrant droit aux primes, mais le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé son intention de renoncer à user de cette prérogative. C'est la raison pour laquelle votre commission vous proposera d'ailleurs de supprimer formellement ce plafonnement éventuel ;

- l'intéressement aura désormais une durée fixe de douze mois , cette période étant calculée de date à date à compter du jour de la reprise d'activité : elle se décompose en une première période de trois mois de cumul intégral entre salaire et allocation et une seconde période de neuf mois de versement de la prime forfaitaire ;

- le mécanisme d'intéressement est désormais applicable quel que soit le type de contrat de travail , y compris les contrats aidés hormis les contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) et les contrats d'avenir qui continuent de relever d'un régime d'intéressement spécifique, en raison de leur fonctionnement très particulier.

Le projet de loi fait en outre le choix d'un soutien accru aux emplois qui permettent de sortir de la précarité, grâce à un retour durable à l'activité.

Le nouveau dispositif ne s'appliquera en effet qu'aux emplois de plus de 78 heures par mois, ce qui correspond à un mi-temps, et d'une durée au moins égale à quatre mois. La durée de 78 heures retenue par le Gouvernement correspond en effet à la quotité de travail qui permet, dans plus des trois quarts des cas, de sortir du RMI. La durée minimale de quatre mois d'activité s'explique, quant à elle, par le fait qu'en deçà de cette limite, la règle du cumul intégral s'applique.

Le choix de soutenir plus particulièrement les personnes qui reprennent une activité supérieure au mi-temps ne signifie toutefois pas l'abandon de toute aide en faveur de ceux qui ne parviennent qu'à obtenir des emplois à temps très partiel. Il s'agit en effet de faire en sorte que toute heure travaillée apporte un gain, en termes de pouvoir d'achat, pour les bénéficiaires.

Afin d'éviter qu'en deçà du mi-temps, le salaire ne vienne entièrement en diminution de l'allocation versée, le Gouvernement prévoit donc de maintenir un système de cumul partiel entre salaire et allocation , inspiré de celui-ci actuellement applicable mais qui encourage les bénéficiaires à accroître, s'ils le peuvent, leur quotité de travail : plus la durée de travaille augmentera, plus le gain apporté par le mécanisme de cumul sera important, jusqu'à arriver au seuil de déclenchement des primes forfaitaires.

b) L'appréciation des gains comparés avec l'ancien système demande la plus grande prudence

La réforme proposée conduit-elle à une augmentation du pouvoir d'achat des bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi par rapport au dispositif actuel ?

Cette question appelle une réponse nuancée car la comparaison doit être établie de manière pertinente : dans la mesure où le régime de cumul intégral est maintenu pendant les trois premiers mois, la comparaison utile doit se faire sur la période suivante et rapprocher le régime d'abattement actuel et le futur dispositif des primes forfaitaires. En outre, la comparaison n'est valable que pour un horaire de travail supérieur ou égal au mi-temps, puisqu'en deçà le régime d'intéressement est inchangé.

Sur ces bases, la réforme proposée peut se traduire, dans certaines configurations familiales, par un gain plus faible que dans le système actuel d'intéressement.

S'agissant du RMI , la réforme est avantageuse dans tous les cas pour les personnes isolées qui représentent, de loin, la catégorie de bénéficiaires la plus nombreuse 1 ( * ) . Dans le cas d'un couple, une reprise d'activité à mi-temps pour l'un des deux conjoints apporte un gain plus faible qu'actuellement, de l'ordre de 35 euros, pour une plage de salaire comprise entre 0,5 et 0,6 Smic. La différence de gain est beaucoup plus sensible pour les ménages avec deux enfants : les gains attendus sont plus faibles qu'aujourd'hui pour un salaire compris entre 0,5 et 1 Smic, la différence pouvant atteindre jusqu'à 145 euros pour un emploi à trois-quarts temps. Cette situation tient au fait que, contrairement à l'ancien dispositif, l'intéressement est seulement conjugalisé et non familialisé.

Simulation pour une personne isolée au RMI

Simulation pour un couple au RMI

Simulation pour un couple avec deux enfants au RMI

Dans le cas de l'API , les gains à attendre du nouveau dispositif sont systématiquement plus faibles que dans le dispositif actuel : pour une personne seule, le gain est plus faible de l'ordre de 50 euros en moyenne, pour une plage de salaire située entre 0,5 et 0,6 Smic. La plage de salaire pour lequel le gain est plus faible qu'aujourd'hui s'étend avec le nombre d'enfants à charge : ainsi, avec un enfant à charge, le gain est plus faible pour tous les salaires compris entre 0,5 et 0,9 Smic ; avec deux enfants, il faut atteindre 1,2 Smic pour que le gain soit supérieur. Dans ce dernier cas, la différence de gain peut s'élever jusqu'à 240 euros.

Simulation pour une personne seule à l'API

Simulation pour une personne à l'API avec un enfant

Simulation pour une personne à l'API avec deux enfants

Pour l'ASS , le mode de calcul extrêmement complexe de l'allocation rend très difficile les simulations de gain entre le nouveau et l'ancien dispositif d'intéressement. D'après les informations transmises à votre commission, les gains comparés pourraient s'établir de la façon suivante :

ASS isolé

Gain mensuel moyen par rapport à l'inactivité

Gain mensuel moyen par rapport au système actuel

Mi-temps (environ 17 heures)

347

0

19 heures

396

9

¾ temps (environ 26 heures)

588

103

Plein temps (35 heures)

834

197

ASS couple ou avec enfant

Gain mensuel moyen par rapport à l'inactivité

Gain mensuel moyen par rapport au système actuel

Mi-temps (environ 17 heures)

347

0

19 heures

453

65

¾ temps (environ 26 heures)

644

159

Plein temps (35 heures)

890

254

Ces comparaisons appellent toutefois les corrections suivantes :

- elles ne tiennent pas compte de la nouvelle prime de retour à l'emploi qui compense bien souvent le manque à gagner : si l'on tient compte de cette prime, le gain devient dans tous les cas supérieur au dispositif actuel pour un couple au RMI et pour un bénéficiaire de l'API isolé. L'écart est infime pour le cas d'une personne à l'API avec un enfant à charge ;

- elles n'intègrent pas la réforme concomitante de la prime pour l'emploi qui apporte un revenu moyen supplémentaire d'environ 66 euros par mois.

Par ailleurs, la réforme proposée ne peut être appréciée à la seule aune du gain financier apporté aux bénéficiaires : bien que financièrement avantageux, le dispositif actuel, complexe et illisible, a fait la preuve de son inefficacité. L'inconvénient que représente un moindre gain financier paraît largement compensé par le fait que le dispositif sera désormais plus simple, plus facile à comprendre par les bénéficiaires, et par conséquent davantage susceptible d'être le facteur déclencheur d'une reprise d'activité.

Il convient enfin de rappeler que la réforme ne fait pas de perdants à proprement parler, dans la mesure où elle ne s'applique que pour l'avenir. Le projet de loi précise d'ailleurs expressément que les personnes en intéressement au moment de la publication de la loi continueront à en bénéficier dans les conditions anciennes, de façon à ne pas perturber le calcul économique qui a présidé à leur reprise d'activité. En ce qui concerne les futurs bénéficiaires de l'intéressement, on ne peut donc pas parler de perte mais seulement de réduction des espérances de gain.

2. Une novation : la prise en compte de l'environnement du retour à l'emploi

Pour la première fois, un projet de loi tient compte non seulement des obstacles directement financiers du retour à l'emploi, c'est-à-dire de la comparaison entre salaire et revenu d'assistance, mais aussi de l'environnement de ce retour à l'emploi.

a) Aider les bénéficiaires à faire face aux frais de retour à l'emploi

S'appuyant sur l'expérience de quelques mois de la prime mise en place par le décret du 29 août 2005, le projet de loi crée une prime pérenne de retour à l'emploi.

D'un montant équivalent, soit 1.000 euros, son objectif est de permettre aux personnes qui reprennent un emploi de faire face aux frais entraînés par la reprise d'activité : il peut s'agir de reconstituer la garde-robe nécessaire à une activité professionnelle, d'acquérir un moyen de transport ou de passer son permis de conduire, de faire face aux premiers frais de garde d'enfant. La prime peut également permettre à un foyer d'assainir une situation financière qui s'est dégradée pendant la période de perception du minimum social ou de faire face aux créanciers qui, très souvent, se manifestent à nouveau lorsque la personne retrouve un emploi.

Le champ de cette nouvelle prime est cependant légèrement différent de celui retenu par le décret :

- s'agissant des catégories de bénéficiaires, la condition d'ancienneté au chômage est supprimée : l'ensemble des bénéficiaires de l'API, de l'ASS et du RMI peuvent désormais prétendre au bénéfice d'une prime. En revanche, le projet de loi ne prévoit pas de pérenniser la prime pour les bénéficiaires de l'AAH, pourtant visés par le décret. D'après les informations transmises à votre rapporteur, le régime décrétal devrait toutefois subsister en leur faveur jusqu'au terme prévu, soit jusqu'au 31 décembre 2006 ;

- s'agissant des emplois concernés, la prime instituée par le projet de loi ne souffre plus aucune restriction : les bénéficiaires des prestations susmentionnées qui reprennent un emploi pourront donc y prétendre quel que soit le type de contrat, y compris les contrats aidés, et quel que soit le secteur d'activité, marchand ou non.

A la fois par cohérence avec le dispositif d'intéressement et pour conforter l'aide apportée aux emplois qui permettent une véritable insertion professionnelle, le bénéfice de la prime de retour à l'emploi sera réservé aux personnes qui retrouvent un emploi d'une durée supérieure au mi-temps et dont l'activité professionnelle se prolonge au moins quatre mois.

Compte tenu du caractère particulièrement attractif d'une prime d'un tel montant, le dispositif semble particulièrement exposé aux risques de fraude. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit le versement de la prime au bout de quatre mois d'activité seulement et fixe à dix-huit mois le délai de carence pour bénéficier d'une nouvelle prime.

La prime de retour à l'emploi est à la charge de l'Etat pour les trois minima sociaux. Le coût de ce dispositif est évalué à 240 millions d'euros, sur la base des flux actuels de bénéficiaires qui retournent à l'emploi. Votre commission observe donc que si le dispositif a le succès espéré, le flux des bénéficiaires retournant à l'emploi devrait s'accroître : les dépenses pourraient donc être supérieures à ces prévisions.

b) Lever les obstacles matériels au retour à l'emploi : la question de la garde des enfants

Pour la première fois, le projet de loi aborde un obstacle très concret pour le retour à l'emploi : l'accès à un mode de garde pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux.

Trouver un mode de garde est un exercice difficile pour tous les parents qui travaillent, à cause du manque de places en crèche et de la rareté des modes de garde alternatifs. Il se révèle encore plus ardu pour les bénéficiaires de minima sociaux qui sont victimes d'un cercle vicieux : dans un contexte de pénurie, les gestionnaires de crèches donnent la priorité aux parents qui ont déjà un emploi et, plus encore, aux couples dont les deux membres travaillent. Les bénéficiaires de minima sociaux sont donc exclus de ce mode de garde, ce qui est paradoxal car il reste le moins onéreux, et cette exclusion pénalise en retour leur recherche d'emploi.

L'accès aux autres modes de garde (assistante maternelle ou garde à domicile) reste largement impossible, pour des raisons de coût, et ce malgré la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Ainsi, pour deux actifs à mi-temps, le taux d'effort que représente la rémunération d'une assistante maternelle s'élève à 15 % de leur salaire. Il monte même jusqu'à 33 % en région parisienne où le déséquilibre entre offre et demande a pour conséquence une augmentation considérable des tarifs de garde.

En conséquence, seuls 3 % des enfants de bénéficiaires de minima sociaux de moins de trois ans sont gardés en crèche. 80 % ne sont confiés à aucun mode de garde et restent à la charge d'un membre de la famille.

L'existence de cet obstacle spécifique au retour à l'emploi a toutefois fait l'objet d'une prise de conscience récente par les pouvoirs publics et plusieurs démarches ont été engagées ces derniers mois pour tenter de résoudre cette question : ainsi, la mise en oeuvre de la prestation de service unique, qui sert de base au financement de toutes les crèches depuis le 1 er janvier 2005, s'est accompagnée d'une obligation pour les crèches de supprimer de leur règlement intérieur la condition de double activité professionnelle des parents. Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour la période 2005-2008 a fait de l'accès aux modes de garde des bénéficiaires de minima sociaux, et plus particulièrement de l'API, une priorité de son action sociale : à ce titre, la mise en place par les Caf d'un accompagnement social spécifique pour ces parents isolés, est prévue.

Le présent projet de loi va plus loin, en proposant la mise en place d'une priorité d'accès en crèche pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux. Cependant, l'Assemblée nationale a contesté cette priorité, estimant qu'elle risquait d'être peu effective car très délicate à manier vis-à-vis des autres parents.

Aussi, elle lui a préféré un dispositif de « places disponibles garanties » : chaque établissement devra définir un volant de places mobilisables en faveur de ces enfants et garantir leur disponibilité, soit en réservant effectivement ces places, soit en faisant usage de la possibilité d'accueil en surnombre, récemment créée. Afin de permettre une définition de ce volant de places au plus près du terrain, celle-ci sera effectuée dans le cadre des conventions de financement passées par chaque établissement avec les caisses d'allocation familiale (Caf). Cette procédure permettra également, si la solution de places effectivement mises en réserve est retenue par certains établissements, de négocier une rémunération de cette réservation avec les Caf.

C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : INSCRIRE CE PROJET DE LOI DANS LA PERSPECTIVE D'UNE RÉFORME PLUS LARGE DES MINIMA SOCIAUX

1. A court terme : faciliter les transitions à l'entrée et à la sortie de l'intéressement

a) Versement de la prime de retour à l'emploi : oser la confiance envers les bénéficiaires

Votre commission s'interroge sur le délai de quatre mois prévu pour le versement de la prime de retour à l'emploi. En effet, si son objet est de permettre aux bénéficiaires de faire face aux dépenses liées au retour à l'emploi, ce versement est trop tardif et il risque de faire manquer son but au dispositif qui ne trouve alors plus guère d'autre justification que celle de simple « appât ». La règle du versement au bout de quatre mois fait donc perdre à la prime une grande partie de son efficacité et de sa légitimité et l'on serait alors en droit de considérer que les sommes consacrées à cette prime pourraient être mieux employées.

Dans certains cas, le versement au bout de quatre mois risque d'ailleurs d'aboutir à des résultats absurdes : comme la durée minimale d'emploi pour bénéficier de la prime est également de quatre mois, certains bénéficiaires se verront octroyer la prime au moment où ils quittent leur emploi. La prime de retour à l'emploi deviendrait dans ce cas une forme de prime de licenciement, ce qui serait tout à fait contraire à l'objectif poursuivi par le Gouvernement.

Justifier le versement au bout de quatre mois par la volonté de favoriser une insertion professionnelle plus durable n'est pas un argument recevable : la question de la durée minimum d'emploi ouvrant droit au bénéfice de la prime et celle de la date de versement sont indépendantes l'une de l'autre. Il est possible de réserver la prime aux emplois d'une durée minimale de quatre mois tout en la versant immédiatement, si l'on considère qu'une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI), en contrat à durée déterminée de plus de quatre mois ou en intérim de plus de quatre mois permettent a priori de remplir la condition de durée minimum fixée par la loi.

Justifier un versement aussi tardif par la volonté d'éviter les abus n'est pas plus convaincant : les personnes déterminées à frauder démissionneront tout aussi bien après quatre mois d'activité qu'après quelques jours. Bien plus, en faisant confiance a priori aux bénéficiaires, c'est-à-dire en versant la prime dès l'embauche, on rend d'autant plus légitime et justifié le contrôle. En fixant à quatre mois aussi bien la durée minimale d'emploi que le délai de versement, il est impossible de sanctionner ceux qui détourneraient l'esprit du dispositif en démissionnant au bout de quatre mois. En revanche, si le versement est immédiat, on est fondé à exiger la récupération de la prime versée à ceux dont l'activité prendrait fin avant le délai de quatre mois pour une raison qui leur est imputable (démission, abandon de poste ou licenciement pour faute) et à poursuivre les cas de collusion entre un bénéficiaire et un employeur pour bénéficier de la prime.

Pour toutes ces raisons, votre commission propose donc un versement immédiat de la prime.

b) La nécessité d'un accompagnement de la sortie de l'intéressement

L'intéressement soulève, par nature, une difficulté : il ne peut être que temporaire et, de ce fait, il confronte à moyen terme les bénéficiaires à une réduction importante de leurs ressources quand le soutien de l'Etat leur est retiré.

Un intéressement permanent est en effet inenvisageable car cela reviendrait à donner un avantage durable, en termes de pouvoir d'achat, aux personnes qui sont passées par un minimum social. Or, ce qui est admissible de façon temporaire pour aider les bénéficiaires à sortir de la précarité et à consolider leur insertion professionnelle ne l'est plus à long terme : un intéressement permanent créerait un « effet de parcours » inéquitable vis-à-vis des autres salariés qui ont le même revenu d'activité mais qui n'ont jamais bénéficié d'un minimum social.

C'est la raison pour laquelle les dispositifs d'intéressement permanent parfois proposés s'apparentent en réalité à des mécanismes de soutien généralisé aux bas salaires, sous la forme d'allocations non plus différentielles mais dégressives. Ces dispositifs procèdent par ailleurs à une simplification plus ou moins profonde des prestations sociales existantes : ainsi, le revenu de solidarité active (RSA) proposé par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch fusionne les différents minima sociaux, les allocations logement et la prime pour l'emploi.

Le mécanisme proposé par Martin Hirsch a l'avantage de permettre la suppression des divers effets de seuil qui pénalisent la reprise d'activité des bénéficiaires de minima sociaux. Il assure également une continuité dans la progression des revenus en fonction de la quotité de travail : chaque heure travaillée améliore le revenu final du foyer.

Mais ce dispositif, sans doute très séduisant, demande à être encore mûri. Outre son coût, évalué entre 6 et 8 milliards d'euros, il soulève en effet plusieurs difficultés :

- en encourageant la reprise d'activité quelle que soit la quotité de travail hebdomadaire, le RSA encourage le temps très partiel. Il fait donc craindre un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel ou à des emplois temporaires qui ne sont que rarement des tremplins vers l'emploi durable ;

- un dispositif de soutien généralisé aux bas salaires tel que celui mis en place par le RSA risque d'envoyer un mauvais signal aux entreprises qui pourraient s'estimer fondées à se décharger sur l'Etat de leur responsabilité d'assurer un salaire décent, puisque désormais celui-ci complèterait de façon pérenne les ressources de ceux dont le travail ne suffit pas à assurer la subsistance.

Votre commission considère qu'un tel dispositif est aujourd'hui prématuré. Approuvant donc le choix d'un intéressement temporaire, elle insiste cependant sur la nécessité d'en accompagner le terme, car il se traduit par une réduction des revenus du foyer, lorsque l'aide de la collectivité s'éteint et que celui-ci doit vivre avec ses seuls revenus du travail.

Elle a, dans un premier temps, envisagé une sortie de l'intéressement dégressive dans le temps ou au moins par paliers successifs. Il faut cependant reconnaître qu'un tel mécanisme nuirait à la lisibilité du dispositif, volontairement simple, mis en place par le présent projet de loi, à sa compréhension par les bénéficiaires et donc à son efficacité. Il convient en outre de reconnaître que la perspective d'une diminution progressive mais inéluctable des aides ne joue pas en faveur d'une mobilisation des bénéficiaires.

Votre commission a donc opté pour une solution qui est davantage dans l'esprit du projet de loi, à savoir le versement d'une prime de fin d'intéressement, versée au cours du dernier mois d'intéressement. Une telle prime permettra aux bénéficiaires d'aborder plus sereinement la fin de l'intéressement tout en les responsabilisant en matière de gestion de leur budget.

Votre commission insiste enfin également sur la nécessité d'accompagner les bénéficiaires pendant la période d'intéressement, afin de les aider à préparer la sortie de ce dispositif qui, malgré tous les aménagements envisageables, restera toujours une période délicate.

c) Accès aux modes de garde : aider les familles en amont de la reprise d'activité

Si elle salue le bien-fondé des mesures facilitant la garde des enfants pour permettre le retour à l'emploi, votre commission ne peut que reconnaître que, quelle que soit la solution retenue, priorité d'accès ou mécanisme de places garanties, sa mise en oeuvre est délicate.

C'est la raison pour laquelle elle estime indispensable de mettre l'accent sur le développement de l'offre de garde : si la contrainte de disponibilité est desserrée, l'application d'un dispositif spécifique en faveur des enfants de bénéficiaires de minima sociaux sera plus acceptable pour tous. Elle suivra donc avec beaucoup d'attention la mise en oeuvre du quatrième « Plan crèches » annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.

Votre commission tient également à souligner le rôle de la garde des enfants en amont même de la reprise d'activité, pendant la période de recherche d'emploi, notamment pour les parents isolés. Une recherche d'emploi active et efficace suppose en effet de pouvoir se déplacer pour assister à des entretiens d'embauche, pour réaliser un bilan de compétences ou suivre une formation : lorsque l'on a des enfants en bas âge, ces démarches sont souvent compromises par l'absence d'un mode de garde adapté.

Garantir aux parents l'accès en urgence à un mode de garde dans ces situations est de la plus grande importance car cela peut conditionner un retour à l'emploi. C'est la raison pour laquelle votre commission propose d'obliger les établissements, à l'occasion de la négociation de leurs conventions de financement, à définir les conditions dans lesquelles l'accueil temporaire ou d'urgence peut être mobilisé en faveur des parents en recherche active d'emploi.

2. A moyen terme : poursuivre la réflexion sur une réforme globale des minima sociaux

Ainsi que la ministre l'a rappelé lors de son audition devant votre commission 2 ( * ) , le présent projet de loi n'est que la première étape d'une réforme plus profonde du dispositif français des minima sociaux. Son objet est en effet limité : il ne concerne que trois minima sur les neuf que compte notre système de protection sociale et il se limite à l'articulation entre revenu d'activité et minimum social, dans la perspective du retour à l'emploi.

Or, comme l'a montré le rapport d'information de votre commission sur les minima sociaux 3 ( * ) , une réforme beaucoup plus importante est nécessaire pour redonner cohérence, légitimité et efficacité au dispositif français des minima sociaux :

- il s'agit d'abord de mettre fin à des iniquités criantes à la fois entre bénéficiaires de différents minima sociaux dans une situation objective pourtant très proche et entre bénéficiaires de minima et travailleurs pauvres pour un même niveau de ressources ;

- il convient ensuite d'améliorer l'insertion des minima sociaux dans le dispositif plus large des prestations sociales, afin de lisser les effets de seuil qui apparaissent lors d'une reprise d'activité ;

- il importe enfin de mettre en place, pour les bénéficiaires de l'ensemble des minima sociaux, un accompagnement de qualité, puisqu'il apparaît que celui-ci est très souvent le gage d'une réinsertion professionnelle plus rapide et plus durable.

a) Rendre l'accès aux droits connexes plus équitable et moins pénalisant pour le retour à l'emploi

Limiter la question de la réduction des trappes à inactivité à la seule problématique de l'intéressement serait une erreur :

- d'abord parce que l'intéressement est temporaire et que la question du niveau comparé de ressources entre minima sociaux et activité professionnelle se pose à nouveau à l'issue de cette période ;

- ensuite parce que l'intéressement ne s'attache qu'au niveau relatif du minimum social et du revenu d'activité, oubliant que ces prestations ne constituent qu'un tiers des transferts sociaux dont bénéficient les ménages les plus pauvres et moins de 20 % de leur revenu disponible. Il est donc illusoire de penser résoudre la question des obstacles financiers au retour à l'emploi en s'attachant aux seuls minima sociaux.

Les « droits connexes », c'est-à-dire les prestations de toute nature liées au bénéfice d'un minimum social, jouent en effet un rôle primordial pour les bénéficiaires, soit parce qu'ils représentent une source de revenu complémentaire (allocations logement, prestations familiales), soit parce qu'ils offrent un avantage en nature source d'économies substantielles (couverture maladie universelle, tarification sociale énergie), soit enfin parce qu'ils correspondent à une économie directe (exonération et dégrèvement de la taxe d'habitation ou de la redevance audiovisuelle).

Or, ces droits connexes sont une grande source d'inégalité, à la fois entre bénéficiaires des différents minima sociaux et entre bénéficiaires de ces prestations et travailleurs pauvres. Ils peuvent également être un frein au retour à l'emploi, surtout lorsque leur bénéfice est lié à un statut (chômeur, allocataire de telle ou telle prestation).

L'importance de ces droits connexes, nombreux dans le cas du RMI, est d'ailleurs confirmée par le fait que de nombreuses personnes présentes dans le dispositif y sont maintenues par les travailleurs sociaux alors même que leurs revenus sont supérieurs au plafond d'attribution de la prestation et qu'elles ne reçoivent en conséquence aucune allocation. Une enquête auprès des services sociaux départementaux explique ce phénomène par la volonté de permettre à certaines personnes en cours de réinsertion professionnelle de continuer à bénéficier des droits connexes attachés au statut de RMIste, et notamment de la CMU. Ainsi, dans le département du Rhône, près de 5.000 bénéficiaires du RMI sur 32.000 recensés seraient dans ce cas.

