3. La position de votre commission des lois : assurer l'effectivité d'un régime disciplinaire respectueux des spécificités de l'institution judiciaire
En l'absence de consensus sur la question, le choix du Gouvernement, approuvé par les députés, de ne pas réformer le régime de responsabilité civile des magistrats est compréhensible. Une évolution de la pratique paraît néanmoins éminemment souhaitable, afin que l'action récursoire ne demeure pas une faculté purement théorique mais soit effectivement mise en oeuvre par l'Etat en cas de faute grave flagrante d'un magistrat, à condition que sa responsabilité individuelle ait pu être isolée. Il convient de démontrer aux justiciables que les magistrats, à l'instar de tout agent public, doivent rendre des comptes. Une évolution en ce sens -qui pourrait tenir lieu de précédent- mérite d'être signalée, le Conseil d'Etat ayant, de manière inédite, engagé en 2006 une action récursoire à l'encontre d'un magistrat administratif à la suite d'une condamnation de l'Etat pour délais de jugement particulièrement excessifs.
Dans le souci d'assurer une conciliation plus équilibrée entre le respect de l'indépendance de l'autorité judiciaire et l'exigence de responsabilité accrue des magistrats, votre commission vous propose des amendements pour :
- modifier les conditions dans lesquelles la faute disciplinaire peut être engagée s'agissant d' actes juridictionnels pris par un magistrat ; la rédaction adoptée par les députés apparaît à la fois excessive au regard des limites fixées par nos principes constitutionnels et notre organisation judiciaire -car elle introduit une confusion entre l'exercice des voies de recours et le pouvoir d'appréciation du CSM en matière disciplinaire et trop étroite - en ce qu'elle ne permet pas de sanctionner efficacement les carences d'un magistrat car la poursuite ne pourrait être engagée que tardivement, une fois l'instance close par une décision de justice définitive.
Telle est la raison pour laquelle il paraît opportun de prévoir un dispositif plus conforme à l'esprit de nos institutions -en exigeant que les défaillances du magistrat aient été préalablement constatées par une décision de justice définitive - et plus effectif en rendant possible les poursuites sans attendre la clôture de l'instance . Une telle proposition est de nature à restaurer l'efficacité et la crédibilité de l'institution judiciaire auprès des justiciables ;
- de confier l'examen des plaintes des justiciables à un organisme collégial et indépendant , placé auprès du ministre de la justice ; la procédure prévue par le présent texte paraît trop complexe et peu adaptée aux spécificités de la magistrature ; le renforcement de la confiance des citoyens dans la justice suppose au contraire la mise en place d'un dispositif simple et efficace d'examen des réclamations .
Aussi votre commission souhaite-t-elle que l'examen des plaintes des justiciables soit confié à un organisme collégial, rassemblant des personnalités ayant l'expérience du milieu judiciaire , dont une majorité n'appartenant pas au corps judiciaire.
Elle vous propose donc de créer une commission de transparence de la justice , à laquelle toute personne physique ou morale qui s'estimerait lésée par un fait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire commis par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions pourrait adresser une réclamation. Placée auprès du ministre de la justice, cette commission aurait pour mission d'examiner le bien fondé des plaintes et, le cas échéant, de les transmettre au garde des sceaux aux fins de saisine du CSM.