N° 72
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2007 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Gérard DÉRIOT,
Sénateur.
Tome V :
Accidents du travail et maladies professionnelles
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 e législ . ) : 284 , 295, 303 et T.A. 48
Sénat : 67 et 73 (2007-2008)
La prévision, avancée l'an dernier, d'un retour à l'équilibre dès 2007 ne s'est pas vérifiée, en raison notamment d'une forte augmentation des dépenses d'indemnités journalières et de la prise en charge par la branche des déficits accumulés par le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). L'assainissement de la situation financière de la branche est maintenant annoncé pour 2008. Elle devrait dégager l'an prochain un excédent de 273 millions d'euros . Cette amélioration résulterait, en grande partie, de l'augmentation de ses recettes : la suppression de la plupart des exonérations de cotisations AT-MP devrait lui rapporter 180 millions d'euros. Elle repose par ailleurs sur une hypothèse de stabilisation des dépenses.
Le projet de loi de financement n'intègre pas, à ce stade, la mise en oeuvre des deux accords conclus par les partenaires sociaux pour la réforme de la branche, à savoir l'accord de février 2006 sur la gouvernance et celui de mars 2007 sur la prévention , la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles : les mesures relatives à la gouvernance, qui n'entrent d'ailleurs pas dans le champ des lois de financement, devront être adoptées dans une loi ordinaire et le Gouvernement souhaite poursuivre la réflexion et la concertation sur le second accord, dont les conditions d'application sont encore incertaines . La commission partage le souci du Gouvernement et estime qu'une transposition immédiate de ces accords n'est pas indiquée.
La commission, par la voix de son rapporteur Gérard
Dériot, regrette que leur financement repose encore, pour l'essentiel,
sur la branche AT-MP et que la contribution de l'Etat ne soit pas à la
hauteur de ses responsabilités.
Elle renouvelle son souhait que
l'Etat assume au moins 30 % du financement du fonds d'indemnisation des
victimes de l'amiante (Fiva)
, conformément à la
recommandation de la mission d'information sénatoriale sur les
conséquences de la contamination par l'amiante conduite en 2005.
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AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose de fixer l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) à 11,8 milliards d'euros, en progression de 3,5 % par rapport à l'objectif fixé en 2007. Si l'on tient compte des dépenses qui devraient être effectivement réalisées cette année, la progression devrait être limitée à 1,75 %.
Conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, le champ de l'objectif intègre l'ensemble des régimes obligatoires. Il prend en compte également le transfert financier qu'effectue la branche AT-MP du régime général au profit de la branche maladie pour compenser les dépenses indues résultant de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Objectif de dépenses et dépenses réalisées depuis 2005 |
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(en milliards d'euros) |
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2005 |
2006 |
2007 (p) |
2008 (p) |
|
Objectif de dépenses |
10,7 |
11,1 |
11,4 |
11,8 |
Dépenses réalisées |
10,8 |
11,3 |
11,6 |
|
Ecart |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
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(p) : prévision |
Les dépenses de la branche AT-MP, qui représentent seulement 3 % des dépenses des régimes de base de la sécurité sociale, relèvent à 80 % du régime général. En 2008, le montant prévisionnel des dépenses de la branche AT-MP de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) serait de l'ordre de 10,5 milliards d'euros.
L'an dernier, les prévisions de recettes et de dépenses permettaient d'envisager un retour à l'équilibre de la branche en 2007. Cependant, les hypothèses sur lesquelles étaient fondées ces prévisions se sont révélées partiellement erronées, de sorte que le solde de la branche devrait rester négatif cette année, avec un déficit estimé à un peu plus de 360 millions d'euros.
Le retour à l'équilibre est maintenant annoncé pour 2008 . La branche serait même excédentaire de 273 millions d'euros l'an prochain. Il faut toutefois espérer que cette prévision d'un assainissement financier rapide ne sera pas à nouveau déçue.
