II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission vous proposera d'adopter dans le texte retenu par l'Assemblée nationale, dont l'analyse est détaillée dans l'examen des articles, l'article 1 er de la proposition de loi, qui est en fait un article de coordination, et son article 4 , relatif aux modalités d'entrée en vigueur du texte et à l'information du Parlement sur son application et les campagnes d'informations qui devront être menées auprès du public.

En revanche, elle a estimé utile, à la lumière de l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi par l'Assemblée nationale, des informations recueillies par votre rapporteur sur les expériences et les réglementations étrangères, et de l'avis précité de la Commission de la sécurité des consommateurs, de poursuivre et d'approfondir sa réflexion sur les dispositions de l'article 2 du projet de loi, qui définit les conditions de mise en oeuvre de l'obligation d'installation de détecteurs de fumée.

Quel que soit son souci de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale, il ne lui paraît pas possible de se rallier aux positions prises par nos collègues députés sur la définition technique des détecteurs de fumée ou sur la mise à la charge des occupants des locaux de l'obligation d'installer des détecteurs de fumée.

Il lui paraît en revanche envisageable de confier à ces derniers le soin d'assurer l'entretien courant de ces équipements.

1. Les raisons de ne pas accepter le recours exclusif aux DAAF

L'examen des expériences et des réglementations étrangères n'a pu que renforcer votre rapporteur dans la conviction qu'imposer par la loi l'installation exclusive de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée serait une très mauvaise idée.

Outre qu'il n'appartient pas au législateur de définir les caractéristiques techniques d'équipements de sécurité, ni d'imposer sans raison d'intérêt général l'utilisation d'une catégorie de matériels plutôt que d'une autre, ce « choix unique » présenterait, comme votre commission l'avait déjà observé en première lecture, de sérieux inconvénients :

- il correspond à des équipements dont la fiabilité peut être aléatoire, au moins pour les appareils fonctionnant sur pile ordinaire, qui sont aussi les plus répandus car peu coûteux ;

- il conduirait à considérer que les personnes qui installeraient -ou auraient installé- des dispositifs plus performants ne satisferaient pas aux exigences de la loi ;

- il interdirait de modifier ou d'élargir ce choix sans une nouvelle intervention du législateur.

Votre commission n'entend nullement, quant à elle, interdire le recours aux DAAF, dont elle admet qu'ils présentent l'avantage de pouvoir être installés rapidement, sans travaux importants et pour un coût qui peut rester modique, dans tous les logements existants.

Mais il lui semblerait en revanche paradoxal d'exclure des appareils ou des installations qui, sans être forcément très coûteux, peuvent être nettement plus performants :

- les réseaux de détecteurs interconnectés qui ne comportent pas d'alarme intégrée (et ne sont donc pas « avertisseurs ») mais sont reliés à une alarme sonore placée à l'endroit le plus « opérationnel », et qui peuvent en outre être reliés à un organisme de télésurveillance, ce dernier dispositif étant généralement couplé à un dispositif d'alarme anti-intrusion ;

- les détecteurs fonctionnant sur secteur (avec ou sans alimentation de secours sur pile ou batterie) qui sont plus fiables, plus durables et demandent moins d'entretien.

Votre commission ne peut donc envisager de proposer au Sénat de suivre sur ce point la position de l'Assemblée nationale, et s'en tiendra à la position qu'elle avait prise en première lecture : laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les catégories de matériels les plus adaptées et imposer seulement qu'ils soient normalisés, pour présenter des garanties suffisantes de qualité et de fiabilité 4 ( * ) .

Votre commission se félicite à cet égard que, comme il l'a indiqué lors du débat à l'Assemblée nationale, M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation, ait lancé une enquête sur la conformité à la norme en vigueur des détecteurs avertisseurs autonomes disponibles sur le marché national, et elle appuie la recommandation de la commission de sécurité des consommateurs portant sur la conduite d'opérations inopinées de vérification de la conformité des détecteurs commercialisés en France.

2. Les justifications de la responsabilité des propriétaires en matière d'installation des détecteurs de fumée

Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, il a été avancé que la position du Sénat correspondrait à une « logique patrimoniale ».

Votre rapporteur ne peut que récuser cette interprétation.

En fait, la solution proposée par le Sénat s'inscrivait tout simplement dans la logique que font prévaloir les textes définissant les responsabilités et les devoirs des bailleurs, à qui il appartient normalement de mettre les logements loués en conformité avec les exigences légales ou réglementaires en matière de sécurité.

Mais elle s'inscrivait surtout dans une logique d'efficacité.

Il semblait en effet :

- qu'elle pouvait offrir de meilleures garanties au niveau du choix et des conditions d'installation des matériels : pour les logements en immeubles collectifs, en particulier, un organisme bailleur ou, par l'intermédiaire du syndic de copropriété, un propriétaire individuel peut en effet, plus facilement que chaque occupant pris individuellement, mettre en concurrence les fournisseurs, apprécier la fiabilité des appareils proposés et s'assurer qu'ils seront correctement installés.

