Rapport n° 447 (2008-2009) de M. Philippe DOMINATI , fait au nom de la commission spéciale, déposé le 2 juin 2009

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N° 447

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juin 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) sur :

- le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation ;

- la proposition de loi présentée par M. Michel MERCIER et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement ;

- la proposition de loi présentée par Mme Nicole BRICQ et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes ;

- la proposition de loi présentée par M. Charles REVET et plusieurs de ses collègues renforçant l' encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement ;

- la proposition de loi présentée par M. Claude BIWER et les membres du groupe de l'Union centriste, tendant à prévenir le surendettement ;

- la proposition de loi présentée par M. Philippe MARINI et plusieurs de ses collègues, visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement ,

Par M. Philippe DOMINATI,

Rapporteur

__________________________________________________________________________________________________________

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini, président ; MM. Gilbert Barbier, Laurent Béteille, Claude Biwer, Mmes Nicole Bricq, Odette Terrade, vice-présidents ; Mme Jacqueline Chevé, MM. Dominique de Legge, Jean-Pierre Sueur, secrétaires ; M. Philippe Dominati, rapporteur ; MM. Bernard Angels, Alain Anziani, Gérard Bailly, Joël Bourdin, Mme Brigitte Bout, M. Philippe Darniche, Mmes Isabelle Debré, Muguette Dini, M. Jean-Paul Emorine, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Alain Fauconnier, Mme Samia Ghali, M. Alain Gournac, Mme Françoise Henneron, MM. Edmond Hervé, Michel Houel, Benoît Huré, Jean-Jacques Jégou, André Lardeux, Mme Isabelle Pasquet, MM. François Patriat, Daniel Raoul, Charles Revet, René Teulade, Alain Vasselle, Bernard Vera, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

94, 114, 173, 255, 325, 364 et 448 (2008-2009)

RÉSUMÉ DES TRAVAUX DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Créée par le Sénat dans sa séance du mercredi 29 avril 2009, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, présidée par M. Philippe Marini (UMP - Oise), a procédé le même jour à l'audition de Mme Christine Lagarde , ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Martin Hirsch , haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et haut commissaire à la jeunesse.

En outre, M. Philippe Dominati , rapporteur , et ses collègues ont entendu une quarantaine d'institutions, organismes, associations et personnalités au cours de six demi-journées d'auditions. Par ailleurs, une délégation de la commission spéciale s'est rendue à Bruxelles le lundi 25 mai pour y examiner les conditions de fonctionnement du fichier positif géré par la Banque nationale de Belgique. Enfin, le mercredi 27 mai, la commission a procédé à une seconde audition de Mme Christine Lagarde et de M. Martin Hirsch . Dans le cadre de ces travaux d'une durée totale de près de 30 heures ont ainsi été entendues 90 personnes particulièrement concernées par le projet de loi ( ( * )

1)

.

Réunie le mardi 2 juin 2009 ( ( * )

2)

, la commission spéciale a adopté le présent rapport ainsi que le texte n° 448 (2008-2009).

1- Sur la proposition de son rapporteur et de son président , elle a enrichi le texte du Gouvernement de quatre nouvelles dispositions portant sur le taux de l'usure, le fichier positif et le microcrédit :

- elle a inséré un article 1 er A (nouveau) afin de rendre légalement et techniquement possible une réforme du taux de l'usure sur le crédit à la consommation , qui devrait conduire à accroître l'attractivité du crédit amortissable et à réduire la part du crédit renouvelable (fusion de tous les types de crédits à la consommation dans un même ensemble dont la segmentation [fixée par décret en trois catégories : < 3 000 € / 3 000 € < X < 6.000 € / > 6 000 €] ne résultera que du montant du prêt sollicité ; période transitoire de deux ans ; comité ad hoc de suivi auquel participeront notamment deux parlementaires) ;

- par un article 27 bis (nouveau) , elle a décidé que le principe de la création d'une centrale des crédits aux particuliers , placée sous la responsabilité de la Banque de France, fera l'objet d'un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi, et élaboré par une commission temporaire d'évaluation de celle-ci ;

- elle a prévu que cette commission , créée par l' article 33 A (nouveau) , serait composée de parlementaires (l'un d'entre eux en étant le président) et de représentants de l'Etat, de la Banque de France, des collectivités territoriales, des établissements de crédits et d'associations délivrant du microcrédit, ainsi que des associations familiales ou de consommateurs ; elle évaluera les conséquences de la loi ; son rapport précisera les conditions dans lesquelles des données à caractère personnel , complémentaires à celles figurant dans le FICP et susceptibles de constituer des indicateurs de l'état d'endettement des personnes physiques ayant contracté des crédits à la consommation , peuvent être inscrites au sein de ce fichier afin d' assurer une meilleure information des prêteurs sur la solvabilité des emprunteurs ;

- afin de donner un nouvel essor au microcrédit personnel , elle a ajouté un article 18 bis (nouveau) qui le définit en mettant l'accent tout à la fois sur l' objet du crédit, la capacité de remboursement des emprunteurs et l' accompagnement social dont ils doivent bénéficier, et qui autorise le Fonds de cohésion sociale à prendre en charge les dépenses d'accompagnement des bénéficiaires ainsi que les frais d'évaluation de ces opérations.

2- Par ailleurs, la commission spéciale a modifié le texte du Gouvernement afin de le préciser et de le compléter sur trois sujets essentiels que sont le renforcement de l'information et de la protection du consommateur , la clarification de la « zone grise » commerce-crédit et, enfin, l' amélioration du fonctionnement de la procédure de surendettement et du FICP .

Ainsi, en matière de publicité , d' information préalable du consommateur et de sa protection tant au moment de la souscription du contrat qu'à son issue , elle adopté les amendements suivants :

- à l' article 2 (publicité) , sur proposition de M. Michel Mercier , M. Claude Biwer , Mme Muguette Dini et les membres du groupe UC, sous-amendée par le Gouvernement, complément apporté à la mention légale qui devient : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager » , et extension aux publicités orales radiodiffusées ;

- à l' article 3 (information précontractuelle de l'emprunteur) , sur proposition des mêmes auteurs , obligation de faire également figurer la mention légale dans la fiche d'information à fournir pour chaque offre de crédit ;

- à l' article 4 (explications fournies à l'emprunteur et évaluation de sa solvabilité) , sur proposition de son rapporteur , impossibilité pour le prêteur d'opposer à l'emprunteur la fiche de dialogue sauf à ce que les informations qu'elle comporte soient corroborées par des justificatifs ;

- à l' article 5 (formation du contrat de crédit) , sur proposition de M. Michel Mercier , M. Claude Biwer , Mme Muguette Dini et les membres du groupe UC, sous-amendée par le Gouvernement, obligation pour le prêteur d'agréer l'emprunteur en toutes circonstances, la mise à disposition des fonds valant agrément ;

- au même article 5 , sur proposition du rapporteur , impossibilité pour les opérateurs de tirer prétexte du prélèvement annuel d'une cotisation pour la détention d'un moyen de paiement ou d'une carte de fidélité associée à un crédit renouvelable pour échapper à la disposition de la loi Chatel du 28 janvier 2005 au terme de laquelle la non utilisation d'un crédit renouvelable durant un délai de trois ans sans demande expresse du consommateur de le reconduire, emporte sa résiliation ;

- à l' article 6 (contenu du contrat de crédit) , sur proposition de M. Laurent Béteille et Mme Brigitte Bout , insertion d'un encadré récapitulatif des caractéristiques essentielles du crédit à la première page du contrat de crédit ;

- à l' article 7 (exécution du contrat de crédit) , sur proposition des mêmes auteurs , obligation pour le prêteur, au moins une fois par an , d'informer l'emprunteur sur le montant du capital restant dû pour chaque crédit .

S'agissant ensuite de l'offre et de l'utilisation du crédit sur le lieu de vente , la commission spéciale a adopté les propositions suivantes de son rapporteur :

- à l' article 4 , trois obligations supplémentaires imposées au prêteur : que les explications fournies à l'emprunteur et l'évaluation de sa solvabilité se fassent dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges ; que les personnes chargées de cette tâche soient dûment formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement ; que ces personnes soient inscrites sur un registre mis à la disposition de l'autorité de contrôle sur le lieu de vente ;

- au même article 4 , garantie que le consommateur qui se voit proposer un crédit renouvelable puisse disposer de la faculté de souscrire une offre de crédit amortissable alternative dès lors que le montant de ses achats dépasse un seuil fixé par décret (le Gouvernement ayant évoqué 1 000 euros) ;

- à l' article 5 , assujettissement des cartes de paiement bancaires auxquelles est associée une réserve de crédit renouvelable aux mêmes obligations de paiement au comptant « par défaut » que le texte du Gouvernement impose aux cartes de fidélité-paiement-crédit.

En ce qui concerne enfin le fonctionnement de la procédure de surendettement et du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) , la commission spéciale :

- à l' article 20 (composition de la commission de surendettement) , sur la proposition de M. Laurent Béteille et Mme Brigitte Bout , a conféré le droit de vote au juriste et au conseiller en économie sociale et familiale et prévu que chaque commission adopte un règlement intérieur qui sera rendu public ;

- à l' article 21 (procédure devant la commission de surendettement) , sur la proposition de Mme Muguette Dini , a ajouté les frais de garde et de déplacements professionnels à la liste des dépenses devant constituer le « reste à vivre » et, sur la proposition de Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, a prévu le rétablissement des droits à l'aide personnalisée au logement dès la recevabilité du dossier de surendettement, le déblocage de l'APL s'effectuant alors au profit du bailleur ;

- aux articles 21 , 24 (pouvoirs du juge de l'exécution) et 26 (déroulement de la procédure de rétablissement personnel), sur la proposition de son rapporteur , a harmonisé, à toutes les phases des procédures de surendettement, qu'elles relèvent de la commission ou du juge (homologation, contrôle normal ou procédure de rétablissement personnel, avec ou sans liquidation judiciaire), la possibilité d'inviter le débiteur , si la situation l'exige, à solliciter une mesure d'aide ou d'action sociale , notamment une mesure d'accompagnement social personnalisé qui fournit une aide à la gestion des prestations sociales ;

- sur la proposition de son rapporteur , a inséré un article 26 bis (nouveau) , instituant une obligation , pour les commissions de surendettement, d'établir leurs rapports d'activité annuels , lesquels seront synthétisés par la Banque de France dans son rapport annuel au président de la République et au Parlement ;

- à l' article 27 (FICP) , enfin, sur la proposition de Mme Brigitte Bout et M. Laurent Béteille , a précisé que, conformément à l'état du droit positif, l'inscription au FICP ne doit pas conduire à ce qu'une personne ne puisse, par ce seul et unique fait, obtenir un prêt et, sur la proposition de son rapporteur , a prévu la traçabilité des consultations du FICP réalisées par les établissements de crédit pour vérifier la solvabilité de l'emprunteur avant la conclusion du contrat.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La consommation des ménages est traditionnellement un des piliers de l'économie française : elle a un effet accélérateur dans les phases d'expansion ; elle soutient opportunément l'activité dans les périodes plus difficiles, distinguant notre pays parmi les grandes puissances de la planète. Mais le dynamisme des consommateurs français ne résulte pas seulement d'une originalité culturelle qui serait inhérente à l'esprit national : il s'appuie aussi sur la confiance qu'autorise un dispositif légal particulièrement protecteur de leurs intérêts.

Il en est ainsi de la législation relative au crédit à la consommation. Si les ménages français sont entrés assez tardivement dans le modèle moderne de recours à cet outil, aujourd'hui indispensable à la gestion prévisionnelle de leurs budgets, et s'ils l'utilisent de manière plus raisonnée que nombre de leurs voisins, ils bénéficient cependant d'un cadre législatif et réglementaire qui figure parmi les plus complets de l'Union européenne. C'est dire l'attention que les autorités nationales, les représentants des consommateurs et les opérateurs de crédit ont accordé à la longue négociation qui, durant six années, a conduit à l'adoption de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Le présent projet de loi vise à transposer en droit interne les éléments de ce texte communautaire. Bien que d'harmonisation maximale, ce dernier ne vient pourtant modifier que marginalement les dispositions structurantes de la législation nationale, même s'il rend nécessaire de modifier un très large pan du chapitre I er du titre I er du livre III du code de la consommation consacré au crédit à la consommation. Aussi le Gouvernement a-t-il eu pour ambition de saisir cette opportunité pour aller plus loin qu'une simple transposition, afin de responsabiliser davantage les acteurs du crédit, qu'il s'agisse des emprunteurs ou des prêteurs. En outre, il a choisi d'apporter à la procédure de surendettement diverses améliorations tendant à en renforcer l'efficacité et à en accélérer le traitement.

Car en effet, si le crédit à la consommation ne constitue pas, loin s'en faut, un problème macroéconomique, il n'est pour autant pas exempt d'excès qui conduisent trop de nos concitoyens, et souvent les plus fragiles, à des situations individuelles insoutenables qui les plongent dans le surendettement.

Depuis le début du siècle, pas moins de cinq lois ont tenté de mieux réguler le secteur, qu'une segmentation accrue entre crédit affecté et crédit renouvelable a progressivement déséquilibré. Il est aujourd'hui patent qu'une publicité agressive soutenant un « business model » critiquable à bien des égards exclut d'un accès au crédit responsable les ménages les plus modestes. Ceux-ci sont non seulement privés des moyens de gérer raisonnablement leurs budgets, mais même encouragés par nombre d'opérateurs à se tourner vers la forme de crédit la plus préjudiciable à leur pouvoir d'achat, le crédit renouvelable. Loin d'être resté un outil d'appoint utilisé brièvement pour traverser une période financièrement tendue, ce qui justifie des taux d'intérêt élevés, il est devenu pour certains un mode de fonctionnement habituel et, ce faisant, un piège financier.

Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs s'élèvent contre ce dévoiement et réclament un encadrement plus rigoureux du crédit renouvelable. Confrontés localement aux drames que vivent certains de leurs administrés, les parlementaires appellent eux aussi à un assainissement. Ainsi, au Sénat, pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées depuis la rentrée parlementaire d'octobre 2008, émanant de nombre de nos collègues emmenés par M. Philippe Marini, M. Claude Biwer, M. Charles Revet, Mme Nicole Bricq et M. Michel Mercier.

C'est pour répondre à cette impérieuse attente que le présent projet de loi, présenté par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et haut commissaire à la jeunesse, vise à mieux adapter les formes de crédit à la consommation aux besoins des emprunteurs. Il s'agit d'une nécessité sociale, mais aussi d'une nécessité économique : la confiance des consommateurs, évoquée précédemment, doit être préservée pour continuer à soutenir l'activité.

