Article 4
(art. L. 311-9 [nouveau] du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile ;
art. L. 117-1 du code de l'action sociale et des
familles)
Obligation pour les primo-arrivants de signer un contrat d'accueil
et d'intégration
Cet article tend à rendre obligatoire la conclusion entre les primo-arrivants et l'Etat d'un contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Il est l'aboutissement d'une généralisation progressive du CAI depuis trois ans.
1. Le droit en vigueur
En 2002, le constat a été fait de l'insuffisance des politiques d'accueil et d'intégration des migrants. Alors que 50.000 étrangers en auraient eu besoin, seuls 8.000 avaient pu suivre un cours de français.
Dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002, le président de la République avait affirmé son attachement à l'intégration des étrangers en France: « [...] l'égalité des chances suppose de donner une nouvelle vigueur à notre modèle d'intégration. Derrière ce mot d'intégration, les réalités sont multiples. Il y a la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions les nouveaux arrivants, ceux qui rejoignent notre pays légalement et qu'il faut aider à mieux s'insérer dans notre société. Je souhaite ainsi, qu'à l'instar de ce qui existe chez certains de nos voisins, chaque nouvel arrivant s'engage dans un véritable contrat d'intégration comprenant notamment la possibilité d'accéder à des formations et à un apprentissage rapide de notre langue . »
Créé, sur recommandation du Haut conseil à l'intégration, par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, le contrat d'accueil et d'intégration a tout d'abord fait l'objet d'une expérimentation dans douze départements à partir du 1er juillet avant d'être généralisé progressivement. Fin avril 2006, ce contrat était proposé dans 82 départements, une extension supplémentaire à 9 nouveaux départements étant prévue d'ici juillet. À cette date, 91 départements seront donc concernés : la généralisation sera presque totale, à l'exclusion des départements de la Corse, du Limousin et des DOM.
Le CAI est géré et proposé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) qui est en charge, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers admis, pour la première fois, au séjour en France en vue d'une installation durable.
Issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale 30 ( * ) , l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles a donné une base législative au contrat d'accueil et d'intégration (CAI).
Le contrat d'accueil et d'intégration Le contrat d'accueil et d'intégration (CAI) scelle les engagements réciproques du nouvel arrivant et du pays d'accueil. Le nouvel arrivant s'engage à respecter la Constitution, les lois de la République et les valeurs fondamentales de notre société ainsi qu'à suivre, si elles lui sont prescrites, les formations linguistiques et civiques proposées. L'Etat offre quant à lui une série de prestations : accueil collectif, entretien individuel avec un auditeur social et un travailleur social en vue d'un accompagnement personnalisé, formations civiques et linguistiques, formation sur la vie en France et les services publics, suivi et accompagnement vers le service public de l'emploi. Ce CAI est l'instrument principal du service public de l'accueil des étrangers primo-arrivants. D'une durée d'un an, ce contrat est renouvelable une fois. Depuis sa création, plus de 90 % des nouveaux arrivants auxquels le CAI a été proposé l'ont signé 31 ( * ) . En 2005, plus de 66 000 contrats ont été signés. Pour 2006, l'objectif fixé dans le rapport annuel au Parlement sur les orientations de la politique de l'immigration est de proposer le CAI à l'ensemble du public cible identifié soit 110 000 personnes environ 32 ( * ) . Le service public de l'accueil des étrangers a été réorganisé dans ces départements autour de la présentation et de la signature du CAI. Dans les départements où l'ANAEM a mis en place son dispositif de plate-forme d'accueil 33 ( * ) , la séance d'information collective y fait référence. De même, au cours de l'entretien individuel, le contrat fait l'objet d'une présentation particulière. Toujours lors de l'accueil sur la plate-forme, une première évaluation du niveau de maîtrise de la langue française est effectuée. Si l'étranger accepte le contrat, il lui est fixé un rendez-vous pour la journée de formation civique dans le mois suivant et, le cas échéant, selon ses besoins, pour la formation linguistique. L'objectif d'enchaînement des prestations sur un même lieu et dans un délai réduit semble avoir été atteint. Concernant plus spécifiquement la formation civique, depuis mars 2004, les prestataires retenus au terme de la procédure de marchés pilotée par le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) 34 ( * ) disposent, en sus du programme de formation mis au point avec l'aide du haut Conseil à l'Intégration, d'un support de formation. Réalisé en collaboration très étroite avec le Haut Conseil à l'intégration, ce support se présente sous formes de fiches, afin de faciliter une utilisation pratique et diversifiée par les prestataires (photocopies, transparents, affichage...). La Direction de la population et des migrations et le FASILD mènent des visites sur sites afin d'évaluer la qualité de cette formation et d'y apporter les adaptations nécessaires. La thématique de l'égalité hommes-femmes est particulièrement développée. Le taux d'entrée