De même, la compétence des propriétaires peut permettre une application plus rapide de la loi et une collecte plus facile de données sur son application.

Votre commission rappellera également que la responsabilité des propriétaires est sans doute le meilleur moyen, sinon le seul, d'inciter, à l'occasion de la construction ou de la rénovation de bâtiments, à la réalisation d'une installation électrique permettant la mise en place de détecteurs fonctionnant sur secteur, ou l'interconnexion filaire des détecteurs installés dans un logement.

Enfin, votre rapporteur observera que, de même que l'obligation d'installer uniquement des DAAF, la mise à la charge des occupants des logements de l'installation des détecteurs de fumée paraît parfaitement étrangère à la logique de toutes les réglementations en vigueur dans d'autres pays dont il a pu avoir connaissance.

3. Confier aux occupants des logements la responsabilité de l'entretien des détecteurs de fumée

La question de savoir s'il est préférable, en termes d'efficacité et de sécurité, de confier au propriétaire ou à l'occupant la responsabilité de la maintenance des détecteurs de fumée n'a pas de réponse évidente.

En première lecture, votre commission avait opté pour la responsabilité du propriétaire, en prenant notamment en compte le fait que l'entretien des détecteurs n'est pas aussi simple qu'on le dit : il faut veiller non seulement, le cas échéant, au bon état de la pile, mais aussi à la sensibilité de l'appareil, qui peut s'empoussiérer, ou dont le système de détection optique peut se dégrader avec le temps.

Bien entendu, le fait de mettre à la charge des propriétaires la maintenance des appareils, qu'il convient de distinguer de leur entretien « quotidien » (dépoussiérage, changement éventuel de la pile), n'emportait aucun droit d'accès aux logements.

Il pouvait cependant permettre que soit organisé dans les immeubles collectifs, naturellement avec l'accord de locataires, un contrôle annuel par un technicien du bon état de marche des appareils, afin de prévoir en temps utile leur remplacement, la durée de vie effective de certains matériels pouvant être notablement inférieure à celle annoncée par leurs fabricants, ou d'effectuer des réparations.

Si un tel contrôle s'avérait impossible ou trop coûteux à organiser, il pouvait aussi revenir aux locataires de signaler aux propriétaires les remplacements nécessaires ou les dysfonctionnements constatés, les parties concernées ayant par ailleurs toute liberté de convenir de tout autre arrangement qui leur conviendrait mutuellement.

Enfin votre rapporteur souhaite préciser que la responsabilité du propriétaire en matière de maintenance des détecteurs ne le dispenserait évidemment pas de donner à l'occupant les informations dont il aurait besoin sur le fonctionnement des détecteurs de fumée installée dans son logement.

- Cependant, votre commission est sensible au souci exprimé par la Commission de la sécurité des consommateurs de favoriser l'implication de tous dans la sécurité des logements, comme au fait que les réglementations étrangères offrent des exemples qui paraissent probants, et « transposables » en France, de partage des responsabilités entre propriétaires et occupants.

Elle a aussi pris note du fait que lors de l'examen du texte par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, son rapporteur, M. Damien Meslot, s'était déclaré « ouvert » à des propositions d'amendement tendant à un tel partage de responsabilités.

Votre commission vous propose donc de modifier le dispositif retenu par le Sénat en première lecture pour organiser ce partage de compétences, en s'inspirant, entre autres, des modèles britannique et belge.

Selon la rédaction qu'elle vous soumettra, l'occupant d'un logement serait tenu « de veiller à l'entretien et au bon fonctionnement » des détecteurs de fumée installés dans ce logement.

Comme l'Assemblée nationale l'a également estimé nécessaire, la responsabilité des propriétaires demeurerait cependant entière dans certains cas particuliers que l'on peut définir par référence à ceux prévus à l'article 2 de la « loi Méhaignerie » 5 ( * ) : locations saisonnières, logements foyers, locaux meublés, logements de fonction, locations consenties aux travailleurs saisonniers.

Outre les caractéristiques techniques et les conditions de la normalisation des détecteurs de fumée, il reviendrait au décret d'application de préciser la répartition des responsabilités entre les propriétaires et les occupants des locaux d'habitation équipés de détecteurs de fumée.

Ce décret définirait aussi les modalités de l'indispensable information des occupants sur les caractéristiques, le fonctionnement et l'entretien des détecteurs installés dans leur logement.

*

* *

* 4 La norme désormais applicable, entrée en vigueur le 1 er mai 2008, est la norme européenne NF-EN 14604, qui spécifie les prescriptions, les méthodes d'essais, les critères de performance et les instructions des dispositifs d'alarme de fumée optiques ou ioniques (ces derniers étant interdits en France) destinés à un usage domestique.

* 5 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

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