Le rapport d'information précité de votre commission a recensé les incohérences des droits connexes liés aux différents minima sociaux. Le tableau ci-dessous rappelle ainsi les différents droits liés au statut de bénéficiaire d'un minimum social.

Les aides liées au statut de bénéficiaire d'un minimum social

Minimum social

Droits connexes liés au statut

RMI

Allocation logement à taux plein automatique, suspension des dettes fiscales, exonération automatique de taxe d'habitation, exonération de redevance audiovisuelle, exonération de cotisation CMU, accès automatique et gratuit à la CMUC, tarification sociale téléphone, prime de Noël

AAH

Majoration pour vie autonome, exonération de redevance audiovisuelle, tarification sociale téléphone

ASS

Prime de Noël, tarification sociale téléphone

API

Allocation logement à taux plein automatique, suspension des dettes fiscales

Allocation d'insertion

Prime de Noël

Minimum vieillesse

Exonération de redevance audiovisuelle

Minimum invalidité

Exonération de redevance audiovisuelle

AER

Prime de Noël

Allocation veuvage

-

Source : rapport d'information Sénat n° 334 (2004-2005) précité.

Votre commission ne reviendra ici que sur les inégalités les plus criantes mises en lumière par ce rapport :

- en matière fiscale , il convient d'abord de mentionner l'exonération automatique de taxe d'habitation réservée aux seuls bénéficiaires du RMI : certes, depuis la loi de finances pour 2000, un nouveau barème permet en pratique d'exonérer certains bénéficiaires d'autres minima, ce qui corrige une partie des inégalités liées à cet avantage statutaire. Mais l'exonération sur la base du statut continue d'être plus avantageuse puisqu'il suffit de justifier d'un seul trimestre de perception du RMI durant les deux dernières années pour y avoir droit, et ce même si la situation financière de la personne s'est depuis rétablie ;

- l'exonération automatique de redevance audiovisuelle ne concerne également qu'une partie des bénéficiaires de minima sociaux, à savoir les allocataires du RMI, de l'AAH, du minimum vieillesse et du minimum invalidité. S'agissant des bénéficiaires d'autres prestations, notamment de l'API et l'ASS, l'exonération suppose la reconnaissance de leur indigence par la commission communale des impôts directs ;

- en ce qui concerne la couverture maladie universelle de base et complémentaire, seuls les bénéficiaires du RMI y ont accès de façon automatique du fait de leur statut. Pour les autres, cet accès est soumis à une condition de ressources particulièrement sévère, de telle sorte que les titulaires de certains minima sociaux en sont d'office exclus : tel est le cas des allocataires de l'AAH, du minimum vieillesse et du minimum invalidité.

Il convient également de mentionner l'existence de nombreuses aides locales extralégales souvent attribuées en fonction du statut, généralement parce que ce mode de gestion est plus simple pour les collectivités concernées. Comme les prestations légales nationales liées au statut, ces aides ont de multiples effets pervers mais leur impact sur le revenu des bénéficiaires de minima sociaux reste encore trop mal connu.

L'existence de ces aides liées au statut pose un problème spécifique dans le cadre de l'intéressement : alors que pendant la période d'intéressement, les personnes conservent leur statut d'allocataire et, par conséquent, les droits connexes liés à ce statut, la fin de cette période entraîne à la fois la disparition des primes forfaitaires et celle des droits connexes, ce qui vient alors amplifier la perte de revenu liée à la fin de l'intéressement.

Votre commission estime donc qu'une harmonisation des droits connexes est de bien plus grande importance qu'une quelconque fusion des différents minima. Elle considère en effet qu'il s'agit d'une piste de travail prometteuse à la fois pour réduire les inégalités et pour progresser dans la question du retour à l'emploi.

Il conviendrait de passer à un système d'ouverture des droits connexes en fonction des ressources par personne au foyer et de prévoir, à chaque fois que possible, une aide dégressive en fonction des revenus, afin que la reprise d'activité ne se traduise pas immédiatement par la perte de toute solidarité de la collectivité. C'est d'ailleurs une des pistes de travail retenue par le groupe de travail mis en place au sein de votre commission, présidé par Valérie Létard, qui doit rendre ses conclusions à la fin du mois de février 2006, dans la perspective d'une proposition de loi d'ensemble sur le sujet des minima sociaux.

b) Généraliser l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux vers et dans l'emploi

Les travaux de votre commission, de même que le rapport remis au Premier ministre le 15 décembre dernier par Michel Mercier et Henri de Raincourt 4 ( * ) , ont également mis en lumière l'importance de l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux pour l'efficacité des politiques d'insertion.

Ces travaux démontrent en effet que l'accompagnement individualisé, mis en place dans le cadre du RMI et accentué depuis la décentralisation de cette prestation en 2004, joue un rôle majeur en matière d'information des intéressés sur leurs droits, de mobilisation des aides de toute nature susceptibles de venir améliorer leur situation, de prévention du surendettement et de préparation des personnes au retour à l'emploi.

L'importance de l'accompagnement est également révélée par certaines dispositions du présent projet de loi, dont la mise en oeuvre et l'efficacité sont subordonnées à l'existence d'un accompagnement adapté et de qualité : votre commission a ainsi souligné la nécessité d'un accompagnement pendant et au terme de la période d'intéressement. De la même façon, la mobilisation des travailleurs sociaux qui suivent le bénéficiaire est sans doute la meilleure garantie de trouver une solution concrète de garde d'enfant, plus efficacement qu'un dispositif de priorité d'accès ou de places garanties.

Or, aujourd'hui, seuls les titulaires du RMI bénéficient d'un accompagnement individualisé, formalisé et obligatoire. Ce devrait également être le cas à l'avenir des personnes handicapées titulaires de l'AAH, dans le cadre des plans personnalisés de compensation. S'agissant des autres minima sociaux d'insertion, le seul accompagnement qui leur est accessible est le suivi de droit commun par le service public de l'emploi qui reste largement insuffisant pour des personnes dont les difficultés d'accès à l'emploi ne sont pas uniquement professionnelles, mais aussi sociales.

C'est la raison pour laquelle progresse désormais l'idée de généraliser l'accompagnement à tous les bénéficiaires de minima sociaux d'insertion.


Assurer l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux


Améliorer la qualité des contrats d'insertion : il est nécessaire que les contrats s'attachent à apprécier la situation de l'intéressé dans tous ses aspects, aussi bien professionnels que sociaux et familiaux, qu'ils définissent un parcours d'insertion balisé par des étapes, dont le bilan doit être réalisé régulièrement et qu'ils fixent un calendrier de suivi par le référent.


Poursuivre l'accompagnement après la reprise d'activité : il est important de ne pas laisser les bénéficiaires de minima sociaux livrés à eux mêmes lorsqu'ils reprennent une activité. Il est donc nécessaire de prévoir la poursuite de l'accompagnement après le retour à l'emploi. Cela doit se traduire par une adaptation du contrat d'insertion à cette nouvelle situation. Celui-ci pourra prévoir des actions spécifiques en matière de consolidation de la situation professionnelle, d'assainissement de la situation financière du foyer ou encore de prévention du surendettement.


Étendre l'accompagnement formalisé et obligatoire à l'ASS et à l'API, sous la responsabilité des départements : un accompagnement par les seules Caf, pour les bénéficiaires de l'API, ou par la seule ANPE, pour ceux de l'ASS, ne permettrait pas d'avoir une vision globale de la situation professionnelle et sociale des intéressés. En revanche, Caf et ANPE pourraient être inclus dans le dispositif départemental d'insertion et le département pourrait, en tant que de besoin, passer convention avec ces institutions pour qu'elles participent au dispositif des référents.

Source : Propositions du rapport précité présenté par Michel Mercier et Henri de Raincourt.

Une telle généralisation aurait naturellement un coût, estimé à 360 millions d'euros, sur la base du coût moyen d'accompagnement d'un bénéficiaire du RMI constaté par les départements et du nombre actuel de titulaires de l'ASS et de l'API.

Votre commission considère que les propositions faites par Michel Mercier et Henri de Raincourt constituent des pistes de travail intéressantes. Elles devraient d'ailleurs être traduites en une proposition de loi dont le dépôt sur le bureau du Sénat est attendu pour la fin du mois de février 2006. Votre commission se félicite de la concordance des calendriers entre ce dépôt et la conclusion des travaux du groupe de travail sur les minima sociaux constitué en son sein. Elle devrait permettre un examen conjoint de l'ensemble de ces propositions, afin d'aboutir à une réforme globale de notre dispositif de minima sociaux.

II. MIEUX CONTRÔLER ET LUTTER CONTRE LA FRAUDE : UNE EXIGENCE DE JUSTICE SOCIALE

A. LES INCOHÉRENCES DU DISPOSITIF ACTUEL DE CONTRÔLE ET DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE COMPROMETTENT SON EFFICACITÉ

Le contrôle des abus et des fraudes et leur sanction répondent à un impératif de justice sociale, due non seulement au contribuable qui finance la solidarité nationale mais aussi aux autres bénéficiaires respectueux des règles qui président à l'attribution des prestations. Par ailleurs, le contrôle - s'il est respectueux des personnes - permet d'asseoir la légitimité des minima sociaux vis-à-vis de l'opinion publique.

A titre liminaire, il convient de rappeler que la fraude aux minima sociaux peut recouvrir des comportements très divers et d'un degré de gravité variable : il peut ainsi s'agir d'un oubli - plus ou moins délibéré - de mentionner, à l'occasion d'une déclaration de situation, tel ou tel revenu tiré d'une activité occasionnelle, d'une fausse déclaration ou, de façon plus grave, de la fraude organisée avec recours à de fausses identités. Ces comportements peuvent également être occasionnels ou répétés pendant une longue période et le montant des prestations indûment perçues peut dès lors être plus ou moins important. En toute logique, ces différents types de comportements devraient appeler des sanctions graduées et proportionnées.

Or, le dispositif pénal actuel de répression de la fraude aux minima sociaux est très disparate : les amendes vont de 3.750 euros pour l'ASS à 375.000 euros pour le RMI ; elles peuvent, selon les cas, être ou non assorties de peines d'emprisonnement - c'est le cas pour le RMI et l'ASS, pas pour l'API - d'une durée plus ou moins longue (de deux mois pour l'ASS à cinq ans pour le RMI). Outre le fait qu'il est peu cohérent - comment justifier, en effet, une amende mille fois plus élevée pour le RMI que pour l'ASS ? -, ce dispositif ne reflète pas la gravité réelle des faits incriminés.

Ces incohérences expliquent que les sanctions actuelles en cas de fraude aux minima sociaux restent très largement inappliquées : les Caf font ainsi état du classement sans suite de plus de 75 % des plaintes déposées en matière de fraude au RMI.

Dans le cas particulier du RMI, la référence au délit d'escroquerie au sens du code pénal rend la sanction très largement inapplicable car ce délit recouvre des catégories de faits bien précises : pour que les juges en reconnaissent l'existence, il faut pouvoir prouver le recours à une fausse identité, à une fausse qualité, à l'abus d'une qualité vraie ou encore à des manoeuvres frauduleuses. En l'absence de tels faits, et même si l'existence de la fraude au sens commun du terme n'est pas contestable, les juges sont contraints de classer l'affaire.

Cette sanction défaillante n'est pas sans conséquence. Il n'est pas possible en effet d'évaluer dans quelle mesure cette défaillance est connue des abuseurs. Si elle alimente certainement un sentiment d'impunité, il est très difficile de déterminer l'ampleur des fraudes consécutives à cette situation car l'existence d'un nombre incompressible de fraudes ou de tentatives de fraudes est inhérente à tout système de prestation sociale, surtout si celui-ci est généreux.

Il est en revanche certain que cette défaillance de la sanction contribue à alimenter la suspicion du contribuable vis-à-vis des bénéficiaires de minima sociaux et à accréditer la thèse selon laquelle un nombre important de personnes perçoivent des prestations auxquelles elles n'ont pas droit, soit parce qu'elles trichent pour en obtenir le bénéfice, soit parce qu'elles ne font pas les efforts qu'on attend d'elles pour s'en sortir.

B. DONNER AUX POUVOIRS PUBLICS DES MOYENS MIEUX ADAPTÉS ET PLUS JUSTES POUR SANCTIONNER LA FRAUDE

a) L'harmonisation des sanctions pénales

La préoccupation d'harmoniser les sanctions pénales applicables à la fraude aux trois minima sociaux d'insertion figurait déjà dans le projet de loi initial mais elle a pris toute son ampleur à la suite de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. Cette démarche s'inscrit par ailleurs dans un mouvement général de renforcement des contrôles en matière de fraude aux prestations sociales, comme en témoigne notamment l'adoption de l'article 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Le texte initial du projet de loi prévoyait de sanctionner la fraude à l'ASS et au RMI, ainsi qu'aux primes de retour à l'emploi et d'intéressement, d'une amende de 4.500 euros, doublée en cas de récidive. Il s'agissait en fait d'aligner le régime applicable à ces allocations sur celui en vigueur pour l'API.

Mais alors que la navette se poursuivait sur le présent projet de loi, l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est venue bouleverser le dispositif prévu : celle-ci a en effet créé un régime unifié de sanction en cas de fraude aux prestations servies par les organismes de protection sociale, fondé sur une amende de 5.000 euros ; ce régime est applicable au RMI et à l'API, mais l'ASS en reste exclue car elle n'est pas versée par un organisme de protection sociale. Le manque de coordination entre les deux textes remettait donc en cause le travail d'harmonisation engagé par le projet de loi.

Dès lors, deux options étaient envisageables : un alignement du régime de sanction pénal en cas de fraude à l'ASS sur celui mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour l'ensemble des prestations sociales dont le RMI et l'API ou la création d'un régime spécifique aux minima sociaux d'insertion.

L'Assemblée nationale a choisi de privilégier la logique propre aux minima sociaux : elle a donc sorti l'API et le RMI du régime commun prévu par l'article L. 114-13 du code de la sécurité sociale et prévu un régime commun aux trois minima sociaux, fondé sur une amende de 3.000 euros d'amende, doublée en cas de récidive. Elle a en effet estimé qu'une amende de 5.000 euros était encore trop élevée, compte tenu du public considéré et au regard de la réalité des fraudes commises, lesquelles portent généralement sur de petits montants. Elle a toutefois précisé que les sanctions prévues en cas d'escroquerie s'appliqueront lorsque ce délit sera effectivement constitué.

b) La création d'un régime de sanctions administratives

La mise en oeuvre des sanctions prévues en cas de fraude est également pénalisée par la lourdeur de la procédure judiciaire. Comme le souligne le rapport Mercier-Raincourt, la longueur des délais de jugement n'en fait pas un instrument toujours satisfaisant.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a choisi de donner aux autorités en charge de chaque prestation - président du conseil général pour le RMI, directeur de la Caf pour l'API et préfet pour l'ASS - la faculté de prononcer une amende administrative, d'un montant maximum de 3.000 euros, en cas de déclaration de situation délibérément incomplète ou inexacte ou d'absence volontaire de déclaration de situation, ayant abouti à des versements indus. Cette proposition rejoint celle du rapport Mercier-Raincourt qui visait à donner aux présidents de conseils généraux le pouvoir d'infliger directement une contravention de 5 ème classe, soit 1.500 euros.

Une telle solution n'est pas entièrement nouvelle : la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie avait déjà mis en place d'un tel dispositif d'amendes administratives. Il a ensuite été généralisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 pour toutes les prestations versées par des organismes de protection sociale. Dans tous les cas, y compris celui créé par le présent projet de loi, ces amendes sont prononcées sous le contrôle du juge administratif.

Votre commission approuve ce dispositif qui lui paraît à la fois plus réactif, donc plus dissuasif et plus souple : contrairement à la sanction pénale, l'amende administrative peut être modulée en fonction de la gravité de la fraude, de son caractère réitéré ou non et de la situation de précarité du bénéficiaire.

Elle souligne en outre que l'Assemblée nationale a entouré le recours à ces amendes administratives de garanties pour les bénéficiaires : l'autorité compétente pour prononcer l'amende a l'obligation de notifier le montant de l'amende envisagée et ses motifs, en laissant un délai minimum d'un mois au bénéficiaire pour présenter des observations, et celui-ci a la possibilité de se faire assister par la personne de son choix. Dans le cas de l'ASS et de l'API, une garantie supplémentaire est même prévue puisque les amendes ne peuvent être prononcées qu'après avis d'une commission.

C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION : ASSURER UN ÉQUILIBRE ENTRE POUVOIRS DE SANCTIONS ET GARANTIES POUR LES BÉNÉFICIAIRES

En matière de contrôle et de lutte contre la fraude aux minima sociaux, votre commission souhaite faire deux remarques liminaires :

- il lui semble nécessaire de veiller à ne pas exiger, de la part des bénéficiaires de minima sociaux, davantage de justifications de leur situation que ce qui est admis pour le reste de la population. De même, si un contrôle et des sanctions sont indispensables, il serait injuste de leur donner un caractère d'exemplarité. Il revient en effet aux pouvoir publics d'éviter de contribuer par leur comportement de contrôle et de sanction à alimenter un courant de suspicion et de stigmatisation des bénéficiaires de minima sociaux ;

- elle estime ensuite qu'il est urgent de pallier l'absence d'étude sur le phénomène de fraude aux minima sociaux. Sur ce point, elle rejoint l'analyse des sénateurs Michel Mercier et Henri de Raincourt dans leur rapport remis au Premier ministre. Elle considère qu'une étude sérieuse des phénomènes de fraude aux minima sociaux permettrait de couper court à la méfiance ambiante qui entoure le bénéfice de ces prestations.

Votre commission soutient l'idée selon laquelle la légitimité du contrôle est renforcée si l'attribution des prestations s'effectue dans le cadre d'un dispositif de confiance a priori envers les bénéficiaires : dans un système de droits supposés, un contrôle a posteriori est normal et reconnu comme tel.

S'agissant plus précisément du dispositif adopté à l'Assemblée nationale, votre commission souhaite parfaire l'harmonisation des sanctions applicables aux trois minima sociaux, notamment du point de vue des garanties ouvertes aux bénéficiaires. Ainsi, dans le cas du RMI, elle propose de soumettre l'édiction d'une amende administrative à un avis préalable de la commission locale d'insertion (CLI). Elle estime qu'un tel avis permet d'offrir aux allocataires du RMI la même garantie qu'à ceux de l'ASS et de l'API. Elle souligne en outre que la CLI a déjà une compétence consultative pour les décisions de suspension de l'allocation. Elle propose également de préciser, pour les bénéficiaires de l'ASS, que ceux-ci disposent, comme les autres, d'un délai d'un mois pour présenter leurs observations.

En conclusion, votre commission observe que les dispositions du projet de loi n'épuisent pas le sujet de l'harmonisation des sanctions applicables en cas de fraude aux minima sociaux. Il convient encore une fois de rappeler que le texte ne traite que de trois d'entre eux et que, parmi les neuf minima existants, certains continuent de relever du régime unifié mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale (AAH, minimum invalidité et minimum vieillesse, allocation veuvage), tandis que les autres relèvent de régimes spécifiques (allocation d'insertion et allocation équivalent retraite).

Votre commission considère donc qu'une remise à plat globale devra être opérée, sur ce sujet comme sur d'autres, à l'occasion de l'examen de la future proposition de loi issue des travaux du groupe de travail sur les minima sociaux.

III. DE NOUVELLES ADAPTATIONS EN FAVEUR DE LA COHÉSION SOCIALE

L'Assemblée nationale a complété le projet de loi par un titre V, relatif à la cohésion sociale, introduit par voie d'amendements lors du débat en séance publique. Il procède, pour l'essentiel, à des adaptations ponctuelles du régime des contrats aidés, créés par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.

A. LES CONTRATS AIDÉS ISSUS DE LA LOI DE PROGRAMMATION POUR LA COHÉSION SOCIALE

La loi de programmation pour la cohésion sociale a procédé à une simplification et à une rationalisation du dispositif de contrats aidés.

Elle a tout d'abord remplacé les contrats emploi solidarité (CES) et emploi consolidé (CEC) par le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), qui s'adresse aux employeurs du secteur non marchand, et a réformé le contrat initiative-emploi (CIE), créé en 1995, destiné aux employeurs du secteur marchand.

Elle a ensuite modifié les règles applicables au contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), créé en 2003, afin de renforcer notamment les droits sociaux de ses titulaires. Pour compléter le CI-RMA, qui ne concerne que les seuls employeurs du secteur marchand, la loi a également institué un nouveau contrat - le contrat d'avenir - qui doit favoriser l'embauche d'allocataires de minima sociaux par des employeurs du secteur non marchand et déboucher sur la remise d'une attestation de compétences.

Le titre II de la loi du 26 juillet 2005, relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, a déjà apporté quelques retouches à la loi de cohésion sociale.

Il a ainsi autorisé la signature de contrats d'avenir pour une durée inférieure à deux ans, lorsque l'employeur est un atelier ou un chantier d'insertion, simplifié la procédure de conventionnement préalable à la signature du contrat d'avenir lorsque l'employeur est un établissement public national ou un organisme national chargé de la gestion d'un service public, et autorisé la signature de contrats d'avenir avec les titulaires de l'allocation adulte handicapé (AAH). Ces derniers se sont également vu autorisés à signer un CI-RMA.

Le CI-RMA et le contrat d'avenir n'ont cependant rencontré jusqu'ici, qu'un succès mitigé .

Alors que la loi de programmation pour la cohésion sociale avait fixé un objectif de 185.000 contrats d'avenir signés en 2005, la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, Catherine Vautrin, a indiqué, lors de son audition par votre commission, que seuls 13.500 contrats avaient été signés à la fin de l'année 2005, en dépit d'une forte accélération constatée au cours des derniers mois.

Le nombre de CI-RMA signés était encore plus faible, puisque l'on n'en recensait que 1.525.

Le CAE a connu un essor plus important puisque 134.000 contrats ont été signés, dont 21 % avec des allocataires de minima sociaux.

Dans ce contexte, le Gouvernement se mobilise pour encourager la signature d'un plus grand nombre de CI-RMA et de contrats d'avenir. Ainsi, la quasi-totalité des conseils généraux ont conclu, ou sont en passe de conclure, des contrats d'objectif pour l'insertion des allocataires du RMI, qui devraient favoriser une montée en charge plus rapide de ces dispositifs et une couverture plus complète du territoire. Aux mêmes fins, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, a signé des accords-cadres avec les associations des secteurs des services à la personne et du logement.

B. LES MESURES NOUVELLES PRÉVUES PAR LE PROJET DE LOI

De nouveaux assouplissements aux régimes du CI-RMA et du contrat d'avenir sont cependant prévus, afin de mieux les adapter aux besoins des employeurs comme à ceux de leurs bénéficiaires.

Concernant le contrat d'avenir, le projet de loi prévoit :

- de ramener de six à trois mois la durée minimale du contrat lorsqu'il est conclu avec une personne condamnée bénéficiant d'un aménagement de peine ;

- d'autoriser le renouvellement du contrat d'avenir autant de fois que nécessaire, à condition que sa durée globale n'excède pas trente-six mois ;

- de fixer la durée hebdomadaire du travail des titulaires de contrat d'avenir entre vingt et vingt-six heures lorsqu'ils sont embauchés par un atelier ou un chantier d'insertion.

Concernant le CI-RMA, le projet de loi prévoit d'autoriser la signature de contrats à durée indéterminée ; le CI-RMA ne peut actuellement être conclu que sous la forme d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'intérim.

D'autres mesures enfin concernent les deux types de contrats :

- les recrutements effectués en contrat d'avenir ou en CI-RMA par les ateliers et par les chantiers d'insertion ne seront plus soumis à agrément ;

- tous les allocataires de minima sociaux seront autorisés à signer ces contrats, alors que cette faculté est aujourd'hui réservée aux personnes allocataires de minima sociaux depuis au moins six mois.

C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission approuve globalement les dispositions additionnelles adoptées à l'Assemblée nationale.

Elle se préoccupe néanmoins des conditions de mise en oeuvre de la compensation des allégements de charges, prévue à l'article 13, et vous proposera à ce sujet un amendement de suppression. Elle souhaite également compléter la liste des personnes morales susceptibles de porter un atelier ou un chantier d'insertion, pour y inclure les départements. Il lui paraît enfin utile d'apporter une précision sur la durée de versement de l'aide due à l'employeur au titre du CI-RMA.

*

* *

Au total, votre commission soutient ce texte qui apporte des améliorations susceptibles d'encourager les titulaires de minima sociaux à reprendre une activité professionnelle.

Sous réserve des amendements qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
INCITATION AU RETOUR À L'EMPLOI

Article premier (art. L. 322-12 du code du travail)
Prime de retour à l'emploi

Objet : Cet article institue une prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros, en faveur des bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS qui reprennent un emploi.

I - Le dispositif proposé

Conformément à l'annonce du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, le décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 a mis en place une prime de 1.000 euros en faveur des titulaires du RMI, de l'ASS, de l'API et de l'AAH chômeurs depuis plus d'un an qui reprennent une activité professionnelle.