en formation reste toutefois insuffisant ( seuls 72 % des signataires répondent à la convocation) pour cette formation présentée comme obligatoire. Les motifs d'absence invoqués -lorsqu'ils le sont- tiennent essentiellement à la date proposée, à la garde des enfants, à l'employeur, aux problèmes de transport, voire à la pression communautaire ou du conjoint. Compte tenu de l'enjeu que représente cette journée de formation civique, un système de relance systématique est mis en oeuvre par l'ANAEM. Les marchés préparés par le FASILD prévoient désormais un rappel par l'organisme à la personne des dates et lieux des formations une semaine avant, ainsi que deux relances (téléphonique et écrite). Concernant la formation linguistique, plus des deux tiers des signataires de CAI reçoivent une attestation ministérielle de compétence linguistique les en dispensant. Ce pourcentage est à peu près stable depuis 2003. Des différences sont toutefois observées entre les départements. Les entrées effectives en formation demeurent quant à elles en deçà des prévisions : le taux constaté d'entrée en formation linguistique, quoiqu'en nette progression par rapport à 2003 (il était alors de 50 %), est de l'ordre de 65 %. Les freins identifiés sont multiples et identiques à ceux déjà mentionnés s'agissant de la formation civique. Toutefois les difficultés liées à la garde des jeunes enfants, aux moyens de transport, à la situation d'emploi ou à l'inadaptation des horaires de formation proposés semblent peser d'un poids particulier. C'est pourquoi des dispositions ont été prises, au vu des enseignements tirés de la période d'expérimentation 2003, pour assurer une meilleure prise en compte des besoins différenciés des migrants. Ainsi le cahier des charges des prestations linguistiques pour l'année 2004 a-t-il été adapté : il impose désormais aux organismes de formation une importante flexibilité de l'offre, notamment en termes de proximité géographique des prestataires, d'adaptation de la pédagogie aux besoins détectés (alphabétisation, français langue étrangère, français langue seconde), de souplesse dans l'intensité du parcours d'apprentissage (possibilité de formation extensive, semi-intensive ou intensive) ou dans le choix des horaires (des cours du soir ou du samedi doivent être proposés). Ces contraintes seront renouvelées dans les marchés ultérieurs et de nouvelles souplesses introduites. Les formations linguistiques peuvent atteindre les 500 heures. Elles donnent lieu à l'établissement d'attestations ministérielles de compétence linguistique. Enfin, une troisième prestation, facultative, consiste en une journée d'information sur la vie en France et destinée à sensibiliser les nouveaux arrivants au fonctionnement des services publics : santé, protection sociale, école, modes de garde, formation, emploi et logement. Un entretien avec un travailleur social est également proposé. Environ un quart des signataires demande à la suivre. Ce bilan globalement positif doit donc être tempéré par les difficultés à assurer durant toute la durée du contrat d'accueil et d'intégration un suivi à la fois administratif et social individualisé. |
Son premier alinéa prévoit qu'il est proposé à tout étranger, admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable 35 ( * ) , de conclure avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration. Il n'est pas obligatoire. Ce contrat précise « les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficie d'actions, tenant compte de sa situation et de son parcours personnel et destinées à favoriser son intégration dans le respect des lois et des valeurs fondamentales de la République française ». Lorsque le besoin en est établi, une formation linguistique sanctionnée par une validation des acquis est dispensée.
La principale innovation de cet article réside néanmoins en son deuxième alinéa, lequel dispose qu'il est tenu compte de la signature et du respect d'un CAI pour apprécier la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française prévue à l'article L. 314-2 du CESEDA, condition désormais nécessaire pour l'octroi d'une carte de résident dans un certain nombre de cas 36 ( * ) . A défaut d'être obligatoire, la signature d'un CAI est donc fortement recommandée.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de cet article et notamment les catégories d'étrangers bénéficiaires du CAI, les actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise du français 37 ( * ) .
2. Le texte soumis au Sénat
Les articles 4 et 5 du projet de loi tendent à regrouper dans le CESEDA les dispositions actuellement contenues dans l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles.
A cette fin, le paragraphe I du présent article insère un nouvel article L. 311-9 au sein de la section 2 intitulée « Dispositions relatives à l'intégration dans la société française », créée par l'article premier du projet de loi, du chapitre I du titre I du livre III du CESEDA. Cette insertion dans le CESEDA place symboliquement la politique d'intégration au coeur de la politique migratoire.
Son premier alinéa pose le principe selon lequel le primo-arrivant souhaitant se maintenir durablement en France prépare son intégration à la société française. Si cette disposition n'a pas de portée normative, elle affirme clairement que l'étranger qui souhaite se maintenir durablement en France doit s'engager dans un processus d'intégration à la société française.
