Article 60 (art. 21-4
du code civil)
Opposition à l'acquisition de la nationalité
française à raison du mariage
Cet article tend à porter d'un à deux ans le délai d'opposition ouvert au Gouvernement pour s'opposer à l'acquisition de la nationalité française par un conjoint de Français et à prévoir expressément cette opposition en cas de polygamie ou de violence ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans . Il modifierait à cette fin l'article 21-4 du code civil.
1. Le droit positif
Aux termes de l'article 21-4 du code civil, le Gouvernement peut s'opposer, par décret en Conseil d'Etat, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger. Cette opposition ne peut être soulevée que pour deux motifs :
- l'indignité, caractérisée, par exemple, par l'existence de condamnations pénales 144 ( * ) ou de faits d'une particulière gravité 145 ( * ) ;
- ou le défaut d'assimilation, caractérisé notamment par le fait de répandre des thèses extrémistes manifestant un rejet des valeurs essentielles de la société française 146 ( * ) . En revanche, depuis la loi du 26 novembre 2003, le défaut d'assimilation pour des raisons linguistiques n'est plus une cause d'opposition dans la mesure où elle est devenue, en vertu de l'article 21-2 du code civil, une cause d'irrecevabilité de la déclaration.
L'opposition est ouverte dans un délai d'un an à compter de la date du récépissé de la déclaration ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée.
L'opposition produit des effets rétroactifs puisque le conjoint de Français est alors réputé n'avoir jamais acquis la nationalité française. Toutefois, la validité des actes passés entre la déclaration et le décret d'opposition ne pourra être contestée au motif que l'auteur n'a pu acquérir la nationalité française.
Dans la pratique, il est apparu que le délai d'opposition actuel était trop court. La révélation de causes d'indignité ou d'un défaut d'assimilation peut en effet souvent intervenir au delà d'un an à compter de la déclaration de nationalité. Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, ce délai ne permettrait donc pas « au ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement d'engager en temps utile certaines procédures d'opposition ».
2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Tirant les conséquences de la situation constatée en pratique, le 1° du présent article porterait le délai d'opposition d'un à deux ans.
Cette mesure devrait mettre l'administration en mesure de mieux connaître les éléments qui démontreraient l'inaptitude juridique du conjoint étranger à accéder à la nationalité française.
Le 2° de cet article, introduit à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement, précise que seraient, de façon expresse, constitutives d'un défaut d'assimilation au sens de l'article 21-4 du code civil :
- la situation effective de polygamie du conjoint étranger ;
- la condamnation du conjoint étranger pour l'infraction prévue à l'article 222-9 du code pénal, c'est-à-dire pour des violences sur une personne physique ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente , à condition que celles-ci aient été commises sur un mineur de moins de quinze ans. Il s'agirait ainsi de viser notamment les cas d'excision dont le conjoint étranger serait l'auteur ou le complice.
Ces pratiques sont, à l'évidence, contraires aux valeurs de la République et doivent effectivement être interprétées comme des faits faisant apparaître sans ambiguïté un défaut d'assimilation.
Au demeurant, votre commission constate que des faits d'excision et de polygamie sont d'ores et déjà considérés par le juge administratif comme témoignant d'un défaut d'assimilation 147 ( * ) et autorisant, en conséquence , l'administration à pratiquer une opposition à l'acquisition de la nationalité française par le mariage. Sur ce point, le dispositif proposé ne ferait donc que consacrer dans la loi, sur ces deux points précis, l'état actuel de la jurisprudence.
Elle vous propose d'adopter l'article 60 sans modification.
* 144 Conseil d'Etat, 13 mai 1996, req. n° 156194.
* 145 Conseil d'Etat, 10 juin 1992, Rec. p. 963.
* 146 Conseil d'Etat, 14 octobre 1998, Dalloz 1998, IR p. 258.
* 147 L'état de polygamie devant également être considéré comme un motif d'irrecevabilité de la déclaration dès lors qu'en vertu de l'article 147 du code civil, un mariage contracté en état de polygamie est nul.