C'est dans cette perspective que s'est inscrite votre commission spéciale. Elle a conduit un important travail d'auditions de toutes les parties prenantes - institutions publiques, associations de consommateurs et d'accompagnement de publics fragiles, banques et établissements de crédit, professionnels du crédit, experts juridiques et économiques...- 1 ( * ) qui lui a permis de cerner les enjeux, de former son jugement et d'élaborer ses propositions. A cet égard, il lui est apparu nécessaire, pour contribuer à atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement ( « Plus d'accès, moins d'excès » ), de porter le débat sur des thèmes que n'abordait pas le projet de loi initial, notamment la fixation du taux de l'usure, la perspective de création d'un fichier positif ou encore le développement du microcrédit personnel.

Avant d'aborder l'examen des articles du projet de loi et des amendements, votre commission spéciale vous propose de resituer celui-ci dans son contexte économique, juridique et communautaire général, de présenter les cinq propositions de loi sénatoriales qu'elle a examinées, de présenter les grandes lignes du projet de loi et de résumer les principales modifications qu'elle y a apportées.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. AMORTIR LA CRISE AVEC UN CRÉDIT FLUIDE ET MAÎTRISÉ

Dans une économie moderne, il serait préjudiciable pour l'activité que les ménages soient obligés de financer tous leurs achats à partir d'une épargne préexistante . Une telle situation ne prévaut guère que dans certains grands pays émergents dont les systèmes financiers sont peu développés, qui connaissent en conséquence un excédent structurel d'épargne (permettant de financer la consommation des pays riches) et dont le schéma de croissance repose essentiellement sur le dynamisme des exportations.

Ainsi que le rappelle Jean-Paul Redouin 2 ( * ) , « le crédit est sain quand il anticipe une évolution durable et permanente des revenus et contribue à lisser dans le temps des chocs temporaires » . En revanche, « il devient nocif quand il se fonde sur une extrapolation excessive de valeurs d'actifs qui atteignent des niveaux spéculatifs ». Dans la période précédant la crise actuelle, les ménages de nombreux pays ont été incités à gager un patrimoine immobilier dont la valeur augmentait fortement pour obtenir de nouveaux crédits à la consommation. Puis ces ménages ont été confrontés à de graves problèmes de solvabilité à la suite du retournement immobilier.

En France , l'endettement global des ménages, demeuré contenu, ne semble pas porteur d'un quelconque risque macroéconomique du fait d'un excès d'endettement, même si le crédit à la consommation est devenu un produit banal pour les ménages puisque fin 2008, plus de 30 % d'entre eux détenaient un crédit de ce type 3 ( * ) . Par ailleurs, l'impact sur la croissance du crédit à la consommation n'est potentiellement pas négligeable ; selon certaines estimations, les dépenses financées grâce à lui représenteraient environ 5 % du PIB 4 ( * ) .

Dans les années qui viennent, il semble que les ménages seront appelés à emprunter davantage pour contrecarrer les effets récessifs à court terme du rétablissement attendu des comptes publics, avec moins de dépenses et, probablement, des prélèvements accrus sur les ménages. Pourvu que des garde-fous permettent de contenir le nombre de cas de surendettement, qui ne paraît pas s'autoréguler à un niveau socialement satisfaisant, le recours accru à un crédit fluide apparaît non seulement souhaitable pour la croissance , mais encore largement soutenable à terme , la situation des ménages français figurant aujourd'hui parmi les plus saines .

L'objectif de la réforme est de « prêter mieux sans prêter moins ». Votre commission estime même qu' il faudra « prêter mieux et prêter plus ».

A. UNE DEMANDE DES MÉNAGES FRAGILISÉE À L'HORIZON 2010-2011...

L'effet restrictif de la rigueur budgétaire qui, vraisemblablement, succèdera aux plans de relance devra être amorti par une augmentation de la demande des ménages supérieure à celle de leurs revenus. Il conviendra donc de préserver et soutenir leur accès au crédit, d'autant plus que :

- leur appétence risque d'être limitée dans le contexte d'une reprise sinon hypothétique, du moins peu vigoureuse, avec un chômage en forte hausse ;

- certains secteurs de l'économie française apparaissent comme très vulnérables à une contraction du crédit.

1. Des ménages à soulager du poids d'un rétablissement ultérieur des comptes publics sur leur revenu disponible

a) Dans le contexte d'une réépargne publique à venir...

A partir des années 2010-2011, les pouvoirs publics devront retourner avec une détermination nouvelle à leur objectif de rétablissement des comptes en raison d'un fort accroissement de la dette, qui passerait de 67,3 % en 2008 à 77,5 % en 2010 d'après la dernière prévision gouvernementale 5 ( * ) .

Ces chiffres sont en outre sur le point d'être révisés à la hausse puisqu'ils reposent sur une prévision de croissance (- 1,5 % en 2009 et + 1 % en 2010) à laquelle de gouvernement a renoncé (- 3 % finalement annoncés pour 2009) et qui s'avérait de toute façon supérieure au consensus des conjoncturistes (- 1,8 % en 2009 et + 0,6 % en 2010).

Afin de rétablir les comptes conformément aux prescriptions des critères de Maastricht, qui prohibent normalement tout endettement supérieur à 60 % du PIB et tout déficit public annuel supérieur à 3  % du PIB, les pouvoirs publics seront simultanément incités - dans une proportion dont on ne peut préjuger - à rehausser les prélèvements obligatoires et à diminuer la dépense publique, notamment les prestations sociales et de chômage ainsi que, d'une façon générale, les dépenses auxquelles des ménages sont susceptibles de pourvoir directement (dépenses non régaliennes).

Dans cette perspective, le revenu disponible des ménages souffrira inexorablement de la réépargne publique. Il importera cependant que leur consommation puisse contribuer positivement à la demande globale et à la croissance, alors même que l'évolution de leurs revenus sera contrainte.

b) ...une désépargne privée pourrait soutenir la croissance...

Le rôle potentiel de la consommation dans la croissance du PIB, dont elle représente plus de la moitié, est évidemment majeur.

DÉCOMPOSITION DU PIB EN FRANCE (2006-2007)

2006

2007

Md€

Part du PIB

Md€

Part du PIB

PIB

1.807,5

-

1.892,2

-

Consommation des ménages

1.002,0

55,4 %

1.047,4

55,4 %

Investissement

376,0

20,8 %

406,3

21,5 %

Consommation des administrations publiques

422,6

23,4 %

438,0

23,1 %

Exportations

484,5

26,8 %

501,9

26,5 %

Importations

-507,3

-28,1 %

-538,3

-28,4 %

Source : Sénat, Service des études économiques - Données INSEE

Comme en témoigne le graphique de la page suivante, cette prééminence se retrouve dans les contributions à la croissance du PIB, celle de la consommation des ménages ayant par exemple oscillé entre 1,2 et 1,5 point de PIB de 2001 à 2007, pour une croissance totale du PIB comprise entre 1 % (2002) et 2,5 % (2004).

D'après le rapport Athling 6 ( * ) , la production de crédit à la consommation a représenté 95 milliards d'euros en 2007, soit environ 9 % de la consommation des ménages et 5 % du PIB . Les variations de production de crédit ont dès lors un impact direct sur la croissance. A titre d'illustration, la baisse cumulée de 12 % de la production de crédit à la consommation enregistrée d'octobre 2008 à février 2009 équivaudrait à une diminution du PIB de près d'un point 7 ( * ) .

Afin de soutenir la croissance, il apparaît clairement qu' une « désépargne privée » s'avèrera nécessaire 8 ( * ) pour compenser l'effet récessif à court terme d'une réépargne publique ultérieure . La traduction macroéconomique de ce mouvement sera celle d'une diminution de la dette publique concomitante à une augmentation de la dette privée dans le cadre d'un endettement total dont l'évolution serait plus inerte.

Indiquons à ce stade que la décomposition de la dette des différents pays de l'Union européenne est très diversifiée :

DETTE DES AGENTS DANS LA ZONE EURO À 12* (2007)

(En % du PIB)

Dette publique

Dette privée**

Total

Belgique

84,9 %

118 %

202,9 %

Allemagne

65,0 %

125 %

190,0 %

Irlande

25,1 %

218 %

243,1 %

Grèce

93,4 %

101 %

194,4 %

Espagne

36,2 %

200 %

236,2 %

Italie

105,0 %

108 %

213,0 %

France

64,2 %

140 %

204,2 %

Pays-Bas

46,8 %

205 %

251,8 %

Autriche

59,9 %

135 %

194,9 %

Portugal

64,4 %

200 %

264,4 %

Finlande

35,3 %

118 %

153,3 %

Moyenne

61,8 %

151,6 %

213,4 %

* Hors Luxembourg

** Dette du secteur privé non financier, c'est-à-dire des ménages et des entreprises.

Source : Sénat - Rapport d'information n° 342 (2008-2009) fait par MM. Joël Bourdin et Yvon Collin au nom de la Délégation du Sénat pour la planification et intitulé « La coordination des politiques économiques en Europe (tome 2) : surmonter le désordre économique en Europe » .

D'un point de vue statique, une certaine substituabilité se fait jour entre dette privée et dette publique dans la zone euro, la France accusant dans cette perspective une certaine « préférence » pour la dette publique .

Dans une approche dynamique, la relation inverse entre l'endettement privé et l'endettement public s'est vérifiée aux Etats-Unis à partir des années quatre-vingt-dix, ainsi que le montre le graphique suivant :

Pour l'avenir, la fluidité du crédit sera primordiale en France afin de permettre aux ménages de contribuer positivement à la croissance dans un contexte où, d'une part, des pressions s'exerceront nécessairement sur leurs revenus et où, d'autre part, les établissements de crédit, dont les bilans apparaissent fragilisés par la crise financière, seront susceptibles de manifester une prudence accrue.

Cet accès au crédit constitue donc un enjeu majeur , même si un fort aléa pèse sur l'évolution de la propension moyenne des ménages à consommer leur revenu et, corrélativement (cf. encadré suivant), sur leur appétence pour le crédit.

RELATIONS ENTRE PROPENSION À CONSOMMER, ÉPARGNE,
RECOURS AU CRÉDIT ET ENDETTEMENT DES MÉNAGES

Au niveau macroéconomique, le revenu des ménages se distribue entre consommation et épargne , cette dernière étant obtenue en retranchant la consommation des ménages de leur revenu disponible :


• épargne = revenu disponible - consommation.

L'épargne financière obéit aux égalités suivantes :


• épargne financière = épargne - investissement des ménages (logement)


• épargne financière = placements financiers + remboursements des crédits anciens - crédits nouveaux.

Par ailleurs, on définit ainsi la propension moyenne à consommer et le taux d'épargne des ménages :


• propension moyenne à consommer = consommation finale des ménages / revenu disponible des ménages


• taux d'épargne des ménages = épargne des ménages / revenu disponible des ménages.

L'addition du taux d'épargne des ménages et de leur propension moyenne à consommer donne donc 100 % ; par exemple, en France, la propension moyenne à consommer des ménages gravite autour de 84 % et le taux d'épargne est proche de 16 %.

Concernant le taux d'épargne, il vient l'égalité suivante :


• taux d'épargne = taux d'épargne financière (rapport entre la capacité de financement des ménages et leur revenu disponible)

+ taux d'épargne non financière (rapport entre l'achat de logement 9 ( * ) et le revenu disponible)

- taux de recours au crédit (rapporté au revenu disponible).

Il en résulte que le taux de recours au crédit (c'est-à-dire le flux net d'endettement rapporté au revenu disponible brut) et le taux d'épargne des ménages sont négativement corrélés . En effet, toutes choses étant égales, une augmentation du taux de recours au crédit suppose une diminution équivalente du taux d'épargne (ou une augmentation de la propension à consommer), et réciproquement. Or, dans la durée, l'évolution du taux de recours au crédit ( flux de crédits nouveaux / revenu disponible) détermine le taux d'endettement ( stock de crédits en cours d'amortissement / revenu disponible).

Une diminution du taux d'épargne (ou une augmentation de la propension moyenne à consommer) durable tend donc à se traduire, à terme, par une augmentation du taux d'endettement (et inversement).

c) ...et compenser, dans une certaine mesure, le cantonnement de l'« Etat-providence »

Dans une approche cette fois microéconomique, le lien entre le développement du crédit et un certain retrait de l'Etat providence a pu être établi.

Au cours des années soixante à soixante-dix, les différents aspects de « l'inclusion sociale » (versement des salaires, protection contre les risques maladie et chômage) ont nécessité une intermédiation bancaire croissante ; ce mouvement a pu être qualifié de « financiarisation des rapports sociaux » (Servet, 2004).

Dans ce contexte, le rôle social du crédit s'est alors affirmé pour satisfaire deux types de besoins : d'abord, le besoin de promotion (achat de biens ou de services, y compris de formations), puis, après les « Trente glorieuses » , le besoin de protection , qui selon certains auteurs « s'affirme progressivement comme une finalité majeure » 10 ( * ) .

En effet, les solidarités traditionnelles sont devenues moins facilement mobilisables tandis que le rôle protecteur de l'Etat, soumis à une contrainte budgétaire croissante, a fait l'objet de certaines remises en cause (par exemple sur le plan de la santé), alors même que, d'une part, les standards de consommation et de bien-être continuaient à progresser et que, d'autre part, un chômage de masse s'instaurait, engendrant de nombreuses situations de précarité professionnelles et familiales.

Dans un récent rapport 11 ( * ) , le Conseil économique, social et environnemental observe ainsi que « depuis quelque temps, certains établissements financiers proposent des crédits spécifiques dédiés à la santé en matière de soins dentaires, optiques, prothèses auditives, permettant aux assurés de financer les dépenses restant à leur charge après remboursement de la sécurité sociale et/ou de leurs mutuelles.

« Ce crédit est distribué avec un TEG de 5,90 %. Les associations de consommateurs ne manquent pas de dénoncer ces nouveaux types de crédit, rendus possibles par l'augmentation régulière des « restes à charge » même pour les personnes ayant souscrit des complémentaires, comme un pas supplémentaire vers la « marchandisation » de la santé.

« Le recours au crédit se substitue donc parfois à la diminution ou à la suppression de prestations versées par des mutuelles ou des complémentaires retraites que des personnes en difficulté financière ont été contraintes d'abandonner. En cas de difficultés financières supplémentaires, les effets seront cumulatifs et donc très périlleux... Pourtant, les emprunteurs y voient la solution à leurs problèmes sans en mesurer, la plupart du temps, réellement les dangers ».