A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, l'Assemblée nationale a étendu aux mineurs âgés de 16 à 18 ans la signature d'un CAI. Dans ce cas, le CAI est cosigné par le représentant légal du mineur.
Cette préparation, première étape de l'intégration de l'étranger, passe par la conclusion avec l'Etat d'un CAI. Le deuxième alinéa prévoit en effet que chaque primo-arrivant en conclut obligatoirement un . La loi de programmation pour la cohésion sociale avait déjà généralisé le CAI lancé initialement dans quelques départements à titre expérimental ; le projet de loi devrait le rendre obligatoire.
Par ailleurs, toujours à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, l'Assemblée nationale a ouvert aux étrangers n'ayant pas conclu un CAI lors de leur première admission au séjour en France, notamment parce que le CAI n'existait pas à cette date ou n'était pas encore obligatoire, la possibilité de signer un tel contrat.
Sans remettre en cause le contenu du CAI et reprenant pour l'essentiel les termes de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles, le projet de loi précise que le CAI se compose d'une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, d'une formation linguistique sanctionnée par un titre ou un diplôme. Le texte précise que la formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, « notamment l'égalité entre les hommes et les femmes ». Un amendement présenté par M. Brard et les membres du groupe Communistes et Républicains a ajouté à la liste de ces valeurs la laïcité.
Un amendement du rapporteur de la commission des lois a rendu obligatoire la délivrance d'un titre ou d'un diplôme à l'issu de la formation linguistique, lorsqu'elle est prescrite. Un autre du même auteur tend à inscrire dans la loi la session d'information sur la vie en France.
Un amendement de M. Patrick Braouezec dispose que le CAI et les prestations fournies sont gratuites, ce qui est déjà le cas.
Surtout, un amendement du rapporteur de la commission des lois tend à accroître l'importance du CAI et de son respect. En effet, lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il pourrait être tenu compte du non respect par l'étranger, manifesté par une volonté caractérisée, des stipulations du CAI.
Le CAI servirait donc à la fois pour apprécier la condition d'intégration lors de la délivrance de la carte de résident et pour examiner le premier renouvellement de la carte de séjour temporaire.
Un décret en Conseil d'Etat devrait fixer les conditions d'application de cet article. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre délégué à l'aménagement du territoire, M. Christian Estrosi, a annoncé la parution de ce décret en septembre 2006.
Le rapporteur de la commission des lois a souhaité préciser que ce décret détermine la durée du CAI, les conditions de son renouvellement, les conditions de suivi et de validation des formations prescrites dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise du français et la remise à l'étranger d'un document permettant de s'assurer de l'assiduité de celui-ci aux formations prescrites. Le projet de loi reprend ainsi pratiquement à l'identique la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles en vigueur.
Tirant les conséquences de ces modifications, le paragraphe II du présent article tend à réécrire l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles de sorte qu'il se contente de renvoyer à l'article L. 311-9 nouveau du CESEDA la définition du CAI.
3. La position de votre commission des lois
Votre commission approuve la généralisation et le caractère obligatoire du CAI.
La portée symbolique de ce contrat d'accueil est aussi importante que les formations dispensées dans ce cadre. Par ailleurs, dans la perspective d'une relance de l'immigration de travail, le passage obligé des primo-arrivants sur les plates-formes de l'ANAEM est l'occasion unique de mieux cerner le niveau de formation de ces étrangers et leurs qualifications pour les orienter vers des filières ou des formations dont l'économie française a besoin.
Outre deux amendements rédactionnels, votre commission vous soumet un amendement substituant à la notion de préparation de « l'intégration à la société française » celle de préparation « à l'intégration républicaine dans la société française ». Il s'agit d'une coordination avec un autre amendement de votre commission à l'article 5 du projet de loi.
Un dernier amendement précise que le représentant légal qui cosigne le CAI avec le mineur âgé de seize à dix-huit ans doit être en situation régulière en France.
Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .
* 30 Article 146.
* 31 De même, plus de 92 % des personnes convoquées par l'ANAEM se sont présentées sur les plates-formes d'accueil.
* 32 Sur les trois premiers mois de l'année 2006, 23 000 contrats auraient déjà été conclus.
* 33 Dans les autres départements, le préfet est chargé du pilotage local et de l'animation du dispositif.
* 34 La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances fond le FASILD avec l'ANAEM.
* 35 Sont concernés également les étrangers présents depuis plusieurs années en France en situation irrégulière et obtenant un titre de séjour pour la première fois.
* 36 Voir le commentaire de l'article 5 du projet de loi.
* 37 Ce décret n'est toujours pas paru.