2. Les aménagements prévus par le projet de loi organique adopté par les députés pour renforcer le régime disciplinaire des magistrats
Le présent projet de loi organique prévoit de renforcer l'effectivité des sanctions disciplinaires :
- les députés ont adopté sans modification l'élargissement de l'échelle des sanctions disciplinaires pour y ajouter une interdiction d'exercer des fonctions à juge unique pour une durée maximale de cinq ans , s'intercalant entre le retrait de certaines fonctions et l'abaissement d'échelon ( article 5 ) ;
- ils ont également approuvé, sous réserve de précisions rédactionnelles, la possibilité pour le CSM de prononcer le déplacement d'office cumulativement à la nouvelle interdiction d'exercer des fonctions à juge unique ou avec l'exclusion temporaire des fonctions pour une durée maximale d'un an ( article 6 ) ;
- l'Assemblée nationale a enfin adopté sans modification le renforcement de la portée de la sanction de mise à la retraite d'office laquelle entraînerait désormais interdiction de se prévaloir de l' honorariat ( article 6 ).
Les députés ont par ailleurs étoffé ce volet de nombreuses innovations, notamment en vue de concrétiser certaines des recommandations de la commission d'enquête parlementaire en :
- clarifiant l'étendue de la faute disciplinaire au regard des actes juridictionnels : codifiant la jurisprudence du CSM et du Conseil d'Etat mais retenant un champ d'application plus large, la rédaction de l'Assemblée nationale définit comme l'une des fautes disciplinaires possibles pour cause de manquement aux devoirs de l'état de magistrat « la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties , commise dans le cadre d'une instance close par une décision devenue définitive » ( article 5 A ) ;
- prévoyant une articulation précise entre la mise en cause du fonctionnement défectueux de l'Etat et la mise en jeu de la responsabilité disciplinaire des magistrats ; les chefs des cours d'appel intéressés par une décision de condamnation de l'Etat en raison d'un dysfonctionnement du service de la justice seraient systématiquement destinataires de ces jugements afin d'en tirer les conséquences en matière disciplinaire ( article 6 quater ) ;
- proposant le dépôt chaque année par le Gouvernement d' un rapport faisant état des actions en responsabilité engagées contre l'État du fait des dysfonctionnements de la justice et des décisions définitives condamnant l'État à ce titre ( article 6 sexies ).
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a profondément remanié l'économie du dispositif d ' examen des plaintes des justiciables par le Médiateur de la République.
Le Gouvernement avait initialement déposé à l'Assemblée nationale un projet de loi spécifique, modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République. L'article unique de ce texte prévoyait que le Médiateur, saisi de réclamations sur le fonctionnement de la justice mettant en cause le comportement d'un magistrat de l'ordre judiciaire, devait les transmettre au garde des sceaux, s'il les estimait sérieuses.
L'Assemblée nationale, afin de préciser les conditions d'instruction des réclamations, a intégré ce dispositif au présent projet de loi organique et rejeté le projet de loi ordinaire modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973. Selon le dispositif adopté par les députés, toute personne estimant, à l'occasion d'une affaire la concernant, que le comportement d'un magistrat est susceptible de constituer une faute disciplinaire, peut adresser une réclamation à un parlementaire, chargé de la transmettre au Médiateur si elle lui paraît entrer dans sa compétence ( article 6 quinquies ).
Le Médiateur pourrait ensuite solliciter toute information utile auprès des chefs des cours d'appel et transmettre la réclamation au garde des sceaux, s'il l'estime susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Le ministre de la justice serait alors tenu de demander une enquête aux services compétents avant, le cas échéant, de saisir le CSM à des fins de poursuites disciplinaires. Il devrait par ailleurs informer le Médiateur des résultats de l'enquête et des suites qu'il lui a réservées.