Cette prime a un double objectif : accroître l'incitation financière à la reprise d'activité et permettre aux personnes concernées de faire face aux nombreux frais - habillement, transport, garde d'enfant... - engendrés par le retour à l'emploi. Son montant élevé est en effet censé servir de déclencheur à une démarche de reprise d'activité : il représente l'équivalent de plus de deux mois d'allocation, soit une somme que beaucoup de bénéficiaires de minima sociaux n'ont jamais eue entre les mains. Il a, en outre, un caractère symbolique car il témoigne de l'investissement de la collectivité aux côtés du bénéficiaire dans son parcours de retour à l'emploi.

Mais en raison de son support réglementaire, le régime de prime mis en place par le décret du 29 août dernier a un caractère temporaire : il expire le 31 décembre 2006. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, fort de l'expérience de ces derniers mois, a décidé de pérenniser ce dispositif en lui donnant une valeur législative : tel est l'objet du présent article.

Son paragraphe I modifie l'intitulé du chapitre II bis du titre II (Emploi) du livre III (Placement et emploi) du code du travail. Ce chapitre, actuellement intitulé « Dispositions relatives au temps partiel », ne contient plus aucun article depuis l'abrogation de son article unique relatif à l'abattement de charges sociales en faveur des temps partiels, par l'ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs. C'est la raison pour laquelle le projet de loi remplace cette division devenue sans objet par une division intitulée « Prime de retour à l'emploi ».

Son paragraphe II rétablit, au sein de ce chapitre II bis , un article L. 322-12 qui détaille le régime de la prime de retour à l'emploi.

Le champ des bénéficiaires de cette prime recoupe largement, mais pas totalement, celui des bénéficiaires de la prime instaurée par  le décret du 29 août 2005 : le présent article ne vise en effet que les allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS et non plus ceux de l'AAH ; en revanche, la condition d'ancienneté de l'inscription à l'ANPE est supprimée.

Il s'agit donc d'un recentrage du dispositif sur les bénéficiaires des minima sociaux dits « d'insertion ». Celui-ci ne paraît pas illégitime, dans la mesure où il existe, pour les bénéficiaires de l'AAH, un dispositif particulier d'accompagnement au retour à l'emploi qui combine un régime de cumul permanent entre revenus d'activité et allocation et des aides financières pour faire face aux frais liés à la reprise d'activité 5 ( * ) .

D'après les informations transmises à ce jour par le Gouvernement, le régime de la nouvelle prime de retour à l'emploi devrait, pour le reste, être identique à celui de la prime mise en place par le décret du 29 août 2005 : elle sera donc versée lorsque le bénéficiaire reprend un emploi d'une durée supérieure à 78 heures par mois, ce qui correspond à un mi-temps, pendant au moins quatre mois . Elle est versée à la fin de ce quatrième mois d'activité et, en cas d'échec de l'insertion professionnelle (ou dans le cas d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim d'une durée supérieure à quatre mois), un délai de carence de dix-huit mois est prévu avant la perception d'une nouvelle prime par le même bénéficiaire.

Les durées minimales retenues pour le bénéfice de la prime de retour à l'emploi traduisent la préférence donnée aux emplois permettant une véritable insertion et la volonté du Gouvernement de ne pas favoriser les emplois à temps très partiels qui n'assurent pas une véritable sortie de la précarité :

- la durée minimale mensuelle de travail de 78 heures couvre les formes traditionnelles de travail à temps partiel qui permettent, comme le mi-temps, de dégager un véritable revenu d'activité, même si celui-ci demeure modeste, mais exclut les formes de travail les plus précaires (temps très partiel, travaux occasionnels) qui ne peuvent que rarement servir de tremplin à une réinsertion professionnelle ;

- le délai de quatre mois pour le versement de la prime se veut un compromis entre le souci de permettre aux bénéficiaires de faire face aux frais de retour à l'emploi, ce qui suppose un paiement le plus rapide possible, et celui d'éviter les effets d'aubaine. Le Gouvernement estime en effet qu'une durée de quatre mois correspond à un emploi relativement durable et traduit un véritable effort continu d'insertion professionnelle de la part des personnes concernées ;

- le délai de carence de dix-huit mois entre le bénéfice de deux primes pour la même personne vise également à éviter d'avantager de façon paradoxale le recours répété à des emplois de courte durée dont on sait qu'ils précarisent leurs titulaires.

Le régime juridique de cette prime de retour à l'emploi est aligné sur les principes régissant les minima sociaux qu'elle complète ou remplace. Ainsi, le nouvel article L. 322-12 précise :

- que la prime de retour à l'emploi a un caractère incessible et insaisissable ;

- que les primes indûment versées peuvent, en revanche, être récupérées, selon des modalités qui doivent toutefois faire preuve de souplesse : il s'agit de concilier l'exigence normale du contrôle avec le souci de ne pas mettre en difficulté des personnes qui auraient perçu la prime en toute bonne foi en leur réclamant un remboursement immédiat de l'intégralité de l'indu. Compte tenu des montants comparés de la prime et des revenus mensuels des intéressés, le projet de loi prévoit donc la possibilité d'un remboursement en plusieurs versements ;

- que le contentieux relatif à l'attribution des primes relève des juridictions compétentes pour connaître des litiges portant sur les allocations initialement perçues par les bénéficiaires : il s'agit donc de la commission départementale d'aide sociale pour le RMI, du tribunal des affaires de sécurité sociale pour l'API et du tribunal administratif pour l'ASS.

Afin de faciliter la gestion de la prime, son versement est confié aux organismes qui versent l'allocation de base, c'est-à-dire aux caisses d'allocations familiales pour le RMI et l'API et aux Assedic pour l'ASS. Mais ceux-ci n'en assument pas la charge financière. En effet, le financement de la prime de retour à l'emploi repose in fine sur l'Etat, et ce pour les trois allocations : le nouvel article L. 322-12 du code du travail met en effet directement à la charge de celui-ci le financement des primes concernant les bénéficiaires du RMI et de l'API. Pour ce qui concerne l'ASS, il est indiqué que la prime est à la charge du fonds de solidarité des travailleurs privés d'emploi qui finance le régime de solidarité d'indemnisation du chômage. Or, celui-ci est équilibré grâce à une subvention de l'Etat : par conséquent, le coût de la prime pour le fonds de solidarité sera compensé par une augmentation de la subvention de l'Etat.

Le coût total pour l'Etat de la prime de retour à l'emploi est évalué à 240 millions d'euros , sur la base du flux actuel de bénéficiaires du RMI, de l'ASS et de l'API qui retournent à l'emploi grâce aux dispositifs d'intéressement. Cependant, dans la mesure où le dispositif combiné de prime de retour à l'emploi et de réforme de l'intéressement vise à accroître le nombre de bénéficiaires de ces allocations retournant à l'activité, son succès pourrait - et devrait - conduire à un coût supérieur.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements à cet article :

- le premier détaille les garanties offertes aux bénéficiaires de la prime de retour à l'emploi dans le cadre de la procédure de récupération des indus : il est donc désormais précisé que les sommes indûment versées ne peuvent être récupérées qu'après expiration du délai de recours contre la décision de récupération et que les bénéficiaires doivent être informés par écrit de la source de l'erreur qui a conduit au versement indu ;

- le second, adopté à l'initiative du Gouvernement, opte pour une unification du contentieux concernant la prime de retour à l'emploi, au profit des juridictions administratives de droit commun : ce choix s'explique par la volonté de simplifier l'exercice du droit au recours pour les bénéficiaires, en facilitant l'identification de la juridiction compétente, et par le souci d'éviter les conflits de jurisprudence sur l'attribution de la prime, fréquents lorsque le contentieux relève de différents types de juridiction.

Plusieurs précisions sont également apportées concernant le recouvrement des indus, dans le sens d'un assouplissement de ses modalités pour les bénéficiaires : la créance pourra ainsi être réduite ou remise pour les bénéficiaires en situation précaire et le principe d'une prescription biennale des actions en récupération est posé. Ces garanties ne s'appliquent toutefois pas en cas de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir le bénéfice de la prime.

L'amendement du Gouvernement précise enfin les pouvoirs octroyés aux organismes chargés de verser la prime en matière de vérification des déclarations des bénéficiaires. Ceux-ci sont identiques à ceux prévus pour la vérification du droit aux minima sociaux eux-mêmes. Comme pour toutes les prestations sociales, il est rappelé que les organismes doivent limiter leurs demandes aux informations strictement nécessaires pour déterminer le droit au bénéfice de la prime.

III - La position de votre commission

Votre commission approuve le principe de cette prime de retour à l'emploi. Elle avait en effet déjà eu l'occasion de souligner les frais importants qui accompagnent le retour à l'emploi pour des personnes qui en sont éloignées depuis très longtemps et elle ne peut que se féliciter des initiatives du Gouvernement qui vont dans le sens d'une réduction des obstacles financiers au retour à l'activité des bénéficiaires de minima sociaux.

Elle s'inquiète toutefois du délai de quatre mois prévu avant tout versement de la prime : en effet, si son objectif est d'aider les bénéficiaires de minima sociaux à faire face aux frais engendrés par le retour à l'emploi, un paiement aussi tardif risque de la rendre totalement inefficace car les investissements à réaliser (garde-robe à renouveler, acquisition d'un véhicule d'occasion ou de tout autre moyen de transport) sont immédiats. On constate d'ailleurs que l'impossibilité à réaliser ces investissements dès le début de la reprise d'activité est une cause importante d'échec de la réinsertion professionnelle.

Il est légitime de chercher à éviter les abus et de privilégier les emplois qui sont les plus susceptibles de conduire à un retour durable à l'activité en exigeant que l'emploi retrouvé ait une durée supérieure à quatre mois. Mais cette exigence n'est pas incompatible avec un versement immédiat de la prime : les contrats à durée déterminée, les contrats à durée déterminée de plus de quatre mois et les missions d'intérim d'une durée équivalente pourraient ouvrir droit immédiatement à la prime, cette condition étant aisément vérifiable par les organismes chargés de la verser. Une procédure de récupération pourrait ensuite, le cas échéant, être engagée lorsque l'activité prend fin avant ce délai de quatre mois pour une raison imputable au salarié (démission, licenciement pour faute).

Votre commission vous propose donc un amendement autorisant le versement de la prime dès la reprise d'activité, tout en maintenant à quatre mois la durée minimum des contrats y ouvrant droit. Elle estime en effet qu'il est indispensable de faire le pari de la confiance envers les bénéficiaires, ce que traduit le versement immédiat de la prime. Cette attitude légitime en outre la plus grande sévérité du contrôle en cas de fraude ou d'abus de droit.

Votre commission insiste également sur la nécessité de prévoir une neutralisation de la prime de retour à l'emploi dans les ressources prises en compte pour l'accès aux droits connexes : pour que cette prime constitue réellement un gain net du retour à l'emploi, il ne faut pas que sa perception conduise à une minoration des droits aux allocations logement, aux prestations familiales sous conditions de ressources ou encore aux exonérations de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle.

Le décret n° 2005-1053 du 29 août 2005 portant exclusion de la prime de retour à l'emploi du montant des ressources prises en compte pour le calcul des prestations familiales, des allocations logement et de certains minima sociaux et modifiant le code de l'action sociale et des familles, le code de la construction et de l'habitation, le code de la sécurité sociale et le code du travail, prévoit une telle neutralisation dans le cadre de la prime provisoire mise en place en septembre dernier. Il conviendra donc d'adapter ce décret, afin qu'il demeure applicable à la prime de retour à l'emploi telle qu'elle résultera du vote de la loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 2 (art. L. 351-20 du code du travail et article premier de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi)
Prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique

Objet : Cet article transforme le mécanisme d'intéressement actuel des bénéficiaires de l'ASS, qui repose sur un cumul partiel des revenus du travail et d'une partie de l'allocation, en un dispositif de primes mensuelles forfaitaires.

I - Le dispositif proposé

Alors qu'un tel mécanisme existe depuis l'origine pour le RMI, la mise en place d'un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité date de 1998 pour l'ASS, avec le vote de la loi de lutte contre les exclusions. Mais plus encore que pour les autres minima sociaux, le mécanisme retenu est d'une grande complexité :

- la durée du cumul autorisé n'est pas uniforme pour tous les bénéficiaires : si l'embauche a lieu au début de la période de versement de l'ASS, le cumul sera autorisé pendant douze mois ; si elle intervient alors que la personne bénéficie de l'ASS depuis plusieurs mois, le cumul cesse quand le droit à l'allocation cesse, soit au bout de 730 jours d'indemnisation. La durée d'indemnisation dépend également du nombre d'heures travaillées pendant la période d'intéressement : ainsi, un allongement de la période d'intéressement est possible, si le nombre total d'heures travaillées pendant les douze mois réglementaires est inférieur à 750 heures. Elle dépend enfin de l'âge de la personne concernée, puisque les allocataires âgés de plus de 55 ans peuvent cumuler salaire et allocation sans limite de temps ;

- la détermination du niveau de cumul autorisé est un véritable casse-tête : ainsi, le cumul est d'abord intégral pendant les six premiers mois, mais à condition que le salaire brut mensuel soit inférieur à un demi-Smic brut. Au delà de cette limite s'applique un dispositif complexe de réduction du nombre d'allocations journalières pouvant être versées au cours du mois à proportion du dépassement de salaire constaté, ce qui se traduit par une baisse du montant mensuel de l'ASS. Enfin, au-delà des six premiers mois, l'ASS est réduite, dans une proportion de 40 % de la rémunération perçue divisée par le montant journalier de l'indemnité.

Il est donc presque impossible, tant pour les allocataires que pour les travailleurs sociaux qui les accompagnent, de calculer la durée de l'intéressement et son montant.

Au-delà de l'unification des dispositifs d'intéressement applicables aux trois minima sociaux que sont le RMI, l'ASS et l'API, elle-même souhaitable pour améliorer leur lisibilité et donc leur attractivité, le présent article apporte donc une simplification bienvenue, en prévoyant un intéressement d'une durée fixe de douze mois, de date à date, et d'un montant forfaitaire . Celui-ci devrait être fixé à 150 euros pour une personne seule et à 225 euros pour un couple ou une famille.

Le paragraphe I complète l'article L. 351-20 du code du travail pour y introduire le nouveau dispositif d'intéressement. Celui-ci ne se substitue pas entièrement à l'ancien qui subsiste pour les emplois à temps très partiel ou les contrats à durée déterminée les plus courts.

En effet, le nouveau dispositif ne s'applique que pour les emplois d'une durée supérieure ou égale à 78 heures par mois, ce qui correspond à un mi-temps, et couvrant un nombre de mois aujourd'hui indéfini, qui pourrait être fixé à quatre mois, comme pour la prime pour le retour à l'emploi, et qui, en tout état de cause, devrait être supérieur à trois mois, puisque pendant les trois premiers mois, le cumul intégral du salaire et de l'allocation sera conservé. Par conséquent, en deçà de ces deux seuils, l'ancien dispositif continuera à s'appliquer.

Le projet de loi prévoit également un plafonnement du salaire ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement : ainsi, le soutien des pouvoirs publics serait retiré lorsque le salaire retrouvé est d'un niveau suffisant pour assurer l'autonomie financière du foyer et qu'il constitue donc à lui seul une motivation suffisante pour retourner à l'activité.

Outre ces conditions générales d'accès, le projet de loi prévoit une exception au bénéfice des primes mensuelles d'intéressement : les personnes reprenant une activité dans le cadre d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ou d'un contrat d'avenir. Cette exclusion s'explique par le fait qu'il existe, pour ces contrats, un régime spécifique de cumul entre allocation et revenus d'activité : leurs signataires voient leurs revenus d'activité entièrement neutralisés pour le calcul des droits à l'ASS mais, en contrepartie, le montant de celle-ci est diminué du montant de l'aide forfaitaire versée à l'employeur.

Il est en outre précisé que le régime juridique de la prime d'intéressement est aligné sur celui de l'ASS elle-même, qu'il s'agisse du contentieux, de la récupération, de la prescription ou encore du caractère incessible et insaisissable des primes. Elle est financée comme l'ASS par le fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi et versée par les Assedic.

Le paragraphe II précise les sanctions applicables à la fraude à la prime de retour à l'emploi et aux primes d'intéressement pour les bénéficiaires de l'ASS : la peine est donc fixée à 4.500 euros d'amende, le double en cas de récidive. On notera toutefois que le régime de fraude à l'ASS elle-même n'est pas modifié : il en résulte que la fraude à l'ASS est moins sévèrement sanctionnée que la fraude à l'intéressement, puisqu'elle n'est passible que de 3.750 euros d'amende et de deux ans d'emprisonnement.

Le paragraphe III inscrit, par coordination, le financement de la prime de retour à l'emploi et des primes mensuelles d'intéressement pour les bénéficiaires de l'ASS parmi les compétences du fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi qui finance déjà l'allocation de base.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre deux amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a apporté deux modifications à cet article :

- il est expressément indiqué que les dispositions relatives au cumul entre revenus d'activité et allocation s'appliquent au cas des travaux saisonniers ;

- en raison des incohérences du dispositif de sanctions en cas de fraude aux minima sociaux, que les dispositions initiales du projet de loi ne permettent pas de résoudre, les sanctions applicables aux trois allocations concernées par le projet de loi ont été harmonisées. C'est la raison pour laquelle le paragraphe II de cet article relatif aux sanctions a été supprimé, ce sujet devant être abordé dans les nouveaux articles 10 bis et suivants, introduits à l'initiative du rapporteur.

III - La position de votre commission

Une simplification du mécanisme de l'intéressement était sans aucun doute nécessaire, afin de redonner à ce dispositif méconnu de ses bénéficiaires potentiels l'attractivité qu'il mérite. A ce jour, en effet, parmi les allocataires de l'ASS susceptibles de bénéficier de l'intéressement, quatre sur dix en ignorent l'existence et, depuis sa création en 1998, la proportion de bénéficiaires de l'ASS en intéressement a reculé de près de trois points, passant de 16 % à 13,2 %.

C'est la raison pour laquelle votre commission approuve la réforme proposée par cet article : elle améliore la lisibilité du dispositif et la prévisibilité des ressources pour les bénéficiaires, ce qui est un élément essentiel de la sécurisation et donc de la réussite des parcours d'insertion.

Votre commission souhaite néanmoins attirer l'attention sur les risques d'effets pervers liés à la fixation d'un salaire maximum ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement. Les personnes concernées n'auront en effet intérêt à accepter un emploi rémunéré au-delà du plafond que si le salaire proposé dépasse un montant équivalent au salaire maximum autorisé, majoré de la prime.

Cet effet de seuil n'a que peu d'importance si le plafond est fixé à un niveau élevé, rendant négligeable le gain de pouvoir d'achat apporté par la prime. Mais s'il est fixé trop bas, aux environs du Smic notamment, le risque d'un effet désincitatif sur l'emploi ne saurait être écarté : à ce niveau de ressources, une différence de 150 ou 225 euros de revenu mensuel a un impact très important. Ainsi, paradoxalement, les intéressés eux-mêmes conforteraient les employeurs à proposer des rémunérations plus faibles : il leur serait en effet plus intéressant d'accepter un emploi moins bien rémunéré car leurs ressources totales, compte tenu de l'intéressement, seraient plus importantes qu'avec un emploi rémunéré juste au dessus du seuil.

Lors de son audition devant votre commission, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a indiqué que le Gouvernement pourrait renoncer à mettre en oeuvre ce plafonnement. En conséquence et compte tenu de ses effets pervers potentiels, votre commission vous propose de le supprimer.

Votre commission s'inquiète par ailleurs des conditions de sortie du mécanisme de l'intéressement. La fin brutale du versement des primes forfaitaires au bout de douze mois comporte en effet un risque non négligeable de déstabilisation de l'insertion professionnelle et de la situation financière des personnes concernées.

Pour autant, il est évident que, pour des raisons d'équité par rapport aux salariés qui ont le même niveau de revenu d'activité mais qui n'ont pas préalablement bénéficié des minima sociaux, l'intéressement ne peut être que temporaire : un intéressement permanent donnerait en quelque sorte une prime aux parcours professionnels précaires ayant nécessité le passage par un minimum social.

Rétablir une neutralité de l'aide apportée par les pouvoirs publics par rapport aux « travailleurs pauvres » supposerait de mettre en place un dispositif généralisé de soutien aux bas revenus, soit sous la forme d'un crédit d'impôt à l'anglo-saxonne, soit sous la forme d'une allocation dégressive du type du « revenu de solidarité active » prôné par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch. Mais une telle solution reviendrait à admettre que, pour une partie de la population, le travail ne pourra jamais à lui seul apporter des revenus suffisants, justifiant dès lors un soutien permanent de l'Etat. Un signal de cette nature donné aux entreprises pourrait les encourager à une forme d'irresponsabilité en matière de rémunération des emplois les moins qualifiés.

C'est la raison pour laquelle votre commission ne propose à ce stade ni un intéressement permanent, ni la mise en place du « revenu de solidarité active ». Elle plaide en revanche pour que les moyens soient donnés aux bénéficiaires de faire face à la réduction de leurs revenus résultant de la fin de l'intéressement. Cependant, plutôt que de prévoir une sortie dégressive, qui viendrait accroître la complexité d'un dispositif volontairement conçu comme simple et lisible, votre commission propose la mise en place d'une « prime de fin d'intéressement » : cette solution respecte la conception initiale du dispositif, donne aux intéressés les moyens de s'organiser face à la chute de revenu que provoque la fin de l'intéressement et les responsabilise dans la gestion de cette transition.

En tout état de cause, la fin de l'intéressement devrait faire l'objet d'un accompagnement adapté, afin d'aider les bénéficiaires à faire face à la réduction de leurs revenus sans fragiliser leur situation professionnelle et sans tomber dans la spirale de l'endettement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 3 (art. L. 131-2, L. 262-10, L. 262-11, L. 262-30, L. 262-32, L. 262-39, L. 262-40, L. 262-41 et L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles)
Prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion

Objet : Cet article vise à remplacer l'actuel mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI, fondé sur abattement dégressif sur les salaires pris en compte pour le calcul de l'allocation, par un dispositif de primes mensuelles forfaitaires.

I - Le dispositif proposé

Depuis l'origine, le RMI a été conçu comme un revenu temporaire, visant à assurer un minimum de ressources à des personnes en attente de réinsertion dans le monde du travail. C'est la raison pour laquelle, dès 1988, un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité a été prévu, fondé sur une autorisation de cumul - partiel et temporaire - entre allocation et revenus du travail. L'objectif de ce mécanisme était à la fois de donner un « coup de pouce » financier aux personnes qui quittaient la sécurité procurée par le minimum social pour reprendre un emploi et de ne retirer que progressivement à l'allocataire le support de l'Etat.

Mais, comme pour l'ASS, le dispositif actuel d'intéressement est complexe et, surtout, peu lisible pour les bénéficiaires qui ne peuvent généralement pas calculer seuls l'allocation différentielle à laquelle ils auront droit en reprenant un emploi, ni la durée pendant laquelle cette aide leur sera maintenue :

- la période de cumul intégral entre salaire et allocation peut varier de trois à six mois en fonction de la combinaison entre date d'embauche et date de la déclaration trimestrielle de ressources ;

- le montant de l'allocation différentielle dépend du salaire retrouvé et du nombre d'heures travaillées dans le trimestre : il peut donc varier d'un trimestre à l'autre et l'évolution des ressources peut difficilement être anticipée par les bénéficiaires.

Par ailleurs, si l'on étudie le gain apporté par l'intéressement actuel, on constate que celui-ci est maximal pour un salaire égal à 0,4 Smic et qu'il décroît ensuite pour s'annuler aux environs de 0,8 Smic : à partir d'un peu plus d'un tiers-temps, le gain net par heure travaillée, pour une personne rémunérée au Smic, s'amenuise au fur et à mesure de l'augmentation du temps de travail. Le dispositif procure donc un avantage plus important aux temps partiels courts, alors que ces emplois ne permettent pas aux foyers concernés de sortir de la précarité.

C'est pour remédier à ces critiques que le présent article propose une réforme de l'intéressement, fondée - comme pour l'ASS - sur un mécanisme de primes mensuelles forfaitaires, d'un montant de 150 euros pour les personnes seules et de 225 euros pour les couples et les familles :

- la durée de l'intéressement sera désormais entièrement prévisible et équivalente pour tous puisque le dispositif prévoit une première période de trois mois de cumul intégral entre allocation et salaire, décomptée à compter du jour de l'embauche, suivie d'une période de versement des primes forfaitaires de neuf mois ;

- le mécanisme de prime forfaitaire rend parfaitement clair, pour les allocataires, le gain apporté par la reprise d'emploi ;

- enfin, le gain apporté par l'intéressement ne diminuera plus au fur et à mesure de l'augmentation du temps de travail : ainsi, les personnes embauchées à temps très partiel seront encouragées à augmenter - si elles le peuvent - leur quotité de travail.

Par ailleurs, pour éviter de favoriser le temps très partiel ou les emplois de très courte durée qui ne constituent pas des tremplins satisfaisants vers l'emploi durable, le nouveau dispositif d'intéressement ne se déclenchera qu'à compter d'un temps de travail minimal de 78 heures par mois, pendant un nombre de mois consécutifs qui reste à définir mais qui devrait s'établir à trois mois puisqu'avant cette limite, un cumul intégral est prévu.

