B. LES DÉPENSES SERAIENT STABILISÉES

Les charges de la branche AT-MP du régime général se composent d'environ 70 % de dépenses de prestations (légales, extralégales et autres, augmentées des dotations nettes aux provisions pour prestations et des pertes sur créances irrécouvrables sur prestations) et de 21 % de charges de transfert vers d'autres régimes et fonds : régime des mines, régime des salariés agricoles, fonds commun des accidents du travail non agricoles (Fcat), branche maladie du régime général, Fiva, Fcaata, etc. Le solde est constitué de charges de gestion courante et de diverses charges techniques.

Après avoir progressé de 4,6 % en 2006, les dépenses devraient accélérer en 2007 (6,8 %) pour s'établir à 10,5 milliards d'euros. Elles se stabiliseraient l'année prochaine à ce même montant.

Les charges de la Cnam AT-MP

(en droits constatés et en millions d'euros)

2005

2006

%

2007

%

2008

%

9 429,7

9 868,1

4,6

10 540,9

6,8

10 540

0,0

Source : Direction de la sécurité sociale

1. L'évolution des dépenses de prestations

En 2006 , les dépenses de prestation ont connu une croissance modérée de 1,5 %, cohérente avec la hausse de 2 % des prestations légales, qui représentent un peu plus des deux tiers du total.

Les dépenses de prestations devraient progresser plus fortement en 2007 , puisqu'une hausse de 4,1 % est attendue. Les prestations pour incapacité temporaire augmenteraient rapidement (5,8 %), sous l'effet principalement d'une accélération des dépenses d'indemnités journalières (6,1 %). Les prestations pour incapacité permanente progresseraient de 3 %.

Les raisons de cette accélération des dépenses sont encore difficiles à élucider. Il semble que les dépenses de prestations, après avoir crû à un rythme modéré pendant quelques années, retrouvent aujourd'hui un rythme de progression plus conforme à leur tendance habituelle. Peut-être la réforme de l'assurance maladie de 2004 a-t-elle eu un effet psychologique favorable sur les comportements mais qui s'estomperait aujourd'hui ? Il est possible également que le départ en retraite anticipé de salariés ayant commencé à travailler très jeunes, rendu possible après la réforme de 2003, ait eu pour effet de limiter, ces dernières années, le nombre d'arrêts de travail, mais que cet effet s'épuise actuellement.

En 2008 , une augmentation de 4,3 % des prestations pour incapacité temporaire est attendue. Pour les incapacités permanentes, la revalorisation des rentes de certains ayants droits, prévue à l'article 55 du projet de loi de financement, entraînerait une dépense supplémentaire estimée à dix millions d'euros.

2. Une nouvelle augmentation des dépenses de transfert

Entre 2002 et 2006, les dépenses de transfert à la charge de la branche AT-MP du régime général ont crû de 41 %. Ces dépenses devraient encore progresser d'environ 10 % en 2007. En 2008, les transferts devraient en revanche se stabiliser , voire amorcer une légère décrue, la hausse de 50 millions du versement au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) étant en grande partie compensée par la diminution du versement au régime des mines.

Les dépenses de transfert devraient représenter cette année vingt-deux points de cotisations, contre 20,8 en 2006, mais seulement vingt et un points en 2008.

Les principaux transferts à la charge de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Mines

464,9

448,6

483,5

460,3

488,1

442,1

MSA

108,8

111,3

110,2

106,6

99,9

97,5

Branche maladie

330,0

330,0

330,0

330,0

410,0

410,0

Fcat

64,4

58,2

54,5

45,2

39,8

34,9

Fcaata

450,0

500,0

600,0

700,0

800,0

850,0

Fiva

190,0

100,0

200,0

315,0

315,0

315,0

Total des principaux transferts

1 608,1

1 548,1

1 778,2

1 957,1

2 152,8

2 149,5

Source : Cnam

a) Une diminution des transferts vers les organismes de sécurité sociale est attendue en 2008

La branche AT-MP du régime général assure des transferts de compensation vers les régimes de sécurité sociale dont les effectifs diminuent, notamment les régimes des mines et des salariés agricoles, afin de les aider à faire face à leurs obligations financières. Stabilisées depuis quelques années, ces dépenses connaîtraient une diminution en 2008, en raison principalement d'une réduction de 46 millions d'euros du versement au régime des mines. Si elles pèsent sur les comptes du régime général, elles ne se traduisent pas, en revanche, par une dégradation du solde net de la branche AT-MP de l'ensemble des régimes de base.