Si les administrations publiques se trouvent soumises, les années à venir, à une forte contrainte de désendettement, on ne peut exclure que des tensions importantes se portent sur des dépenses publiques substituables, c'est-à-dire correspondant à des besoins susceptibles d'être plus ou moins satisfaits par des initiatives ou un financement privés, dont les chapitres les plus importants concernent la santé et l'éducation.

Finalement, un accès fluidifié au crédit pourrait non seulement présenter un intérêt macroéconomique immédiat (soutenir la demande), mais encore aider à satisfaire certains besoins essentiels des particuliers , voire conditionner une élévation de la croissance potentielle qui dépend largement de la proportion de la population recevant un enseignement supérieur de qualité, le cas échéant financé au moyen du crédit 12 ( * ) .

2. L'aléa du comportement de consommation des ménages en temps de crise

D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, le crédit à la consommation permettrait aux ménages de lisser les fluctuations de leur consommation et donc de la conjoncture : « Les ménages essaient en général de maintenir un rythme de consommation à peu près constant. Mais les évolutions de pouvoir d'achat, elles, peuvent être heurtées, au gré des variations de revenus ou des prix de détail. Les ménages ont alors deux possibilités pour maintenir leurs dépenses : puiser dans leur épargne, ou recourir au crédit à la consommation. Ainsi, les fluctuations de la demande de crédit à la consommation contribuent à stabiliser la consommation et donc la conjoncture économique globale ».

La façon dont la consommation réagit aux variations du pouvoir d'achat a largement inspiré la littérature économique, en premier lieu Keynes dont la « loi psychologique fondamentale » peut être ainsi formulée : lorsque le revenu s'accroît, la consommation augmente dans des proportions moins importantes ( i.e. la propension marginale à consommer est inférieure à la propension moyenne à consommer). En d'autres termes, les ménages épargnent une part croissante de leur revenu au fur et à mesure que celui-ci s'accroît. Réciproquement, en cas de crise, le taux d'épargne diminuerait.

Une conséquence de cette loi psychologique fondamentale est que la propension moyenne à consommer des ménages devrait baisser au fur et à mesure que les revenus augmentent, mais ce pronostic n'est pas entièrement validé par les données économiques, surtout à long terme. En effet, la propension moyenne à consommer témoigne d'une certaine stabilité et l'on ne relève symétriquement pas de tendance à l'augmentation du taux d'épargne des ménages lorsque leur revenu se trouve en constante progression.

A court terme, la propension moyenne à consommer peut cependant connaître des variations importantes, dont le revenu constitue un des déterminants. Ainsi, une étude récente suggère que le comportement des ménages en matière de recours au crédit renouvelable 13 ( * ) serait contracyclique au regard de l'évolution de leur revenu disponible brut :

Mais si l'on compare l'orientation générale, à moyen terme, du volume des crédits à la consommation avec celle de la croissance, la dynamique semble s'inverser et le recours au crédit prendre un tour globalement procyclique :

C'est que la propension moyenne à consommer n'est pas déterminée par le seul revenu .

D'ailleurs, après Keynes, un second type d'approche théorique renvoie au modèle de revenu permanent (Friedman) ou de cycle de vie (Brumberg et Modigliani, 1954) dans lesquels les dépenses de consommation résultent d'un arbitrage intertemporel et sont peu sujettes aux variations du revenu courant .

On estime aujourd'hui que la propension moyenne à consommer varie notamment en fonction :

- du revenu : une augmentation (diminution) du revenu tendrait plutôt à diminuer (augmenter) la propension moyenne à consommer ;

- de données psychologiques à déterminants essentiellement économiques : le « moral des ménages », fortement corrélé aux anticipations de croissance, d'activité et d'emploi ;

- d' anticipations d'inflation : plus l'inflation attendue est forte, plus la propension à consommer est forte, car le pouvoir d'achat des encaisses s'érode ;

- d'anticipations concernant les finances publiques : leur impact (en application du principe d'équivalence ricardien 14 ( * ) ), souvent évoqué, est néanmoins plus incertain.

Si la reprise attendue en 2010 permet de poursuivre l'assainissement des finances publiques, elle pourrait être de nature à encourager les ménages à consommer une part accrue de leur revenu, d'autant plus que se manifesteraient des tensions inflationnistes engendrées par une demande de produits de base à nouveau orientée à la hausse.

Mais en revanche, si la reprise tarde à se manifester, le « moral des ménages » se trouverait assombri par les perspectives d'emploi, ce qui favoriserait les comportements d'épargne, d'autant plus que l'inflation serait alors susceptible atteindre un point bas propice, lui aussi, à la thésaurisation 15 ( * ) .

En conclusion, il n'est pas certain que la crise économique, dans ses prolongements, pousse les ménages à diminuer leur épargne et à augmenter leur endettement dans le contexte d'une stagnation ou d'une diminution du revenu disponible.

Dans l'hypothèse d'une plus grande frilosité des ménages, il importera d'autant plus que leur accès au crédit demeure aisé, sinon incitatif .

3. Aperçu des dépendances sectorielles au crédit à la consommation

S'il est difficile de quantifier exactement les destinations des crédits à la consommation, on estime qu'ils ont trois types d'affectations principales : le financement automobile, l'équipement et l'aménagement de l'habitat, et le financement des autres biens et services ainsi que la trésorerie des ménages.

Selon les secteurs de production et le type d'emprunt, le crédit à la consommation est un instrument participant de façon plus ou moins importante à la formation de la demande :

- environ 75 % des ventes de véhicules neufs se font à crédit, dont les 2/3 sont financés sur le lieu de vente par un crédit affecté ; plus de 50 % des ventes de véhicules d'occasion se font également à crédit 16 ( * ) ;

- le crédit renouvelable finance 40 % du chiffre d'affaires de la vente par correspondance (VPC), 25 % de celui de la distribution spécialisée 17 ( * ) , 10 % de celui des grands magasins et 5 % de celui des hypermarchés 18 ( * ) .

B. ... MAIS UNE MARGE DE RECOURS AU CRÉDIT QUI DEMEURE IMPORTANTE ...

1. Des ménages relativement peu endettés en France...

Alors qu'elle contribue à hauteur de 15 % au PIB européen , la France représenterait 12 %19 ( * ) du marché du crédit à la consommation dans l'Union européenne. Ce décalage se retrouve aussi bien dans les niveaux relatifs de l'épargne et du taux d'endettement général des ménages que dans la mesure du recours au crédit à la consommation.

a) Un recours au crédit dynamique mais comparativement modéré...

Le décalage précité se retrouve d'abord dans le taux d'épargne des ménages 20 ( * ) français, situé à environ 16 % . Dans la période récente, une diminution sensible du taux d'épargne a pu être constatée au sein de la plupart des grands pays de l'OCDE , mouvement dont la France est un des rares pays à s'être tenu à l'écart , comme en témoigne le graphe suivant retraçant le taux d'épargne net 21 ( * ) des ménages depuis 1993.

De 2001 à 2007, le taux d'épargne des ménages a diminué de 1,5 point dans l'Union européenne à 27 (de 12,4 % à 10,8 %), alors que celui de la France est resté proche de 15,5 % en moyenne annuelle. Aujourd'hui, ce niveau apparaît élevé par rapport aux principaux partenaires européens ; légèrement inférieur à celui de l'Allemagne 22 ( * ) (16 %), il est supérieur à celui observé en Italie (14 %), en Espagne (10 %) et, bien sûr, au Royaume-Uni (2,5 %). Les taux d'épargne relevés aux Etats-Unis, au Japon ou au Canada se révèlent également très faibles.

Or, le taux d'épargne décrit un « flux » annuel auquel, à terme, est corrélé négativement le taux d'endettement des ménages 23 ( * ) . Il ressort que l'endettement des Français est en augmentation depuis la fin des années quatre-vingt-dix :

Mais les Français apparaissent comme sensiblement moins endettés que les autres Européens, qui ont connu une nette accélération de leur endettement. Le taux d'endettement des ménages français , qui s'élève, selon la Banque de France, à 74,6 % de leur revenu disponible brut (soit environ 50 % du PIB) à fin 2008, est par exemple inférieur à celui des ménages allemands ainsi qu'à ceux appartenant à la zone euro dans son ensemble, qui ressort à 90 % du revenu disponible.

b) ...particulièrement pour ce qui concerne le crédit à la consommation

Le compartiment du crédit à la consommation représente 1/6 de l'encours de crédits aux ménages, dont les 3/4 sont composés de crédits immobiliers. A la fin mars 2009, l'encours des crédits aux ménages représentait 956 milliards d'euros, dont 713 milliards pour les prêts immobiliers et 155 milliards d'euros pour les crédits à la consommation . Son essor s'est trouvé, de même, relativement soutenu au cours de ces dix dernières années, quoique dans une moindre mesure que le crédit au logement, ainsi que le graphe suivant permet de le constater :

Un léger retournement a pu être observé au cours de l'année 2008 sous l'effet du développement de la crise financière et de sa diffusion à l'économie réelle 24 ( * ) .

Comme pour leur endettement général, l'endettement des ménages français lié au crédit à la consommation demeure en-dessous de la moyenne de l'UE . Certes, pour l'encours total de crédit à la consommation, la France arrive en troisième position, derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne, mais en termes d'encours par habitant, la France atteignait, fin 2007, 2 160 euros, soit un niveau inférieur à la moyenne de l'UE (2 320 euros par habitant), le Royaume-Uni et l'Irlande dépassant les 5 000 euros par habitant.

De même, le ratio national de l'encours de crédit à la consommation sur la consommation des ménages apparaît comparativement faible : ainsi, il s'élevait fin 2007 à 25,6 % au Royaume-Uni et à 23,3 % en Irlande, contre 13,1 % en France et, à l'autre bout du spectre, 9 % aux Pays-Bas et 10,4 % en Belgique.

Si la portée de ces ratios doit être relativisée 25 ( * ) , une approche dynamique ne met pas davantage en évidence un quelconque phénomène de rattrapage : l'encours des crédits à la consommation a crû en moyenne de 5,4 % par an en France de 2002 à 2007, contre plus de 6,5 % en moyenne dans l'UE. D'une façon générale, les flux d'endettement dans la période récente n'ont pas permis de rattraper le « retard » de la France en matière d'endettement sur la moyenne des autres pays européens.

2. ...où la distribution du crédit souffre plutôt d'un manque de fluidité

Défaut d'information, concurrence imparfaite et rationnement par les prix sont les principaux obstacles à une optimisation de la distribution du crédit ; dans cette problématique, la mise en place d'un fichier positif et le niveau des taux de l'usure constituent un enjeu important.

a) Des asymétries d'information qui freinent la distribution du crédit

Deux mécanismes opposés, associés à l'insuffisance d'informations, sont susceptibles de rendre le système bancaire sous-optimal dans sa fonction de distribution de prêts aux particuliers :

- l'absence de prêts, ou l'attribution de prêts à des taux trop élevés, si les prêteurs réagissent au défaut d'informations par une prudence excessive ;

- au contraire, la mise en force de prêts, ou l'allocation de prêts à des taux insuffisamment élevés, auxquels les prêteurs n'auraient pas consenti s'ils avaient disposé d'une information plus complète.

Dans le premier cas, le dynamisme de l'économie est bridé sans raison ; dans le second, des ressources sont allouées de façon inconséquente.

En France , le véritable enjeu économique d'une meilleure information des établissements de crédit n'est pas tant le risque que font porter au système bancaire les clients qui s'avèrent insolvables ( voir infra ) mais plutôt le risque d'une sous-distribution du crédit de la part de banques ou d'intermédiaires ne bénéficiant pas de toutes les informations nécessaires à l'octroi de certains prêts dont le montant apparaîtrait pourtant raisonnable au regard des revenus et des charges avérées du demandeur.

Quoi qu'il en soit, la capacité du secteur bancaire à exercer sa fonction de réduction d'ignorance est un enjeu important. Or, le secteur bancaire ne dispose pas de « fichier positif » , c'est-à-dire de fichier central recensant l'intégralité des crédits des emprunteurs 26 ( * ) .

Il apparaît ainsi 27 ( * ) que le secteur bancaire n'est pas mis dans les meilleures conditions pour accomplir sa mission de financement des ménages , même si les établissements financiers jugent qu'ils disposent déjà d'une très bonne information sur les clients qui s'adressent à eux.

Une information incomplète et néanmoins suffisante ?

Dans de nombreux cas, soit l'établissement prêteur tient le principal compte bancaire de l'intéressé, soit il s'agit, pour les plus grands établissements spécialisés de la « place », de clients qui peuvent être déjà connus de ces établissements ou auxquels, en tout état de cause, après consultation du FICP, des techniques sophistiquées de « scoring » sont appliquées pour évaluer la capacité et la volonté de remboursement de nouveaux crédits.

Il existe donc des fichiers clients internes aux principaux établissements de crédit. Les méthodes de scoring semblent globalement efficaces puisque le taux d'impayés est d'environ 2 %.

Source : Rapport Sénat n° 261 (2005-2006).

b) Une concurrence imparfaite

Ainsi que l'indique le Gouvernement 28 ( * ) , l'information sur les taux d'intérêt manque actuellement de clarté avec des publicités qui mettent parfois en avant des taux d'intérêt promotionnels (valables seulement pendant les premiers mois du crédit) attractifs affichés en gros caractères alors que le taux d'intérêt permanent figure en bas de page et en petits caractères.

D'une façon générale, les consommateurs peuvent rencontrer des difficultés pour se faire une idée du coût des crédits renouvelables à partir de l'information communiquée dans les publicités 29 ( * ) , d'autant plus que ces produits, souvent destinés à des emprunteurs ayant un revenu inférieur au revenu médian ( voir infra ), s'adressent donc des personnes disposant en moyenne d'un moindre bagage éducatif.

Dès lors, la concurrence entre établissements de crédit est faussée , aux yeux des emprunteurs, en raison d'une compréhension erronée des taux qu'ils pratiquent. En outre, ce défaut de concurrence se trouve accru entre établissements implantés ou non sur le marché national, car les prescriptions nationales sont loin d'être unifiées .

C'est pourquoi le renforcement de la concurrence transfrontalière constitue un enjeu majeur de la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs adoptée le 23 avril 2008, ce dont atteste le fait que certaines de ses dispositions doivent être transposées en l'état, notamment celles concernant le taux annuel effectif global, la liste des mentions obligatoires dans la publicité et la liste des informations précontractuelles (naturellement, ces transcriptions sont aussi de nature à renforcer la concurrence nationale).

En revanche, la directive ne prévoit pas l'instauration d'un fichier positif , alors que d'aucuns considèrent que son absence en France constitue un frein à la concurrence transfrontalière .

