AUDITION DE M. ERIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE MARDI 24 MARS 2009
Réunie le mardi 24 mars 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission des finances a procédé à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur les résultats de l'exécution budgétaire 2008, la situation des comptes publics et le projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 297, 2008-2009).
A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est revenu sur les principaux éléments de l'exécution 2008. L'exercice 2008 s'est achevé sur un déficit budgétaire de 56,2 milliards d'euros, en augmentation de 14,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI). Cette dégradation est, pour 4,7 milliards d'euros, imputable à la conjoncture.
Les moins-values de recettes sont concentrées sur les recettes fiscales, en baisse de 11,5 milliards d'euros par rapport à la LFI. Ces dernières ont fortement diminué les deux derniers mois de l'année, principalement au titre de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur les sociétés. Le produit de TVA est inférieur de 5,2 milliards d'euros à la prévision de la LFI, en raison de l'accélération du remboursement des crédits de TVA par l'administration fiscale et de la réduction de l'assiette taxable imputable à la dégradation de la situation économique. S'agissant de l'impôt sur les sociétés (IS), qui s'inscrit en diminution de 4,6 milliards d'euros par rapport à la LFI, les anticipations de résultats moins favorables ont conduit les redevables à verser des acomptes moindres en décembre 2008, singulièrement dans les secteurs financiers et de l'énergie.
En revanche, le ministre a fait observer que les autres recettes fiscales étaient conformes ou supérieures aux prévisions. Par rapport aux prévisions actualisées par le second collectif budgétaire pour 2008, le rendement de l'impôt sur le revenu est en hausse de 200 millions d'euros, en raison d'une amélioration du taux de recouvrement. Les autres recettes fiscales dépassent de 800 millions d'euros la prévision du collectif grâce au dynamisme des prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers. Les recettes non fiscales sont, enfin, inférieures de 100 millions d'euros à la prévision établie en LFI. Ce solde résulte d'évolutions de sens contraires, dans la mesure où la baisse des produits tirés des jeux, des amendes de police ou de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés de la Caisse des dépôts et consignations a été compensée par les premières recettes tirées de la rémunération de la garantie accordée à Dexia et à la Société de financement de l'économie française (SFEF).
M. Eric Woerth est ensuite revenu sur l'exécution des dépenses. Au sens de la norme élargie, celles-ci s'établissent à 344,9 milliards d'euros, soit un dépassement de 4 milliards d'euros par rapport à la LFI, imputable à l'augmentation des charges de la dette (3,3 milliards d'euros), à la révision à la hausse du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes (300 millions d'euros) et aux autres dépenses du budget général. En conséquence, la progression des dépenses de l'Etat en 2008 est restée conforme à l'objectif du « zéro volume », puisqu'elle s'est établie à 2,8 %, soit la valeur de l'inflation.
S'agissant des comptes spéciaux, le ministre a brièvement évoqué le déficit de 400 millions d'euros du compte d'avances aux collectivités territoriales, dû aux moins-values de taxe professionnelle. Les entreprises semblent avoir davantage limité leurs versements au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, à la fois en raison d'une dynamique plus faible de la valeur ajoutée et dans un but d'optimisation de leur trésorerie dans un contexte contraint.
Puis M. Eric Woerth a abordé la situation des comptes sociaux. Les efforts de maîtrise des dépenses devraient permettre, en 2008, de contenir le déficit du régime général à 10 milliards d'euros, soit un niveau proche de la prévision actualisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Le ralentissement de l'activité a pesé sur les recettes du régime général, en recul d'un milliard d'euros en raison de la moindre croissance de la masse salariale. Si la progression des dépenses d'assurance maladie semble devoir être conforme aux prévisions (+ 3,3 %), les dépenses de la branche vieillesse sont légèrement plus faibles que prévu (- 200 millions d'euros) et les prestations de la branche famille plus dynamiques qu'anticipé (+ 400 millions d'euros au titre des allocations logement et des dépenses d'aide à la garde d'enfant). La baisse des taux d'intérêt et la reprise de dette opérée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ont enfin minoré les frais financiers de 100 millions d'euros par rapport à la prévision.