Ce faisant, le présent article crée un mécanisme d'intéressement identique à celui mis en place pour l'ASS. L'article 4 du projet de loi prévoyant une réforme semblable pour l'API, les trois minima sociaux dits « d'insertion » disposeront donc d'un mécanisme unique d'incitation à la reprise d'activité. Cette harmonisation est une des clés de voûte de la réforme voulue par le Gouvernement : en sortant d'une logique de statut, elle constitue un premier pas dans la voie d'un décloisonnement des publics ; la simplification qui en résulte devrait également permettre d'assurer une meilleure promotion de cet outil auprès des travailleurs sociaux et des bénéficiaires potentiels.

Pour introduire ce nouveau dispositif d'intéressement dans le code de l'action sociale et des familles, le paragraphe I de cet article modifie d'abord l'intitulé de la section 2 (Conditions d'ouverture du droit à l'allocation) du chapitre II (Revenu minimum d'insertion) du titre VI (Lutte contre la pauvreté et les exclusions) de son livre II (Différentes formes d'aide et d'action sociales).

Son paragraphe II complète ensuite l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles qui constitue la base légale des mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité pour les bénéficiaires du RMI, sans abroger entièrement l'ancien dispositif puisque celui-ci subsiste pour les emplois d'une durée inférieure aux 78 heures mensuelles.

Comme pour l'ASS, le projet de loi pose, en outre, la possibilité d'un plafonnement du salaire ouvrant droit aux primes forfaitaires. Votre commission n'a toutefois pas pu connaître à ce stade le niveau envisagé pour ce plafonnement, ni même si le Gouvernement a réellement l'intention de faire usage de cette disposition qui demeure une simple possibilité.

Il est précisé que ces primes constituent une prestation légale d'aide sociale, ce qui signifie qu'elles relèvent de la compétence du conseil général et que les règles applicables en matière d'attribution, de contentieux, de prescription et de récupération sont, sauf dispositions explicitement contraires, celles applicables à toutes les prestations légales d'aide sociale.

En conséquence, il est également indiqué que les primes sont versées par le département. Cette disposition est toutefois contradictoire avec celles du paragraphe V qui confie le service des primes aux caisses d'allocations familiales (Caf), lesquelles liquident déjà le RMI lui-même. Il semble donc que la volonté du Gouvernement était plutôt de préciser que l'attribution et le financement des primes relèvent du département qui verse le RMI. Il convient de préciser qu'il ne s'agit nullement d'une charge nouvelle pour les départements, dans la mesure où le dispositif des primes forfaitaires ne fait que remplacer le mécanisme existant d'intéressement qui est déjà financé par les départements. L'opération devrait donc être neutre pour les finances départementales.

Toutefois, lorsque les personnes concernées cumulent le RMI et l'ASS ou l'API, il est précisé que la charge des primes repose sur la personne morale responsable de l'autre allocation. Cette disposition est conforme au principe selon lequel le RMI constitue le dernier « filet de sécurité » de notre protection sociale et qu'il a donc un caractère subsidiaire par rapport à toutes les autres allocations.

Enfin, comme il le fait pour les primes forfaitaires d'intéressement à l'ASS, le projet de loi exclut du champ du nouveau mécanisme d'intéressement les personnes embauchées en CI-RMA ou en contrat d'avenir, car celles-ci bénéficient déjà un dispositif spécifique d'intéressement.

Le paragraphe III de cet article modifie l'article L. 131-2 du code de l'action sociale et des familles pour inscrire, par coordination, la prime forfaitaire d'intéressement des bénéficiaires du RMI parmi les prestations d'aide sociale légale à la charge des départements.

Son paragraphe IV modifie l'article L. 262-10 du même code qui détermine les ressources prises en compte pour l'ouverture du droit au RMI et pour le calcul de son montant, afin d'exclure de celles-ci la prime de retour à l'emploi et les primes d'intéressement.

Dans certaines configurations familiales, en effet, les revenus tirés d'un emploi à mi-temps rémunéré au Smic, seuil prévu pour le déclenchement du bénéfice des primes, restent inférieurs au plafond du RMI : en neutralisant les primes dans les ressources retenues pour le calcul de leur droit à l'allocation, les personnes concernées pourront donc bénéficier, en plus de leur salaire et des primes, d'une allocation différentielle, ce qui renforce l'incitation au retour à l'activité pour ces foyers.

Il convient toutefois de souligner que, dans ce cas, les personnes concernées n'ont aucun intérêt financier à travailler une fois terminée la période d'intéressement, puisque les revenus tirés de l'activité viennent réduire à due concurrence l'allocation versée et que les ressources globales restent égales au plafond de l'allocation. Pour que le gain marginal redevienne positif y compris après la fin de l'intéressement, un couple devra travailler au moins 85 heures au Smic et une famille avec deux enfants au moins 122 heures.

Le paragraphe V , qui modifie l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles, prévoit que le service des primes forfaitaires est assuré par les Caf, comme pour l'allocation elle-même, et selon les mêmes modalités en termes de relations avec les départements. Il supprime également le dernier alinéa de l'article L. 262-30 qui organisait, à titre transitoire, les relations entre Caf et départements à l'occasion de la décentralisation du RMI, dans l'attente de la parution du décret qui en fixerait les règles définitives. Celui-ci étant paru 6 ( * ) , cet alinéa est effectivement devenu obsolète.

En modifiant l'article L. 262-32 du même code, le paragraphe VI prévoit, toujours par coordination, que le président du conseil général peut déléguer à la Caf, comme il le fait pour le RMI lui-même, certaines décisions individuelles relatives à l'attribution des primes forfaitaires.

Le paragraphe VII précise que le contentieux des décisions relatives aux primes mensuelles relève de la commission départementale d'aide sociale, comme celui relatif au RMI lui-même. De même, les associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté pourront se substituer au bénéficiaire de la prime pour exercer les recours, avec son accord, comme pour le RMI.

Le paragraphe VIII prévoit, quant à lui, la prescription biennale des actions en paiement des primes ou en recouvrement de celles-ci, comme pour le RMI.

Le paragraphe IX modifie l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles, qui organise les modalités de recouvrement des allocations indûment versées, sur deux points : il renvoie d'abord à un texte réglementaire la détermination des modalités de remboursement de la dette contractée au titre du RMI indûment versé et soumet ensuite aux mêmes règles le remboursement des primes d'intéressement indûment versées.

Le paragraphe X prévoit, par coordination avec les règles applicables au RMI lui-même, l'incessibilité et l'insaisissabilité des primes d'intéressement et la possibilité de mandater ces primes à un organisme agréé à cet effet, avec l'accord de leur bénéficiaire.

Le paragraphe XI décline, pour le RMI, les différentes mesures nécessaires pour harmoniser les sanctions pénales applicables en cas de fraude aux trois minima sociaux qui constituent l'objet du projet de loi.

A ce jour, la fraude au RMI est assimilée à une escroquerie au sens du code pénal. Elle est donc punie, comme telle, de cinq ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende, ce qui semble totalement disproportionné, eu égard au public considéré, à la gravité des faits dans la plupart des cas et aux sanctions prévues pour les autres minima sociaux, soit respectivement 3.750 euros pour l'ASS et 4.500 euros pour l'API. Ces sanctions sont en outre très rarement appliquées car il est particulièrement difficile de prouver la constitution du délit d'escroquerie, dans la mesure où le code pénal retient cette qualification uniquement dans les cas de recours à une fausse identité, à de fausses qualités ou à des « manoeuvres frauduleuses ».

C'est la raison pour laquelle le projet de loi supprime dorénavant la référence au délit d'escroquerie et prévoit une amende de 4.500 euros, doublée en cas de récidive, comme il le fait à l'article 2 pour l'ASS, ce qui constitue en fait un alignement avec le régime existant pour l'API.

Le paragraphe XII prévoit enfin, par coordination avec les dispositions prévues pour le RMI lui-même, que le fait de proposer ses services et se faire rémunérer pour faire obtenir le bénéfice des primes d'intéressement est passible d'une amende de 4.500 euros, doublée en cas de récidive.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Par coordination avec la précision apportée à l'article 2 pour les bénéficiaires de l'ASS, l'Assemblée nationale a d'abord souhaité préciser que les dispositifs d'intéressement permettant le cumul entre revenus d'activité et RMI s'appliquent en particulier au cas des travaux saisonniers.

Elle a également supprimé les paragraphes XI et XII relatifs aux sanctions en cas de fraude au RMI et aux primes d'intéressement. Elle a en effet considéré que le dispositif proposé par le projet de loi initial soulevait une double difficulté :

- une difficulté de forme, tout d'abord, puisque l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, visé par le paragraphe XI, a été abrogé par l'article 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 qui a mis en place un dispositif global de lutte contre les fraudes en matière de prestations versées par les organismes de protection sociale ;

- une difficulté de fond, ensuite, puisque les sanctions prévues par le présent article diffèrent de celles adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale : cette dernière fixe en effet notamment l'amende due en cas de fraude à 5.000 euros et ne comporte aucune précision quant à un doublement de la peine en cas de récidive. Du fait de ces divergences, il est difficile de déterminer la sanction applicable. On pourrait même s'interroger sur un possible cumul des peines.

Au vu de ces incohérences, l'Assemblée nationale a donc souhaité mettre en place une harmonisation plus complète du dispositif de sanctions applicables en cas de fraude aux minima sociaux. Les dispositions relatives à ces sanctions figurent désormais aux articles 10 bis et suivants du présent projet de loi.

Enfin, trois amendements rédactionnels ont été adoptés à cet article.

III - La position de votre commission

Les observations faites par votre commission concernant le dispositif de primes forfaitaires mis en place pour les bénéficiaires de l'ASS sont évidemment également valables pour le dispositif, identique, prévu dans le cadre du RMI. C'est la raison pour laquelle elle vous propose, par coordination avec les amendements présentés à l'article 2, de :

- supprimer la possibilité, ouverte par le projet de loi, de fixer un salaire maximum au-delà duquel les primes forfaitaires d'intéressement ne sont plus dues ;

- mettre en place une prime de fin de l'intéressement.

Votre commission souhaite également préciser, par amendement , le rôle du département en ce qui concerne les primes d'intéressement : celui-ci attribue et finance les primes mais il ne les verse pas directement. Comme pour le RMI lui-même, la liquidation des primes relève en effet des Caf.

Elle vous propose enfin de prévoir, par amendement, les adaptations nécessaires pour le versement des primes forfaitaires d'intéressement dans les départements d'outre-mer : ainsi, comme pour le RMI, l'attribution des primes d'intéressement dans ces départements sera effectuée par l'agence départementale d'insertion et non par le département.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 4 (art. L. 511-1, L. 524-1 et L. 524-5 du code de la sécurité sociale)
Prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé

Objet : Cet article vise à réformer le dispositif d'intéressement applicable aux bénéficiaires de l'API qui reprennent un emploi, en remplaçant le mécanisme actuel d'abattement temporaire sur les revenus d'activité pour le calcul du montant de l'allocation par un système de primes mensuelles forfaitaires.

I - Le dispositif proposé

Le présent article constitue le dernier volet de l'harmonisation des mécanismes d'intéressement applicables aux trois minima sociaux dits « d'insertion » : sur le modèle du dispositif mis en place par les articles 2 et 3, il prévoit de remplacer le mécanisme actuel de cumul partiel entre salaire et API par un système de primes mensuelles forfaitaires.

A cet effet, le paragraphe I insère un nouvel article L. 524-5 dans le code de la sécurité sociale, au sein du chapitre consacré à l'API. Il reprend l'ensemble des dispositions relatives à l'intéressement à la reprise d'activité pour les bénéficiaires de cette allocation, c'est-à-dire le nouveau dispositif de primes forfaitaires, comme pour le RMI et l'ASS, et les dispositions existantes qui subsistent d'une part pour les emplois d'une durée inférieure à 78 heures par mois, d'autre part, pour les personnes qui bénéficient d'un CI-RMA ou d'un contrat d'avenir.

Comme pour le RMI et l'ASS, le mécanisme de primes forfaitaires concerne les personnes qui reprennent une activité de plus de 78 heures par mois pendant un nombre de mois encore non déterminé à ce stade mais qui pourrait, comme pour les deux autres allocations, être fixé à trois mois, puisqu'en deçà de cette durée, c'est la règle du cumul intégral entre salaire et allocation qui s'applique. La durée de l'intéressement est fixée à douze mois, se décomposant en deux périodes : une période de trois mois de cumul intégral et une période de neuf mois de versement des primes forfaitaires.

Par coordination avec les règles prévues pour les deux autres allocations, le présent article précise que le salaire ouvrant droit au bénéfice des primes pourra être plafonné, sans qu'il soit possible de préciser pour l'instant le niveau auquel pourrait être fixé ce plafonnement. Enfin, comme pour le RMI, il est rappelé que le mécanisme de primes n'est pas applicable aux personnes qui reprennent une activité en CI-RMA ou en contrat d'avenir, cette exclusion étant justifiée par le fait qu'il existe un autre mécanisme d'intéressement pour ce type de contrat.

Le projet de loi précise également le régime de primes applicables aux personnes qui seraient bénéficiaires à la fois de l'ASS et de l'API : dans ce cas, les intéressés bénéficieront de la prime rattachée à l'ASS. Pour mémoire, votre commission rappelle qu'en cas de cumul entre RMI et API, l'article 2 prévoit, à l'inverse, le versement de la prime qui se rattache au bénéfice de l'API. Il est enfin important de souligner que le fait d'opter pour le régime de primes rattaché au bénéfice de l'une ou l'autre allocation est sans conséquence pour les bénéficiaires eux-mêmes, puisque les règles qui les régissent sont strictement identiques : cette précision a en réalité pour objectif de déterminer la personne morale compétente pour l'attribution et le financement de la prime dans ces cas particuliers.

Le paragraphe II confère aux primes mensuelles d'intéressement des bénéficiaires de l'API le caractère de prestations familiales, comme c'est déjà le cas pour l'API elle-même. En tant que telles, les primes forfaitaires sont donc soumises à l'ensemble des règles applicables à ces prestations, notamment en matière de contentieux, de récupération et de prescription.

Le paragraphe III prévoit enfin deux mesures de coordination :

- il supprime d'abord de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale les dispositions relatives à l'intéressement qui figurent désormais, en application du paragraphe I, dans le nouvel article L. 524-5 ;

- il précise que l'Etat rembourse à la caisse nationale des allocations familiales les sommes avancées par elle au titre des primes d'intéressement, comme il le fait déjà pour l'API elle-même.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a peu modifié cet article : comme pour l'ASS et le RMI, elle a tenu à préciser que les dispositifs d'intéressement s'appliquent notamment aux cas des travaux saisonniers. Elle a également adopté un amendement supprimant une précision inutile.

III - La position de votre commission

Par coordination avec les amendements qu'elle propose aux articles 2 et 3, votre commission souhaite amender le présent article sur deux points : elle propose d'abord de supprimer la possibilité de plafonner le salaire compatible avec le bénéfice des primes mensuelles d'intéressement ; elle propose ensuite de créer, au profit des bénéficiaires de l'API qui arrivent au terme de la période d'intéressement, une « prime de sortie ». Elle insiste encore une fois pour que la fin de l'intéressement soit assortie d'un accompagnement des bénéficiaires, pour leur permettre de mieux gérer la modification de leurs ressources.

Par ailleurs, le projet de loi assimile la prime forfaitaire d'intéressement versée aux titulaires de l'API à une prestation familiale. Or, si cette assimilation est nécessaire pour préciser le régime de la prime en matière d'incessibilité et d'insaisissabilité ou encore de contentieux, certaines des règles prévues pour les prestations familiales s'avèrent peu pertinente dans le cas des primes d'intéressement :

- la revalorisation de la prime en fonction de la base mensuelle des allocations familiales doit ainsi être écartée : elle conduirait en effet à une revalorisation différente pour la prime des bénéficiaires de l'API et pour celle versée aux bénéficiaires du RMI et de l'ASS. Il semble préférable que la prime soit revalorisée pour les trois minima sociaux en même temps, par voie réglementaire, et de façon à préserver un montant « rond », plus lisible et plus incitatif ;

- les règles de détermination des dates d'ouverture et de fin de droit à la prime ne peuvent être alignées sur celles applicables aux prestations familiales : cela conduirait en effet à des délais de carence dans le versement des primes qui seraient inacceptables, compte tenu de leur objet ;

- enfin, il n'y a pas lieu de soumettre la prime d'intéressement à la tutelle aux prestations familiales : ce mécanisme vise à permettre une mise sous tutelle des prestations familiales qui ne seraient pas utilisées dans l'intérêt de l'enfant. Or, la prime d'intéressement n'est pas versée à raison de la présence des enfants mais à raison de la reprise d'activité.

Votre commission vous propose donc de prévoir les adaptations nécessaires par amendement. Une précision est également nécessaire pour permettre le versement des primes d'intéressement aux bénéficiaires de l'API qui résident dans les départements d'outre-mer.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 5 (art. 81 du code général des impôts et art. L. 136-2 du code de la sécurité sociale)
Exonération fiscale des primes

Objet : Cet article vise à exclure la prime de retour à l'emploi et les primes mensuelles d'intéressement des ressources prises en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu et à les exonérer de CSG.

I - Le dispositif proposé

En raison de leur caractère de minima sociaux, le RMI, l'API et l'ASS sont exonérés d'impôt sur le revenu. RMI et API sont également exonérés de CSG. Or, le retour à l'emploi entraîne un assujettissement du salaire nouvellement perçu à ces impôts auquel il semble difficile de remédier car cet assujettissement est lié à la modification de la nature des ressources perçues. La seule solution consisterait à prévoir un abattement généralisé, coûteux et sans grande efficacité à ce niveau de revenu car dans la plupart des cas, les revenus sont tels que les intéressés demeurent non imposables.

En revanche, il est important que la perception de la prime pour l'emploi et des primes forfaitaires d'intéressement ne vienne pas aggraver ce phénomène. C'est la raison pour laquelle cet article prévoit un régime fiscal particulier pour ces primes :

- son paragraphe I donne un caractère non imposable aux deux types de primes. Leur régime est donc identique à celui de la plupart des minima sociaux et à celui des prestations familiales ;

- son paragraphe II prévoit, quant à lui, que ces différentes primes ne sont pas soumises à la CSG.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article, ainsi que deux amendements visant à corriger des erreurs de référence.

III - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver les dispositions de cet article qui vont dans le sens de la neutralisation des primes pour le calcul des droits connexes, sujet sur lequel elle est particulièrement vigilante.

Il convient toutefois de souligner un paradoxe auquel aboutit ce dispositif : désormais, les primes d'intéressement versées aux bénéficiaires de l'ASS seront exonérées de CSG, alors que l'ASS elle-même y reste soumise. Cette situation montre à quel point il est important d'engager une harmonisation du régime fiscal de l'ensemble des minima sociaux.

Mais votre commission ne proposera pas ici de modifier le régime fiscal de l'ASS car cette mesure doit nécessairement s'inscrire dans une réflexion d'ensemble sur les droits connexes applicables aux différents minima sociaux. Cette réflexion fait d'ailleurs l'objet d'un travail spécifique en son sein qui doit aboutir au dépôt d'une proposition de loi dans les toutes prochaines semaines.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6 (art. L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles)
Garde des enfants des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique

Objet : Cet article institue une priorité d'accès aux places de crèche au profit des enfants des bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS qui reprennent un emploi.

I - Le dispositif proposé

Améliorer l'attractivité financière de l'emploi par rapport à l'inactivité ne suffit pas à lever l'ensemble des obstacles que rencontrent les bénéficiaires de minima sociaux en transition vers l'emploi. Il existe en effet des obstacles pratiques à la reprise d'activité, au premier rang desquels l'accès aux modes de garde pour les familles avec enfants, et plus particulièrement pour les parents isolés de jeunes enfants.

Les bénéficiaires de minima sociaux accèdent en effet très difficilement aux modes de garde payants. Si, pour les modes de garde individuels, la principale raison de cet accès difficile reste leur coût, l'obtention d'une place en mode d'accueil collectif se heurte plutôt à un phénomène de file d'attente : compte tenu de la pénurie de places en crèches, les gestionnaires donnent la priorité aux enfants dont les deux parents travaillent, ce qui relègue d'office les enfants de bénéficiaires de minima sociaux en queue de peloton. Cette situation est d'autant plus regrettable que la crèche reste le mode de garde financièrement le plus accessible pour les parents à très faibles revenus.

C'est à cette situation que le présent article vise à remédier : il introduit un nouvel article L. 214-7 dans le code de l'action sociale et des familles qui prévoit une priorité d'accueil en crèche pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi.

Cette priorité s'applique dans l'ensemble des structures de garde collective, publiques ou privées, destinées aux enfants non encore soumis à l'obligation scolaire, c'est-à-dire aux enfants de moins de six ans : il peut donc s'agir de crèches collectives, de crèches parentales, de crèches d'entreprise, de crèches familiales ou encore de haltes-garderies.

Elle concerne les enfants de moins de quatre ans des allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API : le projet de loi semble en effet considérer qu'au-delà de cet âge, la scolarisation en maternelle est la règle et qu'elle constitue le mode de garde à privilégier, de telle sorte qu'une priorité en crèche n'a plus de sens.

Pour en bénéficier, outre le fait d'être bénéficiaire d'un des trois minima sociaux, les parents doivent remplir deux conditions : travailler ou suivre une formation professionnelle rémunérée et être parent isolé ou avoir un conjoint qui lui-même travaille ou suit une formation rémunérée.

Les conditions d'application de cet article seront précisées par deux décrets :

- le premier, pris en Conseil d'Etat, fixera les limites de la priorité accordée aux enfants de bénéficiaires de minima sociaux, c'est-à-dire, pour chaque structure, le nombre ou la proportion maximale d'enfants concernés ;

- le second déterminera les modalités d'exercice, par les parents, de leur droit à la priorité.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a estimé que la notion de priorité d'accès aux places de crèche est trop floue, comme en atteste d'ailleurs le renvoi à deux décrets pour en préciser les conditions de mise en oeuvre.

Elle a par ailleurs considéré que l'instrument du décret est inadapté pour garantir l'effectivité de l'accueil en crèche des enfants concernés : en passant par la voie réglementaire, le Gouvernement serait en effet conduit à fixer des conditions uniformes d'exercice de cette priorité et, par conséquent, trop rigides, ou à l'inverse trop imprécises, ce qui risquait de remettre en cause l'accueil effectif des enfants intéressés.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction de cet article et prévu, en lieu et place de la priorité d'accès, un dispositif de « places garanties » qui repose sur la définition, au plus près du terrain, d'un volant de places mobilisables au sein de chaque structure au profit des enfants de bénéficiaires de minima sociaux : le nombre de ces places sera en effet fixé, en fonction des besoins locaux et des caractéristiques de la structure elle-même, par les conventions de financement des crèches.

Il convient de souligner qu'il ne s'agit pas de places réservées au sens où elles devraient obligatoirement demeurer vacantes tant qu'aucun allocataire de minima sociaux ne demande à en bénéficier : il serait en effet plus juste de parler de places « prédéfinies », pouvant en pratique être soit des places vacantes au moment de la demande, soit des places en surnombre, dans les limites autorisées par la réglementation 7 ( * ) .

La nouvelle rédaction adoptée à l'Assemblée nationale modifie également sur deux points le champ d'application du dispositif d'accès aux places de crèches par rapport au mécanisme originellement prévu par le Gouvernement :

- alors que le texte initial se limitait aux enfants de moins de quatre ans, il vise désormais l'ensemble des enfants de moins de six ans non scolarisés, et ce par cohérence avec les dispositions relatives à l'obligation scolaire qui ne rendent obligatoire la scolarisation qu'à compter de cet âge ;

- elle précise utilement que la garantie d'accès aux places de crèches s'applique non seulement aux enfants des bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS mais aussi à ceux qui, n'en étant plus bénéficiaires, relèvent du nouveau régime d'intéressement.

III - La position de votre commission

Votre commission avait souligné, dans un rapport d'information publié en mai dernier 8 ( * ) , l'obstacle majeur que représente pour les bénéficiaires de minima sociaux, notamment pour les parents isolés, l'impossibilité de faire garder leurs enfants de façon fiable et pérenne. Elle salue donc la prise de conscience que traduit cet article.

Celui-ci s'inscrit dans le prolongement de la convention d'objectifs et de gestion passée entre la CNAF et l'Etat pour la période 2005-2008 et qui fixe aux caisses une priorité en matière d'accueil des enfants de bénéficiaires de l'API. Il convient également de rappeler que, depuis la mise en place de la prestation de service unique, en 2002, les structures qui souhaitent bénéficier des financements de la branche famille doivent supprimer de leur règlement intérieur les dispositions qui en restreignent l'accès aux enfants dont les deux parents travaillent ce qui, de fait, conduisait à exclure d'office les enfants de parents chômeurs ou bénéficiaires de minima sociaux.

S'agissant plus précisément du dispositif proposé par le présent article, votre commission reconnaît que la priorité d'accès initialement prévue pouvait donner le sentiment qu'on opposait frontalement des catégories de parents les unes aux autres. Le Gouvernement lui-même était conscient de ce risque puisqu'il avait précisé que cette priorité s'exercerait dans des limites définies par décret : la priorité donnée aux bénéficiaires de minima sociaux ne pouvait en effet pas être absolue, ne serait-ce que pour des raisons de mixité sociale.

Votre commission rejoint également la position des députés, quant aux risques d'ineffectivité liés à un dispositif rigide défini par décret. La solution proposée par l'Assemblée nationale, qui s'appuie sur les conventions de financement des structures, lui paraît à la fois plus souple et mieux adaptée aux réalités locales. Elle estime, en outre, qu'elle a l'avantage de responsabiliser davantage les gestionnaires de crèches.