Fichier positif et concurrence

L'étude annexée à l'avis du CCSF de juillet 2004 souligne que les établissements de crédit voient notamment dans le fichier positif « une opportunité à moindres coûts pour de nouveaux entrants étrangers » .

Cette préoccupation peut être éclairée par les conclusions d'une étude de la Banque mondiale ( « Doing business in 2004, Understanding Regulation » ) citée dans le rapport de M. André Babeau sur le crédit à la consommation* : « La probabilité de fichiers nationaux résultant d'une initiative privée est plus faible dans les pays où le marché du crédit est concentré. Les prêteurs sont en effet moins enclins à partager l'information puisque cela se traduirait pour eux par la perte de l'avantage résultant du fait qu'ils connaissent leur clientèle ».

Dans l'état actuel des choses, chaque établissement bancaire dispose clairement d'une information sur ses clients supérieure à celle de ses concurrents.

* Rapport « Les Européens et leur épargne » - Economica, septembre 2001.

Source : Rapport Sénat n° 261 (2005-2006).

c) Le taux de l'usure : un compromis socio-économique probablement sous-optimal

Le rapport n° 261 (2005-2006) précité de notre collègue Joël Bourdin a souligné l'existence d'une probable corrélation entre la diffusion du crédit à la consommation dans la population et le niveau des taux-plafond pratiqués . Cette relation serait une relation de cause à effet : le plafonnement des « taux-clients » par les taux de l'usure contraindrait les offreurs à écarter du marché une proportion importante de la clientèle la plus risquée.

La réglementation sur l'usure pourrait ainsi, dans certaines configurations, empêcher les offreurs de couvrir le risque d'impayé associé à certaines clientèles, les moins solvables, pour lesquelles le taux de défaillance est relativement plus élevé.

Naturellement, cette approche strictement économique et sectorielle ne prétend pas entrer en concurrence avec une approche protectrice contre le surendettement. Au final, le seuil de l'usure est le résultat d'un compromis socio-économique tendant à ce que les taux-plafond soient à la fois :

- suffisamment élevés pour permettre aux emprunteurs offrant des garanties réduites d'accéder néanmoins au crédit, le prêteur étant rétribué à hauteur du risque encouru (pas de rationnement du crédit) ;

- suffisamment bas pour que les banques, faute de pouvoir se rétribuer à hauteur de risques élevés, ne prêtent pas aux emprunteurs les plus fragiles, dont la précarité se trouverait encore accentuée par un volume accru d'intérêts à rembourser.

Aujourd'hui, les modalités de détermination des seuils de l'usure ne semblent plus aboutir à un compromis satisfaisant : les prêts personnels, dont le taux de l'usure gravite autour de 10 %, font l'objet d'un rationnement évident tandis que certains crédits renouvelables sont habituellement consentis à des taux qui, supérieurs à 20 %, apparaissent élevés.

Dès lors, il semble nécessaire à votre rapporteur d'intervenir afin d'obliger le gouvernement à procéder aux ajustements qui s'imposent. Les motivations et les modalités de cette intervention seront détaillées et justifiées dans le commentaire de l'article 1 er A du présent projet de loi.

C. ...SOUS LA RÉSERVE DE CONTOURNER L'ÉCUEIL DU SURENDETTEMENT

Le surendettement n'est pas tant un problème macroéconomique qu'un problème pour les ménages.

1. Les risques macroéconomiques d'un crédit aux ménages excessif a priori écartés en France

a) Un risque systémique écarté...

La crise des subprimes a montré les difficultés auxquelles conduit un crédit excessif assorti de taux parfois très élevés, non seulement aux Etats-Unis, mais encore au Royaume-Uni. La France fait partie des pays 30 ( * ) déterminant un « taux de l'usure » au-delà duquel aucun organisme financier ne peut consentir de prêt.

L'existence d'un plafonnement légal des taux y rend impossible l'équilibre de l'activité « subprime », qui suppose de couvrir un risque très élevé par un taux très élevé (puis, le cas échéant, de chercher à évacuer le risque grâce au mécanisme de la titrisation...).

D'une certaine façon, la législation sur l'usure marque une « préférence » pour l'exclusion du crédit sur une tarification proportionnelle au risque, jugée macroéconomiquement dangereuse et, surtout, individuellement exagérée et propice au surendettement.

De fait, dans la première phase de la crise financière, des banques françaises se sont trouvées en difficulté à cause de leurs investissements en titres ou de leurs engagements vis-à-vis de certaines structures ou organismes financiers, et non du fait de problèmes de remboursement des encours de prêts accordés aux ménages.

On doit remarquer ici que si les bilans bancaires semblent globalement immunisés contre les risques d'un excès de crédit aux ménages, les actifs titrisés correspondant à des crédits accordés à des ménages non-résidents n'ont pas la même solidité. Dans un monde financier globalisé, la protection contre le surendettement dans un pays limite les risques correspondants mais pas les autres risques que cette protection peut inciter, au contraire, à développer inconsidérément.

Quoi qu'il en soit, le cantonnement du surendettement à des proportions macroéconomiquement réduites et, concernant les prêts immobiliers, le faible recours aux emprunts à taux variable 31 ( * ) et le contrôle de la capacité d'endettement, expliquent cette faible exposition.

b) ...sans exclure que certains établissements spécialisés dans le crédit renouvelable ou le rachat de crédit ne puissent se trouver exposés

Avec l'allongement des durée d'amortissement des « créances revolving » ( voir infra ), les clients reconstituent très lentement leur capacité d'endettement et un nombre croissant d'entre eux seraient actuellement poussés à cumuler les crédits renouvelables jusqu'à ne plus pouvoir honorer leurs échéances. Dès lors, et pour la première fois, le risque pour les établissements augmenterait sur des « clients revolving » ayant une ancienneté supérieure à trois ans, ce qui serait susceptible de compromettre sérieusement le « business model » du crédit renouvelable 32 ( * ) . Ce phénomène pourrait se conjuguer avec la crise pour renforcer sensiblement celui du surendettement (voir encadré infra ).

Par ailleurs, certains établissements de crédit effectuant des rachats de prêts ont un comportement moins prudent que par le passé. Ces rachats étaient traditionnellement effectués sur la base de prêts personnels d'une durée d'environ cinq ans car le risque augmente ensuite fortement, les personnes concernées étant, à la longue, enclines à contracter des prêts nouveaux. Dorénavant, les plans d'amortissement de ces prêts personnels excèdent fréquemment cette durée car les établissements spécialisés n'ont souvent d'autre possibilité, afin de conserver leur position sur le marché, que de procéder eux-mêmes à des rachats et sur des durées suffisamment longues pour proposer des mensualités attractive.

2. La nécessité microéconomique d'encadrer un système de crédit présentant une tolérance naturelle au surendettement

a) La rationalité à l'oeuvre chez les vendeurs de crédits renouvelables...

Le taux de l'usure est insuffisamment élevé pour permettre aux banques d'accorder des prêts immobiliers à des catégories d'emprunteur « à risque » ou à faible potentiel . En, revanche, pour ce qui concerne les crédits à la consommation, et particulièrement les crédits renouvelables , ces catégories d'emprunteurs sont acceptées et même sollicitées dans la mesure où les risques individuels sont plus faibles (moindre volume d'emprunt), les durées plus courtes, les taux d'intérêts moyens plus élevés, tandis que les échéanciers des crédits « revolving » privilégient le paiement d'intérêts au remboursement du capital.

Principales données concernant le crédit renouvelable à fin 2007


• Nombre de comptes de crédit renouvelable ouverts et déclarés par les prêteurs : 43,2 millions


• Nombre de comptes de crédit renouvelable actifs : 20 millions, soit 46 % des comptes


• Nombre de ménages qui déclarent rembourser un crédit renouvelable : 2,3 millions de foyers, soit 9 % d'entre eux 33 ( * )


• Nombre de comptes de crédit renouvelable actifs par foyer : 8 34 ( * )


• Proportion des crédits à la consommation : 21 % du volume total sont des crédits renouvelables (60 % sont des prêts personnels et 19 % des crédits affectés ; les crédits non affectés représentent donc 81 % du volume total des crédits à la consommation)


• Fonctionnement :

- aux 3/4 avec une carte privative (prédominance des distributeurs au sens large)

- 13,8 % sans carte

- 10,4 % avec une carte bancaire 35 ( * )


• Ancienneté du portefeuille de comptes de crédit :

- comptes ouverts depuis plus de 5 ans : > 50 %

- comptes ouverts depuis plus de 3 ans : près des 2/3


• Taux d'ouverture (nombre d'ouvertures effectives de compte de crédit renouvelable / nombre de demandes d'ouverture) : 55 % (64 % pour les banques hors établissements spécialisés)


• 54 % des ouvertures de compte s'effectuent sur le lieu de vente


• 82 % de l'encours de crédit renouvelable est porté par des établissements spécialisés, 18 % par des banques 36 ( * )

Source : Rapport Athling

La part des crédits renouvelables représente désormais ( 2007 ) 21 % du total de l'encours des crédits à la consommation des ménages. Si cette part, qui représentait 27 % des encours en 1993 37 ( * ) , a depuis diminué , cette présentation mise en avant par le rapport « Athling » ne doit pas occulter que, sur un encours total en forte augmentation relative - il est passé de 7,9 % du revenu disponible en 1993 à 11 % en 2007 38 ( * ) - l'encours des crédits renouvelables, lui, n'a pas baissé en proportion du revenu disponible 39 ( * ) . A la fin 2007, il s'élèverait ainsi, toujours selon le rapport Athling, à 32,7 milliards d'euros .

Du reste, la France apparaît, en proportion, moins « en retrait » pour le crédit renouvelable que pour le crédit à la consommation .

Quelle que soit l'empreinte macroéconomique du crédit renouvelable, il se trouve que chaque dossier de surendettement comporte en moyenne cinq comptes de ce type de crédit , par ailleurs présents dans 85 % des dossiers, ce qui est préoccupant.

Compte tenu des volumes en jeu, le système en place peut s'avérer collectivement rentable pour les organismes prêteurs, ces derniers anticipant un « taux de perte » qu'ils jugent supportable, mais qui se concrétise par autant de situations difficiles pour les emprunteurs concernés, qu'il convient absolument de leur éviter. Ainsi, 90 % des crédits sont recouvrés sans incidents. L'Association française des sociétés financières (ASF) estime à 8 % les incidents résolus en moins de 60 jours, seuls 2 % des dossiers posant réellement problème 40 ( * ) . Comme en témoigne le tableau ci-après, cette quotité apparaît comparativement très faible, ce dont il convient de se féliciter.

LE SURENDETTEMENT 41 ( * ) DANS LES PAYS EUROPÉENS

SELON LES DÉFINITIONS NATIONALES

Source : Conseil de l'Europe 42 ( * ) ., Conseil économique et social (rapport présenté en 2007 par Mme Pierrette Crosemarie : « Le surendettement des particuliers » )

Or, la marge de manoeuvre des organismes de crédit sur le surendettement des ménages français concerne essentiellement le surendettement dit « actif », défini par une accumulation exagérée de crédits résultant du comportement même de la personne surendettée. Les établissements de crédit, particulièrement pour ce qui concerne le crédit renouvelable, pourraient exercer une vigilance renforcée sur la capacité d'emprunt de leurs clients. Y ont-ils intérêt ?

L'enquête typologique sur le surendettement en 2007, réalisée en septembre 2008 par la Banque de France, montre que les situations de surendettement dit « passif », c'est-à-dire engendrées par une diminution des ressources consécutive à un « accident de la vie » (perte d'emploi, maladie, divorce...), demeurent largement majoritaires et se trouvent même en augmentation, correspondant désormais à 75 % des cas de surendettement 43 ( * ) .

Le surendettement « actif » ne représenterait donc que 0,5 % des dossiers, soit in fine une quotité de perte négligeable pour les organismes prêteurs qui pourraient tolérer, si l'on en juge par les exemples étrangers, des taux de défaut pour cause de surendettement bien plus élevés, surtout si les taux d'intérêt peuvent s'ajuster au risque 44 ( * ) .

b) ...et chez certains consommateurs...

Les consommateurs les moins responsables ou dont les besoins sont les plus urgents ont pour objectif immédiat d'optimiser le rapport entre le montant du crédit obtenu et les mensualités de remboursement, sans accorder une attention suffisante à la durée de remboursement . Le moins qu'on puisse dire est que les publicités et les pratiques des établissements de crédit ne les dissuadent pas d'adopter une telle approche.

Pour augmenter leurs encours de crédit renouvelable, les établissements spécialisés , au tournant des années 2000, ont modifié leur stratégie en visant moins l'augmentation de la production de nouveaux crédits que la diminution de l'amortissement des crédits en cours . En 2000, pour 1 000 euros empruntés, la mensualité était généralement de 50 euros par mois. Puis un premier établissement a eu l'idée de ramener cette mensualité à 40 euros avec tel un succès commercial qu'aujourd'hui, les établissements de crédit en sont arrivés à pratiquer des mensualités de 30 euros pour 1 .000 euros empruntés. Les durées d'amortissement s'en sont trouvées très fortement augmentées .

Facteur aggravant, de 2003 à 2005, l'Euribor ( voir supra ) était stabilisé autour de 2 %, niveau historiquement bas, mais, à partir de 2005, les taux ont augmenté si bien que les durées d'amortissement se sont sensiblement accrues 45 ( * ) . Par ailleurs, les assurances, quoique facultatives, sont assez généralement contractées et leur souscription est sans incidence sur le montant des mensualités proposées dont la composante en capital amorti est diminuée d'autant, ce qui allonge encore la durée.

Ainsi, en 2000 , pour un prêt de 1.000 euros remboursé au rythme mensuel de 50 euros à un TEG d'environ 19 % et avec un taux d'assurance de 0,5 % mensuel, la durée d'amortissement était de 26 mois et le coût du crédit (cumul des intérêts payés) de 279 euros ; en 2009 , pour un même prêt de 1 000 euros remboursé au rythme mensuel de 30 euros à un TEG de 21,4 % et avec un taux d'assurance de 0,6 % mensuel, la durée totale d'amortissement est passée à 62 mois et le coût à 835 euros ; avec une « échéance Jocker » par an, qui permet de « sauter » une mensualité, par exemple au moment des congés, pratique de plus en plus courante et parfois imposée à l'emprunteur sauf manifestation de volonté contraire, la durée précitée est portée à 79 mois et le coût du crédit atteint presque le montant du capital emprunté ...

