AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, ET DE M. ERIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE MERCREDI 4 MARS 2009

Réunie le mercredi 4 mars 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009 .

M. Jean Arthuis, président, a précisé que le projet de loi de finances rectificative, adopté le matin même par le Conseil des ministres, est le troisième volet budgétaire du plan de relance, après la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 et la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a indiqué que, selon le dernier consensus disponible, la croissance de la France en 2009 serait de - 1,4 %, contre - 2 % pour la zone euro, - 2,1 % pour les Etats-Unis d'Amérique, - 2,5 % pour l'Allemagne et - 3,8 % pour le Japon. A ce stade, l'économie française résiste mieux que celles de ses partenaires, du fait d'une croissance de la consommation des ménages toujours positive, d'un ajustement du marché immobilier moins intense que dans d'autres pays, et de l'impact des mesures de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

La crise est cependant « sans précédent », ce qui rend la prévision très difficile. Aux Etats-Unis, le plan d'aide aux banques et le plan de relance ne paraissent pas avoir convaincu les marchés. Contrairement à ce que l'on espérait, la crise s'est étendue aux pays d'Asie.

Les nouvelles prévisions du Gouvernement pour 2009 et 2010 sont pour la croissance du PIB, de respectivement - 1,5 % et + 1 % ; pour l'inflation, de respectivement 0,4 % et 1,4 % ; pour les créations d'emploi, de respectivement - 290.000 et + 33.000.

Le présent projet de loi de finances rectificative met en oeuvre le « pacte automobile » du 9 février 2009 (consécutif aux « Etats généraux de l'automobile » du 20 janvier 2009) et les décisions du « sommet social » du 18 février 2009. Il vient après le «  plan PME » du 2 octobre 2008, de 22 milliards d'euros, le plan de soutien aux banques du 16 octobre 2008 (50,5 milliards d'euros décaissés) et le plan de relance de 26 milliards d'euros (annoncé le 4 décembre 2008). Il doit être suivi de la réunion du G20 à Londres le 2 avril prochain, de la réforme de la formation professionnelle qui devrait intervenir au printemps 2009, puis de la réforme de la taxe professionnelle.

La traduction budgétaire du « pacte automobile » comprend deux volets :

- le financement de la filière automobile, avec, pour les constructeurs, des prêts participatifs de l'Etat à hauteur de 6,5 milliards d'euros, et, pour l'innovation, des prêts bonifiés à 6 %, pour un montant total de 250 millions d'euros (sur deux ans, dont 150 millions d'euros en 2009) ;

- un fonds de garantie pour les prêts octroyés aux équipementiers et sous-traitants, correspondant à une dotation budgétaire de 240 millions d'euros.

Le Fonds d'investissement social, créé à la suite du sommet social du 18 février 2009, a pour objet de coordonner les efforts en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle. Son niveau de ressources est fixé à environ 2,5 milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'euros pour l'Etat (500 millions d'euros dans le cadre de la loi du 4 février 2009 précitée de finances rectificative pour 2009 et 800 millions d'euros dans celui du présent projet de loi de finances rectificative).

Procédant également à l'aide d'une vidéo-projection, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a présenté la baisse des deux tiers de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de la tranche d'imposition à 5,5 %. La mise en oeuvre de cette mesure sera entièrement assurée par l'administration fiscale, sans que les contribuables aient de démarche particulière à effectuer. Seraient concernés les contribuables dont le revenu net de 2008 est, par part, compris entre 5 852 euros et 11 673 euros, ou inférieur à 12 475 euros (avec un avantage dégressif pour éviter les effets de seuil). Le coût de la mesure est évalué à 1,1 milliard d'euros. Le gain moyen serait de 200 euros pour la tranche à 5,5 %, et de 130 euros pour le début de la tranche à 14 %. 6 millions de foyers fiscaux seraient concernés : 2 millions de foyers imposés à la première tranche, 2 millions de foyers imposés au début de la deuxième tranche, mais aussi 2 millions de foyers qui, en raison de réductions ou de crédits d'impôt, ne paient pas d'impôt sur le revenu.