Elle ne méconnaît toutefois pas la difficulté de gérer, au quotidien, un dispositif de « places garanties » : en effet, même si celui-ci ne suppose pas de geler systématiquement l'ensemble des places ainsi prédéfinies, au besoin en les laissant vacantes en l'absence de demande, il ne peut pas non plus fonctionner uniquement sur la base du mécanisme de l'accueil en surnombre, ne serait-ce que parce que, contrairement à l'accueil d'urgence qui utilise aussi ce mécanisme, l'accueil des enfants de bénéficiaires de minima sociaux est destiné à devenir régulier.

Chaque structure devra donc trouver le juste équilibre entre places effectivement « mises en réserves » et accueil en surnombre, en tenant compte notamment de la capacité d'accueil de l'établissement, de la vitesse de rotation des enfants accueillis et des variations du taux d'occupation. Dans certains cas, la rémunération d'un volant restreint de places mises en réserve devra d'ailleurs pouvoir être envisagée et le fait que les modalités de gestion du dispositif de places garanties soient incluses dans les conventions de financement est sans aucun doute de nature à améliorer l'efficacité du dispositif.

Plus fondamentalement, quel que soit le dispositif finalement retenu, accès prioritaire ou mécanisme de places garanties, votre commission insiste sur le fait qu'il doit rester un outil parmi d'autres : dans un contexte de pénurie des places d'accueil, la création d'un mécanisme d'accès spécifique pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux risque en effet d'être très mal accueillie par les autres parents, notamment par ceux qui sont dans une situation tout aussi précaire mais ne bénéficient pas des allocations ouvrant droit à ce mécanisme spécifique. A l'heure où l'on dénonce les effets pervers des droits connexes liés aux statuts, il convient donc d'éviter d'alimenter encore le sentiment d'injustice en faisant une promotion démesurée de ce dispositif.

Deux autres pistes peuvent en revanche être explorées pour améliorer l'accès des bénéficiaires de minima sociaux :

- il semble d'abord indispensable d'accroître l'offre de garde : la création d'un mécanisme spécifique en faveur des enfants de bénéficiaires de minima sociaux sera bien mieux acceptée si la contrainte en matière d'offre de places en crèche est desserrée. C'est la raison pour laquelle votre commission ne peut que se féliciter que la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2005-2008 de la Cnaf ait prévu les moyens nécessaires pour financer les 15.000 places supplémentaires annoncées par le Premier ministre dans le cadre du quatrième « Plan crèche » ;

- les autres modes de garde pourraient également être mobilisés pour développer l'accueil des enfants de bénéficiaires de minima sociaux : la crèche collective n'est pas forcément le mode de garde le plus adapté, notamment en milieu rural où l'accueil chez une assistante maternelle pourrait être privilégié. Il est certain qu'un dispositif de places garanties est peu envisageable pour ce mode de garde, sauf dans le cas des assistantes maternelles employées par des crèches familiales. Il convient donc d'encourager le développement de ce type de structure en milieu rural.

Votre commission souligne enfin que l'efficacité de l'ensemble de ces mesures est conditionnée par la qualité de l'accompagnement au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux : la question de la garde des enfants devrait être une question systématiquement abordée dans le cadre des contrats d'insertion des bénéficiaires du RMI et, plus généralement, dans le cadre de l'accompagnement de l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux. Plus que toute priorité d'accès ou que tout mécanisme de places réservées, c'est la capacité des travailleurs sociaux à aider les personnes concernées à trouver une solution de garde adaptée, en mobilisant les ressources locales, qui permettra de lever les obstacles à la reprise d'activité.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission approuve le dispositif proposé par l'Assemblée nationale. Elle souhaite simplement l'amender pour préciser que les places d'accueil d'urgence et d'accueil temporaire peuvent être mobilisées pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux dont les parents sont en recherche d'emploi : l'incapacité à se rendre à un entretien d'embauche pour des raisons de garde est encore trop souvent la cause d'un abandon de la recherche active d'emploi.

Elle observe également qu'à l'occasion de l'examen du prochain texte annoncé par le Gouvernement sur le sujet des droits connexes, une réflexion sur l'élargissement de ce dispositif à d'autres minima sociaux, notamment aux bénéficiaires de l'AAH et de la pension d'invalidité, devra en outre être engagée car eux aussi doivent faire face aux mêmes difficultés de garde pour retourner à l'emploi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ALLOCATION DE REVENU MINIMUM D'INSERTION

Article 7 (art. L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles)
Accès des ressortissants communautaires et de l'Espace économique européen au RMI

Objet : Cet article vise à encadrer davantage les conditions dans lesquelles les ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen peuvent bénéficier du RMI.

I - Le dispositif proposé

Les règles régissant l'accès des ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen au RMI ont considérablement évolué depuis la création de cette allocation, en raison de l'approfondissement de la notion de libre circulation des travailleurs au sein de l'espace communautaire.

Depuis 1988 et jusqu'à la décentralisation du RMI, l'accès des étrangers à l'allocation était soumis à la détention d'une carte de résident ou d'un autre titre de séjour comportant l'autorisation de résider durablement et de travailler en France. Les ressortissants communautaires étaient soumis à la même règle mais, en pratique l'obtention d'une carte de résident était une simple formalité.

Tirant les conséquences de la disparition des frontières intérieures de l'Union européenne, la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a finalement dispensé les ressortissants communautaires et de l'Espace économique européen de l'obligation de titre de séjour. C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de la décentralisation du RMI, le législateur a supprimé toute référence aux titres de séjours pour l'accès des ressortissants communautaires à cette allocation : l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles se borne à préciser que les personnes concernées doivent simplement remplir les conditions du « droit au séjour ».

La difficulté réside dans l'interprétation de cette notion de « droit au séjour » qui est, en réalité, une notion de droit communautaire d'ordre essentiellement jurisprudentiel. Or, pour la Cour de justice des Communautés européennes, les conditions à remplir pour un ressortissant de l'Union européenne pour acquérir un tel « droit au séjour » sont le fait de disposer de ressources suffisantes et d'une protection maladie : si l'on s'en tient à cette définition, il est donc impossible à un ressortissant communautaire d'accéder au RMI, puisque - par définition - les personnes qui en demandent le bénéfice n'ont pas de ressources, sauf à avoir acquis leur droit au séjour antérieurement à la demande d'allocation : seuls pourraient donc en bénéficier les ressortissants de l'Union européenne ayant disposé de ressources suffisantes lors de leur installation en France, et ayant donc acquis à ce titre un droit au séjour, et qui ont depuis subi un revers de fortune les amenant à demander l'attribution du RMI.

La définition des conditions dans lesquelles les ressortissants communautaires peuvent bénéficier du RMI s'est encore complexifiée avec l'adoption de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

Celle-ci rappelle que le principe de libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne suppose le respect de l'égalité de traitement entre nationaux et ressortissants d'autres Etats membres. Mais elle assortit aussitôt ce principe d'une exception : les personnes exerçant leur droit de séjour ne doivent pas constituer une « charge déraisonnable » pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil. Par conséquent, l'exercice du droit de séjour pour des périodes supérieures à trois mois peut être soumis à certaines conditions.

Dans ces conditions, la directive offre deux possibilités aux Etats membres :

- ils peuvent choisir de mettre en place des dérogations à la liberté totale de circulation pour les séjours de plus de trois mois : dans ce cas, les ressortissants communautaires admis malgré les dérogations à séjourner en France doivent se voir reconnaître un accès aux prestations sociales identique aux nationaux ;

- ils peuvent également maintenir une liberté totale de circulation, en contrepartie de quoi ils sont autorisés à limiter l'accès des ressortissants communautaires à certaines prestations sociales pendant les trois premiers mois de séjour et même pour une période plus longue, à condition que ces restrictions ne s'appliquent pas aux travailleurs et aux membres de leur famille.

Le présent article, qui a pour objet de transposer la directive du 29 avril 2004, opte pour la seconde solution : pour bénéficier du RMI, les ressortissants de l'Union européenne - et ceux de l'Espace économique européen qui leur sont assimilés - doivent remplir, comme auparavant, les conditions du « droit au séjour » mais ils doivent, en outre, avoir résidé en France pendant les trois mois précédant la demande.

Conformément aux dispositions de la directive, cette condition de résidence n'est toutefois pas exigée des personnes ayant le statut de « travailleur » au sens du droit communautaire et de leur famille, la définition du statut de travailleur étant renvoyée aux « actes de la Communauté européenne ».

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a estimé que la rédaction initiale de cet article souffrait d'un défaut, fréquent en matière de transposition des directives communautaires : au lieu de s'efforcer de traduire en droit français les concepts utilisés par les autorités européennes, cet article renvoie en effet pour son application directement à une définition communautaire.

Elle a donc proposé une nouvelle rédaction de cet article qui, plutôt que de faire référence aux « actes des communautés européennes » , précise, à la lumière de l'analyse de ce que recouvre la notion de travailleur en droit communautaire, les catégories de ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen pour lesquelles la condition de résidence continue de plus trois mois n'est pas opposable : ceux qui ont une activité professionnelle déclarée, les personnes qui ont déjà travaillé légalement en France et qui sont en arrêt maladie, en formation professionnelle ou inscrites comme demandeur d'emploi, ainsi que les membres de la famille de ces personnes.

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles)
Coordination entre le revenu minimum d'insertion et le contrat insertion-revenu minimum d'activité et le contrat d'avenir

Objet : Cet article vise à permettre le rétablissement immédiat du RMI familialisé à l'issue d'un CI-RMA ou d'un contrat d'avenir.

I - Le dispositif proposé

Lors de la création du CI-RMA en 2003 et du contrat d'avenir en 2005, le législateur a souhaité éviter que les allocataires du RMI qui acceptent de reprendre une activité professionnelle dans le cadre de ces emplois aidés ne soient pénalisés par une variation brutale de leurs ressources.

C'est la raison pour laquelle, lors de l'embauche, il est prévu que les allocataires conservent, en plus de leur salaire, le bénéfice de la part familialisée du RMI, et ce même si le total de leurs ressources dépasse le plafond normalement admis pour l'attribution de l'allocation. Ainsi, le revenu tiré de l'activité constitue un gain net pour le foyer.

En fin de contrat et en cas d'absence d'embauche définitive par l'employeur, l'intention du législateur était que le RMI soit rétabli à titre conservatoire dans son montant antérieur au contrat, de façon à éviter le délai de carence inévitable dans l'attente de la révision des droits à l'occasion de la déclaration trimestrielle de ressources suivante.

Mais la rédaction de l'article L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles, telle qu'elle résulte de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité est ambiguë : en pratique, à l'issue d'un CI-RMA ou d'un contrat d'avenir, les allocataires se voient verser une allocation forfaitaire égale au montant du RMI pour une personne seule, et ce quelle que soit leur situation familiale.

C'est la raison pour laquelle le de cet article prévoit que les conditions dans lesquelles le RMI est rétabli à l'issue d'un CI-RMA ou d'un contrat d'avenir sont définies par voie réglementaire.

Le constitue une simple mesure de coordination : dans la mesure où les Caf et les caisses de mutualité sociale agricole sont amenées à payer la part familialisée due aux personnes en contrat d'avenir, il est normal qu'elles soient tenues informées des personnes qui en bénéficient. Une disposition semblable existe d'ailleurs déjà pour le CI-RMA.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve naturellement la rectification à laquelle procède cet article puisque le rétablissement du RMI à son niveau antérieur au CI-RMA ou au contrat d'avenir va dans le sens de l'intention initiale du législateur.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 (art. L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles)
Suppression de la récupération sur succession du revenu minimum d'insertion

Objet : Cet article vise à supprimer toute récupération du RMI sur la succession du bénéficiaire décédé ou sur la cession de son actif.

I - Le dispositif proposé

La nouvelle rédaction de l'article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles proposée par cet article prévoit la non-récupération des sommes versées au titre du RMI sur la succession du bénéficiaire décédé ou sur le produit de la cession de son actif.

La récupération du RMI avait pourtant été prévue dès son origine en 1988 mais elle n'a jamais été mise en oeuvre, faute d'avoir publié le décret d'application fixant le montant de l'actif net au-delà duquel la récupération pouvait s'opérer.

La soumission du RMI à la récupération sur succession avait semblé naturelle lors de la création de l'allocation puisqu'il s'agissait du régime applicable à toutes les prestations d'aide sociale. Comme pour ces dernières, la récupération était considérée comme une mesure de justice sociale : il s'agissait de récupérer les sommes en cas d'actif important dissimulé tout en exonérant de toute récupération les petites successions, inférieures à un certain montant.

Mais, très vite, la prestation d'assistance qu'était à l'origine le RMI est devenue, dans l'esprit des Français, un droit objectif, ce qui explique que le décret prévoyant la récupération des sommes versées au titre de l'allocation n'ait jamais été publié. La récupération est également devenue de plus en plus inacceptable au fur et à mesure qu'un nombre croissant de prestations - APA, aide sociale à l'hébergement en établissements pour personnes handicapées et, plus récemment, prestation de compensation du handicap - en étaient exclues.

Après dix-sept années d'hésitations, cet article met donc enfin en conformité la lettre de la loi avec sa pratique.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Votre commission ne peut qu'approuver qu'un terme soit enfin mis au débat sur la question de la récupération du RMI. Compte tenu de l'absence de publication, par tous les gouvernements successifs, du décret qui aurait permis de mettre en oeuvre cette récupération, elle s'était d'ailleurs étonnée qu'à l'occasion de la décentralisation du RMI, la possibilité d'un recours sur succession n'ait pas déjà été définitivement supprimée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE III - CONTRÔLE ET SUIVI STATISTIQUE

Article 10 (art. L. 262-33, L. 262-33-1, L. 262-34, L. 262-48 et L. 262-49 du code de l'action sociale et des familles)
Coordinations concernant le revenu minimum d'insertion

Objet : Cet article regroupe diverses mesures de coordination visant à tenir compte de l'existence de la prime de retour à l'emploi et des primes mensuelles pour le suivi statistique du RMI.

I - Le dispositif proposé

Cet article vise à étendre les règles relatives au recueil des données statistiques et comptables mis en place pour le RMI aux données relatives à la prime de retour à l'emploi et aux primes mensuelles d'intéressement versées aux titulaires de cette allocation.

Ainsi, le paragraphe I , qui modifie l'article L. 262-33 du code de l'action sociale et des familles, limite - pour les primes d'intéressement comme pour le RMI - les demandes d'informations personnelles adressées par les organismes instructeurs et payeurs aux seules informations nécessaires à leur attribution. De la même façon, les organismes payeurs devront désormais transmettre au président du conseil général, au président des commissions locales d'insertion et aux centres communaux d'action sociale non seulement la liste des bénéficiaires du RMI mais également celle des bénéficiaires des primes d'intéressement.

Le paragraphe II , qui modifie l'article L. 262-34 du même code, soumet les personnes qui instruisent les demandes de primes forfaitaires et celles à qui les listes de bénéficiaires sont transmises en application de la loi, au même secret professionnel que celles qui instruisent les demandes de RMI.

Les paragraphes III et IV inscrivent les données comptables et statistiques relatives aux primes forfaitaires parmi les informations transmises respectivement par le président du conseil général au préfet et par la Cnaf et la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole au ministre.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement de coordination, l'Assemblée nationale a complété le dispositif d'information du président du conseil général par une information concernant les bénéficiaires du RMI convaincus d'avoir accepté, en toute connaissance de cause, de travailler au noir.

Cette information est en effet indispensable pour qu'il puisse décider des sanctions qu'il souhaite mettre en oeuvre : il peut d'abord s'agir d'une suspension du versement de l'allocation ou de la révision de son montant et de la récupération des sommes indûment versées ; le président du conseil général peut également, à la suite de cette information, engager une action pénale pour fraude ou encore prononcer une amende administrative, conformément au nouveau dispositif prévu par l'article 10 bis .

III - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 bis (nouveau) (art. L. 262-46, L. 262-47 et L. 262-47-1 du code de l'action sociale et des familles)
Pénalités applicables à la fraude au revenu minimum d'insertion

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à harmoniser les sanctions pénales applicables en cas de fraude au RMI avec celles applicables à l'API et à l'ASS et crée une possibilité pour le président du conseil général de prononcer une amende administrative en cas de déclaration volontairement inexacte ou incomplète.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, introduit à l'initiative du rapporteur, est indissociable des articles 10 ter et 10 quater qui concernent respectivement l'API et l'ASS. Ces trois articles visent en effet à mettre en place un dispositif cohérent de sanctions pénales en cas de fraude à ces trois allocations et à autoriser les personnes morales responsables de leur attribution à prononcer des amendes administratives en cas de déclaration de situation volontairement incomplète ou inexacte.

S'agissant du RMI, jusqu'à l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, la fraude était assimilée à une escroquerie au sens du code pénal et elle était en conséquence punie comme telle, d'une amende de 375.000 euros et de cinq ans d'emprisonnement. Mais compte tenu de la lourdeur des peines, tant au regard des faits qu'au regard de la situation financière des bénéficiaires, ces sanctions ont été très rarement appliquées.

Les juges sont au demeurant très stricts quant à la nature des faits susceptibles de constituer un délit d'escroquerie au sens du code pénal. Celle-ci se définit en effet comme « le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge » .

Ainsi, la « simple » fausse déclaration n'entre ni dans la catégorie des fausses identités, ni dans celle des fausses qualités, ni même dans celle des « manoeuvres frauduleuses » mentionnées à l'article 313-1 du code pénal. Par conséquent, les plaintes déposées par les Caf ou par les conseils généraux sont, dans plus des trois quarts des cas, classées sans suite.

Les sanctions prévues en cas de fraude au RMI sont enfin totalement disproportionnées par rapport aux sanctions prévues jusqu'ici dans les cas de l'ASS (3.750 euros) et de l'API (4.500 euros).

Dans un souci de mise en cohérence des sanctions applicables en cas de fraude à l'ensemble des prestations versées par les organismes de protection sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, adoptée définitivement depuis la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, a mis en place un régime d'amende unique, d'un montant de 5.000 euros et a complété ce dispositif pénal par une possibilité, pour les directeurs des caisses de sécurité sociale, de prononcer des pénalités administratives, en cas de déclaration volontairement incomplète ou inexacte ayant conduit à un versement indu de prestations. Cette amende administrative, laissée à l'appréciation des directeurs de caisse, peut être au maximum égale à deux fois le plafond de la sécurité sociale, soit à ce jour 5.032 euros.

En contrepartie, l'ensemble des articles du code de la sécurité sociale, du code rural et du code de l'action sociale et des familles qui prévoyaient des sanctions particulières pour les différentes prestations ont été abrogés, notamment l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles qui fixait les sanctions applicables au RMI.

Mais ce nouveau dispositif ne résout pas entièrement la question de l'harmonisation des sanctions pénales applicables aux trois minima sociaux qui font l'objet du présent projet de loi, puisqu'il ne s'applique pas à l'ASS. S'agissant du RMI, sa mise en oeuvre se heurte, en outre, à une difficulté particulière : dans la mesure où cette allocation relève de la compétence des départements, il n'est pas pensable que les amendes administratives prononcées à l'encontre de ses bénéficiaires le soient par le directeur de la Caf.

C'est la raison pour laquelle le texte voté à l'Assemblée nationale propose une remise à plat des dispositions applicables aux trois minima sociaux en matière de sanctions. Pour en assurer la lisibilité, elle insère ces règles harmonisées dans chacun des différents codes qui les régissent. Pour ce qui concerne le RMI, le présent article modifie donc le code de l'action sociale et des familles.

Le de cet article rétablit l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles relatif aux sanctions pénales applicables en cas de fraude au RMI, qui avait été abrogé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, mais dans une rédaction différente : il prévoit désormais - de façon certainement plus réaliste et proportionnée avec la réalité des faits - une amende de 4.000 euros, celle-ci étant doublée en cas de récidive. Il est cependant précisé que, si le délit d'escroquerie au sens du code pénal est constitué, les sanctions applicables sont alors celles prévues par ce dernier.

Le de cet article modifie l'article L. 262-47 du même code qui fixe les sanctions encourues par les personnes qui se font rémunérer en tant qu'intermédiaires, pour faire obtenir le droit au RMI : sera désormais puni de la même peine, soit 4.500 euros d'amende celui qui servira d'intermédiaire rémunéré pour faire obtenir le droit aux primes mensuelles d'intéressement.

Le de cet article introduit un nouvel article L. 262-47-1 dans le code de l'action sociale et des familles, afin de donner au président du conseil général la possibilité de prononcer une amende administrative, d'un montant maximum de 3.000 euros, en cas de déclaration de situation délibérément incomplète ou inexacte ou d'absence volontaire de déclaration de situation, ayant abouti à des versements indus. Le montant de cette amende est versé aux comptes du département.

Dans le cadre de cette procédure de sanction administrative, toute une série de garanties est apportée au bénéficiaire de l'allocation :

- celui-ci est nécessairement informé préalablement des faits qui lui sont reprochés et de l'amende envisagée à son encontre ;

- à la suite de cette information, il est invité à présenter ses observations, de façon écrite ou orale selon son choix ;

- il lui est possible de se faire assister tout au long de la procédure de la personne de son choix ;

- le président du conseil général ne peut prononcer la sanction avant un délai minimum d'un mois à compter de l'information de l'intéressé, de façon à lui laisser le temps nécessaire pour présenter ses observations.

Enfin, naturellement, comme pour toutes les décisions du président du conseil général, la sanction est susceptible de recours devant le tribunal administratif. Il est également précisé qu'aucune sanction ne peut être prononcée pour les faits remontant à plus de deux ans.

II - La position de votre commission

Votre commission reconnaît qu'une harmonisation des sanctions applicables aux différents minima sociaux est nécessaire et elle ne peut que saluer le travail entrepris à l'Assemblée nationale pour redonner une cohérence à ces dispositions.

Elle approuve notamment la possibilité offerte par cet article de prononcer des sanctions administratives à l'encontre des personnes qui, de façon volontaire, transmettent des informations approximatives ou incomplètes aux services chargés de liquider les prestations. Il semble en effet que la réponse pénale, longue à mettre en oeuvre et peu modulable, ne soit pas toujours la plus adaptée. La sanction administrative permet au contraire une réponse graduée et son efficacité est souvent plus grande car elle dissuade la fraude tout en ne recourant pas immédiatement à une sanction de caractère pénal.

Votre commission s'interroge toutefois sur les raisons qui ont conduit à prévoir un dispositif spécifique à l'ASS, à l'API et au RMI, au lieu de prendre appui - au besoin en les adaptant - sur les dispositions votées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, ce qui aurait permis de préserver un cadre unique de sanctions.

Il est vrai que les montants des amendes prévus par les nouveaux articles L. 114-9 et suivants du code de la sécurité sociale sont encore très élevés (5.000 euros d'amende pour les sanctions pénales et jusqu'à 5.032 euros pour les pénalités administratives) et que leur caractère disproportionné aux ressources des bénéficiaires de minima sociaux rend sans doute leur application aléatoire. Ceci explique vraisemblablement le choix qui a été fait de privilégier un dispositif cohérent, mais spécifique aux minima sociaux, plutôt qu'un alignement sur les règles applicables aux autres prestations sociales.

Votre commission n'est pas opposée à cette solution mais elle attire l'attention sur le fait que ce nouveau système de sanction n'épuise pas le sujet de l'harmonisation des règles applicables aux minima sociaux : ainsi, l'AAH, le minimum invalidité et le minimum vieillesse restent soumis aux nouvelles dispositions du code de la sécurité sociale. La fraude à ces prestations est donc plus sévèrement sanctionnée, sans que cela paraisse réellement justifié.

Afin de respecter la cohérence du présent projet de loi qui s'attache aux seuls minima sociaux dits « d'insertion », votre commission ne proposera pas d'entamer ici une réforme des sanctions applicables à ces autres prestations. Mais à l'occasion de l'examen d'un futur texte concernant les droits connexes, l'unification des règles de sanction devra être recherchée.

Votre commission relève enfin deux différences dans le dispositif de sanction administrative proposé pour les bénéficiaires du RMI et celui prévu par les articles 10 ter et 10 quater pour les bénéficiaires de l'API et de l'ASS :

- pour ces deux allocations, l'édiction d'une sanction est précédée de l'avis d'une commission au sein de laquelle siègent à la fois des représentants de l'organisme payeur et des représentants des usagers : il semble naturel que la même garantie soit offerte aux bénéficiaires du RMI. Cet avis pourrait être émis par la commission locale d'insertion qui suit le dossier du bénéficiaire. Votre commission vous propose d'amender le dispositif dans ce sens ;

- les articles 10 ter et 10 quater prévoient également que les modalités de mise en oeuvre de l'amende administrative prononcée à l'encontre des bénéficiaires de l'API et de l'ASS seront précisées par décret. Celui-ci devrait donc détailler les situations susceptibles de provoquer le déclenchement d'une sanction administrative et, tout en laissant un certain pouvoir d'appréciation à l'autorité compétente, fixer un barème plafond pour le montant des pénalités.

