N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2008 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques
(1) sur la proposition de résolution présentée en
application de l'article 73
bis
du Règlement sur
- la
proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant
la directive 2003/87/CE afin d'
améliorer
et
d'
étendre
le
système
communautaire
d'
échange
de
quotas
d'
émission
de
gaz
à
effet
de
serre
(E-3771)
,
- la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l' effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 (E-3772) ,
- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n°1013/2006 (E-3774) ,
- et la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l' utilisation de l' énergie produite à partir de sources renouvelables (E-3780) ,
Par M. Marcel DENEUX,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, François Fortassin, Alain Fouché, Adrien Giraud, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Philippe Paul, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
73 (2008-2009) |
« Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité
et ils ne voient la nécessité que dans la crise... »
Jean Monnet
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le 4 novembre dernier, une proposition de résolution 1 ( * ) portant sur le « paquet énergie-climat » de la Commission européenne a été déposée au Sénat par votre rapporteur, en sa qualité de président d'un groupe de travail composé de onze sénateurs 2 ( * ) issus des principales sensibilités politiques du Sénat, et qui a été constitué par votre commission pour étudier ce dossier. A l'issue de ces travaux, votre rapporteur a décidé de soumettre à l'examen de votre assemblée cette proposition pour lui donner l'opportunité de prendre position sur cet enjeu majeur pour l'avenir des secteurs de l'industrie, des transports et de l'énergie en France et en Europe.
Pour éclairer ses analyses et forger son opinion, le groupe de travail a tout d'abord procédé à un certain nombre d'auditions à Paris 3 ( * ) , afin de recueillir le point de vue des nombreux acteurs concernés par les propositions législatives de la Commission, qu'il s'agisse des opérateurs énergétiques ou des entreprises industrielles. Parallèlement à cette démarche, le groupe de travail s'est rendu à Bruxelles, pour s'entretenir avec des représentants de la Commission européenne afin de prendre connaissance, notamment, des positions des autres États membres sur ce dossier sensible.
Le « paquet énergie-climat » présenté par la Commission européenne le 23 janvier 2008, regroupe une série de mesures tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à promouvoir l'utilisation des énergies renouvelables (ENR) dans le but principal de lutter contre le réchauffement climatique.
Votre rapporteur tient à souligner que ce paquet s'inscrit dans le droit fil de la communication de la Commission du 10 janvier 2007, « Limiter le réchauffement de la planète à deux degrés Celsius 4 ( * ) », dans laquelle celle-ci avait posé les bases de la stratégie de l'Union européenne (UE) de lutte contre le changement climatique. Des actions concrètes étaient ainsi envisagées pour réduire la probabilité de perturbations majeures et irréversibles au niveau planétaire.
Le « paquet énergie-climat », qui n'est qu'un des volets de cette stratégie énergétique, constitue donc la réponse de l'UE à une des préoccupations majeures des Européens aujourd'hui : le réchauffement climatique 5 ( * ) .
Dans la stratégie européenne, la réduction des émissions de GES constitue le socle de base des mesures qui s'articulent autour de quatre propositions 6 ( * ) : une proposition de directive révisant le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE 7 ( * ) ) de GES ; une proposition de décision sur la répartition de l'effort entre États membres pour réduire les émissions de GES ; une proposition de directive relative au stockage géologique du dioxyde de carbone ; une proposition de directive relative à la promotion des énergies renouvelables .
Votre rapporteur tient à souligner que l'enjeu de ces propositions est considérable, compte tenu de l'ambition de l'Union européenne de créer les conditions propices à l'émergence d'une nouvelle révolution industrielle et d'une économie sobre en carbone. Toutefois, si l'UE doit montrer l'exemple, en se plaçant à l'avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique, une telle politique ne saurait être mise en oeuvre au détriment du maintien des activités industrielles sur son territoire. En effet, si les autres Etats de la planète ne mettent pas en place des mécanismes similaires à ceux développés au sein de l'Union, il en résultera, mécaniquement, pour nos entreprises, une distorsion de concurrence qui provoquerait inéluctablement des « fuites de carbone 8 ( * ) », sans aucun gain pour l'environnement, à l'échelle mondiale.
Le ralentissement économique actuel ne doit pas retarder le passage à une économie sobre en carbone, mais constitue au contraire une raison supplémentaire de l'accélérer, dans la mesure où ce processus permet la réalisation d'économies d'énergies, positives pour la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages, ainsi que la création d'emplois dans de nouvelles filières.
Votre commission, soucieuse de favoriser le maintien d'un consensus sur ces questions primordiales pour l'avenir de nos industries en France et en Europe qui dépassent les clivages politiques traditionnels, s'est efforcée, lors de l'examen de la proposition de résolution, de prendre en compte les observations des commissaires et a, en conséquence, adopté cinq amendements.
