Article 5
(art. L. 314-2 et L. 314-10 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile)
Définition de
la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans
la société française
Cet article tend à modifier la définition de la condition d'intégration républicaine dans la société française requise, dans certains cas, pour l'obtention de la carte de résident.
1. Le droit en vigueur
L'article L. 314-2 du CESEDA 38 ( * ) dispose que, lorsque le code le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française.
L'article L. 314-10 du CESEDA 39 ( * ) décrit les différents cas où la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée à la condition d'intégration républicaine. Si elle est satisfaite, la carte de résident d'une durée de dix années peut être délivrée :
- à l'étranger justifiant d'une résidence régulière non interrompue d'au moins cinq années en France ;
- au conjoint et aux enfants mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial et qui justifient d'une résidence d'au moins deux années en France ;
- à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins deux années de la carte de séjour temporaire visée au 6° de l'article L. 313-11 du CESEDA dès lors qu'il remplit encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire (contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an) et qu'il ne vit pas en état de polygamie.
L'ensemble de ces dispositions sont issues de la loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
Dans tous ces cas, la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR/INT/D/04/00006/C du 20 janvier 2004 relative à l'application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 indique aux préfets qu'il leur revient, dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, de s'assurer du respect de la condition d'intégration. Elle doit s'apprécier sur la base d'un faisceau d'indices parmi lesquels l'apprentissage de la langue française, la connaissance et le respect des principes qui régissent la République française, la scolarisation des enfants, le suivi d'une formation professionnelle ainsi que la participation à la vie sociale locale. Cette même circulaire ajoutait que « la signature du contrat d'accueil et d'intégration sera également à terme un élément à prendre en compte pour l'appréciation de cette condition ».
Ce dernier point était la traduction des travaux préparatoires de la loi du 26 novembre 2003 précitée. Le rapport de la commission des lois du Sénat indiquait que « la création du contrat d'accueil et d'intégration, en accompagnant les primo-arrivants, (devrait) favoriser leur intégration ; il les guide(rait) dès leur entrée sur le territoire français vers un parcours qui (pourrait) les mener à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, concrétisation d'un désir d'installation durable » 40 ( * ) . L'exposé des motifs de cette même loi évoquait déjà le CAI comme l'un des indices devant permettre d'apprécier la condition d'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française ».
La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a achevé de créer ce lien entre le CAI et l'appréciation de la condition d'intégration. Le deuxième alinéa de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, pour apprécier la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française prévue à l'article L. 314-2 du CESEDA, il est tenu compte de la signature d'un CAI ainsi que du respect de ce contrat. Un relevé des présences aux formations dispensées permet notamment de contrôler l'assiduité.
Le CAI reste néanmoins qu'un élément d'appréciation parmi d'autres tout en incitant fortement les étrangers à conclure ce contrat.
D'un côté, le risque que la carte de résident ne soit pas délivrée pour non-respect ou non-signature du contrat est une menace suffisante pour donner au CAI toute sa crédibilité. De l'autre, les préfets doivent préserver leur liberté d'appréciation, sous le contrôle du juge. Le respect du contrat ne peut à lui seul décider de la délivrance ou non d'une carte de résident. Il ne s'agit pas d'un examen ouvrant des droits automatiquement. Il s'agit d'un indicateur, d'un instrument d'information à la disposition du préfet pour éclairer sa décision.
Parmi ces autres éléments d'appréciation, citons l'article L. 314-2 du CESEDA qui permet au préfet de saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger.
2. Le texte soumis au Sénat
Le paragraphe I du présent article tend à réécrire l'article L. 314-2 du CESEDA afin :
- de modifier la définition de la condition d'intégration ;
- d'insérer dans cet article les dispositions de l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles prévoyant qu'il est tenu compte de la signature d'un CAI et de son respect pour apprécier la condition d'intégration.
Ce dernier point est cohérent avec l'article 4 du projet de loi qui vide de son contenu l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles.
La redéfinition de la condition d'intégration est double.
D'une part, le projet de loi ne parle plus d'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française » mais d'« intégration de l'étranger de la société française ».
Rappelons qu'au cours de l'examen de la loi du 26 novembre 2003 au Sénat, un amendement du rapporteur de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois, avait précisément tenu à ajouter cette référence à la République.
D'autre part, le projet de loi prévoit que la condition d'intégration serait également appréciée au regard de l'engagement personnel de l'étranger à respecter les principes qui régissent la République française et du respect effectif de ces principes. La connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ne seraient donc plus les seuls critères privilégiés retenus.
Comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi, « l'intégration ne serait plus uniquement jugée sur des connaissances, mais sur une implication plus forte de l'étranger ».
L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications ou compléments.
Un amendement précise que l'appréciation par le préfet du respect par l'étranger du CAI tient particulièrement compte de l'obtention du titre ou du diplôme sanctionnant la formation linguistique. A l'article 4 du projet de loi, un amendement avait déjà rendu obligatoire la sanction de la formation linguistique par un titre ou un diplôme. Toutefois, les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne seraient pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française.
Un amendement du rapporteur de la commission des lois tend à rendre obligatoire la saisine pour avis du maire par le préfet pour l'aider à apprécier la condition d'intégration. Cet avis serait réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois. Jusqu'à présent, cette saisine n'est qu'une faculté pour le préfet.
Le paragraphe II du présent article tend à modifier l'article L. 314-10 du CESEDA à la seule fin de coordonner sa rédaction avec la nouvelle expression d'« intégration de l'étranger dans la société française ».
3. La position de votre commission des lois
Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous soumet un amendement rétablissant la définition en vigueur de la condition d'intégration. L'expression « intégration républicaine dans la société française » correspond mieux à la définition qui en est donnée par le projet de loi qui se réfère à plusieurs reprises aux principes de la République.
Cette définition est en outre conforme à la position du Sénat lors de l'examen de la loi du 26 novembre 2003.
Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .
* 38 Ex-article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
* 39 Ex-article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
* 40 Page 11 du rapport n° 1 (2003-2004) de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur au nom de la commission des Lois.