Le retour à l'équilibre résulterait, d'une part, d'une stabilisation des dépenses de la branche, en dépit d'une augmentation de 50 millions d'euros du versement au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), d'autre part, d'une augmentation de ses recettes. L'adoption de l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui propose la suppression de certaines exonérations de cotisations AT-MP, devrait en effet produire 180 millions d'euros de recettes supplémentaires.
Les partenaires sociaux ont achevé en mars 2007 leurs négociations en vue de la réforme de la branche. Elles ont abouti à la conclusion de deux accords, le premier relatif à la gouvernance, le second à la prévention, la tarification et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ne prévoit cependant pas de transcrire dans la loi le contenu de ces accords. La réforme de la gouvernance n'entre pas dans le champ des lois de financement et le Gouvernement a souhaité poursuivre la concertation sur les autres thèmes.
I. LES STATISTIQUES RELATIVES AUX RISQUES PROFESSIONNELS CONFIRMENT LES TENDANCES PASSÉES
Au-delà des considérations financières, les accidents du travail et les maladies professionnelles recouvrent une réalité sociale et humaine qui n'est pas anecdotique. En 2006, ce sont près de 1,3 million de sinistres - accidents du travail, de trajet et maladies professionnelles confondus - qui ont été recensés.
Les statistiques les plus récentes semblent confirmer les tendances passées. Les données pour 2006 demeurent cependant provisoires et leur interprétation reste délicate en raison des incertitudes qui affectent encore notre connaissance des risques professionnels.
A. DES ACCIDENTS DU TRAVAIL MOINS NOMBREUX
Les accidents du travail représentent la très grande majorité des sinistres observés en matière professionnelle (87 % du total).
1. La diminution du nombre global d'accidents du travail
Leur nombre régresse depuis les années soixante-dix, avec une accélération dans la période récente : entre 2000 et 2006, le nombre d'accidents du travail a en effet baissé de plus de 16 %, soit une diminution moyenne de 2,4 % par an.
En sus des accidents de travail stricto sensu , la branche AT-MP indemnise les accidents de trajet, c'est-à-dire les accidents survenus sur le trajet séparant la résidence habituelle du salarié et son lieu de travail ou le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas. Les accidents de trajet représentent environ 9 % du nombre total de sinistres. Après une évolution favorable entre 2002 et 2004, les statistiques révèlent un regrettable retournement de tendance ces deux dernières années.
Evolution du nombre et de la fréquence des accidents du travail et des accidents de trajet reconnus depuis 2003 |
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2003 |
2004 |
2005 |
2006* |
|
Nombre d'accidents du travail |
1 185 291 |
1 152 865 |
1 137 058 |
1 135 532 |
Nombre d'accidents de trajet |
113 918 |
112 366 |
117 977 |
116 247 |
Indice de fréquence (1) |
66,0 |
64,5 |
62,4 |
62,6 |
(1) L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents du travail reconnus par milliers de salariés |
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* Données estimées Source : Cnam |
Les principales causes d'accidents du travail sont :
- la manipulation d'objet, qui a occasionné plus du tiers des accidents du travail en 2006 et donné lieu à une incapacité permanente dans 31 % des cas ;
- les accidents de plain-pied, c'est-à-dire les chutes à hauteur d'homme 1 ( * ) , responsables de près du quart des accidents de travail avec arrêt ;
- les chutes de hauteur, fréquentes surtout dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
2. Le degré de gravité des accidents du travail
Les accidents du travail ne présentent pas tous le même degré de gravité : si 60 % d'entre eux s'accompagnent d'un arrêt de travail, seuls les plus graves occasionnent une incapacité permanente, dont le taux, évalué par la caisse primaire d'assurance maladie, détermine le montant de la rente perçue par la victime.
Jusqu'en 2004, le nombre d'accidents entraînant une incapacité permanente a eu tendance à augmenter, en dépit de la baisse globale du nombre d'accidents du travail, ce qui a provoqué une augmentation de l'indice de gravité des accidents du travail 2 ( * ) .