Cet allongement démesuré des durées d'amortissement est doublement néfaste : non seulement il porte un préjudice évident aux consommateurs , mais il abouti aussi à un résultat macroéconomique inverse de celui attendu du crédit . En effet, les emprunteurs concernés sont condamnés à payer trop longtemps des intérêts, ce qui obère à moyen terme leur capacité de consommer, même si les encours concernés sont encore trop faibles pour être susceptibles de peser significativement sur la croissance 46 ( * ) .

c) ...doit être contrée par une protection accrue

Un critère souvent évoqué pour caractériser le surendettement est celui du dépassement d'une quotité de charge de remboursement excédant le tiers des ressources disponibles. Le récent rapport de Mme Pierrette Crosemarie consacré au surendettement au nom du Conseil économique et social indique que si 1,135 million de personnes seraient alors concernées, plus de la moitié des ménages ayant un taux d'effort supérieur à 30 % déclarent s'en sortir. Il rappelle en outre que la prise en compte du logement pose problème puisqu'à charge égale, les remboursements d'emprunts des propriétaires sont comptabilisés alors que les loyers des locataires ne le sont pas.

Pour sa part, l' Observatoire de l'endettement des ménages préfère croiser trois critères pour déceler les ménages « fragiles » : le dépôt d'un dossier de surendettement ; une situation telle que les dettes sont inévitables ; des charges trop élevées par rapport aux ressources. Ces ménages représenteraient 4,2 % de l'ensemble des ménages, soit près d'un million .

D'après les derniers chiffres issus des commissions de surendettement (mars 2009), qui constituent une autre source d'information, 726.000 ménages se trouvent en cours de « désendettement » . Mais avec la crise, le phénomène serait entré dans une phase d'expansion nouvelle .

Les dernières statistiques des commissions de surendettement

Le nombre total de dossiers déposés auprès des secrétariats des commissions de surendettement d'avril 2004 à mars 2009 s'est élevé à près de 932.000, soit en moyenne à 186.400 par an. Sur douze mois glissants, le nombre de dossiers déposés est en hausse de 8 %. En données cumulées depuis le début de l'année 2009, le nombre de dépôts s'inscrit en hausse de 16 % par rapport à la période correspondante de l'exercice précédent.

Depuis avril 2004, plus de 784.000 dossiers ont été déclarés éligibles aux procédures légales de traitement du surendettement, c'est-à-dire ont été considérés comme présentant un niveau d'endettement manifestement excessif au regard des capacités de remboursement des ménages considérés. Sur la même période, près de 455.000 plans conventionnels de règlement ont pu être conclus entre les débiteurs et leurs créanciers, tandis que, dans les cas où aucune solution amiable n'a pu être trouvée, près de 158.000 recommandations ont été homologuées par les autorités judiciaires. Plus de 130.000 dossiers ont été orientés vers la procédure de rétablissement personnel avec l'accord des débiteurs concernés ; sur les douze derniers mois, les orientations vers cette procédure représentent environ 22 % des dossiers recevables.

Au total, le nombre de ménages en cours de « désendettement », c'est-à-dire ayant bénéficié ou étant sur le point de bénéficier d'une mesure destinée à remédier à leur état de surendettement, peut être évalué à environ 726.000 à la fin du mois de mars 2009.

L'endettement moyen par dossier est, à la fin mars 2009, de l'ordre de 39.500 euros.

L'endettement résultant de crédits immobiliers, présents dans 9 % des dossiers, est, en moyenne dans ces dossiers, d'environ 80 200 euros. S'agissant des crédits à court terme, les montants moyens des engagements des surendettés s'élèvent à 17.600 euros pour les crédits assortis d'une échéance (prêts personnels, crédits affectés...), qui figurent dans 54 % des dossiers, et à 19.900 euros pour les crédits non assortis d'une échéance (crédits non affectés, renouvelables ou permanents, réserves de crédits...), présents dans 85 % des dossiers.

Source : Banque de France - Baromètre du surendettement - Avril 2009

D'après le cabinet Athling Management , le coût du  « risque client » pourrait augmenter de 50 % en 2009 47 ( * ) en raison d'un relèvement durable du taux de défaut engendré par l'augmentation du chômage.

Quoi qu'il en soit, la faiblesse intrinsèque du nombre de personnes surendettées en France ne doit pas occulter la « zone grise » formée par les ménages qui, sans être forcément confrontés à de graves difficultés, estiment néanmoins leur endettement excessif au regard de leurs ressources , et pourraient juger qu'ils n'ont pas été mis en mesure d'évaluer précisément les implications des obligations contractées.

Si 50,9 % des ménages jugent leurs charges supportables ou très supportables, 15,4 % considèrent ainsi que leurs charges sont trop ou beaucoup trop élevées 48 ( * ) , ce qui constitue une proportion sans commune mesure avec celles avancées pour le surendettement stricto sensu.

En affinant l'analyse, on s'aperçoit que le nombre de ménages estimant que le poids de leurs charges est « beaucoup trop élevé » marque, depuis 20 ans, une forte progression chez les ménages bénéficiant de crédits à la consommation, évolution que souligne le graphe suivant.

Comme le rappelle le rapport du Conseil économique et social précité, « de nombreuses études indiquent clairement que la très grande majorité des personnes qui utilisent le crédit à la consommation à des taux élevés pour faire face à des carences ou des fluctuations de ressources s'acquittent de leur dette, certes au prix fort, mais elles remboursent. Les banques et les établissements financiers ont donc largement intérêt à la distribution de ce type de crédit , même s'ils s'en défendent, arguant d'un taux moyen de refus avoisinant 30 % des cas .

« Si le prêteur n'a en effet aucun intérêt à ce que ses clients se retrouvent en situation de surendettement, l'utilisation de ce type de crédit, dans les cas de difficultés financières, est très rentable ».

Un des objectifs centraux de la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs adoptée le 23 avril 2008, que le présent projet de loi s'attache à transposer, consiste à favoriser une distribution responsable du crédit au travers d'un devoir d'explication et d'évaluation de la solvabilité du consommateur pesant sur le prêteur..

L' assurance pourrait avoir un rôle à jouer dans la prévention des risques qui engendrent les situations d'endettement passif, par exemple en généralisant la couverture du risque de perte d'emploi ou en étendant le champ de l'assurance au « risque » de divorce.

Par ailleurs, un abaissement du taux de l'usure , susceptible de diminuer certaines échéances ou de dissuader les prêteurs sur les dossiers les plus difficiles, pourrait aussi aller dans le sens d'une protection accrue du consommateur, tandis qu'un amortissement minimum redonnerait du sens au crédit, dont l'objet est bien de conférer du pouvoir d'achet et non d'en ôter.

Toutefois, dans l'intérêt du consommateur, une certaine forme de « droit au crédit » devrait être également protégée. Dès lors, il semble que toute réflexion sur l'abaissement du seuil de l'usure devrait logiquement s'accompagner, en parallèle, d'une réflexion sur des formules renouvelées d'accès au crédit telles que le microcrédit personnel , dont l'objectif est précisément de renouer les liens entre la banque et les publics qui en ont été exclus.

II. LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AU CRÉDIT : UN DROIT RELATIVEMENT RÉCENT EN MUTATION CONSTANTE

A. UNE LÉGISLATION AYANT UN DOUBLE OBJET : L'ENCADREMENT DE LA DÉLIVRANCE DU CRÉDIT ET LE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT

1. L'encadrement du crédit accordé au consommateur

Longtemps considéré avec circonspection en France, le crédit à la consommation y a pris son essor à compter des années 1950. L'entrée de l'économie française dans la période des « Trente glorieuses » a en effet développé la consommation des ménages qui, lorsqu'ils ne disposaient pas immédiatement des fonds nécessaires pour acheter des biens, ont, de plus en plus, recouru à la facilité du crédit.

Or, le recours au crédit n'est pas sans risque pour l'emprunteur. Outre les difficultés qu'il peut avoir à rembourser le capital emprunté, il peut devoir faire face -selon les termes du contrat- à de lourds intérêts. Si le prêt sans intérêt se pratique dans la sphère familiale, il est évidemment absent de la sphère commerciale : il est de l'essence de l'établissement de crédit de se rémunérer sur le capital prêté, tout en se préservant des risques de défaillance de l'emprunteur.

Si l'opération de crédit présente par elle-même toujours un risque -partagé par le prêteur tout comme l'emprunteur -, celui-ci est en outre accentué par la multiplicité des types et des modalités de prêts qui peuvent être proposés aux consommateurs.

La doctrine a tenté de répartir les opérations de prêt à la consommation en différentes catégories. M. Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, entendu par votre rapporteur, a rappelé que les prêts consentis par les établissements de crédit pouvaient revêtir les formes suivantes :

- celles de ventes à crédit , dans lesquelles le paiement de tout ou partie du prix est différé dans le temps mais s'effectue en une seule fois ;

- celles de ventes à tempérament , qui permettent un paiement du prix échelonné dans le temps, l'acheteur remboursant par mensualités un organisme de crédit qui a versé, à sa place, le prix de la marchandise ;

- celles de contrats de location-vente , dans lesquels le consommateur n'est pas propriétaire du bien qu'il utilise mais s'engage à l'acheter à la fin du contrat, les loyers payés venant, totalement ou partiellement, en déduction du prix de vente ;

- celles de contrats de location avec option d'achat (encore appelés leasing ou LOA), qui offrent au consommateur, simple locataire du bien, la faculté d'acheter ce bien en cours de contrat ou à la fin de celui-ci, moyennant une somme déterminée dans le contrat ;

- celles des prêts personnels , qui constituent des prêts d'argent sans affectation particulière ;

- celles des ouvertures de crédit , qui peuvent s'analyser en des promesses de fournir un prêt, à une date ou à raison d'un évènement déterminé ;

- celles des découverts , qui sont des autorisations données aux clients d'établissements de crédit, par ces établissements de crédit eux-mêmes, d'utiliser leur compte bancaire au-delà de son montant effectif ;

- celles, enfin, des crédits renouvelables ou permanents (encore qualifiés de crédits revolving ), qui s'analysent en des lignes de crédit se renouvelant au fur et à mesure des remboursements.

La multiplicité des dispositifs issus de la pratique commerciale des établissements de crédit et le développement des contrats d'adhésion - dont le consommateur n'est pas en mesure de négocier les termes mais n'a que la possibilité de l'adopter ou de le rejeter en bloc - a fait apparaître que la simple application des dispositions générales du code civil relatives à la formation et à l'exécution des contrat ainsi qu'aux prêts d'argent n'était pas suffisante pour assurer une protection adéquate des consommateurs.

Le choix a ainsi été fait, à la fin des années 1970, d'instaurer un cadre juridique spécifique qui assure un meilleur encadrement de la distribution du crédit à la consommation.

2. L'accompagnement des particuliers surendettés

Le surendettement se caractérise par l'existence de dettes d'un montant supérieur aux ressources du débiteur et que ce dernier ne peut donc pas payer.

Il est souvent présenté comme le corollaire du crédit à la consommation, ou plutôt de son utilisation abusive. Néanmoins, celle-ci n'en est pas, loin de là, la seule cause.

Comme l'expose l'étude typologique sur les situations de surendettement conduite par la Banque de France en septembre 2007, dans 75 % des dossiers de surendettement, l'origine du surendettement n'est pas constituée par un excès de crédits mais par ce qu'il est convenu d'appeler des « accidents de la vie », c'est-à-dire des changements brutaux du mode de vie de personnes qui les entraînent dans des difficultés financières dont elles peinent à se relever. Ainsi, la perte d'un emploi constitue le facteur dominant (32 %) à l'origine des situations de surendettement à côté du divorce, de la séparation ou du décès du conjoint (17 %).

Origine du surendettement

Origine du surendettement

Part dans l'ensemble des dossiers (actif + passif)

2001

2001

2004

2004

2007
Population totale

2007
Echantillon procédure de rétablissement personnel

ACTIF

Trop de crédit

19,4

36,4

14,6

27,1

13,6

25,4

5,4

11,7

Mauvaise gestion0

7,7

6,4

6,0

2,4

Logement trop onéreux

3,1

1,2

1,2

0,9

Excès de charges

2,2

1,4

1,3

1,0

Autres

4,0

3,5

3,3

2,0

PASSIF

Licenciement/chômage

26,5

63,6

30,8

72,9

31,8

74,6

32,0

88,3

Séparation/divorce

15,5

14,7

14,7

14,5

Maladie/accident

9,1

10,8

11,3

18,8

Baisse des ressources

6,9

6,2

6,2

7,3

Décès

2,5

2,4

2,5

3,6

Autres

3,1

8,0

8,1

12,1

TOTAL

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Etude typologique 2007 - Banque de France

En outre, le surendettement ne se concrétise pas seulement par l'impossibilité de rembourser des crédits. Il se traduit également par des arriérés de charges courantes dans 87 % des dossiers, essentiellement afférentes au logement (loyer, électricité, gaz...), dont le poids s'est alourdi dans les dernières années.

Évolution de l'endettement des dossiers soumis aux commissions de surendettement

Fin 2006

% de dossiers contenant ce type de dettes

Fin 2007

% de dossiers contenant ce type de dettes

Fin 2008

% de dossiers contenant ce type de dettes

Fin 2009

% de dossiers contenant ce type de dettes

Endettement moyen par dossier (en €)

35 685

32 899

38 484

39 529

Prêts immobiliers (en €)

58 472

7

59 723

7

76 914

8

80 205

9

Crédits assortis d'une échéance (en €)

16 747

45

14 957

42

17 576

52

17 593

54

Crédits non assortis d'une échéance (en € )

20 013

82

19 017

86

19 861

84

19 942

85

Source : DGTPE

L'endettement bancaire ou financier est cependant souvent prédominant : dans plus de six dossiers sur dix, les encours de cette nature représentent au moins 75 % de la totalité des dettes .

Les crédits à court terme non assortis d'une échéance représentent une proportion inchangée (70 %) de l'ensemble des crédits dénombrés dans les dossiers. Les crédits assortis d'une échéance représentent, quant à eux, un peu plus de 26 % de cet ensemble, le solde étant constitué de crédits immobiliers, professionnels ou divers.

Paradoxalement, les crédits à la consommation peuvent en effet en pratique contribuer à aggraver des situations financières déjà difficiles . Les auditions des associations représentatives des consommateurs conduites par votre rapporteur ont ainsi clairement mis en évidence un effet « réflexe » chez de nombreux consommateurs en difficulté, de contracter des crédits à la consommation ou d'utiliser des réserves de crédit renouvelable dans l'espoir de « passer un cap difficile » et de surmonter des difficultés jugées passagères afin de faire face à des échéances urgentes.

L'endettement des particuliers en mars 2009

Selon les statistiques de la Banque de France résultant de l'activité des commissions de surendettement, l'endettement moyen par dossier est aujourd'hui de 39.500 euros.