M. Jean Arthuis, président, a demandé quelle sera l'année de revenus prise en compte pour la détermination de cet avantage fiscal.

M. Eric Woerth a précisé qu'il s'agira de 2007 pour le deuxième tiers, mais que le solde sera calculé sur la base des revenus de 2008.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit d'accroître les dépenses de l'Etat de 9,6 milliards d'euros, dont 2,6 milliards correspondant aux mesures du sommet social, 6,9 milliards destinés au pacte automobile, et 0,1 milliard d'euros relevant de la rubrique « autres ». A ces ouvertures de crédits, non gagées mais non pérennes, imputées sur la mission « Plan de relance de l'économie », s'ajoute 0,3 milliard d'euros, gagé par des annulations de la réserve de précaution, afin de financer les mesures consécutives à la tempête Klaus et aux Etats généraux de la presse, ainsi qu'un abondement du « Fonds jeunes ».

En réponse à deux questions de Mme Nicole Bricq, il a indiqué que le 0,1 milliard d'euros d'ouvertures de crédits de la rubrique « autres » concerne en particulier l'équipement informatique des écoles primaires en zone rurale, et que le présent projet de loi de finances rectificative ne prend pas en compte le coût des mesures devant être prochainement décidées en faveur de l'Outre-mer.

Les dépenses de l'Etat seraient, comme prévu, stabilisées en volume : par rapport à l'exécution 2008, les dépenses (hors relance) progresseraient en valeur de 0,4 %, ce qui correspond strictement à la nouvelle prévision d'inflation.

Par rapport à la loi du 4 février 2009 précitée de finances rectificative pour 2009, les recettes fiscales sont revues fortement à la baisse, d'environ 6,3 milliards d'euros, dont 3,5 milliards d'euros pour la TVA. Les prévisions de recettes non fiscales sont également réduites, de 1,1 milliard d'euros, du fait de la diminution des rentrées attendues des participations de l'Etat, qui ne serait pas compensée par les recettes nouvelles provenant de la rémunération de la garantie de la société de financement de l'économie française (SFEF), de l'ordre de 700 millions d'euros. Le déficit budgétaire de 2009, de 86,8 milliards d'euros après l'adoption de la loi du 4 février 2009 précitée, est désormais évalué à 103,8 milliards d'euros. Selon les estimations du Gouvernement, sur ce montant, seulement 42,2 milliards d'euros seraient « structurels », les 61,6 milliards d'euros restants se répartissant entre les pertes de recettes résultant de la faible activité économique (30 milliards d'euros) et les dépenses nouvelles induites par le traitement de la crise : 19 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance, 2,9 milliards supplémentaires apportés par le présent projet de loi de finances rectificative, et 9,7 milliards de participations et de prêts (3 milliards pour le fonds stratégique d'investissement et 6,7 milliards de prêts au secteur automobile). Le déficit public est désormais évalué à 3,4 points de produit intérieur brut (PIB) en 2008, 5,6 points en 2009 et 2,9 points en 2012 (contre respectivement 3,2, 4,4 et 1,5 points de PIB selon les hypothèses inscrites dans la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012). Le déficit du régime général de la sécurité sociale pourrait être de l'ordre de 17 ou 18 milliards d'euros.

Les mesures fiscales tendant à améliorer la trésorerie des entreprises, instaurées par la loi du 30 décembre 2008 précitée de finances rectificative pour 2008, soutiennent déjà l'activité économique. Sur les 5,4 milliards d'euros de demandes déposées du 1 er janvier au 1 er mars 2009, des remboursements ont ainsi été réalisés pour 3,9 milliards d'euros. Par ailleurs, alors que cette faculté leur est ouverte depuis trois semaines, la mensualisation des remboursements de crédits de TVA a été demandée par 4.334 entreprises et a donné lieu au versement de 136 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que le déficit public prévu pour 2009, de 5,6 points de PIB, doit être comparé à celui constaté en 1993, 1994 et 1995, de respectivement 6,4, 5,4 et 5,5 points de richesse nationale. Les dépenses supplémentaires en faveur de l'Outre-mer devraient être de plusieurs centaines de millions d'euros.

