CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU REGROUPEMENT FAMILIAL
Le regroupement familial est l'une des modalités par lesquelles des ressortissants étrangers peuvent être admis au séjour en France pour des motifs familiaux. En 2004, près de 15.000 familles ont bénéficié du regroupement familial, conduisant à l'admission au séjour de 25.420 personnes .
Ce chiffre témoigne d'une augmentation depuis 1999, mais est en légère diminution depuis deux ans, après un pic de 27.767 personnes admises au titre du regroupement familial en 2002. Selon des données provisoires, le regroupement familial aurait concerné 22.978 personnes en 2005.
Etrangers ayant obtenu un titre de séjour dans
le cadre
du regroupement familial selon l'origine
géographique
(Ressortissants de pays tiers - Flux de
1999 à 2004)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Europe
|
720 |
514 |
621 |
706 |
760 |
801 |
Nouveaux Etats membres |
220 |
160 |
205 |
168 |
191 |
101 |
Autre Europe |
500 |
354 |
416 |
538 |
569 |
700 |
CEI |
213 |
145 |
175 |
251 |
272 |
326 |
CEI d'Europe |
173 |
120 |
144 |
196 |
223 |
275 |
CEI d'Asie |
40 |
25 |
31 |
55 |
49 |
51 |
Asie |
4 805 |
4 606 |
4 863 |
4 993 |
4 772 |
4 583 |
Sud-Est asiatique |
52 |
41 |
44 |
85 |
101 |
131 |
Autre Asie |
4 753 |
4 565 |
4 819 |
4 911 |
4 671 |
4 452 |
Afrique |
14 131 |
14 249 |
15 461 |
19 474 |
19 014 |
17 967 |
Maghreb |
11 569 |
12 238 |
13 137 |
16 755 |
16 210 |
15 234 |
Afrique subsaharienne |
1 439 |
1 410 |
1 556 |
2 029 |
2 089 |
2 139 |
Autre Afrique |
1 123 |
601 |
768 |
690 |
715 |
594 |
Amérique |
1 850 |
1 856 |
1 902 |
1 765 |
1 880 |
1 684 |
Amérique du Nord |
1126 |
966 |
944 |
848 |
866 |
819 |
Amérique Centrale et du Sud |
724 |
890 |
958 |
917 |
1014 |
865 |
Océanie |
43 |
34 |
56 |
69 |
68 |
54 |
Non ventilés et apatrides |
0 |
0 |
3 |
9 |
2 |
5 |
ENSEMBLE |
21 762 |
21 404 |
23 081 |
27 267 |
26 768 |
25 420 |
Source : ANAEM
Article 30
(art. L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile)
Personnes bénéficiaires
du regroupement familial
Cet article tend à modifier l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'allonger le délai au terme duquel un étranger peut solliciter, pour les membres de sa famille, le bénéfice du regroupement familial tout en excluant de ce regroupement son conjoint mineur .
1. Les conditions actuelles du regroupement familial
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un titre d'une durée de validité d'au moins un an, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans 93 ( * ) .
Cette possibilité de regroupement familial consacre un véritable droit reconnu à la fois en tant que principe général du droit par le Conseil d'Etat 94 ( * ) et comme un principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 13 août 1993, ce dernier a en effet indiqué, sur le fondement du dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 95 ( * ) , que « les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale » et que « ce droit comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique lesquelles revêtent le caractère d'objectifs de valeur constitutionnelle » 96 ( * ) .
Au niveau européen, le droit au regroupement familial se fonde sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui protège le droit de toute personne « au respect de sa vie privée et familiale » 97 ( * ) .
En outre, la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial impose aux Etats membres, en son article 4, d'autoriser l'entrée et le séjour du conjoint du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf exceptions limitativement énumérées.
Une fois admis au titre du regroupement familial, les membres de la famille du demandeur reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » s'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour. Ce titre leur confère le droit d'exercer, en France, une activité professionnelle 98 ( * ) .