Depuis deux ans, en revanche, on observe une légère diminution du nombre d'accidents avec incapacité permanente. Sans doute s'explique-t-elle, pour partie, par la mise en oeuvre du plan « Santé au travail » lancé par le Gouvernement en février 2005. Il convient cependant d'attendre que cette tendance se confirme avant d'en tirer des conclusions définitives.
Evolution de la gravité des accidents du travail depuis 2002 |
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2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
|
Accidents avec arrêt |
759 980 |
721 227 |
692 004 |
699 217 |
700 772 |
Accidents avec incapacité permanente |
47 009 |
48 774 |
51 771 |
51 938 |
46 596 |
Accidents mortels |
686 |
661 |
626 |
474 |
537 |
Indice de fréquence des accidents avec arrêt 3 ( * ) |
43,0 |
40,9 |
39,5 |
39,1 |
39,4 |
Indice de gravité des accidents du travail |
16,0 |
18,2 |
19,5 |
19,3 |
17,7 |
Source : Cnam |
La fréquence des accidents du travail, et notamment des accidents graves, varie sensiblement d'un secteur d'activité à l'autre.
Les secteurs où la fréquence des accidents du travail est la plus élevée sont le BTP, le secteur des services, commerces et industries de l'alimentation et celui du bois-ameublement, papier-carton et textiles. Comme le montre l'indicateur n° 1.2 du programme de qualité et d'efficience, la fréquence des accidents du travail dans ces trois secteurs est supérieure des deux tiers à la moyenne nationale, sans que cet écart se réduise depuis 2000.
A l'opposé, les secteurs de la banque et de l'assurance, de l'administration et du commerce non alimentaire sont ceux où le risque d'accident est le plus faible.
Les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles distinguent neuf grandes branches d'activités (ou comités techniques nationaux - CTN) : - industries de la métallurgie ; - industries du bâtiment et travaux publics (BTP) ; - industries du transport, eau, gaz, électricité (EGE), livre et communication ; - services et commerces de l'alimentation ; - industries de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie ; - industries du bois, de l'ameublement, du papier carton, des textiles, du vêtement, des cuirs et peaux et des pierres et terres à feu ; - commerce non alimentaire ; - activités de services I (banques, assurances, administrations,...) ;
- activités de services II et travail temporaire
(santé...).
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Il apparaît également que la fréquence des accidents de travail avec arrêt est beaucoup plus élevée pour les salariés de moins de trente ans que pour les salariés plus âgés. Le manque d'expérience au poste de travail est donc un incontestable facteur de risque. Les salariés de cette classe d'âge concentrent plus de 36 % des accidents avec arrêt survenus en 2006, ainsi que 43 % des accidents de trajet.
L'enquête Sumer réalisée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) révèle en outre que les efforts physiques et le bruit augmentent le risque d'accident, tout comme un rythme de travail intense, des horaires imprévisibles, un manque de soutien du collectif de travail ou des tensions avec le public 4 ( * ) .
Si l'on examine enfin les accidents ayant entraîné le décès de la victime, on observe que les accidents de la route demeurent la principale cause de décès, bien que leur part dans le total des accidents mortels soit en diminution (de 29,3 % en 2003 à 22 % en 2006). Le secteur du BTP a enregistré une forte augmentation du nombre de décès en 2006 (158 au lieu de 105 en 2005), qui intervient cependant après trois années consécutives de baisse (191 décès étaient recensés en 2003).
* 1 L'institut national de recherche et de sécurité (INRS) définit les accidents de plain-pied comme les accidents déclenchés par la perturbation de l'équilibre corporel de la victime à l'occasion d'un travail qui n'est pas exécuté en hauteur.
* 2 L'indice de gravité des accidents du travail se définit comme la somme des taux d'incapacité permanente rapportée au nombre d'heures travaillées (en millions).
* 3 L'indice de fréquence correspond au nombre d'accidents reconnus par milliers de salariés.
* 4 Cf. « Accidents et conditions de travail », Premières informations et premières synthèses n° 31.2, août 2007.