Par catégories de crédits, la situation d'endettement est la suivante :

- l'endettement résultant de crédits immobiliers, présents dans 9 % des dossiers, est, en moyenne dans ces dossiers, d'environ 80.200 euros ;

- les montants moyens des engagements des surendettés du fait de crédits à court terme s'élèvent :

- à 17.600 euros pour les crédits assortis d'une échéance (prêts personnels, crédits affectés...), qui figurent dans 54 % des dossiers ;

- à 19.900 euros pour les crédits non assortis d'une échéance (crédits non affectés, renouvelables ou permanents, réserves de crédits...), présents dans 85 % des dossiers.

L'aggravation des situations de surendettement à compter de la fin des années 1970 a conduit le législateur à proposer la mise en place de « procédures de traitement » dont la vocation est d'accompagner les personnes surendettées vers la voie du redressement financier.

B. DES DISPOSITIFS JURIDIQUES EN MUTATION PERMANENTE

1. Une loi fondatrice en 1978 pour l'encadrement de l'octroi de crédits au consommateur, ponctuellement modifiée

La loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit -dite loi Scrivener - constitue l'acte fondateur de l'encadrement de l'octroi de crédits aux particuliers.

Elle a mis en place un certain nombre de règles protectrices du consommateur, destinées à garantir son consentement éclairé lors de la conclusion de contrats de prêts . Ses dispositions, aujourd'hui reprises au sein du code de la consommation, ont défini les règles les plus essentielles en la matière :

- la création d'un régime de publicité protecteur du consommateur, en imposant notamment la mention du taux effectif global du crédit et des perceptions forfaitaires éventuellement demandées par l'établissement de crédit ;

- l'obligation d'une remise au consommateur d'une offre préalable de crédit , répondant à un modèle type et engageant le prêteur pour une durée minimale de quinze jours à compter de son émission ;

- l'institution d'un droit de rétractation au profit du consommateur, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation de l'offre.

Le contrat de crédit à la consommation étant le plus souvent contracté par les particuliers à l'occasion de l'achat d'un bien ou d'une prestation de service, la loi Scrivener a également entendu créer un lien juridique entre les obligations du consommateur au titre du contrat de crédit et la livraison effective du bien ou l'exécution effective de la prestation financée.

A ce titre, elle a prévu :

- l'interdiction de la perception par le vendeur ou le prestataire d'un paiement tant que le contrat de crédit n'a pas été définitivement conclu ;

- l'encadrement des frais et pénalités en cas de remboursement anticipé du prêt ou de défaillance de l'emprunteur.

Ces dispositions protectrices du consentement du consommateur ont, depuis lors, fait l'objet d' aménagements ponctuels .

La loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l'information et à la protection des consommateurs ainsi qu'à diverses pratiques commerciales a apporté quelques modifications ponctuelles à ce régime, en renforçant notamment le contenu des obligations informatives devant figurer dans les publicités en matière de crédit.

A l'initiative du Sénat, la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière a, quant à elle, renforcé les garanties en matière de publicité relative au crédit en imposant que toute publicité ait un caractère loyal et informatif . Désormais, il est notamment interdit, dans toute publicité et quel que soit le support utilisé, d'indiquer qu'un prêt peut être octroyé sans élément d'information permettant d'apprécier la situation financière de l'emprunteur, ou de suggérer que le prêt entraîne une augmentation de ressources ou accorde une réserve automatique d'argent immédiatement disponible, sans contrepartie financière identifiable. Par ailleurs, l'offre préalable de crédit doit être distincte de tout support ou document publicitaire.

Cette même loi a prévu qu'en matière de crédit renouvelable, l'emprunteur peut s'opposer aux modifications proposées par l'établissement de crédit, par le biais d'un bordereau-réponse et jusqu'au moins vingt jours avant la date d'effectivité des modifications proposées. En cas de refus des nouvelles conditions, l'emprunteur est tenu de rembourser aux conditions antérieures le montant de la réserve d'argent déjà utilisé, sans pouvoir toutefois utiliser à nouveau l'ouverture de crédit.

La loi de 2003 a enfin contraint le prêteur à adresser à l'emprunteur, mensuellement et dans un délai raisonnable avant la date de paiement, un état actualisé de l'exécution du contrat de crédit , faisant clairement référence à l'état précédent et précisant un certain nombre d'informations.

Plus récemment, la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance du consommateur a modifié certaines dispositions relatives au crédit renouvelable et au crédit gratuit. Afin de mieux encadrer le crédit renouvelable , elle a ainsi prévu :

- que l'emprunteur peut demander à tout moment la réduction de sa réserve, la suspension de son droit à l'utiliser ou la résiliation de son contrat ;

- que si, pendant trois années consécutives, le contrat d'ouverture de crédit ou tout moyen de paiement associé n'ont fait l'objet d'aucune utilisation, le prêteur qui entend proposer la reconduction du contrat doit adresser à l'emprunteur, à l'échéance de la troisième année, un document annexé aux conditions de cette reconduction rappelant l'identité des parties, la nature de l'opération, le montant du crédit disponible, le taux annuel effectif global ainsi que le montant des remboursements par échéance et par fractions de crédit utilisées. A défaut pour l'emprunteur de retourner ce document, signé et daté, au plus tard vingt jours avant la date d'échéance du contrat, ce dernier est résilié de plein droit à cette date.

En outre, dans le but de libérer le crédit gratuit , cette loi a interdit toute publicité relative à une opération de crédit proposant une période de franchise de paiement de loyers ou de remboursement des échéances du crédit supérieure à trois mois, hors des lieux de vente. Elle a également imposé qu'une opération de crédit à titre onéreux proposée concomitamment à une opération de crédit gratuit ou promotionnel soit conclue dans les termes d'une offre préalable de crédit distincte.

Enfin, la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a encore renforcé la protection de l'emprunteur dans le cadre du crédit à la consommation :

- d'une part, en encadrant davantage la présentation des offres de crédit , en distinguant selon que le taux d'intérêt est fixe ou variable 49 ( * ) ;

- d'autre part, en imposant au prêteur, dans le cadre d'un crédit à taux variable, de porter à la connaissance de l'emprunteur, une fois par an, le montant du capital restant à rembourser 50 ( * ) .

Mais le législateur est également intervenu afin de mettre en place des mécanismes de prévention du surendettement destinés à régler la situation des consommateurs ont déjà souscrit un ou plusieurs emprunts .

Absente de la loi du 22 janvier 1978, cette problématique a été abordée par la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 - dite loi Neiertz -, laquelle a institué un fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) 51 ( * ) .

Le FICP, tenu par la Banque de France, a une finalité tout à la fois informative et préventive en matière tant d'octroi de crédit que de surendettement, dès lors qu'il permet de répertorier, dans un fichier unique, les évènements suivants :

- les incidents de paiement dits « caractérisés » 52 ( * ) , constatés sur les crédits accordés à des personnes physiques pour le financement de besoins non professionnels ;

- les dossiers déposés auprès des commissions de surendettement ;

- les mesures conventionnelles et judiciaires de traitement des situations de surendettement, y compris, depuis 2003, les mesures de rétablissement personnel ;

- les jugements de faillite civile prononcés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

Au 31 décembre 2008, le FICP regroupait les données de 2.408.502 personnes , certaines d'entre elles pouvant être inscrites pour plusieurs causes - incidents de paiement et mesures de traitement du surendettement. Environ 77 % des personnes inscrites l'ont été au titre des déclarations d'incidents de paiement, et un peu plus d'un tiers au titre du surendettement .

Depuis son institution, le fonctionnement et l'utilité même du FICP ont fait l'objet de critiques tenant :

- d'une part, à son inadéquation par rapport aux causes réelles de l'endettement des particuliers ;

- d'autre part, au développement de moyens permettant de contourner les effets d'une inscription au travers de la contraction de nouveaux crédits par l'intermédiaire de membres de la cellule familiale du particulier ou de l'utilisation inadéquate du rachat de crédits ;

- enfin, à l'essor des crédits renouvelables.

Afin d'adapter le FICP à ce nouveau contexte, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a diligenté une mission commune de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de la Banque de France, laquelle a formulé, en avril 2008, plusieurs propositions de modifications .

Les recommandations de la mission de l'Inspection générale des finances
et de l'Inspection générale de la Banque de France sur le FICP

Outre des mesures relatives à la gestion du FICP par la Banque de France, à la transmission des informations ou à la consultation par les établissements de crédit, le rapport de la mission comporte plusieurs préconisations relevant du domaine de la loi :

- limiter à dix ans de la durée totale d'inscription au FICP ;

- prévoir la forclusion comme un motif de radiation anticipée du fichier ;

- prévoir les cas de radiation en cas de remboursement anticipé de l'intégralité des créances avant un effacement partiel ou en cas de clôture d'une procédure de rétablissement personnel avec extinction du passif ;

- supprimer l'impossibilité de procéder à un nouvel effacement dans un délai de huit ans pour des dettes similaires ;

- pour toute demande d'accès par écrit ou dans un comptoir de la Banque de France, délivrer par écrit l'information sur le fichage éventuel du demandeur. Alternativement, délivrer, le cas échéant, un état « néant » aux personnes non inscrites.

2. Plusieurs réformes d'ampleur des dispositifs de traitement des situations de surendettement

La mise en place de mécanismes juridiques destinés à lutter contre le surendettement des particuliers - lequel n'est pas exclusivement lié à l'octroi de crédits - s'est faite plus tardivement. Les dispositifs institués à partir de 1989 ont été, depuis vingt ans, largement modifiés.

La loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 , tout en créant un fichier recensant les incidents de paiement (FICP), avait institué une procédure collective tendant à traiter globalement la situation de surendettement des débiteurs . Cette procédure, administrative dans un premier temps, au stade de la recherche d'une solution amiable, devenait judiciaire dans un second temps, le juge pouvant imposer aux créanciers ainsi qu'au débiteur un plan de redressement comprenant notamment la possibilité de rééchelonner les dettes pour en permettre le remboursement.

Les limites du dispositif imaginé en 1989, à commencer par l'engorgement des juridictions chargées d'établir les plans de redressement, ont conduit le législateur à modifier le dispositif initial.

La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à la procédure civile , pénale et administrative a, en conséquence, scindé la procédure de surendettement en trois étapes, les commissions de surendettement jouant désormais un rôle central :

- une phase amiable, au cours de laquelle un plan de réaménagement des dettes du débiteur est établi par la commission, en accord avec les créanciers ;

- en cas d'échec du plan, une deuxième phase au cours de laquelle la commission formule des recommandations en vue de l'apurement du passif du débiteur ;

- une phase de contrôle juridictionnel, devant le juge de l'exécution, sur les décisions de la commission, le juge pouvant par ailleurs homologuer le plan de redressement ou rendre obligatoires les recommandations formulées par la commission.

Le dispositif imaginé visait donc uniquement à assurer le règlement des créanciers, le cas échéant sur la base d'un échéancier établi sur une durée relativement longue. Il ne prenait cependant pas en compte les hypothèses dans lesquelles le débiteur n'a aucune faculté de remboursement et pour lesquelles le recours à un échéancier est tout bonnement inutile .

Le législateur est, en conséquence, une nouvelle fois intervenu en 1998.

Outre la loi n° 98-46 du 23 janvier 1998 renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière, le législateur a adopté la loi n° 98-657 du 28 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions . Ce dernier texte traduit, pour la première fois, la réelle prise en compte de la situation des débiteurs dont la situation financière est définitivement obérée.

S'inspirant directement des préconisations d'un rapport d'information de notre collègue Jean-Jacques Hyest et de M. Paul Loridant relatif au surendettement 53 ( * ) , la loi du 28 juillet 1998 a en effet introduit la faculté pour la commission de surendettement qui constate l'absence, dans le patrimoine du débiteur, de ressources ou de biens saisissables de nature à permettre d'apurer tout ou partie de ses dettes -rendant ainsi inapplicables les mesures de recommandations susceptibles d'être prescrites-, de recommander la suspension de l'exigibilité de créances autres qu'alimentaires ou fiscales pour une durée maximum de trois ans. Lorsqu'à l'issue de ce moratoire, le débiteur reste insolvable, la commission peut recommander, par avis spécial et motivé, l'effacement total ou partiel des créances autres qu'alimentaires ou fiscales , aucun nouvel effacement ne pouvant cependant intervenir dans une période de huit ans pour des dettes similaires à celles ayant donné lieu à effacement 54 ( * ) .

Les commissions de surendettement ont eu, à plusieurs reprises, l'occasion de recommander la suspension de l'exigibilité des créances dans les hypothèses où il était manifeste que le débiteur ne pouvait faire face à son passif exigible ou à échoir, faute de ressources ou de biens saisissables. En revanche, l'effacement de créances, en application du dispositif ainsi décrit, n'était que rarement prononcé.

Néanmoins, au tournant des années 2000 , la physionomie du surendettement des particuliers a changé. Il est essentiellement devenu un surendettement « passif » alors qu'il se présentait jusqu'alors avant tout comme un surendettement « actif » caractérisé par un abus de crédit . Cette mutation de son visage rendait le dispositif de traitement des situations de surendettement imaginé en 1998 insuffisant pour les cas les plus obérés.

Pour faire face à ce nouveau contexte, le Gouvernement a, en 2003, souhaité introduire un autre mécanisme d'effacement des créances du débiteur coexistant avec la procédure des commissions de surendettement.

Afin d'adapter les dispositions du code de la consommation à l'évolution du surendettement, la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a ainsi modifié certains aspects ponctuels de la procédure suivie devant la commission de surendettement et créé une procédure nouvelle dite de « rétablissement personnel », inspiré de la procédure de faillite civile applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle depuis 1924.

Sur divers aspects, la loi a modifié le dispositif de traitement des situations de surendettement alors en vigueur.

Afin de renforcer les compétences juridiques et sociales des commissions de surendettement, elle a ainsi rendu obligatoire la participation d'un juriste et d'une personne qualifiée en économie sociale et familiale .

Elle a également modifié les modalités du calcul des facultés de remboursements du débiteur surendetté , afin que ne soient désormais plus prises en compte les prestations insaisissables, et a limité la durée du plan de redressement amiable à huit ans , sous réserve de son renouvellement pour deux années supplémentaires. En outre, elle a surtout permis l' effacement des dettes du débiteur ayant une nature fiscale ou parafiscale ou contractées envers les organismes de sécurité sociale .

Mais l'apport essentiel de la loi du 1 er août 2003 a cependant été la création d'une procédure de « rétablissement personnel » .