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
? Les modifications proposées par le présent article tendraient, en premier lieu, à allonger le délai au terme duquel un étranger peut solliciter le bénéfice du regroupement familial .
La raison d'être de l'institution d'un délai pour obtenir le regroupement des membres de la famille d'un étranger est de s'assurer de son implantation durable en France.
Ce délai a déjà varié plusieurs fois. Ainsi, la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, l'avait fixé à deux années. Dans sa décision précitée du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel, par une réserve d'interprétation, avait jugé cette durée conforme au bloc de constitutionnalité, sous réserve « que la demande de regroupement puisse être formulée avant l'expiration de ce délai pour que ce droit soit effectivement susceptible d'être ouvert à son terme ».
La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile a ensuite abaissé cette durée à douze mois, l'autorité administrative devant statuer sur la demande de regroupement familial dans un délai de six mois à compter de la remise d'un dossier complet par le demandeur.
Le présent article tendrait désormais à étendre ce délai à dix-huit mois .
Cette modification a suscité une forte opposition exprimée, devant votre rapporteur, par les associations ainsi que par les représentants des Eglises.
Votre commission relève toutefois que ce délai respecte tant les prescriptions de la directive 2003/86/CE dont l'article 8 dispose que « les États membres peuvent exiger que le regroupant ait séjourné légalement sur leur territoire pendant une période qui ne peut pas dépasser deux ans, avant de se faire rejoindre par les membres de sa famille » que la jurisprudence susmentionnée du Conseil constitutionnel. En effet, compte tenu du délai de six mois avant l'expiration duquel l'administration doit statuer sur la demande 99 ( * ) , le regroupement pourra intervenir dans les deux ans suivant la date du début du séjour régulier du demandeur.
En outre, selon les informations recueillies par votre rapporteur, le fait de retenir un délai de dix-huit mois permettrait, en pratique, de n'autoriser à déposer une demande de regroupement qu'après qu'un premier titre de séjour d'une validité d'un an a été renouvelé. Actuellement, l'hypothèse du non renouvellement du titre de séjour du demandeur ne peut pas toujours être prise en compte par les services préfectoraux lors de l'instruction de la demande de regroupement familial.
Ce nouveau délai permettrait donc de n'accueillir en France, au titre du regroupement familial, que les personnes qui sont membres de famille d'un étranger dont le droit au séjour a été confirmé par l'autorité administrative et qui, par sa demande de renouvellement de son titre et l'obtention de celui-ci, a un projet d'établissement durable en France.
? A la suite d'un amendement présenté par Mme Nadine Morano auquel la commission et le Gouvernement ont donné un avis favorable, l'Assemblée nationale, le regroupement familial du conjoint mineur du demandeur ne serait plus possible.
Cette restriction tend à tenir compte du relèvement de 15 à 18 ans de l'âge nubile de l'épouse, opéré par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, adopté à l'initiative du Sénat afin de lutter contre les mariages forcés qui s'exercent éventuellement sur des mineures.
Cette mesure est par ailleurs conforme aux dispositions de la directive 2003/86/CE précitée qui, « afin d'assurer une meilleure intégration et de prévenir les mariages forcés », autorise les Etats membres à demander que le demandeur et son conjoint aient un âge minimal, qui ne peut être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint ne puisse bénéficier de la mesure de regroupement 100 ( * ) .
Votre commission approuve cette mesure de coordination et vous propose d'adopter l'article 30 sans modification.
* 93 Toutefois, ces personnes peuvent être exclues du regroupement familial si leur présence en France constitue une menace à l'ordre public, s'ils sont atteints d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ou si elles résident déjà en France (article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
* 94 Conseil d'Etat, 8 décembre 1978, GISTI, Rec. p. 493.
* 95 Aux termes de cet alinéa : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
* 96 Conseil constitutionnel, 13 août 1993, décision n° 93-325 DC.
* 97 Cour européenne des droits de l'homme, 21 décembre 2001, Sen c. Pays-Bas.
* 98 Article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
* 99 Article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
* 100 Point 5 de l'article 4 de la directive 2003/86/CE.