II. LE TRAITE DE SINGAPOUR SUR LE DROIT DES MARQUES
Le traité de Singapour sur le droit des marques, négocié sous l'égide de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a été adopté le 27 mars 2006 à Singapour. Il procède à la révision du traité sur le droit des marques de 1994.
Il a pour objet d'harmoniser et de simplifier les procédures nationales en matière de dépôt et d'enregistrement des marques. Il inclut un règlement d'exécution, ainsi qu'une résolution relative à l'assistance technique, facilitant la mise en oeuvre du traité dans les pays les moins avancés.
Cinquante-quatre Etats, dont la France, ont signé ce traité et plusieurs l'ont déjà ratifié.
A. LES PRINCIPALES INNOVATIONS DU TRAITE DE SINGAPOUR
Le traité de Singapour comporte trente-deux articles. Il s'accompagne d'un règlement d'exécution, comprenant dix règles, ainsi que d'une résolution relative à l'assistance technique.
Ses principales innovations sont les suivantes.
1. L'extension du champ d'application
Alors que le traité sur le droit des marques de 1994 était uniquement applicable aux signes visibles (marques verbales, figuratives, tridimensionnelles), à l'exception des marques hologrammes, le champ d'application du traité de Singapour a été élargi à tous les signes pouvant être enregistrés comme signes selon la législation nationale de la partie contractante.
Cela concerne les marques revendiquant une couleur, les marques constituées par un hologramme, les marques de mouvement, les marques de couleur, les marques de position et les marques consistant en un signe non visible.
Ces nouvelles dispositions n'obligent pas les parties contractantes à mettre en place une protection pour ces nouveaux types de marques mais énumèrent les éléments supplémentaires qu'elles peuvent exiger lorsqu'elles acceptent de les protéger.
Ainsi, la construction du traité de Singapour permettra d'appréhender l'évolution technique ayant une influence sur les nouveaux types de marques et de réglementer de façon adéquate les types de marques non encore connus aujourd'hui.
2. L'introduction de dispositions relatives aux communications
L'introduction de dispositions relatives aux communications constitue l'un des principaux apports du traité de Singapour sur le droit des marques dans la mesure où cette disposition permet de prendre en considération les nouveaux modes de communication, tels que le dépôt électronique.
Sa rédaction, extrêmement souple, laisse toute latitude aux parties pour choisir le mode de transmission des différents documents (voie électronique, voie papier ou voie intermédiaire).
Cette disposition a été introduite principalement à la demande des Etats-Unis qui à l'avenir souhaitent imposer le dépôt électronique sur leur territoire.
3. L'obligation pour les offices de prévoir des mesures de sursis
Le traité de Singapour introduit une disposition, absente du traité sur le droit des marques de 1994, imposant aux parties contractantes de prévoir la mise en place de mesures de sursis au profit du titulaire d'une marque.
Deux types de mesures sont prévus :
- Avant l'expiration du délai : le titulaire peut solliciter une prolongation de délai avant l'expiration du délai initialement accordé. Il s'agit d'une simple faculté pour les parties contractantes ;
- Après l'expiration du délai : les parties contractantes sont tenues de prévoir l'un des trois types de sursis après l'expiration du délai : prorogation, poursuite de la procédure, rétablissement des droits du déposant.
4. L'incorporation de dispositions relatives aux licences de marques
Le traité reprend le contenu de la recommandation commune concernant les licences de marques, adoptée par l'assemblée générale en septembre 2000.
Cette réglementation commune simplifie l'inscription des licences au registre national d'un pays et permet de préserver les secrets d'affaires, dans la mesure où elle interdit aux parties d'exiger la présentation intégrale du contrat de licence.
Il convient toutefois de mentionner que le traité de Singapour s'éloigne sur un point de la recommandation commune.
En effet, alors que la recommandation commune dispose que lorsque la requête en inscription d'une licence est présentée par le titulaire, la seule signature de celui-ci est suffisante, le traité de Singapour pose le principe qu'une partie contractante peut exiger que la déclaration de licence non certifiée soit signée à la fois par le titulaire et le preneur de licence.
Cette exigence de la double signature a fait l'objet de nombreuses discussions au sein du Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles et des indications géographiques.
En effet, au sein du comité d'experts, certains pays souhaitaient pouvoir s'écarter des exigences maximales contenues dans la recommandation afin que les parties contractantes puissent prévoir des exigences plus importantes lors de l'inscription d'une licence, alors que d'autres délégations ont plaidé pour la reprise intégrale des exigences maximales contenues dans la recommandation.
En définitive, l'exigence des deux signatures a représenté une solution de compromis, qui a été acceptée par consensus au terme des discussions du Comité permanent.
5. Les dispositions institutionnelles
Le traité de Singapour prévoit la création d'une assemblée qui aura notamment le pouvoir de modifier le règlement d'exécution du traité (y compris les formulaires internationaux types), soit à la majorité des trois-quarts des votes exprimés, soit à l'unanimité, sans le recours à une conférence diplomatique.
Une telle assemblée, déjà prévue dans le système parallèle des brevets, représente un réel progrès puisqu'il simplifiera les futures révisions du règlement d'exécution.
6. Les autres documents adoptés par la conférence diplomatique
Outre le traité de Singapour, la conférence diplomatique a adopté le règlement d'exécution relatif au traité, ainsi qu'une résolution intitulée « Résolution de la Conférence diplomatique complétant le traité de Singapour sur le droit des marques et son règlement d'exécution ».
La résolution fait suite à la demande des pays en développement et des pays les moins avancés et vise en premier lieu à faciliter à ces derniers la mise en oeuvre du traité.
Par ce document, la Conférence diplomatique prie notamment « l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et les Parties contractantes du traité de Singapour de fournir aux pays en développement et aux pays les moins avancés une assistance technique additionnelle et appropriée, comprenant un appui d'ordre technique, juridique et autre, en vue de renforcer leur capacité institutionnelle de mise en oeuvre du traité et de leur permettre de tirer pleinement parti de ses dispositions ».