Définie aux articles L. 332-1 et suivants du code de la consommation, cette procédure est applicable aux particuliers surendettés dont la situation financière est totalement obérée et pour lesquels il serait vain de recourir au dispositif antérieur de traitement des situations de surendettement. Elle s'inspire du régime de « faillite civile » organisé par les articles 22 à 24 de la loi du 1 er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle 55 ( * ) .

Le nouveau visage du surendettement rendait en effet indispensable le recours à une procédure permettant d'offrir un « nouveau départ » aux particuliers dans l'impossibilité de faire face, dans un délai raisonnable, à leur passif en raison d'un accident de la vie.

En se dotant d'une procédure offrant aux particuliers la possibilité de voir leurs dettes effacées, la loi du 1 er août 2003 a permis d'apporter des solutions nouvelles aux situations de débiteurs tout en rapprochant le droit français de mécanismes prévus par les législations de plusieurs Etats étrangers 56 ( * ) .

Néanmoins, contrairement à la démarche suivie pour les commissions de surendettement, la procédure de rétablissement personnelle est une procédure exclusivement judiciaire , reposant sur le juge de l'exécution . Ce choix a été fortement inspiré par les dispositions régissant les procédures collectives, alors applicables aux commerçants, artisans et agriculteurs personnes physiques ainsi qu'à l'ensemble des personnes morales 57 ( * ) .

Dès mai 2004, MM. Jean-Louis Borloo et Dominique Perben, alors respectivement ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et ministre de la justice, avaient confié à M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation, le soin de présider un comité chargé d'« évaluer l'impact social et institutionnel de la procédure de rétablissement personnel » . Remis le 30 novembre 2005, le rapport établi par cette instance préconisait déjà certaines évolutions législatives ou réglementaires afin de lever les « difficultés d'ordre matériel et juridique » apparues après quelques mois d'application de la nouvelle procédure (voir encadré page suivante).

Les propositions de la commission de suivi de la loi du 1 er août 2003

Le rapport établi sous l'égide du président Guy Canivet a défini trente-et-une propositions, dont la plupart ont un caractère législatif :

- améliorer le statut des mandataires ;

- mieux distinguer le rétablissement personnel de la procédure « classique » de surendettement ;

- rendre facultatif le recours au moratoire sur le remboursement de certaines créances ;

- tirer les conséquences du refus du débiteur à l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel ;

- supprimer tout recours contre la décision de la commission de surendettement d'orienter le dossier en rétablissement personnel ;

- étendre le rétablissement personnel aux dettes professionnelles ;

- renforcer l'information des débiteurs lors de la saisine de la commission sur la possibilité qu'ils ont d'être entendus par celle-ci ;

- donner la possibilité de confier à un travailleur social le soin d'informer le débiteur et de solliciter son accord à l'ouverture de la procédure et limiter dans le temps le délai ouvert au débiteur pour donner son accord ;

- permettre au juge de soulever d'office la mauvaise foi du débiteur et relever d'office les moyens tirés du défaut de respect des dispositions protectrices du consommateur ;

- accorder au juge le droit d'obtenir communication de renseignements sur la situation du débiteur ;

- permettre au juge de prononcer la liquidation pour insuffisance d'actif lorsque le patrimoine saisissable du débiteur n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient nettement supérieurs au prix à retirer ;

- donner au juge la possibilité de clôturer la procédure pour insuffisance d'actif dès la première convocation ;

- suspendre les voies d'exécution et les mesures d'expulsion ;

- redéfinir les biens exclus de la liquidation ;

- améliorer le sort des créances dignes d'intérêt et donner la faculté au juge du rétablissement personnel de ne pas effacer la créance du bailleur ou de l'organisme de crédit ayant fourni les sommes nécessaire à l'acquisition du logement en contrepartie du maintien du débiteur dans les lieux ;

- permettre la poursuite du versement des aides au logement et leur payement directement entre les mains du bailleur ;

- prévoir que les commissions de surendettement et les juges, statuant sur la recevabilité des demandes de traitement du surendettement, adressent aux services départementaux d'aide au logement les décisions rendues et puissent demander au Fonds de solidarité pour le logement de leur indiquer, pendant l'instruction de la procédure de surendettement, si le locataire bénéficiera d'une aide et dans quelle proportion ;

- prévoir qu'en cas d'effacement d'une dette de loyer, le bailleur conserve le droit de percevoir l'allocation logement correspondant aux échéances impayées ;

- accorder au bailleur un paiement prioritaire de sa créance par l'institution d'un privilège légal sous réserve que ce paiement participe effectivement à l'exercice du droit au logement et que « le contrat ait été consenti avec le sérieux qu'imposent les usages professionnels » ;

- permettre le rééchelonnement sur vingt ans des créances des établissements de crédit ayant fourni les sommes nécessaires à l'acquisition du logement du débiteur ;

- donner un contenu au suivi social ;

- interdire aux créanciers d'un débiteur dont le dossier est orienté vers la procédure de rétablissement personnel la perception de frais afférents aux incidents de paiement ou pour l'exécution d'un plan de redressement ;

- donner au juge la possibilité de diminuer la durée d'inscription du débiteur sur le fichier des incidents de paiement ;

- réprimer systématiquement la gestion illégale des dettes ;

- créer un Observatoire du surendettement .

Depuis lors, les dispositions sur le traitement des situations de surendettement - qu'il s'agisse de la procédure devant les commissions de surendettement ou de la procédure de rétablissement personnel - n'ont cessé de faire l'objet de modifications ponctuelles .

Ainsi, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a prévu que, dans les procédures de surendettement, les créances des bailleurs devaient être réglées prioritairement aux créances des établissements de crédit et aux crédits à la consommation 58 ( * ) .

La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a quant à elle apporté de plus nombreuses modifications aux dispositifs adoptés en 2003, concrétisant ce faisant plusieurs recommandations émises par le comité d'évaluation présidé par M. Guy Canivet.

Elle a ainsi d'une part précisé que la saisine du juge aux fins de rétablissement personnel emportait suspension automatique des voies d'exécution, y compris des mesures d'expulsion du logement du débiteur, 59 ( * ) jusqu'au jugement d'ouverture ; elle a, d'autre part, indiqué que lorsque la commission de surendettement recommande la suspension de l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires, elle devait réexaminer, à l'issue de la période de suspension, la situation du débiteur 60 ( * ) .

Elle a également disposé que le juge de l'exécution siégeant dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel pouvait se faire communiquer tout renseignement lui permettant d'apprécier la situation du débiteur et l'évolution possible de celle-ci 61 ( * ) .

Elle a exclu de la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur, outre les biens insaisissables énumérés par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution et les biens non professionnels indispensables à l'exercice de l'activité professionnelle du débiteur 62 ( * ) , les biens dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale 63 ( * ) .

Elle a enfin prévu que le juge pouvait prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif dès lors que l'actif du débiteur n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale 64 ( * ) .

Par ailleurs, la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit a permis au juge de l'exécution, dès l'audience d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel, de procéder par un même jugement à l'ouverture et à la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif, 65 ( * ) réalisant ainsi l'un des souhaits du comité d'évaluation de la loi du 1 er août 2003. Le greffe procède à des mesures de publicité pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été convoqués à l'audience d'ouverture de former tierce opposition à l'encontre du jugement ; les créances dont les titulaires n'auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité sont éteintes.

Plus récemment, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a marginalement modifié les dispositions relatives au champ d'application des procédures de traitement du surendettement afin de préciser qu'un débiteur de bonne foi pouvait bénéficier de ces mécanismes lorsque l'impossibilité manifeste de rembourser ses dettes résultait d'un engagement de cautionnement ou d'acquittement solidaire de la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société 66 ( * ) .

Elle a par ailleurs autorisé l'accès aux informations nominatives du FICP des associations sans but lucratif et fondations reconnues d'utilité publique accordant sur ressources propres et sur emprunts contractés auprès d'établissements de crédit des prêts pour la création et le développement d'entreprises dont l'effectif salarié n'excède pas un nombre fixé par décret ou pour la réalisation de projets d'insertion par des personnes physiques 67 ( * ) .

Depuis avril 2004, plus de 784.000 dossiers ont été déclarés éligibles aux procédures de traitement du surendettement. Sur la même période, près de 455.000 plans conventionnels de règlement ont pu être conclus de manière amiable entre les débiteurs et leurs créanciers. Dans les hypothèses où aucune solution amiable n'a été trouvée :

- 158.000 recommandations ont été homologuées par le juge de l'exécution, combinant des moratoires, des réaménagements de dettes, des remises d'intérêts ou des effacements partiels des dettes ;

- 130.000 dossiers - correspondant à des situations irrémédiablement compromises - ont été orientés vers la procédure de rétablissement personnel et ont, à ce titre, bénéficié d'un effacement des dettes combiné avec la cession des actifs du débiteur. Sur les douze derniers mois, les orientations vers cette procédure représentent environ 22 % des dossiers recevables.

Au total, environ 726.000 ménages sont en cours de « désendettement » , c'est-à-dire ont bénéficié ou sont sur le point de bénéficier d'une mesure destinée à remédier à leur état de surendettement.

Mais face au flux grandissant de dossiers, les aménagements ponctuels intervenus depuis 2003 n'ont pas épuisé la nécessité d'engager une réflexion de plus grande ampleur sur les dispositifs légaux en vigueur.

La commission sur la répartition des contentieux , présidée par le doyen Serge Guinchard, a ainsi préconisé, en juillet 2008 68 ( * ) , de déjudiciariser partiellement les procédures de surendettement . Elle a en effet estimé que la judiciarisation de la procédure de rétablissement personnel apparaissait discutable au regard des intérêts fondamentaux des débiteurs, en particulier s'agissant des délais de jugement et de la sécurité de leur situation juridique. Plusieurs des dispositions du titre IV du présent projet de loi mettent en oeuvre certaines des recommandations de cette commission ou s'en inspirent directement .

Les propositions de la commission Guinchard :
un « nouvel office » du juge du surendettement

La commission sur la répartition des contentieux a proposé que l'office du juge soit redéfini afin de mieux assurer la protection des intérêts fondamentaux de la personne surendettée. Elle a préconisé une refonte dispositif de traitement du surendettement issu de la loi du 1 er août 2003 dans son ensemble afin, d'une part, de donner une compétence générale à la commission de surendettement et, d'autre part, d'offrir plus de souplesse dans le choix entre les différentes mesures de traitement applicables.

Ainsi, dans un premier temps, la commission de surendettement instruirait le dossier de surendettement en s'appuyant notamment sur des mandataires chargés d'établir l'actif et le passif du débiteur. Dans un second temps, l'instruction de la commission déboucherait sur un plan conventionnel et, à défaut, sur des recommandations pouvant porter sur toutes les mesures de traitement du surendettement en fonction de la situation financière du débiteur :

- soit un plan de rééchelonnement, éventuellement combiné avec un effacement partiel des créances ;

- soit un rétablissement personnel.

Dans le cadre de cette dernière procédure, la mission de la commission serait la suivante :

- lorsque le débiteur dispose d'une capacité de remboursement, elle recommanderait un plan contenant des mesures de rééchelonnement, éventuellement combinées à un effacement partiel de la dette si ce plan devait laisser subsister un endettement à son issue ;

- lorsque le débiteur ne dispose d'aucune capacité de remboursement et d'aucun actif réalisable, elle recommanderait un rétablissement personnel direct sans liquidation, sans que l'accord du débiteur soit expressément recueilli ;

- lorsque le débiteur est dénué de capacité de remboursement mais se trouve propriétaire d'actifs dont la vente serait susceptible de rembourser tout ou partie de ses dettes, elle recommanderait, après avoir recueilli son accord, un rétablissement personnel avec liquidation du patrimoine du débiteur.

En l'absence de contestation des recommandations par une partie, le juge de l'exécution serait chargé de les homologuer, après s'être assuré de leur régularité en cas de simple plan de rééchelonnement de la dette et, éventuellement, après avoir exercé un contrôle d'opportunité en cas d'effacement partiel de la dette ou de rétablissement personnel. En cas de contestation par une partie, le juge de l'exécution retrouverait un contrôle de plein exercice. Une amende civile sanctionnerait l'appel dilatoire ou abusif contre les mesures recommandées par la commission.

En tout état de cause, en cas d'orientation vers une liquidation, celle-ci relèverait de la compétence exclusive du juge, chargé de désigner et de contrôler le mandataire liquidateur.

III. LA NÉCESSITÉ DE TRANSPOSER LA DIRECTIVE DU 23 AVRIL 2008

L'opportunité du présent projet de loi se trouve accentuée par la nécessité de transposer la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 « concernant les contrats de crédits aux consommateurs », qui constitue le nouveau cadre juridique communautaire en la matière. En effet, l'article 27 de ce texte fixe au 12 mai 2010 la date à laquelle les Etats membres de l'Union européenne devront avoir mis leur droit en conformité avec ses dispositions. Or, celles-ci rendent nécessaires plusieurs modifications de la législation française.

A. UN ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE RÉNOVÉ

Aux termes de son article 1 er , la directive du 23 avril 2008 a pour objet d'« harmoniser certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs ». Elle abroge expressément et se substitue à la directive 87/102/CEE du 22 décembre 1986 « relative au rapprochement des dispositions nationales en matière de crédit à la consommation ».

1. Les déterminants : la disparité des droits nationaux et l'évolution du crédit à la consommation

Afin que les consommateurs de l'Union européenne puissent effectuer des transactions internationales en toute confiance, la directive précitée de 1986, modifiée en 1990 (par la directive 90/88/CE) puis en 1998 (par la directive 98/8/CE), avait pour but d'harmoniser leur protection au sein du marché intérieur. A cet effet, elle réglementait la publicité des crédits à la consommation, l'information des emprunteurs et le régime contractuel des crédits. Toutefois, elle n'imposait qu'une harmonisation juridique a minima : les Etats membres étaient tenus de mettre en oeuvre les objectifs prescrits (au plus tard le 1 er janvier 1990 pour les dispositions initiales de la directive) mais ils restaient libres de maintenir ou d'introduire des règles plus strictes pour les prêteurs, plus favorables aux consommateurs.

De la sorte, d' importantes différences entre les droits nationaux régissant le crédit à la consommation ont pu subsister. Les écarts ont même été vraisemblablement creusés à l'occasion de la transposition de la directive de 1986, la plupart des Etats membres ayant souhaité, ainsi qu'ils y étaient autorisés, aller au-delà des règles minimales en vue de protéger davantage leurs consommateurs ; ils l'ont fait à des degrés divers, induisant des niveaux de protection variables d'un pays à l'autre. Il en est résulté des distorsions de concurrence entre marchés nationaux, pénalisant à la fois l'activité des prêteurs, dissuadés de proposer des produits paneuropéens et, selon la Commission européenne, l'accès des consommateurs au crédit. Compte tenu de ces cloisonnements, les opérations transfrontalières ne représentent encore qu'une très modeste part  de l'ordre de 1 %  dans l'activité du marché européen du crédit à la consommation qui, au-delà de la période de crise actuelle, paraît donc disposer d'un fort potentiel de développement 69 ( * ) .