Votre commission forme des voeux pour que cette contribution du Sénat au débat sur le changement climatique soit de nature à orienter et à appuyer les positions défendues par les autorités françaises actuellement en charge de la présidence de l'Union européenne, notamment dans la perspective d'un accord politique sur le « paquet énergie-climat » qui pourrait intervenir lors du Conseil des ministres européens en charge de l'énergie, les 8 et 9 décembre prochains.
I. LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : UN IMPÉRATIF POUR L'UNION EUROPÉENNE
A. LE « PAQUET ÉNERGIE-CLIMAT », UN DOSSIER CLEF POUR L'UNION EUROPÉENNE AVANT LA NÉGOCATION D'UN ACCORD INTERNATIONAL
1. Une priorité de la présidence française
Le 10 janvier 2007, la Commission européenne a présenté son analyse stratégique de la politique énergétique de l'Union européenne (UE) répondant à l'appel lancé par le Conseil européen de mars 2006 9 ( * ) . De son coté, le Parlement européen soulignait, dans une résolution sur le changement climatique 10 ( * ) , que la politique énergétique constituait un élément clé de la stratégie globale de l'UE en matière de climat et d'énergie. Sur ce point, celle-ci a fait le choix de suivre une approche intégrée, car la production et l'utilisation d'énergie sont les premières sources d'émission de gaz à effet de serre . Cette prise en compte par l'UE des enjeux climatiques s'inscrit surtout dans un contexte de dépendance croissante à l'égard des importations d'énergie qui menace sa sécurité d'approvisionnement et tire les prix à la hausse.
Le « paquet énergie-climat » est, dans ce contexte, devenu l'une des priorités de la présidence française, qui s'est fixée comme objectif de parvenir à un accord politique en première lecture 11 ( * ) avec le Parlement européen avant les prochaines élections européennes de juin 2009 . Le Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008 avait conclu sur la nécessité d'intensifier ses travaux et trouver des solutions appropriées pour tous les secteurs de l'économie et les Etats membres, en vue d'un accord unanime lors du Conseil des ministres de l'énergie de décembre prochain. Il s'agit ainsi d'un exercice particulièrement délicat pour la présidence française compte tenu du caractère très ambitieux des propositions composant le paquet. A cet égard, votre commission tient à souligner qu'il ne faut pas sous-estimer les importants points de blocage qui subsistent encore chez nombre de nos partenaires européens . En effet, dans le contexte d'une transmission de la crise financière au secteur industriel, le débat tourne désormais principalement autour du coût des mesures envisagées que celui-ci devra supporter. Le travail de négociation 12 ( * ) doit donc se poursuivre au regard de l'enjeu que représente ce paquet législatif pour l'avenir de l'économie européenne, et votre commission, souhaite, dans cette perspective, pouvoir formuler ses recommandations à l'intention de la présidence française.
* 1 Proposition de résolution européenne n° 73 sur le « paquet énergie-climat » déposée le 4 novembre 2008 par M. Marcel Deneux, président du groupe de travail « paquet énergie-climat » de la commission des affaires économiques.
* 2 A la suite du renouvellement sénatorial et en raison de changements intervenus dans la composition de la commission, ce groupe était, au moment du dépôt de la présente proposition de résolution, composé de sept sénateurs (voir en annexe 2 sa composition).
* 3 Voir en annexe 3 la liste des auditions.
* 4 « Limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius-Route à suivre à l'horizon 2020 et au delà » [COM(2007)2 final].
* 5 Comme en atteste une enquête Eurobaromètre sur « l'attitude des Européens face au changement climatique » publiée le 11 septembre 2008 par la Commission.
* 6 Votre rapporteur a fait le choix de ne pas instruire la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 2007 « établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduite les émissions de CO 2 des véhicules légers » qui ne fait pas partie, à proprement parler, du « paquet énergie-climat » même si certains Etats membres souhaiteraient le voir intégré.
* 7 Ou, selon l'appellation anglo-saxonne, Emission trading scheme (ETS).
* 8 Il s'agit d'une délocalisation d'activités fortement émettrices de GES de l'Union européenne vers des pays tiers.
* 9 Document du Conseil 7775/1/06 REV10.
* 10 Résolution du 14 février 2007.
* 11 La procédure de l'accord en première lecture, retenue pour ce paquet législatif doit conduire le Parlement à se prononcer qu'une seule fois sur le texte.
* 12 Les trilogues informels entre le Conseil, le Parlement et la Commission doivent se poursuivre tout le mois de novembre afin de parvenir à un accord politique en décembre.