Dans le souci d'assurer à la fois une certaine équité dans les sanctions prononcées d'un département à l'autre et un parallélisme des formes entre les trois minima, votre commission propose donc de préciser que les conditions de mise en oeuvre des sanctions administratives prononcées dans le cadre du RMI par les présidents de conseils généraux seront également précisées par décret.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 10 ter (nouveau) (art. L. 524-6 et L. 524-7 du code de la sécurité sociale)
Pénalités applicables à la fraude à l'allocation de parent isolé

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à harmoniser les sanctions pénales applicables en cas de fraude à l'API avec celles applicables au RMI et à l'ASS et crée une possibilité pour le directeur de la caisse d'allocations familiales de prononcer une amende administrative en cas de déclaration volontairement inexacte ou incomplète.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, introduit à l'initiative du rapporteur, fixe pour l'API les mêmes sanctions pénales et administratives que celles prévues à l'article 10 bis pour le RMI.

Avant l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, la fraude à l'API était sanctionnée, conformément à l'article L. 554-1 du code de la sécurité sociale, d'une amende de 4.500 euros doublée en cas de récidive, sur le modèle prévu pour toutes les prestations familiales. Depuis le 19 décembre 2005, date d'entrée en vigueur de cette loi, l'API relève du régime mis en place pour l'ensemble des prestations versées par des organismes de protection sociale qui prévoit une amende pénale de 5.000 euros et la possibilité, pour les directeurs des Caf, de prononcer une amende administrative d'un montant maximum de 5.032 euros.

Le présent article n'abroge pas le régime de sanctions qui vient d'être mis en place pour les prestations sociales en général mais il déroge à ce régime général pour l'API, en atténuant la sanction applicable en cas de fraude à cette allocation : celle-ci sera désormais punie d'une amende de 4.000 euros, doublée en cas de récidive. Il est également précisé que, si les faits sont d'une gravité telle qu'ils constituent une escroquerie au sens du code pénal, les sanctions prévues par ce dernier, à savoir 375.000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement, se substituent à cette peine.

Par cohérence avec le dispositif proposé par l'article 10 bis pour le RMI, cet article atténue également - 3.000 euros au lieu de 5.032 euros - les sanctions administratives pouvant être prononcées à l'égard des bénéficiaires de l'API coupables de déclarations volontairement inexactes ou incomplètes ayant conduit à des versements indus de l'allocation.

Comme pour le RMI, la procédure de sanction administrative prévoit un certain nombre de garanties pour les bénéficiaires concernés : information préalable de l'intéressé sur les faits reprochés et le montant de l'amende, invitation à présenter des observations écrites ou orales et à se faire assister par la personne de son choix, délai minimal d'un mois entre l'information adressée au contrevenant et l'édiction de la sanction. En outre, aucune sanction ne pourra être prononcée sans qu'une commission, constituée au sein du conseil d'administration de la Caf et comportant des représentants des usagers, ait donné son avis sur la pénalité envisagée.

Il est enfin indiqué qu'un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application de cet article. Celui-ci devrait donc déterminer les situations susceptibles de faire l'objet d'une amende administrative et le barème des pénalités applicables.

II - La position de votre commission

Par coordination avec la position qu'elle a retenue à l'article 10 bis , votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 quater (nouveau) (art. L. 365-1 et L. 365-3 du code du travail)
Pénalités applicables à la fraude aux allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à harmoniser les sanctions pénales applicables en cas de fraude aux allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi avec celles applicables au RMI et à l'API et crée une possibilité pour le préfet de prononcer une amende administrative en cas de déclaration volontairement inexacte ou incomplète.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, introduit à l'initiative du rapporteur, modifie par coordination avec les dispositions prévues pour le RMI et l'API le régime des sanctions pénales et administratives applicables en cas de fraude à l'ASS. Pour des raisons de cohérence du dispositif de sanction des fraudes avec l'ensemble des prestations d'indemnisation du chômage, les modifications apportées par cet article concernent également la fraude à l'assurance chômage, à l'allocation d'insertion, à l'allocation équivalent retraite et aux régimes particuliers d'indemnisation, ainsi que la fraude aux allocations versées par le fonds national pour l'emploi (FNE).

A l'heure actuelle, le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement d'une des allocations d'indemnisation du chômage prévues par le code du travail est puni de 3.750 euros d'amende, cette peine pouvant être assortie d'un emprisonnement de deux mois.

Le de cet article modifie donc l'article L. 365-1 du code du travail pour aligner ses dispositions sur celles retenues pour le RMI et l'ASS : l'amende prévue en cas de fraude s'élèvera donc désormais à 4.000 euros, le double en cas de récidive. La même peine s'appliquera en cas de fraude à la prime de retour à l'emploi et aux primes forfaitaires d'intéressement.

Le de cet article, qui crée un nouvel article L. 365-3 dans le code du travail, prévoit, par coordination avec le dispositif prévu pour le RMI et l'API, la possibilité pour le préfet d'infliger des amendes administratives, d'un montant maximal de 3.000 euros, en cas de déclarations volontairement incomplètes ou inexactes ou d'absence délibérée de signalement d'un changement de situation ayant conduit à des versements indus.

Le produit de l'amende est versé à la personne morale que les déclarations erronées ont lésée, c'est-à-dire celle qui a versé les allocations indues : selon les cas, il s'agira donc des Assedic ou des employeurs publics pour leur personnel contractuel pour les fraudes à l'allocation d'assurance, du fonds de solidarité des travailleurs privés d'emploi pour les fraudes à l'ASS et l'allocation d'insertion ou de l'Etat pour les allocations versées par le FNE.

Les garanties apportées aux bénéficiaires dans le cadre de cette procédure de sanction administrative sont sensiblement les mêmes que celles proposées pour les deux autres minima sociaux :

- les intéressés sont informés préalablement à toute sanction des faits qui leur sont reprochés et de l'amende envisagée ;

- ils ont la possibilité de présenter des observations écrites ou orales et de se faire assister de la personne de leur choix ;

- la pénalité est prononcée, après consultation d'une commission qui comprend des représentants des financeurs et des usagers. Cette commission, qui existe déjà, se prononce aujourd'hui sur les décisions de réduction, de suspension ou de suppression des allocations chômage ;

- l'amende est naturellement susceptible de recours devant le tribunal administratif et ne peut porter sur des faits remontant à plus de deux ans.

Comme pour l'API, il est enfin indiqué qu'un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les modalités d'application de cet article.

II - La position de votre commission

Par coordination avec la position qu'elle a adoptée aux articles 10 bis et 10 ter , votre commission ne peut qu'approuver la réforme des sanctions applicables aux allocations d'indemnisation du chômage prévues par cet article.

Dans un souci de parallélisme des formes avec les dispositions de ces deux articles, elle souhaite simplement préciser que les allocataires de l'ASS devront bénéficier, comme ceux du RMI et de l'API, d'un délai suffisant - qui ne saurait être inférieur à un mois - pour adresser leurs observations au préfet quant à la sanction envisagée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 10 quinquies (nouveau) (article 50 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité)
Report de la date de remise du rapport annuel d'évaluation de la loi portant décentralisation du RMI

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à reporter du 1 er octobre au 1 er décembre de chaque année la date de remise du rapport annuel de la loi portant décentralisation du RMI.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Lors du vote de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI, le législateur avait prévu la remise annuelle au Parlement d'un rapport visant à évaluer le coût de gestion de la prestation décentralisée, à partir des données comptables relatives aux dépenses directes de RMI et de CI-RMA et de celles relatives aux dépenses de personnel affecté à la gestion de ces prestations. Le rapport doit également établir un bilan annuel de l'évolution du nombre de bénéficiaires de ces prestations.

Ce rapport doit être remis au plus tard le 1 er octobre de chaque année. Le choix de cette date vise à permettre aux parlementaires de tirer les conséquences, en termes budgétaires, de l'évolution mise en lumière par celui-ci. Il s'agit notamment de pouvoir adapter les ressources transférées à titre de compensation aux départements pour la gestion de ces deux dispositifs.

Le présent article vise à reporter au 1 er décembre de chaque année la date de remise de ce rapport. Pour justifier ce décalage, le Gouvernement argue qu'au 1 er octobre, il lui est impossible de réunir l'ensemble des données comptables nécessaire pour présenter un rapport réellement exhaustif : pour respecter le calendrier fixé par la loi, il ne peut donc présenter que des évaluations. En reportant au 1 er décembre la date de remise du rapport, il estime qu'il pourrait établir un rapport plus complet car il disposerait alors de toutes les remontées statistiques locales nécessaires.

II - La position de votre commission

Votre commission s'interroge sur le report au 1 er décembre de la date de remise du rapport annuel synthétisant les dépenses de RMI et de RMA supportées par les départements au cours du dernier exercice clos. C'est en effet à dessein que la date du 1 er octobre avait été choisie par le législateur car elle lui permettait de tirer en loi de finances les conséquences d'une éventuelle dérive des dépenses mises à la charge des départements.

Mais il est vrai que les comptes administratifs des départements ne sont définitivement approuvés qu'en novembre, ce qui ne permet pas au Gouvernement de disposer de toutes les informations utiles pour établir un rapport réellement exhaustif. Votre commission ne peut donc que prendre acte de ce report.

Elle estime en revanche qu'il serait souhaitable d'élargir, par amendement , l'objet du rapport susmentionné, en y intégrant les données relatives aux dépenses d'intéressement et au nombre de ses bénéficiaires.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

TITRE IV - DISPOSITION TRANSITOIRE

Article 11 - Sécurisation de la situation des actuels bénéficiaires de mesures d'intéressement

Objet : Cet article prévoit le maintien du bénéfice des dispositions actuelles relatives au cumul entre revenus d'activité et allocation pour les bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'ASS en situation d'intéressement à la date de publication du présent projet de loi.

I - Le dispositif proposé

Cet article vise à sécuriser la situation des personnes qui bénéficient des dispositifs d'intéressement actuellement en vigueur : compte tenu du rôle primordial que joue  la prévisibilité des revenus dans la consolidation du retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, il semble en effet important de ne pas perturber le calcul économique qui a présidé à leur reprise d'activité.

C'est la raison pour laquelle le présent article dispose que les personnes qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, seront en situation de cumul entre revenus d'activité et allocation en vertu de l'ancien dispositif d'intéressement, continueront de bénéficier de ce cumul dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui et jusqu'au terme naturel de l'intéressement tel qu'il se serait poursuivi si les dispositions en question étaient restées en vigueur.

L'Assemblée nationale a rectifié une erreur matérielle du texte proposé.

II - La position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À LA COHÉSION SOCIALE (Division et intitulé nouveaux)

Article 12 (nouveau) (art. L. 322-4-7 et L. 322-4-11 du code du travail)
Durée minimale des contrats d'accompagnement dans l'emploi et des contrats d'avenir pour les personnes bénéficiant d'aménagements de peine

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, propose de fixer à trois mois la durée minimale des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) conclus avec des personnes condamnées bénéficiant d'un aménagement de peine.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Les articles 132-25 et 132-26 du code pénal prévoient qu'une personne condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure à un an peut bénéficier, sur décision d'un magistrat, d'un aménagement de peine prenant la forme d'un placement à l'extérieur. Le condamné admis au bénéfice de ce régime est employé, en dehors d'un établissement pénitentiaire, à des travaux contrôlés par l'administration. Il bénéficie généralement d'un accompagnement socio-judiciaire, d'un hébergement et d'un contrat aidé, la gestion de l'ensemble du dispositif étant le plus souvent assurée par des associations.

Jusqu'à présent, ces associations avaient recours au contrat emploi-solidarité (CES) ou au stage d'insertion et de formation à l'emploi (Sife), dont la durée est modulable, mais ces dispositifs ont vocation à disparaître pour être remplacés par les CAE et par les contrats d'avenir.

Or, alors que la durée moyenne des placements extérieurs est de trois mois, les articles L. 322-4-7 et L. 322-4-11 du code du travail fixent à six mois la durée minimale, respectivement, du CAE et du contrat d'avenir. Il est donc peu fréquent qu'un condamné bénéficiant d'une décision de placement extérieur soit en mesure de conclure l'un de ces contrats.

Afin de favoriser la signature de ces contrats, l'Assemblée nationale a donc adopté, à l'initiative du Gouvernement, le présent article additionnel modifiant les deux articles susmentionnés du code du travail.

Le 1° propose de modifier le quatrième alinéa du I de l'article L. 322-4-7, afin de ramener à trois mois la durée minimale du CAE lorsqu'il est conclu avec une personne bénéficiant d'un aménagement de peine.

Le 2° prévoit de modifier le dernier alinéa de l'article L. 322-4-11 du code du travail. Cet article indique que la conclusion de chaque contrat d'avenir est subordonnée à la signature d'une convention individuelle entre le bénéficiaire, l'employeur et le représentant de l'Etat ou de la collectivité territoriale qui assure la mise en oeuvre du contrat d'avenir.

Alors que la durée de droit commun de cette convention est de deux ans, l'alinéa visé prévoit déjà que sa durée peut être comprise, sur décision du préfet, entre six et vingt-quatre mois, si des circonstances particulières, tenant au secteur d'activité ou au profil du poste, le justifient. La convention peut, dans ces hypothèses, être renouvelée deux fois, sa durée totale ne devant pas excéder trente-six mois.

La modification proposée porte sur deux points :

- elle autorise le préfet à fixer la durée minimale de la convention à trois mois pour les personnes bénéficiant d'un aménagement de peine ;

- elle supprime la mention précisant que la convention ne peut être renouvelée que deux fois, tout en maintenant sa durée globale, renouvellement compris, à trente-six mois. La convention individuelle pourra dorénavant être renouvelée aussi souvent que nécessaire, dans la limite de trente-six mois.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve les modifications proposées : elles visent à tenir compte de la situation particulière des personnes condamnées qui bénéficient d'un aménagement de peine et qui sont amenées à exercer une activité professionnelle à l'extérieur de leur centre de détention, afin de faciliter leur réinsertion future. Elle regrette que ces adaptations interviennent si tardivement et n'aient pas été envisagées dès la création des CAE et des contrats d'avenir.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 13 (nouveau)(art. L. 322-4-12 du code du travail)
Modifications du régime du contrat d'avenir

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, modifie les règles de renouvellement des contrats d'avenir, apporte une précision sur le niveau de rémunération de leurs titulaires et prévoit une compensation par le budget de l'Etat des pertes de recettes éventuellement supportées par les régimes de sécurité sociale en application de ces dispositions.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Introduit dans le projet de loi par le vote d'un amendement du Gouvernement, le présent article poursuit plusieurs objectifs.

Son paragraphe I apporte deux modifications à l'article L. 322-4-12 du code du travail, qui définit le régime du contrat d'avenir.

Le 1° modifie le deuxième alinéa de l'article, afin de le mettre en cohérence avec la modification introduite par l'article 12 : il prévoit que le contrat d'avenir puisse désormais être renouvelé autant de fois que nécessaire, sous réserve que sa durée totale n'excède pas trente-six mois. Le contrat d'avenir ne peut aujourd'hui être renouvelé qu'une fois.

Le 2° complète le sixième alinéa pour préciser le niveau de la rémunération minimale à laquelle ont droit les titulaires d'un contrat d'avenir. Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa indique que la rémunération est égale au salaire minimum de croissance (Smic), sous réserve de « clauses contractuelles plus favorables ». Il est proposé de mentionner également d'éventuelles clauses « conventionnelles » plus favorables : si la convention collective à laquelle est soumis l'employeur prévoit ainsi un salaire minimum supérieur au Smic, le titulaire du contrat d'avenir devra bénéficier de cette rémunération plus élevée.

Le paragraphe II est relatif à la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales.

Les embauches en contrat d'avenir (comme celles en CAE) ouvrent droit, en vertu de l'article L. 322-4-12 du code du travail, à une exonération de cotisations patronales, dans la limite d'un plafond de rémunération égal au Smic, sans que la perte de recettes supportée par les caisses de sécurité sociale ne fasse l'objet d'une compensation par le budget de l'Etat. Il s'agit là d'une dérogation au principe de compensation intégrale des allégements de charges, posé à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Or, le IV de l'article premier de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, relative aux lois de financement de la sécurité sociale, indique que seule une loi de financement de la sécurité sociale peut créer ou modifier une mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale non compensée aux régimes obligatoires de base.

En conséquence, il n'est possible de modifier le régime du contrat d'avenir, dans une loi ordinaire, que si les pertes supplémentaires de recettes résultant de ces modifications sont intégralement compensées par le budget de l'Etat.

Pour rendre cette modification possible, le paragraphe II prévoit donc que les pertes de recettes supplémentaires imposées à la sécurité sociale en application du présent article seront intégralement compensées par le budget de l'Etat.

II - La position de votre commission

La première modification introduite par le paragraphe I de cet article devrait favoriser la stabilité des parcours des titulaires de contrat d'avenir, en mettant fin à la limitation du nombre de renouvellements autorisés.

La seconde vise à dissiper des incertitudes que la rédaction initiale de l'article L. 322-4-12 du code du travail avait pu faire naître.

La disposition prévue au paragraphe II est rendue nécessaire, ainsi qu'il a été indiqué, par l'adoption de la loi organique du 2 août 2005, relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

La précision selon laquelle la rémunération du titulaire du contrat peut être supérieure au Smic, en application de dispositions conventionnelles, est sans incidence sur les comptes de la sécurité sociale. En effet, comme cela a été indiqué, l'employeur d'un titulaire de contrat d'avenir bénéficie d'une exonération de cotisations sociales dans la limite d'une rémunération fixée au niveau du Smic.

En revanche, la décision d'autoriser le renouvellement du contrat d'avenir sans limitation de nombre devrait avoir des incidences financières sur la sécurité sociale. La sécurité sociale devrait recevoir de l'Etat une compensation des allégements de charges consentis à l'employeur à compter du deuxième renouvellement du contrat d'avenir et pour les renouvellements suivants.

Attachée à la compensation des allégements de charges, votre commission devrait a priori être satisfaite de la mesure proposée. Mais la mise en oeuvre pratique d'une telle disposition obligerait l'administration à suivre le déroulement de tous les contrats d'avenir pour compenser les allégements de charges à partir du deuxième renouvellement, ce qui alourdirait encore la gestion d'un dispositif déjà complexe.

De surcroît, l'interprétation qu'il convient de donner du paragraphe II est elle-même incertaine. On peut en effet estimer qu'il importe de s'intéresser à la durée des contrats d'avenir, qui demeure fixée à trente-six mois au maximum, et non au nombre de leurs renouvellements. Dans cette optique, la sécurité sociale ne subirait pas de perte de recettes supplémentaire en application de cet article et n'aurait droit à aucune compensation. Le Gouvernement n'a pas retenu cette interprétation, puisqu'il a prévu un mécanisme de compensation, et cette interprétation n'est pas non plus celle que privilégie votre commission. Néanmoins, la rédaction du texte est à l'évidence peu conforme aux objectifs de clarté et de lisibilité qui doivent être poursuivis par le législateur.

Ainsi, pour des raisons tenant tant à l'ambiguïté de la rédaction du texte qu'à à un souci de réalisme dans la gestion du contrat d'avenir, votre commission vous propose de supprimer le 1° du paragraphe I de cet article, ainsi que son paragraphe II, qui n'a alors plus d'utilité. Elle invite le Gouvernement à présenter à nouveau la mesure envisagée dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si sa mise en oeuvre s'avérait urgente et ne pouvait attendre une année supplémentaire, le Gouvernement a toujours la possibilité de présenter au Parlement un projet de loi de financement rectificatif dans les meilleurs délais.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 14 (nouveau) (art. L. 322-4-12 du code du travail)
Assouplissement de la durée hebdomadaire des contrats d'avenir

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, propose que la durée du travail hebdomadaire des titulaires de contrat d'avenir soit comprise entre vingt et vingt-six heures lorsqu'ils sont embauchés par un chantier ou un atelier d'insertion.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le cinquième alinéa de l'article L. 322-4-12 du code du travail fixe la durée du travail des titulaires de contrat d'avenir à vingt-six heures par semaine. Cette durée du travail réduite leur permet de bénéficier d'actions de formation et d'accompagnement, qui améliorent leurs perspectives d'insertion professionnelle. La durée du travail effectuée chaque semaine peut varier, sur tout ou partie de la période couverte par le contrat, dès lors qu'elle n'excède pas vingt-six heures, en moyenne, sur l'ensemble de la période considérée et qu'elle n'excède pas trente-cinq heures sur une semaine donnée.

Il apparaît cependant que certains responsables de chantiers et d'ateliers d'insertion, qui travaillent à l'insertion sociale et professionnelle de personnes particulièrement éloignées de l'emploi, souhaiteraient que la durée du travail des titulaires de contrat d'avenir qu'ils emploient puisse être inférieure au minimum actuellement prévu, afin de tenir compte de la capacité de travail réduite du public auquel ils s'adressent et pour offrir des actions de formation et d'accompagnement plus étendues.

A l'initiative de son rapporteur, l'Assemblée nationale a donc adopté le présent article additionnel qui prévoit une durée du travail hebdomadaire inférieure pour les titulaires de contrat d'avenir embauchés par les employeurs conventionnés au titre de l'article L. 322-4-16-8 du même code, c'est-à-dire les ateliers ou les chantiers d'insertion. La durée du travail des titulaires de ces contrats d'avenir pourrait être comprise entre vingt et vingt-six heures par semaine.

II - La position de votre commission

Votre commission juge bienvenu cet assouplissement qui répond à une demande exprimée par les acteurs de l'insertion. Il lui paraît cependant possible d'améliorer la rédaction de cet article, afin d'alléger le contenu du cinquième alinéa de l'article L. 322-4-12, dans lequel il a vocation à s'insérer.

Elle observe également que l'Assemblée nationale n'a pas prévu de possibilité de modulation de la durée hebdomadaire du travail, sous réserve que celle-ci ne dépasse pas, en moyenne, la durée visée au contrat. Il lui apparaît donc nécessaire de compléter la rédaction de l'Assemblée nationale pour prévoir une telle faculté, ce qui rétablira la cohérence de l'article L. 322-4-12 modifié par le présent projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 15 (nouveau) (art. L. 322-4-9, L. 322-4-15-1 et L. 322-4-15-4 du code du travail)
Création de contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) à durée indéterminée

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, autorise la signature de contrats insertion-revenu minimum d'activité à durée indéterminée.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article a été introduit dans le projet de loi par voie d'amendement, à l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.

Le a) du 1° propose une nouvelle rédaction des premières phrases de l'article L. 322-4-15-4, afin d'introduire la possibilité de signer des CI-RMA à durée indéterminée.

Actuellement, le CI-RMA, qui peut être conclu à temps plein ou à temps partiel, est obligatoirement :

- un contrat à durée déterminée (CDD), conclu en application de l'article L. 122-2 du code du travail, qui autorise la signature de CDD pour favoriser l'embauche de certaines catégories de demandeurs d'emploi ou lorsque l'employeur s'engage à assurer un complément de formation professionnelle au salarié ;

- ou un contrat d'intérim.

Il est proposé de compléter la rédaction de l'article L. 322-4-15-4 pour prévoir que le CI-RMA puisse également être conclu sous la forme d'un contrat à durée indéterminée .

Le b) vise, par coordination, à modifier le cinquième alinéa du même article du code du travail. Cet alinéa renvoie à un décret le soin de définir la durée et les conditions de suspension et de renouvellement du CI-RMA. La modification proposée consiste à préciser que cet alinéa ne concerne que les CI-RMA qui ne sont pas conclus à durée indéterminée.

Le c) contient une mesure similaire de coordination. Le dernier alinéa de l'article L. 322-4-15-4 est relatif à la durée de la période d'essai, fixée à un mois, sauf si une convention collective prévoit une durée moindre. Il est proposé de préciser que cet alinéa ne s'applique que pour les CI-RMA qui ne sont pas conclus à durée indéterminée.

Le 2° et le 3° du présent article traitent de la question du décompte des effectifs de l'entreprise.

On sait que le franchissement de certains seuils d'effectifs, notamment au moment de l'embauche du dixième et du cinquantième salarié, a des conséquences financières non négligeables pour l'entreprise et peut, de ce fait, constituer un frein aux recrutements. Ainsi, c'est à compter de l'embauche du dixième salarié que l'employeur doit contribuer au financement de la formation professionnelle, des transports en commun ou encore de l'allocation logement.

La mise en place des institutions représentatives du personnel est également soumise à des conditions d'effectif : l'article L. 421-1 du code du travail indique que l'élection de représentants du personnel est obligatoire dans les entreprises qui emploient au moins onze salariés ; l'élection du comité d'entreprise (CE) et la constitution du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont obligatoires à partir de cinquante salariés. La création de ces institutions s'accompagne de coûts de fonctionnement qui pèsent sur l'entreprise (versement au CE d'une subvention de fonctionnement égale à 0,2 % de la masse salariale et, le cas échéant, d'une subvention destinée au financement des activités sociales et culturelles, crédit d'heures des représentants du personnel, etc.).

L'effectif de l'entreprise a également une incidence sur le droit syndical : la désignation d'un délégué syndical est autorisée dans les entreprises employant au moins cinquante salariés (article L. 412-11 du code du travail). Dans les entreprises de moins de cinquante salariés disposant d'une section syndicale, le délégué du personnel peut également être désigné comme délégué syndical pour la durée de son mandat.