Au total, et dans l'attente des prévisions de l'INSEE, le ministre a estimé à 3,4 % du PIB le déficit des administrations publiques pour 2008. Il a conclu en rappelant que le Gouvernement est animé par le souci de maîtriser les dépenses courantes et de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes, stratégie permettant d'assurer la soutenabilité des finances publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a interrogé le ministre sur le respect de la norme de dépense en 2009, sur la persistance de certaines sous-budgétisations constatées en 2008 et sur les perspectives pour 2009 en matière d'équilibre des comptes sociaux.
M. Eric Woerth a indiqué que l'inflation avait atteint, en 2008, 2,8 %, soit un niveau sensiblement plus élevé que l'hypothèse retenue par la loi de finances initiale (1,6 %). Par rapport à ce résultat, l'inflation serait limitée au taux de 0,4 % en 2009. Pour autant, sur la base de l'exécution 2008, la norme du « zéro volume » en matière d'évolution des dépenses de l'Etat devrait, hors mesures du plan de relance, pouvoir être respectée.
Il a précisé que la sous-budgétisation constatée en loi de finances initiale pour 2008 avait justifié l'ajustement des crédits, en loi de finances initiale pour 2009, à hauteur d'un milliard d'euros au total - dont 40 millions d'euros au titre des opérations de maintien de la paix et 50 millions d'euros pour les opérations extérieures du ministère de la défense, 216 millions d'euros au titre des exonérations de charges sociales et 154 millions d'euros pour les exonérations de charges sociales outre-mer, 121 millions d'euros au titre du régime de retraite du personnel de la RATP, enfin 77 millions d'euros pour l'aide médicale d'Etat et 140 millions d'euros en faveur de l'aide médicale d'urgence. Il a souligné la « tendance à la re-budgétisation » des opérations extérieures, couvertes par les crédits ouverts en loi de finances initiale à hauteur de 55 % en 2008, contre 18 % seulement en 2005.
S'agissant des comptes sociaux, il a indiqué que les déficits devraient s'établir en 2009 à un niveau de l'ordre de 17 ou 18 milliards d'euros, contre 10 milliards d'euros en 2008. Cette situation résultera principalement de la quasi stagnation de la masse salariale, mais aussi d'un moindre produit des prélèvements sociaux sur le capital. Il a jugé d'autant plus impérative l'exigence de maîtrise des dépenses en ce domaine, grâce notamment au respect de l'objectif national des dépenses de l'assurance-maladie (ONDAM). Il a cependant fait observer que l'assurance vieillesse avait connu, en 2008, une évolution vers un déficit plus important que celui de l'assurance maladie et que ce sont aujourd'hui les retraites qui posent le problème le plus grave.
M. Jean-Jacques Jégou a souhaité obtenir des précisions sur la date et le montant de la prise en charge par la CADES de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Il a également interrogé le ministre sur l'opportunité d'augmenter le plafond d'avances de trésorerie à l'ACOSS ainsi que sur la situation de la branche vieillesse et du Fonds de réserve des retraites.
M. Jean-Pierre Fourcade est revenu sur l'évolution des dividendes perçus par l'Etat actionnaire et sur la nécessité d'actualiser les montants prévus pour 2009.
M. Gérard Miquel a interrogé le ministre sur l'évolution des cotisations retraites versées par les collectivités territoriales pour les agents de la fonction publique d'Etat qui leur ont été transférés.
Mme Nicole Bricq a sollicité des précisions sur l'impact d'une réduction de la TVA applicable à la restauration et sur le financement des mesures de lutte contre le chômage des jeunes annoncées par M. Martin Hirsch, Haut-commissaire à la jeunesse.
M. François Rebsamen s'est interrogé sur l'opportunité de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés, pour les entreprises du secteur de l'énergie, en fonction des bénéfices qu'elles ont réalisés et de la proportion de ces bénéfices versée sous forme de dividendes.
M. Albéric de Montgolfier a souhaité obtenir une ventilation des recettes de TVA en fonction des différents taux applicables.
M. Jean Arthuis, président , a questionné le ministre sur l'impact budgétaire des mesures en faveur de l'outre-mer, et sur leur traduction partielle dans le projet de loi de finances rectificative. Il est également revenu sur l'émotion suscitée par le versement de rémunérations exceptionnelles au sein d'entreprises bénéficiant d'aides publiques, et sur la nécessité d'encadrer ce type de pratiques.
