ARTICLE 28 - Compensation aux organismes de sécurité sociale des pertes de recettes résultant des réductions de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires
Commentaire : le présent article vise à compenser aux organismes de sécurité sociale, par le biais d'une affectation de taxes, les pertes de recettes résultant des réductions de cotisations sociales salariales et patronales applicables aux rémunérations accordées au titre des heures supplémentaires, complémentaires ou choisies.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article est le prolongement de l'article 1 er de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Celui-ci avait, en effet, prévu d'exonérer d'impôt sur le revenu et de charges sociales les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires, complémentaires ou choisies 167 ( * ) .
Le gouvernement avait alors fait part de son intention de compenser intégralement la perte de recettes supportée par les organismes de sécurité sociale, engagement traduit par le présent article pour l'exercice 2008.
A. LE CHAMP DES MESURES FAISANT L'OBJET D'UNE COMPENSATION
Le I du présent article définit le champ des mesures compensées par le présent article. Il s'agit des mesures « définies à l'article L. 241-17 et à l'article L. 241-18 » du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire :
- la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale sur les heures supplémentaires, complémentaires ou choisies. Le taux de la réduction est fixé à 21,5 % par l'article D. 241-21 du code de la sécurité sociale ;
- la déduction forfaitaire de cotisations patronales, dont le montant est fixé à 50 centimes d'euro par heure supplémentaire et, pour les entreprises d'au plus 20 salariés, à 1,50 euro par heure effectuée, en application de l'article D. 241-24 du code de la sécurité sociale.
2. Un coût évalué à 4,1 milliards d'euros en 2008
La perte de recettes, pour la sécurité sociale, résultant de ces deux dispositifs a été évaluée à 4,1 milliards d'euros en 2008 , répartis en :
- 3,18 milliards d'euros au titre de la réduction de cotisations salariales ;
- 950 millions d'euros au titre de la déduction forfaitaire de cotisations patronales.
Il convient toutefois de relever le caractère aléatoire de ces estimations , qui se fondent sur le nombre d'heures supplémentaires, complémentaires et choisies actuellement effectuées dans les entreprises, soit environ 900 millions d'heures supplémentaires et 130 millions d'heures complémentaires par an. Ces données ne prennent donc pas en compte une éventuelle augmentation du nombre d'heures supplémentaires et complémentaires, que la loi précitée du 21 août 2007 souhaitait pourtant développer.
B. UNE COMPENSATION PAR TAXES AFFECTÉES PLUTÔT QUE PAR DOTATION BUDGÉTAIRE
1. Un mode de compensation dérogatoire, calé sur celui en vigueur pour les allègements généraux de cotisations sociales patronales
En application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, « toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ». On rappellera que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ce principe de compensation des pertes de recettes supportées par les organismes de sécurité sociale a été renforcé , puisque seule une disposition expresse prévue en loi de financement de la sécurité sociale permet d'y déroger.
C'est de cette manière que sont compensées à la sécurité sociale les « exonérations ciblées » de cotisations de sécurité sociale, en faveur d'une catégorie ou d'une zone géographique particulière. A ce stade, l'article 17 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit une compensation d'environ 3 milliards d'euros au titre de cet exercice.
Par ailleurs, l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale pose le principe de la neutralité des flux financiers entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale pour la trésorerie des régimes obligatoires de base, ainsi que leur inscription dans un cadre conventionnel.
Le I du présent article prévoit de déroger à ces deux articles , en proposant de mettre en place un mode de compensation par impôts et taxes affectés aux caisses et régimes de sécurité sociale , qui s'inspire de celui mis en oeuvre pour la compensation des allègements généraux de cotisations sociales patronales.
2. Trois taxes affectées
Le II du présent article précise les impôts et taxes affectés aux caisses et aux régimes de sécurité sociale, qui seront au nombre de trois en 2008 :
- une fraction égale à 50,57 % de la taxe sur les véhicules de société ;
- la totalité du produit de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB) . En application de l'article 235 ter ZC du code général des impôts, la CSB est due par les personnes morales dont l'impôt sur les sociétés excède 763.000 euros. L'essentiel de son produit (955 millions d'euros sur 1.150 millions d'euros attendus en 2007) est affecté, depuis 2007, à l'« effort national de recherche » et, en pratique, réparti entre l'Agence nationale de la recherche et OSEO (pour, respectivement, 86,4 % et 13,6 %). Le reliquat (soit 195 millions d'euros en 2007) est affecté au budget général de l'Etat ;
- la taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées .
Le tableau suivant retrace le produit attendu de ces trois taxes :
3. Les modalités de répartition entre les caisses et les régimes
Le III du présent article définit, ensuite, les modalités de répartition de ces impôts et taxes, suivant le modèle retenu pour les allègements généraux de cotisations sociales patronales (cf. infra , article 29).
Ces impôts et taxes seront ainsi répartis entre les caisses et régimes de sécurité sociale suivants :
- la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;
- la Caisse nationale d'allocations familiales ;
- la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
- la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;
- l'Etablissement national des invalides de la marine ;
- la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ;
- la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;
- enfin, les régimes de sécurité sociale d'entreprise de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).
Chacun de ces caisses et régimes bénéficiera d'une quote-part des recettes des trois taxes affectées par le présent article. Cette quote-part sera fixée par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale, au prorata de leur part relative dans la perte de recettes résultant des mesures d'allégement de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, complémentaires et choisies.
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sera chargée de centraliser le produit des trois taxes affectées et d'effectuer sa répartition entre les caisses et régimes de sécurité sociale, conformément à cet arrêté.
En outre, un arrêté des ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et de l'agriculture adaptera les règles comptables prises en application de l'article L. 114-5 du code de la sécurité sociale pour le rattachement des impôts et des taxes affectés. On rappellera qu'en application de cet article, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et les organismes concourant à leur financement appliquent un plan comptable unique fondé sur le principe de la constatation des droits et obligations. D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, cette adaptation aurait notamment pour but de préciser que les recettes des taxes affectées par le présent article devraient être comptabilisées en charges à recevoir et non en produits de l'exercice, pour celles d'entre elles qui donnent lieu à un versement en trésorerie en janvier de l'année suivante.
4. Une compensation intégrale
Le IV du présent article pose, enfin, le principe de la compensation intégrale des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires et complémentaires.
Il prévoit, en effet, qu'en cas d'écart constaté entre le produit des trois taxes affectées par le présent article et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allégements de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires et complémentaires, cet écart fera l'objet d'une régularisation par la plus prochaine loi de finances suivant la connaissance du montant définitif de la perte.
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, trois amendements rédactionnels présentés par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article traduit un engagement pris lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) . Il convient de noter, par ailleurs, que le projet de loi de finances rectificative pour 2007 devrait faire de même s'agissant de l'exercice 2007, en affectant le produit de taxes à hauteur d'un milliard d'euros.
Le tableau qui suit retrace l'impact global des transferts de recettes entre l'Etat et la sécurité sociale, au titre de la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires et des allègements généraux de cotisations sociales patronales (cf. article 29). Ce sont ainsi 5,6 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires qui seront transférés vers la sécurité sociale en 2008.
Les données relatives au coût supporté par la sécurité sociale au titre des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires et complémentaires n'ont pas été revues depuis le mois de juillet. Votre rapporteur général avait relevé, dans son rapport précité sur le projet de loi TEPA, que ces évaluations doivent être prises en compte avec précaution , dans la mesure où elles ne tiennent pas compte d'une éventuelle augmentation du nombre d'heures supplémentaires, ce qui est pourtant l'objectif même de cette mesure. En outre, il n'est pas exclu que la mesure adoptée en juillet révèle des heures supplémentaires effectuées mais non déclarées, leur rémunération étant implicitement ou explicitement forfaitisée. Il est également possible que la mesure conduise à une diminution du nombre d'heures supplémentaires payées sous la forme d'un repos compensateur de remplacement donc à une augmentation du nombre d'heures supplémentaires payées.
Pour ces raisons, le présent article nécessitera très probablement un ajustement dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008, lorsque les données d'exécution seront connues.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 167 Sur le dispositif prévu par cet article, se reporter au commentaire de votre rapporteur général sur l'article 1 er du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, au sein de son rapport n° 404 (2006-2007).