La situation est tout autre pour ce qui concerne le transfert de la branche AT-MP du régime général vers la branche maladie du même régime. Ce transfert vise à compenser les charges supportées de manière indue par l'assurance maladie, en raison des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

De 2003 à 2006, son montant a été fixé à 330 millions d'euros . Il a été porté l'an passé à 410 millions d'euros et il est proposé de reconduire ce même montant en 2008 . Il se situe dans le bas de la fourchette préconisée par la commission Diricq, qui a évalué le coût de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance pour l'assurance maladie entre 356 et 749 millions d'euros .

b) La dégradation de la situation financière des « fonds de l'amiante »

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le Fcaata, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Le Fcaata verse aux salariés victimes de l'amiante une allocation de cessation anticipée d'activité et s'assimile donc à un régime de préretraite. Le Fiva complète l'indemnisation offerte par les régimes de sécurité sociale afin que les victimes de l'amiante obtiennent une réparation complète de leur préjudice.

Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP du régime général en est le principal financeur. En 2006, les dotations totales de la branche au Fiva et au Fcaata ont atteint 1,015 milliard d'euros ; elles s'élèveraient à 1,115 milliard en 2007 et à 1,165 milliard l'an prochain. Votre commission regrette que la contribution de l'Etat au financement de ces fonds ne soit pas à la hauteur de ses responsabilités dans le drame de l'amiante, à la fois comme employeur et comme garant de la santé publique, et rappelle son souhait qu'elle soit portée progressivement à 30 % des recettes de ces fonds.


• La dégradation préoccupante de la situation financière du Fcaata

Dans son rapport annuel pour 2006, le conseil de surveillance du Fcaata, présidé par Marianne Lévy-Rozenwald, souligne que les charges du fonds sont, depuis 2003, supérieures chaque année à ses recettes. Il estime que cet écart récurrent constitue une « situation extrêmement préoccupante ».

Cet écart ne résulte pas tant de la progression rapide des dépenses du Fcaata que de l'insuffisance de ses dotations. La croissance de ses charges a en effet tendance à décélérer ces dernières années, en raison d'une moindre progression des entrées dans le dispositif et d'un plus grand nombre de sorties, pour cause de départ en retraite essentiellement.

Evolution du nombre d'allocataires du Fcaata

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Entrées

9 697

18 032

25 717

33 361

40 397

46 731

Sorties

545

1 351

3 201

5 962

9 029

13 672

Nombre d'allocataires

9 152

16 681

22 516

27 409

31 368

33 059

Sources : rapports d'activité du Fcaata

Les dépenses de prestations du Fcaata ne devraient progresser que de 5 % en 2007, ce qui suggère que sa montée en charge est en passe de s'achever. Les prévisions, qui demeurent fragiles, établies pour 2008 par la commission des comptes de la sécurité sociale, indiquent qu'une décrue pourrait s'amorcer l'an prochain.

Evolution des dépenses du Fcaata de 2002 à 2007

(en millions d'euros)

2003

2004

%

2005

%

2006

%

2007*

%

2008*

%

Charges

515,7

650

28

787

21

872

11

915

5

874

- 4

* prévisions Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le financement du fonds est assuré, pour l'essentiel, par la branche AT-MP du régime général, dont la contribution progresse encore de 50 millions d'euros en 2008 (soit une hausse de 6,25 %). S'y ajoutent le versement d'une partie des droits de consommation sur le tabac et, depuis 2005, le produit de la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, ces deux recettes rapportant 30 millions d'euros chacune.

Ressources du Fcaata

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

Contributions de la branche AT-MP du régime général

450

500

600

700

800

850

Contribution des entreprises

-

-

68

21

30

28

Droits sur les tabacs

32

28

29

29

29

28

Total

482

528

764

852

885

906

* prévisions Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le montant des recettes produites par la contribution à la charge des entreprises devrait rester modeste en 2007 et 2008. A l'initiative de votre commission, le plafond de cette contribution a pourtant été relevé, l'an passé, de 2 à 4 millions d'euros . Il apparaît cependant que son recouvrement est source de nombreux contentieux , souvent gagnés par les entreprises, qui ont pour effet de minorer ou de différer les versements.