M. Eric Woerth , sur les sujets abordés par MM. Gérard Miquel et Albéric de Montgolfier, s'est engagé à faire parvenir par écrit les éléments demandés.
En réponse à M. Jean-Jacques Jégou, après avoir précisé les modalités et dates exactes de reprise de dette par la CADES, il n'a pas exclu une révision des modalités de financement de l'ACOSS par la Caisse des dépôts et consignations. Il a indiqué que le régime d'assurance vieillesse serait affecté, en 2009, par une moindre ressource de 1,8 milliard d'euros. Le Fonds de réserve des retraites, instrument de long terme, ne devrait pas être impacté par la crise actuelle.
Sur la demande de M. Jean Arthuis, président , il a précisé que le régime d'assurance maladie des exploitants agricoles est compris dans les prévisions de déficit qu'il avait indiquées, mais non leur régime d'assurance vieillesse, qui devrait subir un déficit supplémentaire de 1,5 à 2 milliards d'euros, montant qu'il conviendra d'ajouter aux 17 à 18 milliards de déficit attendus pour le régime général.
Par ailleurs, il a rappelé qu'une mission de réflexion a été confiée par le Président de la République à M. Yves Bur, député, en vue de la définition des nouvelles sources de financement pour la branche famille de la sécurité sociale.
En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, il a indiqué que la prévision de dividendes que recevra l'Etat actionnaire en 2009 est révisée à la baisse, par le projet de loi de finances rectificative, à hauteur de 1,3 milliard d'euros (dont - 625 millions d'euros pour Suez-GDF, - 240 millions d'euros pour France Telecom, - 190 millions d'euros pour Renault, - 180 millions d'euros pour EDF, - 80 millions d'euros pour la Poste et - 80 millions d'euros pour la SNCF).
Interrogé par M. Jean Arthuis, président , il a précisé que la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) a vocation à verser un dividende à l'Etat à compter de 2010.
A l'attention de Mme Nicole Bricq, il a indiqué que l'impact d'une réduction de la TVA applicable à la restauration serait de l'ordre de 2,6 milliards d'euros. Toutefois, la mesure n'ayant été décidée que dans son principe, et les modalités de sa mise en oeuvre restant à arrêter en concertation avec les professionnels, elle n'est pas prise en compte par le projet de loi de finances rectificative. Il a souligné qu'elle constitue l'aboutissement de nombreuses années de négociation, de la part de la France, au sein des instances communautaires. A la requête de M. Philippe Marini, rapporteur général , il a précisé que cette réduction restera strictement limitée en faveur des hôtels, cafés et restaurants, et que sa mise en oeuvre sera, en tout état de cause, soumise à des contreparties à respecter par les bénéficiaires.
Par ailleurs, il a reconnu la légitimité des nouvelles mesures en faveur de la jeunesse, mais il a estimé ne pas être en mesure de se prononcer sur les annonces du Haut-commissaire. Il a rappelé que le Fonds d'investissement social, abondé par l'Etat à hauteur de 1,3 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros ouverts par le projet de loi de finances rectificative, et par les partenaires sociaux, pour atteindre un montant global de l'ordre de 2,5 à 3 milliards d'euros, doit permettre le financement d'actions spécifiques en faveur de l'emploi et de la formation des jeunes.
En réponse à M. François Rebsamen, il a indiqué que la modulation du taux de l'impôt sur les sociétés pourrait faire l'objet d'un débat dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2010. En tout état de cause, le projet de loi de finances rectificative, à ses yeux, ne constitue pas le bon instrument d'une nouvelle politique fiscale.
Pour répondre à M. Jean Arthuis, président, il a précisé que le projet de loi de finances rectificative ouvre 283 millions d'euros d'autorisations d'engagement en faveur de l'outre-mer, soit 233 millions d'euros au titre du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) et 50 millions d'euros en faveur du Fonds exceptionnel d'investissement outre-mer, déjà doté de 119 millions d'euros en loi de finances initiale. L'aménagement des exonérations de charges prévu par la loi relative au développement économique de l'outre-mer, les compléments de financement apportés au service militaire adapté (SMA), les aides spécifiques au logement et les dispositifs concernant la restauration scolaire ou l'aide aux personnes âgées ne peuvent pas être pris en compte maintenant et trouveront leur traduction, en termes budgétaires, dans le projet de loi de finances rectificative de la fin d'année 2009.