Pour encourager les chefs d'entreprise à avoir largement recours aux différents contrats aidés, l'article L. 322-4-9 du code du travail dispose que les bénéficiaires de contrats d'accompagnement dans l'emploi, de contrats d'avenir et de CI-RMA ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise . Une exception est cependant prévue pour l'application des règles de tarification des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle s'explique par l'importance accordée à la politique d'amélioration de la santé et de la sécurité au travail. L'individualisation de la tarification est plus forte dans les grandes sociétés, alors que les entreprises aux effectifs plus modestes bénéficient d'une plus grande mutualisation des coûts, comme le rappelle l'encadré ci-après.


Le calcul du taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles

Le taux de cotisation est actualisé chaque année et déterminé pour chaque entreprise selon la nature de son activité et selon ses effectifs .

Le taux net , qui est en fait le taux exigible, est la somme d'un taux brut et de trois majorations spécifiques.

Le taux brut est le rapport, pour les trois dernières années de référence, entre les prestations servies en réparation d'accidents ou de maladies imputables à l'entreprise et les salaires.

Selon la taille de l'entreprise, ce taux brut est :

- celui calculé pour l'ensemble de l'activité dont relève l'établissement : c'est le taux collectif pour les entreprises de moins de dix salariés ;

- celui calculé à partir du report des dépenses au compte de l'employeur : c'est le taux réel pour les entreprises de 200 salariés et plus ;

- pour les entreprises dont les effectifs sont situés entre 10 et 199 salariés, la tarification est dite mixte, le calcul se faisant en partie selon le taux collectif et en partie selon le taux réel, la part de ce dernier augmentant avec les effectifs.

Au taux brut sont ajoutées trois majorations forfaitaires identiques pour toutes les entreprises et activités, pour tenir compte :

- des accidents de trajet (M1) ;

- des charges générales, des dépenses de prévention et de rééducation professionnelle (M2) ;

- de la compensation entre régimes et des dépenses qu'il n'est pas possible d'affecter à un employeur, inscrites au compte spécial « maladies professionnelles » (M3).

Dans un souci de plus grande lisibilité, le du présent article supprime, dans l'article L. 322-4-9, le membre de phrase qui exclut les bénéficiaires de CI-RMA du décompte des effectifs de l'entreprise.

Le réintroduit la disposition supprimée à la fin de l'article L. 322-4-15-1, qui se trouve complété par un nouvel alinéa : il reprend la règle suivant laquelle les bénéficiaires de CI-RMA ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise pour l'application des dispositions législatives et règlementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif, exception faite de celles qui concernent la tarification des règles des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles.

Cette exclusion du décompte des effectifs n'est cependant pas permanente. Elle s'applique pendant la durée de la convention visée à l'article L. 322-4-15-1, qui est conclue entre l'employeur et la collectivité débitrice de la prestation et qui précède obligatoirement la signature du CI-RMA. Or, la durée de cette convention ne peut, aux termes de l'article L. 322-4-15-2, excéder dix-huit mois.

II - La position de votre commission

Votre commission approuve la possibilité offerte par cet article de conclure des CI-RMA à durée indéterminée, dans la mesure où elle renforce la stabilité des parcours professionnels des bénéficiaires.

Elle observe cependant que le projet de loi ne prévoit pas expressément de limitation à la durée de versement de l'aide à laquelle a droit l'employeur, lorsque le CI-RMA est conclu à durée indéterminée. Il semble que l'intention des auteurs du texte ait été de limiter la durée de versement à la période d'application de la convention conclue entre l'employeur et la collectivité débitrice de l'aide, par analogie avec la règle retenue pour le contrat initiative-emploi. Mais la rédaction retenue, à la différence de celle applicable au CIE, est peu claire sur ce point, dans la mesure où elle ne fait pas de lien explicite entre la durée de versement de l'aide et la durée de la convention.

Votre commission vous propose donc de préciser, par voie d'amendement , la rédaction du texte, afin de lever toute ambiguïté et vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 16 (nouveau) (art. L. 322-4-16 et L. 322-4-16-8 du code du travail)
Personnes morales susceptibles de mettre en oeuvre des ateliers ou des chantiers d'insertion

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, vise à ouvrir à de nouvelles personnes morales la possibilité de gérer un atelier ou un chantier d'insertion et de conclure, à cette fin, une convention avec l'Etat.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article, relatif à l'insertion par l'activité économique, est issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement.

Son paragraphe I vise à modifier le début du deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-16 du code du travail.

Cet alinéa indique que l'Etat peut conclure des conventions avec les employeurs dont l'activité a spécifiquement pour objet l'insertion par l'activité économique, ainsi qu'avec les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) disposant de la compétence action sociale d'intérêt communautaire. Ces conventions peuvent notamment prévoir des aides de l'Etat.

La modification proposée consiste à ajouter que l'Etat peut également conclure des conventions avec les autres personnes morales habilitées, en vertu de l'article L. 322-4-16-8 du code du travail, à gérer des chantiers ou des ateliers d'insertion : centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, d'une part, et Office national des forêts (ONF), d'autre part.

Le paragraphe II propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 322-4-16-8 du code du travail.

Cet alinéa fixe la liste des personnes morales habilitées à mettre en oeuvre un atelier ou un chantier d'insertion : commune, EPCI disposant de la compétence action sociale d'intérêt communautaire, centre communal ou intercommunal d'action sociale ou organisme de droit privé à but non lucratif, ayant pour objet l'embauche de personnes sans emploi et rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières afin de faciliter leur réinsertion.

La nouvelle rédaction proposée complète cette liste pour y inclure, par cohérence avec la modification prévue au paragraphe I, l'Office national des forêts. Elle fait disparaître l'obligation, qui devient une simple faculté, faite aux organismes de droit privé de signer une convention avec l'Etat.

Dans sa rédaction initiale, l'amendement du Gouvernement, dont est issu le présent article, mentionnait les seuls EPCI disposant de la compétence action sociale d'intérêt communautaire. Mais l'Assemblée nationale a finalement élargi cette faculté à l'ensemble des EPCI ; il apparaît en effet que des EPCI ne disposant pas de la compétence action sociale d'intérêt communautaire gèrent néanmoins, avec succès, des ateliers et chantiers d'insertion.

II - La position de votre commission

Le Gouvernement a insisté, lors des débats à l'Assemblée nationale, sur le rôle joué par l'ONF en matière d'insertion sociale et professionnelle en milieu rural. Cet établissement public de l'Etat assure des travaux de récolte de bois, de reboisement, de sylviculture, auxquels peuvent utilement prendre part des personnes éloignées de l'emploi dans le cadre de leur parcours de réinsertion.

Votre commission, tout en approuvant les modifications proposées, observe cependant que le texte finalement adopté par l'Assemblée nationale a pour effet de supprimer le parallélisme initialement recherché entre l'article L. 322-4-16-8 du code du travail, qui vise désormais l'ensemble des EPCI, et l'article L. 322-4-16 qui prévoit que des conventions peuvent être passées entre l'Etat et les seuls EPCI disposant de la compétence action sociale d'intérêt communautaire. Votre commission vous propose, pour rétablir le nécessaire parallélisme entre ces deux articles, de supprimer la restriction qui subsiste à l'article L. 322-4-16.

Votre commission souligne par ailleurs qu'une difficulté juridique, résultant de la promulgation de deux ordonnances successives, n'a pas été prise en compte par l'Assemblée nationale.

En effet, le 1° de l'article 18 de l'ordonnance n° 2004-637 du 1 er juillet 2004, relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, a prévu une nouvelle rédaction de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-4-16 du code du travail.

La date d'entrée en vigueur de l'article 18 de l'ordonnance précitée était initialement fixée au 1 er juillet 2005. Or, l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-727 du 30 juin 2005, portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives, a repoussé cette date d'entrée en vigueur au 1 er juillet 2006.

Pour éviter que le dispositif organisé par le présent article 16 ne soit remis en cause à compter du 1 er juillet prochain, il est donc nécessaire de supprimer le 1° de l'article 18 de l'ordonnance de 2004. Votre commission vous propose un amendement en ce sens, étant précisé que l'ordonnance de 2004 a déjà fait l'objet d'une ratification par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

Enfin, votre commission vous propose d'ajouter les départements à la liste des personnes morales susceptibles de porter un atelier ou un chantier d'insertion et de passer convention, dans ce cadre, avec l'Etat. Les départements disposent déjà de compétences en matière sociale et il ne serait pas illogique qu'ils puissent développer ainsi des actions d'insertion. Leur intervention pourrait pallier, notamment dans les zones rurales, la modestie des moyens financiers et humains de certaines communes et favoriser la présence des structures d'insertion par l'activité économique sur l'ensemble du territoire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 17 (nouveau) (art. L. 322-4-16 du code du travail)
Suppression d'une procédure d'agrément prévue en cas de signature d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA par une structure d'insertion par l'activité économique

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, supprime l'agrément auquel est aujourd'hui subordonné le bénéfice des aides et exonérations prévues en cas d'embauche réalisée par une structure d'insertion par l'activité économique sous forme de contrat d'avenir ou de CI-RMA.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article vise à modifier le V de l'article L. 322-4-16 du code du travail.

Cet article du code du travail fait bénéficier les structures d'insertion par l'activité économique de diverses aides et exonérations afin de les inciter à embaucher. Ainsi, les conventions qu'elles passent avec l'Etat peuvent prévoir le versement d'une aide financière et elles donnent droit à l'exonération du paiement des cotisations patronales de sécurité sociale, pour un montant de rémunération égal au Smic, lorsqu'elles sont conclues avec des personnes morales de droit privé produisant des biens et services en vue de leur commercialisation 9 ( * ) .

Le V subordonne toutefois le bénéfice de ces aides et exonérations à l'obtention d'un agrément délivré par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour chaque embauche. L'agrément n'est pas exigé lorsque l'embauche est réalisée par une association intermédiaire.

Le présent projet de loi entend supprimer la procédure d'agrément dans deux cas de figure supplémentaires : lorsque la personne est embauchée en contrat d'avenir et lorsqu'elle est embauchée en CI-RMA.

Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a en effet souligné que « dans la mesure où, en matière de contrats d'avenir et de CI-RMA, les prescriptions et les publics éligibles ont été clairement définis, l'étape de l'agrément ne fait le plus souvent que repousser la signature de ces contrats, sans permettre aucun travail d'orientation ou de suivi de la personne à ce stade de son parcours » . 10 ( * ) .

II - La position de votre commission

Votre commission approuve l'initiative de l'Assemblée nationale, qui permet de supprimer une formalité administrative dont l'utilité apparaît bien modeste et qui ralentit les recrutements effectués par les structures d'insertion par l'activité économique.

Elle vous proposera néanmoins un amendement pour corriger une erreur matérielle. L'article 17 fait en effet référence à l'article L. 322-4-15-1 du code du travail, qui impose la signature d'une convention entre l'employeur et la collectivité débitrice du minimum social. Il paraît plus approprié de viser l'article L. 322-4-15, qui institue le CI-RMA.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 18 (nouveau) (article 80 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale)
Modification de l'objet du fonds de garantie créé par la loi de cohésion sociale

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, autorise le fonds de garantie, créé à l'article 80 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, à financer des dépenses d'accompagnement.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

L'article 80 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé un fonds de garantie pour l'insertion économique, parfois dénommé fonds de cohésion sociale, abondé par l'Etat et par les collectivités territoriales qui le souhaitent. Il a pour vocation d'apporter une garantie bancaire, à des fins sociales, à des personnes physiques ou morales ayant contracté un emprunt. Peuvent en bénéficier les entreprises créées ou reprises par des personnes en difficulté, les structures d'insertion par l'activité économique, les services de proximité visés par le plan de cohésion sociale, les associations employant des salariés en contrat d'avenir ou en contrat d'accompagnement dans l'emploi et les particuliers victimes de situations d'exclusion bancaire.

Cet article présente également les crédits que l'Etat entend consacrer, sur la période 2005-2009, au financement de ce fonds.

Apport de l'Etat au fonds de garantie

(en millions d'euros valeur 2004)

2005

2006

2007

2008

2009

4

12

19

19

19

La loi de finances pour 2006 est conforme aux engagements pris en loi de programmation, puisque 12 millions d'euros sont effectivement inscrits au budget de l'Etat pour alimenter ce fonds.

Le présent article 18, qui a été introduit par voie d'amendement adopté à l'initiative du Gouvernement, entend élargir à la marge les compétences du fonds de garantie. Il apparaît en effet, au vu de l'expérience acquise en matière de création d'entreprises ou d'activités d'utilité sociale, que l'accompagnement des personnes ayant pris l'initiative de ces projets est un facteur déterminant de leur succès.

En conséquence, il est proposé que le fonds puisse dorénavant financer les dépenses d'accompagnement liées à la mise en place des prêts qu'il garantit.

II - La position de votre commission

Votre commission partage l'analyse du Gouvernement sur l'importance de l'accompagnement des créateurs d'entreprise ou de structures d'utilité sociale et approuve donc la mesure proposée. Cet accompagnement est d'autant plus utile que les bénéficiaires de la garantie du fonds sont des personnes en difficulté.

Il lui paraît toutefois possible d'améliorer la rédaction de cette disposition et elle vous propose d'adopter un amendement en ce sens, puis l'article ainsi modifié.

Article 19 (nouveau) (art. L. 322-4-10 et art. L. 322-4-15-3 du code du travail)
Suppression d'une condition de délai pour l'accès au contrat d'avenir et au CI-RMA

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, supprime la condition qui subordonne l'accès au contrat d'avenir ou au CI-RMA à une durée minimale de perception par le bénéficiaire d'un minimum social.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Aux termes de l'article L. 322-4-10 du code du travail, les personnes qui perçoivent le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation spécifique de solidarité (ASS), l'allocation de parent isolé (API) ou l'allocation adulte handicapé (AAH) « depuis une durée fixée par décret en Conseil d'Etat » ont le droit de signer un contrat d'avenir. Cette durée est fixée à six mois par l'article R. 322-27 du même code.

La signature d'un CI-RMA est également soumise à une condition de durée d'ouverture des droits, en vertu de l'article L. 322-4-15-3 du code du travail. L'article D. 322-22-1 fixe à six mois la durée minimum requise.

A l'initiative de trois députés, Dominique Tian, Maurice Giro et Bruno Gilles, l'Assemblée nationale a adopté le présent article additionnel qui supprime ces deux conditions de délai.

Techniquement, le modifie le premier alinéa de l'article L. 322-4-10, qui subordonne la signature du contrat d'avenir à une certaine durée d'ouverture des droits. Le supprime le dernier alinéa de l'article L. 322-4-15-3, qui contient la disposition équivalente pour le CI-RMA. La modification de ces textes législatifs nécessitera ensuite une adaptation des mesures réglementaires prises sur leur base.

II - La position de votre commission

Dans son rapport sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, notre collègue Louis Souvet notait, au sujet du contrat d'avenir, que « ce critère d'ancienneté vise à empêcher d'éventuels effets d'appel ou de substitution » 11 ( * ) . On pouvait craindre en effet que des titulaires de minima sociaux ne soient orientés trop rapidement vers des contrats aidés, alors que leur niveau de qualification leur permettrait d'occuper un emploi marchand classique, et que les employeurs ne profitent ainsi indûment de ce système d'aide.

Il apparaît cependant, à l'expérience, que ces restrictions constituent surtout un frein à la réinsertion sociale et professionnelle des titulaires de minima sociaux. Les collectivités qui mettent en oeuvre le contrat d'avenir et le CI-RMA sont à même d'apprécier si un candidat a besoin de signer un contrat aidé très rapidement ou si sa situation lui permet de s'orienter vers une recherche d'emploi classique. Il faut souligner ensuite que les titulaires de minima sociaux ont souvent déjà connu une longue période de chômage indemnisé avant d'être admis au bénéfice de la prestation et il est regrettable, dans cette hypothèse, de ne pas pouvoir les faire accéder immédiatement à un contrat aidé.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 20 décembre 2005 sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président puis de M. Paul Blanc, secrétaire , la commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , sur le projet de loi n° 118 (2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux .

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord expliqué que le nombre élevé d'allocataires des minima sociaux (3,3 millions, dont 1,2 million au revenu minimum d'insertion [RMI]) prouve que les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent plus et qu'une politique d'activation des minima sociaux doit désormais être engagée.

Elle a indiqué qu'en juin 2005, 11,5 % seulement des allocataires du RMI bénéficiaient d'un intéressement à la reprise d'emploi et que ce chiffre était en baisse continue. Cet échec est dû à la complexité des dispositifs d'intéressement et au fait que le retour à l'emploi s'accompagne souvent d'une réduction des revenus du foyer.

En apportant une première réponse à ces deux problèmes, le projet de loi constitue une étape dans la réforme des minima sociaux, qui devra être complétée par un volet sur les droits connexes, conformément aux propositions du groupe de travail présidé par Mme Valérie Létard, et sur l'accompagnement, à la lumière des conclusions de la mission confiée par le Premier ministre, à MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier.

Mme Catherine Vautrin, ministre, a ensuite présenté les fondements de la réforme de l'intéressement proposée par le projet de loi : celle-ci vise d'abord à ce que chaque heure travaillée apporte un gain par rapport aux dispositifs d'assistance ; elle améliore ensuite la lisibilité de l'intéressement en prévoyant un système identique pour le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de parent isolé (API) et l'allocation de solidarité spécifique (ASS), fondé sur des primes forfaitaires ; elle assure une plus grande sécurité des bénéficiaires grâce à un rétablissement immédiat de l'allocation en cas d'échec de l'insertion professionnelle.

Le nouveau dispositif sera ciblé sur les emplois permettant d'assurer l'autonomie financière des familles et la sortie de la précarité, c'est-à-dire ceux dont la durée est supérieure à un mi-temps. Il prévoit un cumul intégral entre revenus d'activité et allocation pendant trois mois, puis une prime forfaitaire de 150 euros, majorée de 75 euros pour les familles, versée pendant neuf mois. Les personnes concernées bénéficieront également d'une prime de 1.000 euros au quatrième mois suivant l'embauche, afin de faire face aux dépenses qu'entraîne la reprise d'emploi.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a observé que l'effet incitatif des nouvelles primes serait complété par les mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2006, à savoir l'amélioration de la prime pour l'emploi et la création d'un crédit d'impôt de 1.500 euros au bénéfice des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui sont amenés à déménager à plus de 200 kilomètres pour reprendre un travail. En outre, les personnes accédant à un emploi d'une durée inférieure au mi-temps continueront de bénéficier du mécanisme actuel d'intéressement.

Le coût de cette réforme sera nul pour les départements, la charge étant intégralement supportée par l'Etat, pour un montant évalué à 240 millions d'euros.

Mme Catherine Vautrin, ministre , a ensuite indiqué que les personnes qui reprennent un emploi bénéficieraient d'une aide pour faire garder leurs enfants, sous la forme d'un accès privilégié aux crèches. Ce dispositif a été remanié à l'Assemblée nationale, la stricte priorité d'accès ayant été remplacée par un mécanisme de réservation de places au profit des enfants des allocataires en reprise d'activité. Elle a ajouté que les députés ont également réformé le régime des sanctions pour fraude, dans le sens d'une harmonisation des dispositions applicables aux trois allocations et d'une atténuation des peines encourues. Enfin, une possibilité d'amendes administratives, moins sévères que les poursuites pénales, en cas d'absence de déclaration ou de déclaration délibérément inexacte ou incomplète, a été créée.

Pour conclure, Mme Catherine Vautrin, ministre , a énuméré les autres dispositions, de moindre importance, du texte : l'adaptation des conditions d'attribution du RMI aux ressortissants de l'espace économique européen et de l'Union européenne qui résident en France depuis plus de trois mois, conformément aux directives européennes, et l'assouplissement du régime des contrats d'avenir et des contrats d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA).

M. Alain Gournac, président , a indiqué que l'Assemblée nationale avait porté le nombre d'articles du projet de loi de 11 à 23.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est interrogé sur la pertinence du délai de quatre mois prévu avant le versement de la prime de retour à l'emploi. Il a également voulu savoir ce qui justifie la différence de champ de bénéficiaires entre le régime de prime proposé par le projet de loi et celui précédemment créé par le décret du 29 août 2005.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite souhaité connaître le niveau de salaire maximal ouvrant droit au bénéfice des primes mensuelles d'intéressement. Il a reconnu que l'équité à l'égard des salariés ayant le même niveau de revenu d'activité impose de donner à l'intéressement un caractère temporaire, mais il s'est inquiété de la diminution brutale des ressources qui résultera du terme de cet intéressement. Il a donc plaidé pour une sortie progressive du dispositif.

Il a également voulu savoir comment le Gouvernement compte traiter la question de la nécessaire neutralisation des différentes primes pour le bénéfice des droits connexes.

Pour ce qui concerne l'accès des bénéficiaires de minima sociaux aux modes de garde, M. Bernard Seillier, rapporteur , a évoqué la nécessité de prévoir un accueil temporaire des enfants lorsque les allocataires doivent se rendre à un entretien d'embauche. Il a voulu savoir si le Gouvernement envisage d'étendre le dispositif d'accueil prioritaire aux assistantes maternelles.

Il a enfin souhaité obtenir un bilan de la mise en oeuvre des contrats d'avenir et des CI-RMA, à la lumière notamment des modifications apportées par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord expliqué que le délai de quatre mois prévu pour le versement de la prime de 1.000 euros a pour but de limiter les risques d'effet d'aubaine du dispositif. Elle a également précisé que le champ couvert par la prime de retour à l'emploi est plus large, sur un grand nombre de points, que celui prévu par le décret, puisque l'ensemble des allocataires du RMI, de l'API et de l'ASS pourront désormais en bénéficier sans condition de durée d'inscription comme demandeur d'emploi et que ceux-ci en bénéficieront et ce, que l'emploi retrouvé relève du secteur marchand ou non. Elle a exclu tout plafonnement du salaire ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement et confirmé que les différentes primes seraient neutralisées pour le calcul des droits connexes. Elle s'est également engagée à réserver l'analyse des autres aspects relatifs à ces droits connexes jusqu'à l'examen des conclusions du groupe de travail mis en place par la commission sur ces questions. Elle s'est par ailleurs déclarée intéressée par les propositions des commissaires pour améliorer et compléter le dispositif d'accès aux modes de garde des enfants des bénéficiaires de minima sociaux.

En ce qui concerne les contrats aidés, Mme Catherine Vautrin, ministre, a indiqué que 149.025 personnes bénéficient à l'heure actuelle des nouveaux contrats prévus par le plan de cohésion sociale : 134.000 au titre du contrat d'accès à l'emploi, dont 24.000 sont d'anciens titulaires de minima sociaux ; 13.500 au titre des contrats d'avenir, soit 400 nouvelles entrées chaque jour depuis le vote de la loi sur les services à la personne ; 1.525 au titre du CI RMA. Elle a souligné le rôle moteur joué par les chantiers d'insertion pour le succès de ces contrats aidés et a ajouté que les divers assouplissements prévus par le projet de loi devraient encore accentuer cette dynamique.

M. Guy Fischer a considéré que la précipitation du Gouvernement à faire adopter ce projet de loi et l'annonce déjà faite d'un second texte pour mettre en oeuvre la proposition d'allocation unique d'insertion, issue du rapport des sénateurs Michel Mercier et Henri de Raincourt, attestent de la volonté de la majorité de remettre au travail, à n'importe quel prix, les bénéficiaires de minima sociaux. Il a craint que ce second texte n'amorce un mouvement généralisé de fusion de l'ensemble des minima sociaux défavorable aux allocataires. Il a observé que les conseils généraux se plaignent du coût des nouveaux contrats aidés pour les finances départementales. Il a enfin souligné que le caractère temporaire de l'intéressement constitue un obstacle à une insertion professionnelle durable.

M. Bernard Cazeau s'est étonné que la réforme proposée puisse réellement avoir un coût nul pour les départements, dans la mesure où les primes mensuelles d'intéressement sont à la charge des conseils généraux.

Mme Sylvie Desmarescaux a voulu savoir si la prime de retour à l'emploi serait réservée aux contrats à durée indéterminée ou si elle serait également ouverte aux contrats à durée déterminée et, le cas échéant, quelle serait alors la durée minimale du contrat ouvrant droit à la prime. Elle a attiré l'attention du Gouvernement sur le cas des frontaliers qui bénéficient du RMI en France, tout en travaillant dans un pays voisin. Elle a également déploré la lourdeur administrative entourant la mise en oeuvre des CI-RMA et des contrats d'avenir. Elle s'est enfin déclarée favorable à la création d'outils innovants en milieu rural pour l'accès des bénéficiaires de minima sociaux aux différents modes de garde des enfants.

Mme Gisèle Printz a regretté qu'une personne licenciée avant quatre mois d'activité, quel qu'en soit le motif, ne puisse pas bénéficier de la prime de 1.000 euros. Elle a fait valoir qu'un système de places réservées en crèches pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux serait difficile à gérer dans un contexte de pénurie de places et de pression sur les gestionnaires pour qu'ils améliorent le taux d'occupation des structures. Elle s'est enfin interrogée sur la condition de résidence de plus de trois ans imposée aux ressortissants de l'Union européenne pour l'accès au RMI.