Le Fcaata a d'abord pallié l'insuffisance de ses recettes en puisant dans les réserves qu'il avait constituées dans les premières années suivant sa création, au moment où les dotations qu'il percevait excédaient largement le montant de ses dépenses. Depuis 2005 cependant, les réserves sont épuisées et le Fcaata accumule les déficits.

Evolution des résultats financiers du Fcaata

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Résultat net

10

- 33

- 122

- 90

- 119

- 54

32

Réserve cumulée

161

128

6

- 84

- 203

- 256

- 224

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

Le paiement de l'allocation de cessation anticipée d'activité (Accata) ne pouvant être interrompu, la branche AT-MP de la Cnam a avancé les sommes nécessaires lorsque les ressources financières du Fcaata ont été épuisées. En 2006, la Cnam a inscrit dans ses comptes une créance de près de 90 millions d'euros sur le Fcaata , estimant que ces avances lui seraient remboursées. Dans son rapport de certification des comptes de juin 2007, la Cour des comptes a cependant condamné cette pratique : rappelant que le Fcaata n'avait pas la personnalité juridique et que l'engagement de l'Etat à son égard était limité aux ressources fiscales qu'il lui affecte, elle a estimé qu'il n'était pas possible de considérer que la Cnam détenait une créance sur le fonds.

Tirant les conséquences des observations de la Cour, la Cnam a inscrit dans ses charges pour 2007 une somme de 169 millions d'euros, correspondant aux déficits cumulés du Fcaata en 2006 et 2007. Cette mesure a contribué à dégrader le solde de la branche en 2007.

Des mesures correctrices s'imposent donc pour redresser les comptes du Fcaata. Le Gouvernement projette d'instituer très prochainement un groupe de travail , composé de représentants de l'Etat, des partenaires sociaux, d'associations et de parlementaires, afin d'élaborer des propositions de réforme. A ce groupe incombera la tâche délicate d'améliorer l'équité du fonds - pour éviter que des salariés exposés à l'amiante en soient exclus - tout en s'efforçant de mieux maîtriser ses dépenses.


• La situation financière du Fiva

La situation financière du Fiva est moins difficile dans la mesure où les dotations qu'il a obtenues ont excédé ses dépenses jusqu'en 2004, ce qui lui a permis d'accumuler d'importantes réserves qui ne sont pas encore épuisées. En 2008, le Fiva devrait encore pouvoir financer 190 millions d'euros de dépenses grâce à ses réserves.

Evolution des ressources et des dépenses du Fiva

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007*

CHARGES

176

462

432

392

521

Indemnisations

171

377

400

364

469

Provisions

80

27

23

45

Autres charges

5

5

5

5

7

PRODUITS

335

102

347

402

426

Contributions de la Cnam AT-MP

294

100

200

315

315

Contributions de l'Etat

40

52

47

48

Reprise sur provisions

75

27

50

Autres produits

1

2

20,4

13

13

Résultat net

158,9

- 360

- 85

10

- 95

Résultat net cumulé

697

337

252

262

167

* budget prévisionnel Source : rapport annuel du Fiva

Le Fiva est confronté, depuis le début de l'année 2007, à une progression rapide du nombre de demandes d'indemnisation. Sur les neuf premiers mois de 2007, le nombre de demandes (20 745) est ainsi supérieur de près de 40 % à celui observé sur la même période de 2006 (14 841).

Les dépenses n'augmentent cependant pas dans les mêmes proportions : d'une part, parce que les demandes sont désormais liées, très majoritairement, à des pathologies bénignes, pour lesquelles les montants d'indemnisation sont plus faibles ; d'autre part, parce que les enfants et petits-enfants de victimes, qui perçoivent des indemnités moins élevées que les veuves, représentent une part croissante des ayants droits.

Le Fiva constate également une baisse du taux d'acceptation de ses offres par les demandeurs. Même s'il demeure élevé, ce taux est passé de 97 % en 2005 à 93 % en 2006. En cas de refus, il revient à la cour d'appel de fixer le montant de l'indemnisation. Or, certaines cours, celle de Paris par exemple, ont tendance à accorder systématiquement des indemnisations supérieures à celles du Fiva, ce qui incite les victimes de l'amiante à se tourner vers les tribunaux.

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