Il a posé deux questions. La prévision de charge de la dette a-t-elle été revue à la hausse, du fait de la majoration prévisible du déficit ? Par ailleurs, est-il conforme au principe de sincérité budgétaire que, dans le cadre de la SFEF, l'Etat perçoive dès l'octroi de la garantie la totalité de sa rémunération, quelle que soit la durée du prêt ?

En réponse, M. Eric Woerth a indiqué que la prévision de charge de la dette, maintenue inchangée, devrait plutôt être revue à la baisse, du fait d'une inflation inférieure aux prévisions. Les modalités de prise en compte de la rémunération de l'Etat pour les garanties accordées par l'intermédiaire de la SFEF sont conformes au principe de sincérité budgétaire. Mme Christine Lagarde a souligné à cet égard que la garantie de l'Etat est accordée en totalité dès le début du prêt, ce qui justifie, selon elle, que l'Etat soit rémunéré en totalité à ce moment.

Mme Nicole Bricq a considéré que, au rythme constaté depuis le début de l'année, le nombre de chômeurs pourrait augmenter de 600.000 personnes en 2009, et déploré que le présent projet de loi de finances rectificative bénéficie essentiellement aux ménages contribuant à l'impôt sur le revenu, qui ne sont, par définition, pas les plus modestes. Elle s'est interrogée sur les modalités de financement du Fonds d'investissement social, et a souhaité savoir si les 30 milliards d'euros de moindres recettes au titre de l'impact des stabilisateurs automatiques indiqués par M. Eric Woerth comprennent le coût des dispositifs de la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA).

M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que le recours massif à l'emprunt par les Etats en 2009 suscitera une augmentation des taux d'intérêt. Il a proposé que l'Etat se finance en partie grâce à la ressource placée sur les nouveaux livrets d'épargne réglementée.

M. Bernard Angels s'est interrogé sur la manière optimale de fixer la rémunération de la société de prise de participation de l'Etat (SPPE).

M. Philippe Adnot a proposé, afin de soutenir l'économie, de suspendre le malus écologique sur les voitures les plus polluantes, et de soutenir davantage les revenus des personnes sans emploi.

M. Serge Dassault a craint que le déficit budgétaire soit nettement supérieur aux 103,8 milliards d'euros annoncés. Il a souhaité que la règle d'irrecevabilité financière prévue par l'article 40 de la Constitution s'applique non seulement aux parlementaires, mais aussi au Gouvernement. Avec des dépenses de 292,5 milliards d'euros et des recettes de 196,3 milliards d'euros, le budget général serait déficitaire de 92,2 milliards d'euros, masse qui représente 33 % des dépenses et 49 % des recettes.

M. Jean Arthuis, président, a jugé que ce dernier taux était plus « parlant » que la prévision d'un déficit public de 5,6 points de PIB.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les perspectives de réalisation des investissements prévus par la loi du 4 février 2009 précitée de finances rectificative pour 2009.

M. Albéric de Montgolfier a souhaité connaître les causes de la révision à la baisse d'1 milliard d'euros des prévisions de recettes d'impôt sur le revenu par rapport à celles de la loi du 4 février 2009 précitée.

M. Philippe Dallier a considéré que le nombre de délivrances de permis de construire pourrait être nettement inférieur aux prévisions du gouvernement, et que les collectivités territoriales devraient être davantage incitées à recourir au dispositif du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE).

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité savoir si l'impact du plan de relance est pris en compte dans les prévisions de croissance du gouvernement et connaître les contreparties demandées au secteur automobile en matière d'efforts de modernisation. Il s'est interrogé sur les modalités de financement du supplément de déficit du régime général de sécurité sociale.

M. Joël Bourdin a souhaité connaître les prévisions du gouvernement en matière d'évolution du taux d'épargne.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si l'obligation, pour les constructeurs automobiles bénéficiant de l'aide de l'Etat, de ne pas supprimer d'emplois, concerne également leurs sous-traitants. Il a jugé utile de réduire les « impôts de production ».