Quant à l'encadrement des rémunérations des dirigeants d'entreprise, il a indiqué qu'une éventuelle intervention des pouvoirs publics devrait être précédée d'une réflexion approfondie, visant en particulier à distinguer la situation des entreprises aidées par l'Etat des autres cas. Une loi n'est peut-être pas nécessaire, mais un simple code de déontologie, en la matière, lui apparaît insuffisant.
M. Jean Arthuis, président , a rappelé que l'Assemblée nationale a voté, au sein du projet de loi de finances rectificative, un article 8 C habilitant les préfets à agréer certains logements locatifs, en vue de les faire bénéficier du régime de réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement locatif créé par la loi de finances rectificative pour 2008 (dispositif « Scellier »), alors même que ces logements sont situés en zone C, en principe exclue du bénéfice de ce régime. Il s'est interrogé sur la pertinence de cet article additionnel, comme sur les modalités de définition du zonage préalable à l'application du régime de réduction d'impôt « Scellier ».
M. Eric Woerth a indiqué que ce zonage est en cours de finalisation et doit être rendu public très prochainement. Il a rappelé que le Gouvernement avait émis un avis défavorable à l'adoption de l'article additionnel par l'Assemblée nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a abondé dans ce sens en faisant valoir l'inconstitutionnalité du dispositif, dont il propose à la commission, en conséquence, la suppression.
M. Jean-Jacques Jégou a fait état des déclarations de Mme Christine Boutin, ministre du logement, annonçant, en cas de risque d'expulsion de locataires en difficulté, la prise en charge par l'Etat du paiement des loyers, pour un coût qu'elle évalue à 1,8 milliard d'euros. Revenant sur les annonces de M. Martin Hirsch, Haut-commissaire à la jeunesse, il a souhaité connaître les crédits disponibles pour le financement des mesures envisagées. Par ailleurs, il s'est enquis de la possibilité que certains projets présentés par les collectivités locales, mais non encore complètement finalisés au 31 décembre 2009, puissent tout de même bénéficier des dispositifs du plan de relance.
Sur le premier point, M. Eric Woerth a douté que l'Etat puisse venir en aide à l'ensemble des locataires défaillants. Il a précisé que le budget dont dispose actuellement le Haut-commissaire à la jeunesse s'élève à 150 millions d'euros. Selon les arbitrages interministériels qui seront rendus, le Fonds de solidarité pour le logement, d'une part, et le Fonds d'investissement social, d'autre part, pourront être utilisés pour telle ou telle action nouvelle.
Sur le second point, il a confirmé qu'une instruction sera donnée aux trésoriers-payeurs généraux et aux préfets afin d'éviter l'effet « couperet » des délais imposés aux projets éligibles aux aides inscrites dans le plan de relance. Sous la réserve de la réalité de l'avancement des projets, la finalisation de ces derniers après la date-butoir sera admise.
M. Jean-Pierre Fourcade , en vue d'apprécier les propositions de remplacement de la taxe professionnelle appelée à disparaître à l'horizon 2010, a souhaité disposer des bases de cette taxe en 2008, telles qu'elles ont été notifiées aux collectivités territoriales, assorties d'un recensement des investissements nouveaux. En réponse, M. Eric Woerth a indiqué que ces données, disponibles pour l'exercice 2007, ne le sont pas encore en ce qui concerne 2008.
M. Eric Doligé s'est inquiété de l'impact, pour l'Etat, de la hausse des taux de taxe professionnelle décidée par certaines collectivités territoriales. M. Eric Woerth a estimé qu'il n'est pas en mesure, à ce stade, d'apprécier ce point. M. François Rebsamen a fait observer que, s'agissant des établissements publics de coopération intercommunale, les hausses, en ce domaine, sont liées aux décisions prises par les communes membres.