Mme Isabelle Debré a souhaité connaître la durée minimale d'emploi ouvrant droit au bénéfice de la prime de 1.000 euros et le délai de carence courant entre deux primes pour le même bénéficiaire. Elle a confirmé la difficulté qu'il y aurait à mettre en oeuvre un système de places réservées en crèches pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux et elle a plaidé pour un élargissement du dispositif aux assistantes maternelles.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a d'abord indiqué que les caisses d'allocations familiales sont sensibilisées au problème de l'accès aux crèches des enfants d'allocataires de minima sociaux, en particulier de l'API, et qu'elles intègrent de plus en plus souvent, dans les conventions de financement des structures, des stipulations à ce sujet.

Pour la prime de retour à l'emploi, elle a précisé que le délai de carence entre deux primes serait fixé à dix-huit mois et que la durée minimale des contrats pour en bénéficier serait de quatre mois. Elle a rappelé que les personnes qui reprendraient un emploi avant l'épuisement de ce délai de carence bénéficieraient quand même du volet intéressement du projet de loi.

Elle a expliqué que les adaptations des conditions d'accès des ressortissants de l'Union européenne au RMI découlent des évolutions récentes du droit communautaire à ce sujet et qu'elles visent à limiter les effets d'aubaine. Elle a reconnu que le Gouvernement n'avait pas étudié la question des Français allocataires du RMI qui travaillent à l'étranger.

Elle a ensuite écarté toute crainte d'une fusion des différents minima sociaux, soulignant que la volonté du Gouvernement est seulement de faire bénéficier l'ensemble des allocataires de l'accompagnement individualisé, jusqu'ici réservé aux titulaires du RMI. Elle a insisté sur le fait que le Gouvernement entend également laisser aux parlementaires le temps de parfaire leurs propositions dans le domaine des droits connexes.

Mme Catherine Vautrin, ministre, a confirmé que le coût de la réforme serait nul pour les départements, les primes mensuelles mises à leur charge se substituant simplement aux allocations différentielles qu'ils financent jusqu'ici.

M. Paul Blanc, président , a fait valoir qu'il est plus opportun d'investir dans l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux plutôt que de leur verser des allocations sans contrepartie, sachant que, le plus souvent, ils souhaitent pouvoir être en activité.

Mme Gisèle Printz a adhéré à cette analyse, sous réserve que le retour à l'emploi soit réellement plus rémunérateur.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 18 janvier 2006 , sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Seillier sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux .

M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé que le Premier ministre s'est engagé, lors de sa déclaration de politique générale, le 8 juin 2005, à gagner la « bataille pour l'emploi » et à lever les obstacles au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.

Le projet de loi vise à répondre à cet objectif à travers deux séries de mesures : d'une part, l'amélioration directe des incitations financières à la reprise d'activité avec la réforme des dispositifs d'intéressement, d'autre part, la mise en place de mesures destinées à résoudre les difficultés concrètes qui freinent la reprise d'activité.

La simplification des dispositifs d'intéressement à la reprise d'activité a pour objectif de les rendre plus attractifs et efficaces. Le système actuel est en effet d'une extrême complexité : le mode de calcul des allocations différentielles est si opaque que l'allocataire n'est pas en mesure de prévoir l'évolution de ses ressources en cas de reprise d'activité et qu'il peut être conduit, par prudence, à préférer les revenus d'assistance, dont le montant est connu d'avance.

Telle est la raison pour laquelle le projet de loi y substitue un dispositif plus simple de primes forfaitaires : dorénavant, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation de parent isolé (API) qui reprendront un emploi commenceront par cumuler intégralement, pendant trois mois, leur salaire avec l'allocation ; au quatrième mois, ils percevront une prime de retour à l'emploi, d'un montant de 1.000 euros ; enfin, du quatrième au douzième mois, ils bénéficieront d'une prime forfaitaire d'intéressement, fixée à 150 euros pour une personne seule et 225 euros dans tous les autres cas. Le calcul est donc facile à anticiper pour les bénéficiaires.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite indiqué que le projet de loi encourage la reprise d'emplois susceptibles de permettre une réinsertion professionnelle durable. Le bénéfice des primes forfaitaires d'intéressement et de la prime de retour à l'emploi est donc réservé aux personnes qui reprennent un emploi au moins équivalent à un mi-temps pour une durée minimale de quatre mois.

Les personnes employées à temps très partiel ne seront toutefois pas abandonnées : en deçà du mi-temps, un mécanisme de cumul partiel entre allocation et salaire sera maintenu. Il sera calibré de façon à encourager les bénéficiaires à augmenter - s'ils le peuvent - leur quotité de travail.

Le projet de loi s'attache enfin à aider les bénéficiaires à faire face aux frais, parfois importants, qui accompagnent le retour à l'emploi, à travers le versement d'une prime de retour à l'emploi de 1.000 euros. Cette prime prend le relais de celle créée par décret en août dernier et son coût, à la charge de l'Etat, s'élève à 240 millions d'euros. Afin de limiter les risques d'abus, son versement n'aura lieu qu'après quatre mois d'activité et un même bénéficiaire ne pourra percevoir une nouvelle prime au titre d'une nouvelle embauche qu'après un délai de dix-huit mois.

En fonction de la composition du foyer, le futur régime pourra être financièrement moins intéressant que le dispositif actuel. Mais l'écart éventuel devrait être pratiquement comblé grâce à la prime pour l'emploi, rendue plus avantageuse par la loi de finances pour 2006.

De plus, les personnes en situation d'intéressement au moment de la publication de la loi continueront à bénéficier des conditions actuelles, afin de ne pas perturber le calcul économique ayant présidé à leur reprise d'activité.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est déclaré convaincu de la réforme proposée. Il a souhaité l'améliorer sur deux points : d'abord par le versement immédiat de la prime de 1.000 euros, afin qu'elle aide le bénéficiaire à faire face à ses frais dès son retour à l'emploi ; ensuite par la création d'une prime de sortie de l'intéressement, pour que le bénéficiaire puisse se préparer à la réduction de ses revenus en fin de période.

Puis M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que le projet de loi s'attache à lever un obstacle très concret au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux : l'accès à un mode de garde pour leurs enfants.

Le projet de loi prévoyait initialement une priorité d'accès en crèche pour les jeunes enfants de bénéficiaires de minima sociaux. L'Assemblée nationale lui a préféré un dispositif de « places garanties » consistant à définir, à l'occasion de la négociation de la convention de financement de chaque établissement, un volant de places mobilisables en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, celles-ci pouvant en pratique être des places réellement mises en réserve ou des places d'accueil en surnombre.

Le rapporteur a également fait valoir que l'impossibilité de confier temporairement ses enfants pour se rendre à un entretien d'embauche pénalise la réinsertion professionnelle de nombreuses mères. Il a donc souhaité inciter les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire en faveur des bénéficiaires de minima sociaux en recherche active d'emploi.

Enfin, il a présenté les nombreux ajouts apportés au texte à l'Assemblée nationale. Ceux-ci concernent notamment les sanctions prévues en cas de fraude aux minima sociaux, qui sont aujourd'hui très disparates : les peines s'échelonnent de 3.750 à 375.000 euros d'amende, accompagnées ou non de peines d'emprisonnement, comprises entre deux mois et cinq ans. Le régime applicable au RMI va même jusqu'à assimiler la fraude à une escroquerie au sens du code pénal, ce qui le rend largement inopérant, les juges étant très stricts sur les éléments qui constituent un délit d'escroquerie. Pour ces raisons, l'Assemblée nationale a prévu une amende unique de 4.000 euros, doublée en cas de récidive. Elle a par ailleurs créé un régime d'amendes administratives, d'un montant maximum de 3.000 euros, l'édiction de ces sanctions étant entourée de sérieuses garanties pour les bénéficiaires.

La seconde série de mesures introduites par l'Assemblée nationale modifie ponctuellement les règles applicables au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA).

Pour le contrat d'avenir, le projet de loi propose de ramener de six à trois mois la durée minimale du contrat lorsqu'il est conclu avec une personne condamnée bénéficiant d'un aménagement de peine, d'autoriser le renouvellement du contrat d'avenir autant de fois que nécessaire, dans la limite globale de trente-six mois, et de fixer la durée hebdomadaire de travail des titulaires de contrat d'avenir entre vingt et vingt-six heures lorsqu'ils sont embauchés par un atelier ou par un chantier d'insertion. Pour le CI-RMA, le texte prévoit d'autoriser la signature de contrats à durée indéterminée. Certaines mesures concernent les deux types de contrats : la suppression de l'agrément des candidats à l'embauche par les ateliers et chantiers d'insertion et l'autorisation de signer des CI-RMA et des contrats d'avenir sans condition d'ancienneté aux minima sociaux. Enfin, le fonds de garantie pour l'insertion économique, créé par la loi de cohésion sociale, sera autorisé à financer des dépenses d'accompagnement des personnes qui bénéficient de sa garantie.

En conclusion, M. Bernard Seillier, rapporteur , a approuvé les réformes proposées par ce texte, mais il a rappelé que celui-ci ne constitue qu'une première étape dans la nécessaire refonte de l'ensemble du système français des minima sociaux. Deux autres aspects restent à régler : l'harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux et la généralisation de l'accompagnement professionnel et social des bénéficiaires de minima sociaux.

Dans cet objectif, M. Bernard Seillier, rapporteur , a annoncé le dépôt prochain de deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux du groupe de travail « Minima sociaux », présidé par Mme Valérie Létard, et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve d'un certain nombre d'amendements, il s'est prononcé en faveur de l'adoption du projet de loi.

Mme Janine Rozier a regretté qu'en dépit d'une volonté affichée de simplification, le système demeure encore compliqué et devra être expliqué aux bénéficiaires potentiels. Elle a souhaité, en outre, que des actions soient menées en faveur d'une revalorisation du travail. Estimant que les minima sociaux ont pris une importance démesurée, elle a appelé de ses voeux des mesures visant à éviter que leurs bénéficiaires ne s'installent dans l'assistance.

M. Roland Muzeau a déploré que l'urgence imposée sur ce texte n'ait pas permis d'organiser des auditions en commission, notamment sous forme de tables rondes. Il s'est inquiété du sort inéquitable réservé aux salariés reprenant une activité de moins de 78 heures par mois, non éligibles au nouveau dispositif d'intéressement, ainsi que de la perte de ressources pour certains allocataires, estimée à environ 100 euros par rapport à l'actuel dispositif. Il s'est montré également préoccupé par le financement systématique par l'Etat d'un complément de revenu pour les salariés précaires, estimant qu'une revalorisation des bas salaires financée par les entreprises serait préférable. Il s'est inquiété de la seule prise en compte du critère de revenu, car certaines situations particulières doivent être préservées, comme celle des personnes handicapées, dont les différences ont été identifiées par la loi sur le handicap. Enfin, il s'est dit opposé à la création du contrat nouvelles embauches (CNE), du contrat première embauche (CPE) et du contrat senior, qui contribuent à remettre en cause les droits des salariés et les principes fondamentaux du code du travail.

Mme Gisèle Printz s'est indignée de l'emploi des mots « sanctions » et « fraudes » pour évoquer la situation de personnes démunies et a souhaité qu'une vraie réflexion soit engagée sur les contraintes liées à la garde des enfants, qui rend plus difficile le retour à l'emploi des femmes.

M. André Lardeux a regretté qu'une approche plus globale des minima sociaux n'ait pas été privilégiée, craignant la superposition de mesures sans cohérence et coûteuses. Il a ensuite insisté sur la persistance de deux freins au retour à l'emploi : l'insuffisance de la formation et l'apparition d'une « culture du non-travail », véritable obstacle psychologique au retour à l'emploi.

Enfin, il a émis deux réserves quant aux sanctions administratives prévues en cas de fraude : il a mis en doute l'habilitation du président du conseil général à les prendre et il a craint des difficultés pour les faire exécuter.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur la légitimité et l'efficacité du mécanisme de priorité d'accès aux crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux. Elle a souligné notamment l'impossibilité pour les crèches de conserver des places vacantes pour ce public, alors que la pénurie de places est un problème constant qui touche toutes les familles. Elle a enfin souhaité que soient précisées les conditions d'attribution de la prime de retour à l'emploi pour les travailleurs transfrontaliers, lorsqu'ils retrouvent une activité dans un pays limitrophe.

M. Bernard Cazeau a regretté la précipitation dans laquelle sont examinées ces nouvelles mesures partielles, sans même attendre les propositions de MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier et de Mme Valérie Létard. Il a souligné les risques d'effets d'aubaine du dispositif qui ne permet pas de trouver des solutions pérennes et satisfaisantes propres à assurer des conditions de vie décentes aux salariés pauvres. Il a enfin fait part des craintes des conseils généraux quant au coût de cette réforme pour les départements.

Mme Valérie Létard a déploré qu'une nouvelle mesure vienne s'ajouter à un système déjà très complexe, alors que la première des nécessités est de rendre plus lisible les mécanismes d'aide au retour à l'emploi. Elle a plaidé pour un versement de la prime de retour à l'emploi dès le premier mois d'activité, afin que les bénéficiaires puissent faire face aux dépenses liées à leur changement de situation. Elle a déploré que la période d'intéressement soit ramenée de quinze à douze mois et a suggéré de maintenir cette durée en envisageant un système dégressif le dernier trimestre afin d'éviter une diminution brutale des revenus. Puis, elle s'est montrée réservée sur la priorité d'accès aux structures de garde donnée aux enfants des bénéficiaires de minima sociaux. Elle s'est également interrogée sur l'absence de mesure d'intéressement pour les titulaires de l'allocation d'insertion et sur le sort réservé aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Craignant les effets de seuils, elle a demandé quelles sont les modalités d'application de la prime lorsque, sur les quatre premiers mois, la moyenne des heures mensuelles est de 78 heures, mais que la durée effective du travail varie selon les mois. Enfin, elle a demandé comment et par qui seront financés les contrôles du bien-fondé des demandes d'allocation.

Mme Isabelle Debré a déploré un texte encore trop complexe en dépit des efforts de simplification du système. Elle a émis de vives critiques à l'égard du principe d'accès prioritaire aux crèches, estimant préférable une solution pragmatique et appelant le législateur à faire confiance aux services municipaux de la petite enfance pour trouver des réponses adaptées à chaque situation.

Mme Raymonde Le Texier a souligné que la disponibilité de places en crèche devient une préoccupation constante pour tous les parents, ce qui justifierait une étude plus approfondie dans le cadre d'un rapport d'information.

M. Alain Gournac, président , a déploré à cet égard le caractère très contraignant des normes de sécurité et des qualifications, qui rend fastidieuse l'ouverture de nouvelles structures et pénalise la création d'emplois dans ce secteur.

Mme Isabelle Debré a ajouté que le problème de la garde des enfants risque de s'accroître du fait de l'augmentation du taux de fécondité, qui atteint désormais 1,97 enfant par femme.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a estimé que, malgré sa complexité, le nouveau système sera néanmoins plus lisible pour les bénéficiaires, leur situation financière en cas de reprise d'emploi devenant prédictible, ce qui n'est pas le cas avec l'actuel dispositif. Comme ses collègues, il a regretté qu'une réforme d'ensemble et moins précipitée n'ait pas été privilégiée, car elle aurait pu avoir le retentissement de la grande loi fondatrice de 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Il a souhaité nuancer l'idée selon laquelle les bénéficiaires de minima sociaux préfèrent l'assistance au travail, rappelant que cela ne concerne qu'une très petite minorité, le problème majeur demeurant le manque d'emplois en France du fait du ralentissement de la croissance économique. Le projet de loi présenté par le Gouvernement est en réalité très limité dans sa portée puisqu'il ne fait que renforcer le régime de prime mis en place par décret et aménager à la marge le dispositif d'intéressement. L'examen en urgence a accentué la précipitation dans laquelle le Parlement est obligé de travailler, ce qui a limité les possibilités d'organiser des auditions sur ce sujet. Toutefois, le groupe de travail sur les minima sociaux a opportunément pallié cette lacune.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est ensuite félicité que la réforme de l'intéressement permette de valoriser toute heure travaillée supplémentaire. Il a considéré que la perte de revenus par rapport à l'actuel dispositif, qui résulte de la non-prise en compte de la dimension de la famille, est regrettable, mais qu'elle est compensée par d'autres avantages, notamment la meilleure prévisibilité des revenus et l'accès prioritaire pour les gardes d'enfants. Concernant les sanctions, il a proposé un amendement visant à permettre aux commissions locales d'insertion (CLI) d'émettre un avis afin d'éviter aux présidents de conseils généraux d'encourir des reproches d'arbitraire.

Puis il a rappelé qu'il n'y aurait pas de surcoût pour les conseils généraux, puisque les primes forfaitaires à leur charge se substituent à l'intéressement actuel qu'ils financent déjà et que l'Etat assumera la prise en charge intégrale des primes de retour à l'emploi. Il s'est enfin engagé à demander au Gouvernement des précisions concernant la question des travailleurs transfrontaliers.

Mme Esther Sittler a insisté pour qu'un amendement de précision garantisse la prise en compte des transfrontaliers dans le dispositif et M. Alain Gournac, président, a souhaité que la question soit explicitement posée au Gouvernement.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite confirmé que le contrôle sera assumé par les organismes en charge du versement de chaque prestation. Il a par ailleurs ajouté qu'il présentera un amendement supprimant la possibilité de plafonner le salaire ouvrant droit au bénéfice des primes d'intéressement. Concernant le rétablissement à quinze mois de la durée de versement de la prime d'intéressement avec la mise en place d'un système dégressif, il a indiqué que l'amendement qu'il présente propose, comme alternative, une « prime de sortie », plus compatible avec la simplification voulue par le Gouvernement.

M. Alain Gournac, président , a demandé que la ministre précise les conditions dans lesquelles les personnes ayant des horaires mensuels variables, mais en moyenne mensuelle supérieurs à 78 heures, pourraient profiter du nouvel intéressement.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite rappelé que pour l'AAH, l'intéressement est permanent, tandis que pour l'allocation d'insertion, la question ne se pose plus étant donné que cette allocation a été remplacée par l'allocation temporaire d'attente et qu'elle concerne des demandeurs d'asile en attente de régularisation qui ne sont légalement pas autorisés à travailler.

Enfin, il est convenu que la question de la priorité d'accès en crèche est sensible. L'association des maires de France (AMF), consultée sur ce point, s'est dite favorable à un système moins contraignant qui laisse aux communes la libre appréciation de chaque situation. Il a estimé qu'en adossant le dispositif aux conventions de financement des crèches, l'Assemblée nationale avait ouvert la voie à une possible rétribution de la mise en réserve de certaines places.

Mme Isabelle Debré a indiqué que les solutions pour désengorger le système sont limitées : soit il faut créer de nouvelles places, soit il faut scolariser les jeunes enfants plus tôt, dès l'âge de deux ans.

Mme Bernardette Dupont a proposé une modification du terme d'« intéressement », qu'elle estime inapproprié dans ce contexte et source de confusion avec l'intéressement des salariés aux résultats d'une entreprise.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article premier (prime de retour à l'emploi), la commission a adopté à l'unanimité un amendement visant à permettre le versement immédiat de la prime de retour à l'emploi.

A l'article 2 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique), elle a adopté trois amendements : outre un amendement de coordination, elle a approuvé un amendement visant à instaurer une prime de fin d'intéressement pour les bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité ainsi qu'un amendement visant à supprimer le plafond de salaire ouvrant droit au bénéfice de la prime d'intéressement.

A l'article 3 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion), elle a adopté cinq amendements : le premier, par coordination avec celui proposé à l'article 2, vise à instaurer une prime d'intéressement en faveur des bénéficiaires du RMI, le deuxième précise le rôle des départements concernant la gestion des primes forfaitaires d'intéressement, le troisième supprime le plafond de salaire ouvrant droit aux primes forfaitaires d'intéressement pour les allocataires du RMI, le quatrième prévoit l'extension aux départements d'outre-mer du dispositif d'intéressement pour les bénéficiaires du RMI, le dernier est un amendement de coordination.

A l'article 4 (prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'allocation de parent isolé), la commission a adopté cinq amendements : outre quatre amendements de coordination alignant le régime de l'API sur celui de l'ASS et du RMI, la commission a adopté un amendement aménageant les règles applicables aux primes forfaitaires par rapport à celles prévues pour les autres prestations familiales.

Elle a adopté sans modification l'article 5 (exonération fiscale des primes).

A l'article 6 (garde des enfants des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de solidarité spécifique), elle a adopté un amendement incitant les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire en faveur des enfants de bénéficiaires de minima sociaux en recherche active d'emploi.

La commission a adopté sans modifications les articles 7 (accès des ressortissants communautaires et de l'Espace économique européen au RMI), 8 (coordination entre le revenu minimum d'insertion et le contrat insertion revenu minimum d'activité et le contrat d'avenir), 9 (suppression de la récupération sur succession du revenu minimum d'insertion), et 10 (coordinations concernant le revenu minimum d'insertion).

A l'article 10 bis (pénalités applicables à la fraude au revenu minimum d'insertion), elle a adopté un amendement qui soumet les sanctions administratives des bénéficiaires du RMI à un avis de la commission locale d'insertion ainsi qu'un amendement de coordination.

Elle a adopté sans modification l'article 10 ter (pénalités applicables à la fraude à l'allocation de parent isolé).

A l'article 10 quater (pénalités applicables à la fraude aux allocations d'aide aux travailleurs privés d'emploi), la commission a adopté un amendement prévoyant un délai minimum d'un mois afin que les allocataires de l'ASS sanctionnés par une amende puissent présenter des observations.

A l'article 10 quinquies (report de la date de remise du rapport annuel d'évaluation de la loi portant décentralisation du RMI), elle a adopté un amendement visant à élargir l'objet du rapport annuel d'évaluation du RMI décentralisé au nouveau dispositif d'intéressement.

La commission a adopté sans modifications les articles 11 (sécurisation de la situation des actuels bénéficiaires de mesures d'intéressement) et 12 (durée minimale des contrats d'accompagnement dans l'emploi et des contrats d'avenir pour les personnes bénéficiant d'aménagements de peine).

A l'article 13 (modifications du régime du contrat d'avenir), elle a adopté un amendement qui prévoit la suppression d'un dispositif modifiant un régime d'allégement de charges non compensées, au motif qu'il relève désormais du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.

A l'article 14 (assouplissement de la durée hebdomadaire des contrats d'avenir), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 15 (création de contrats insertion-revenu minimum d'activité [CI RMA] à durée indéterminée), elle a adopté un amendement qui limite à dix-huit mois l'aide versée aux employeurs dans le cadre du CI-RMA.

A l'article 16 (personnes morales susceptibles de mettre en oeuvre des ateliers ou des chantiers d'insertion), elle a adopté trois amendements : le premier est un amendement de cohérence, le deuxième vise à autoriser les départements à gérer directement des ateliers ou des chantiers d'insertion à l'instar des communes ; le dernier est un amendement de coordination.

A l'article 17 (suppression d'une procédure d'agrément prévue en cas de signature d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA par une structure d'insertion par l'activité économique), elle a adopté un amendement visant à corriger une erreur de référence.

La commission a adopté sans modification les articles 18 (modification de l'objet du fonds de garantie créé par la loi de cohésion sociale) et 19 (suppression d'une condition de délai pour l'accès au contrat d'avenir et au CI-RMA).

La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi amendé .

TABLEAU COMPARATIF

* 1 56,8 % des bénéficiaires du RMI sont des personnes isolées.

* 2 Audition de Catherine Vautrin, ministre déléguée à la parité et à la cohésion sociale, le 20 décembre 2005. cf. p. 97

* 3 « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité », rapport d'information n° 334 (2004-2005) de Valérie Létard, fait au nom de la commission des Affaires sociales, déposé le 11 mai 2005.

* 4 « Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires de minima sociaux », rapport présenté au Premier ministre par Michel Mercier et Henri de Raincourt, sénateurs, décembre 2005.

* 5 Ainsi, la prestation de compensation, créée par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, tient compte des frais spécifiques engendrés par l'activité professionnelle pour la personne concernée. Par ailleurs, les travailleurs handicapés peuvent bénéficier d'aide à l'aménagement des postes de travail et du véhicule financés par l'association pour la gestion du fonds d'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

* 6 Il s'agit du décret n° 2004-301 du 29 mars 2004 relatif à la gestion de l'allocation de revenu minimum d'insertion et à la convention prévue à l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et des familles.

* 7 Le décret n° 2000-762 du 1 er août 2000 relatif aux établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans et modifiant le code de la santé publique prévoit ainsi que « des enfants peuvent être accueillis en surnombre certains jours de la semaine, dans la limite de 10 % de la capacité d'accueil autorisée pour l'établissement ou le service considéré et à condition que

le taux d'occupation n'excède pas 100 % en moyenne hebdomadaire », cette disposition étant naturellement assortie de garanties en matière de sécurité, d'hygiène et de confort.

* 8 « Minima sociaux : mieux concilier équité et reprise d'activité », rapport n° 334 (2004-2005) de Valérie Létard, fait au nom de la commission des Affaires sociales, le 11 mai 2005.

* 9 Les embauches réalisées à compter du 1 er juillet 2005 par les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion ne donnent cependant plus droit à cette exonération.

* 10 Compte rendu intégral de la première séance du mercredi 30 novembre 2005 - JO AN.

* 11 Rapport n° 32 (2004-2005) de Louis Souvet et Valérie Létard, fait au nom de la commission des Affaires sociales, déposé le 20 octobre 2004, p. 119.

Page mise à jour le

Partager cette page