En réponse, Mme Christine Lagarde a indiqué que le Gouvernement prévoit la suppression de 350.000 emplois dans le secteur marchand. Il réfléchit, par ailleurs, à la manière d'éviter que l'allégement d'impôt sur le revenu proposé par le présent projet de loi de finances rectificative bénéficie aux ménages aisés imposés à la seule première tranche de l'impôt sur le revenu. La contribution du Gouvernement au Fonds de financement social sera de 1,3 milliard d'euros, le solde nécessaire pour atteindre l'objectif de 2,5 milliards d'euros correspondant à la contribution des partenaires sociaux, avec lesquels des négociations sont en cours. La mise en place de ce fonds est prévue pour juin 2009. Les 800 millions d'euros prévus par le présent projet de loi de finances rectificative au titre du financement de ce fonds (venant s'ajouter aux 500 millions d'euros prévus par la loi du 4 février 2009 précitée de finances rectificative pour 2009) doivent être mis en regard des 700 millions d'euros devant être perçus par l'Etat au titre de la rémunération de la garantie accordée aux banques par l'intermédiaire de la SFEF. Le Gouvernement ne partage pas le pessimisme de M. Jean-Pierre Fourcade en matière d'évolution des taux d'intérêt ; il juge cependant ses propositions intéressantes. La rémunération de l'Etat dans le cadre de la SPPE correspond au différentiel entre le taux auquel elle prête, de l'ordre de 8 %, soit légèrement inférieur à celui du marché, et celui auquel l'Etat emprunte les sommes correspondantes, soit environ 3 %. La faiblesse des prêts actuellement accordés par les banques provient non d'un rationnement du crédit, mais de la faiblesse de la demande.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le nouveau zonage qui doit déterminer la liste des communes dans lesquelles seront applicables les incitations fiscales aux investissements des particuliers dans le logement locatif neuf (selon le régime Robien ou d'après la nouvelle réduction d'impôt dite « Scellier »). Il convient que l'analyse des marchés immobiliers locaux qui présidera au choix du zonage « recentré » ne se limite pas à la comptabilisation de l'état des stocks de logements non occupés, lequel ne reflète que très imparfaitement la réalité du terrain puisque malheureusement nombre des logements ainsi construits ne correspondent pas aux besoins locaux.

Mme Christine Lagarde a indiqué que, dans le cas du secteur automobile, le critère de non-suppression d'emplois auquel est subordonné l'octroi de l'aide de l'Etat s'applique à l'ensemble constitué par les constructeurs et leurs sous-traitants.

M. Eric Woerth a considéré que, par le mécanisme des « stabilisateurs automatiques », le Gouvernement effectue d'ores et déjà une relance fiscale massive. Par ailleurs, un point de baisse de l'inflation correspond à 12 ou 13 milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus. Les recettes de l'Etat au titre de la rémunération des garanties accordées aux banques par l'intermédiaire de la SFEF seront bien de 700 millions d'euros. Les 30 milliards d'euros de moindres recettes correspondant au jeu des stabilisateurs automatiques, dont 26 milliards d'euros pour les recettes fiscales, ne comprennent pas, par construction, le coût de la loi TEPA. Le gouvernement prévoit une augmentation de 1,4 % du revenu des ménages, dont la consommation augmenterait de seulement 0,4 %, ce qui devrait se traduire par une remontée mécanique du taux d'épargne. Il n'est pas possible, à ce stade, d'être certain que le déficit budgétaire ne sera pas supérieur à 103,8 milliards d'euros. L'effet des plans de relance est bien pris en compte dans les prévisions de croissance du gouvernement. La révision à la baisse des prévisions d'impôt sur le revenu provient en particulier d'une masse salariale et de plus-values immobilières pour 2008 revues à la baisse. Enfin, les modalités de financement du supplément de déficit du régime général de sécurité sociale seront déterminées à l'automne.

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