Parallèlement, la directive de 1986 s'est peu à peu trouvée dépassée par les réalités économiques : en une vingtaine d'années, les instruments du crédit à la consommation (crédits à versements échelonnés, cartes de paiement et/ou de crédit à débit différé, autorisations de découvert...), comme les pratiques publicitaires en ce domaine, se sont très largement diversifiés dans l'ensemble des pays. Eu égard à ces éléments, la perspective d'un essor de l'offre de crédit à l'échelle européenne impose de veiller tout particulièrement à une protection renforcée et harmonisée des consommateurs. Ce souci a motivé la réforme des règles communautaires encadrant le crédit à la consommation, formellement engagée par la Commission européenne dès 2002.

2. L'élaboration : un long processus marqué par l'implication parlementaire

La gestation de la directive du 23 avril 2008 s'est en effet révélée particulièrement longue : sans même prendre en compte la préparation assumée, en amont, par les services de la Commission européenne, la procédure de « codécision » entre le Parlement européen et le Conseil 70 ( * ) , à elle seule, a exigé près de six années , de la présentation par la Commission de sa proposition initiale au Parlement européen et au Conseil, en septembre 2002, à la publication du texte final, en mai 2008. Ces délais s'expliquent à la fois par la complexité du sujet, la diversité des intérêts en jeu et le caractère délicat des compromis qu'il a fallu ménager entre les institutions communautaires d'une part, la Commission et le Parlement européen notamment, et entre les Etats membres d'autre part, d'autant plus que les visées de la directive étaient ambitieuses (voir infra ).

L' implication du Parlement européen , du reste, s'est avérée particulièrement importante. Ainsi, en première lecture, plus de 150 amendements à la proposition de la Commission ont été adoptés, dont plus du quart ont été acceptés par celle-ci et intégrés au texte en tout ou partie.

LA LONGUE ELABORATION DE LA DIRECTIVE DU 23 AVRIL 2008


11 septembre 2002 : Dépôt de la proposition de la Commission.


19 mai 2003 : Débat d'orientation du Conseil.


16 juillet 2003 : Avis du Comité économique et social.


11 septembre 2003 : La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen, saisie au fond, adopte son rapport, tendant au rejet de la proposition de la Commission comme devant être retravaillée.


5 novembre 2003 : Le Parlement européen vote le renvoi en commission. Le débat n'a donc pas lieu en séance.


16 mars 2004 : La commission au fond du Parlement européen adopte son nouveau rapport, tendant à modifier la proposition de la Commission.


20 avril 2004 : Résolution législative du Parlement européen votée en première lecture : 154 amendements sont adoptés.


28 octobre 2004 : Proposition modifiée de la Commission, acceptant en totalité ou partiellement 44 des amendements adoptés par le Parlement européen. La consultation des Etats membres et des acteurs concernés se poursuit cependant.


7 octobre 2005 : Nouvelle proposition modifiée de la Commission, consolidant la précédente en tenant compte de la consultation menée.


29 mai 2006 : Débat d'orientation du Conseil.


21 mai 2007 : Accord politique, au sein du Conseil, à la majorité qualifiée.


20 septembre 2007 : Le Conseil arrête sa « position commune ».


10 décembre 2007 : La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen adopte son rapport sur la position commune du Conseil, présentant 10 amendements qui ont préalablement recueilli l'accord des groupes politiques.


16 janvier 2008 : Résolution législative du Parlement européen votée en seconde lecture. Le texte adopté est le résultat d'un accord négocié avec le Conseil.


25 février 2008 : Avis de la Commission sur la position du Parlement européen, acceptant l'ensemble des amendements adoptés.


23 avril 2008 : Adoption définitive par le Conseil.


22 mai 2008 : Parution de la directive au Journal officiel de l'Union européenne (entrée en vigueur le 11 juin 2008).

Sources : Parlement européen - Commission européenne

Il convient de préciser que le Parlement français, durant cette période d'élaboration au sein des instances communautaires, s'est lui-même efforcé de peser sur les négociations, venant appuyer les positions défendues par le Gouvernement. En particulier, l'Assemblée nationale , sur la proposition et le rapport de notre collègue député Robert Lecou , a adopté en mai 2006 une résolution sur la proposition modifiée de directive de la Commission 71 ( * ) ; le Sénat , sur la proposition de M. Philippe Marini , président de votre commission spéciale, et sur le rapport de notre collègue Michel Houel au nom de la commission des affaires économiques, a procédé de même en décembre 2006 72 ( * ) .

3. Les visées : une harmonisation « maximale » et « ciblée » en faveur du marché et des consommateurs

Conformément aux motivations à l'origine de la proposition de la Commission européenne, la directive du 23 avril 2008 poursuit deux objectifs complémentaires :

- d'une part, favoriser le développement d'un marché intérieur européen du crédit à la consommation qui soit « performant » (paragraphe 7 de l'exposé des motifs du texte), ce qui suppose de réduire les obstacles juridiques à l'essor de produits internationaux ;

- d'autre part, garantir à l'ensemble des consommateurs européens « un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts » (paragraphe 9 de l'exposé des motifs), ce qui passe principalement par une information adéquate et complète, en particulier avant la conclusion du contrat de crédit, « pour que le consommateur puisse prendre sa décision en pleine connaissance de cause » (paragraphe 19). Plus largement, la directive vise à promouvoir , tant pour les consommateurs que pour les professionnels du crédit, des « pratiques responsables lors de toutes les phases de la relation de prêt » (paragraphe 26).

La réalisation de l'une et l'autre de ces visées requiert une harmonisation juridique renforcée , entre les Etats membres, « dans un certain nombre de domaines clés » (paragraphe 7 de l'exposé des motifs précité). Aussi, au contraire de la démarche suivie par la directive de 1986, le principe retenu par le législateur communautaire, en 2008, a été celui d'une harmonisation dite « maximale » : la nouvelle directive, qui pour sa part emploie (paragraphe 9 de son exposé des motifs) la formule « harmonisation complète », prévoit expressément (article 22, paragraphe 1) que les Etats membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d'autres dispositions que celles qu'elle établit , quand bien même il s'agirait de dispositions plus favorables aux consommateurs.

Ce principe, toutefois, s'exerce « dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées » (article 22, paragraphe 1), c'est-à-dire dans la limite du champ d'application du texte. En d'autres termes, dans les domaines qui ne sont pas visés par la directive, les Etats membres restent libres de conserver ou d'adopter une législation nationale propre , telle qu'ils l'estiment adaptée aux particularités de leur marché national du crédit et pour autant qu'elle ne contredise pas les règles fixées au niveau communautaire. Cette réserve traduit un compromis institutionnel entre, d'une part, la Commission, tenante d'une harmonisation « maximale » seule à même, selon elle, d'assurer la fluidité souhaitable du marché intérieur, et, d'autre part, le Parlement européen et certains Etats membres, qui auraient souhaité s'en tenir à une harmonisation « minimale » permettant éventuellement aux droits nationaux d'aller plus loin en direction de la protection des consommateurs, sur le modèle de la directive de 1986. Ainsi, dans la recherche d'un consensus, l'harmonisation, quoique « maximale », a été, suivant la terminologie alors consacrée, « ciblée », le champ d'application de la directive se trouvant restreint par rapport à celui que prévoyait la proposition originelle de la Commission 73 ( * ) .

Par ailleurs, il convient de signaler que n'a finalement pas été retenu le système, un moment envisagé, d'une reconnaissance mutuelle des législations sur certains aspects, dans le cadre soit de la liberté d'établissement, soit de la libre prestation de services 74 ( * ) . A cet égard, on doit préciser que la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles consacre (article 3) la règle de l'autonomie de la volonté des parties au contrat et, en l'absence de choix par les parties de la loi applicable, impose (article 4) de retenir celle de l'Etat avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, soit d'ordinaire le pays du prestataire. Par ailleurs, l'article 5 de cette convention interdit au choix des parties d'avoir « pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle [...] si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité ».

B. LE RÉGIME PRÉVU PAR LA DIRECTIVE DE 2008

La protection des consommateurs établie par la directive du 23 avril 2008 constitue un régime d'ordre public . En effet, il revient expressément aux Etats membres de veiller à ce que les intéressés ne puissent renoncer à leurs droits et à ce que le libellé des contrats ne tende pas à contourner ces derniers, ainsi qu'à prendre « les mesures nécessaires pour faire en sorte que le consommateur ne soit pas privé de [cette] protection [...] du fait que la loi choisie pour régir le contrat de crédit serait celle d'un pays tiers, si [ce] contrat [...] présente un lien étroit avec le territoire d'un ou plusieurs Etats membres » (article 22, paragraphes 2 à 4). Plus généralement, les Etats membres sont tenus :

- d'organiser le contrôle des prêteurs , « par une autorité ou un organisme indépendants des institutions financières » ou au moyen d'une réglementation (article 20) ;

- de définir les sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales mettant en oeuvre la directive (article 23) ;

- et de mettre en place des « procédures adéquates et efficaces de résolution extrajudiciaire des litiges » en matière de crédit à la consommation (article 24).

La directive vise à règlementer les contrats de crédit proprement dits, en ce qui concerne leur contenu et leur exécution, mais également la période précontractuelle du crédit, essentiellement en termes d'information. Ces règles, toutefois, sont limitées au champ d'application du texte.

1. Un champ d'application précisément défini

Le champ d'application de la directive de 2008 a été défini avec toute la précision qu'appelait l'enjeu d'une harmonisation « maximale ». Sauf à méconnaître leurs obligations communautaires, les Etats membres ne peuvent restreindre ce champ d'application ; en revanche, ils ont la liberté de l'étendre (par exemple en décidant de soumettre aux dispositions prévues par la directive des contrats qui en sont a priori exemptés).

a) Le champ d'application matériel

(1) Les contrats concernés

La directive s'applique aux « contrats de crédit aux consommateurs » (articles 1 er et 2, paragraphe 1), notion qui recoupe celle de « crédit à la consommation » en mettant l'accent sur les personnes qui souscrivent le crédit plutôt que sur l'activité ainsi financée. Le contrat de crédit est défini comme « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s'engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la prestation continue de services ou de la livraison de biens de même nature, aux termes desquels le consommateur règle le coût desdits services ou biens, aussi longtemps qu'ils sont fournis, par des paiements échelonnés » (article 3, c).

Cependant, plusieurs catégories de contrats pouvant répondre à cette définition se trouvent exclues du champ d'application de la directive (article 2, paragraphe 2). Il s'agit :

- des crédits immobiliers ;

- des crédits garantis par une hypothèque ;

- des prêts gagés par la remise d'un bien au prêteur ;

- des crédits dont le montant total est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75.000 euros (ce qui signifie, a contrario , que les crédits compris entre 200 et 75.000 euros sont impérativement soumis aux dispositions de la directive) ;

- des crédits sans intérêt et sans frais, ainsi que des délais de paiement gratuits consentis pour le règlement d'une dette ;

- des crédits remboursables dans un délai ne dépassant pas trois mois et « pour lesquels ne sont requis que des frais négligeables » (le critère du caractère « négligeable » des frais n'est cependant pas précisé par la directive) ;

- des facilités de découvert remboursables dans le délai d' un mois (ce qui vise vraisemblablement, en particulier, le régime des cartes de crédit) ;

- des contrats de location ou de crédit-bail sans option d'achat ;

- du crédit « social », soit privé (les prêts accordés par un employeur à ses salariés à des conditions préférentielles par rapport au marché), soit public (les prêts « accordés à un public restreint en vertu d'une disposition légale d'intérêt général et à un taux d'intérêt inférieur à celui pratiqué sur le marché, ou sans intérêt, ou à d'autres conditions qui sont plus favorables au consommateur que celles en vigueur sur le marché et à des taux d'intérêt qui ne sont pas supérieurs à ceux pratiqués sur le marché » [ce qui vise sans doute, notamment, certaines formes de microcrédit]) ;

- des crédits résultant d'un compromis judiciaire ou d'un accord intervenu devant une autre autorité légale.

En outre, la directive aménage des régimes simplifiés correspondant à l'application d'une partie seulement de ses dispositions. Cette situation bénéficie de droit aux facilités de découvert (découverts expressément prévus et « dépassements », c'est-à-dire découverts « accidentels », tacitement acceptés : article 2, paragraphes 3 et 4). Elle peut bénéficier, à l'initiative des Etats membres et sous conditions, aux délais de paiements consentis en cas de défaut de paiement d'un consommateur (article 2, paragraphe 6), ainsi qu'à certains crédits spécifiques conclus dans le cadre d'organisations communautaires d'intérêt social (article 2, paragraphe 5).

(2) Les personnes visées

Les situations régies par la directive intéressent trois catégories de personnes :

- en premier lieu, le consommateur , défini comme « toute personne physique qui, pour les transactions régies par la présente directive, agit dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle » (article 3, a). Les personnes morales ne sont donc pas considérées, dans le cadre de la directive, comme des consommateurs, et les consommateurs agissant dans le cadre d'une activité d'entreprise ne sont pas concernés ;

- en deuxième lieu, le prêteur , défini comme « toute personne physique ou morale qui consent ou s'engage à consentir un crédit dans le cadre de l'exercice de ses activités commerciales ou professionnelles » (article 3, b). Cette définition exclut du champ d'application de la directive les prêts accordés dans un cadre familial ou amical, même renouvelés ;

- en troisième lieu, le cas échéant, un « intermédiaire de crédit », nouvelle notion du droit communautaire définie comme « une personne physique ou morale qui n'agit pas en qualité de prêteur et qui, dans le cadre de l'exercice de ses activités commerciales ou professionnelles , contre une rémunération qui peut être pécuniaire ou revêtir toute autre forme d'avantage économique ayant fait l'objet d'un accord : présente ou propose des contrats de crédit aux consommateurs, assiste les consommateurs en réalisant des travaux préparatoires pour des contrats de crédit [...] , ou conclut des contrats de crédit avec des consommateurs pour le compte du prêteur » (article 3, f). Cette définition recouvre à la fois les intermédiaires professionnels du crédit (courtiers) et les professionnels de la vente ou prestataires de services qui, au nom d'un organisme de crédit, peuvent proposer au consommateur un crédit affecté au financement de l'achat de leurs produits (pratique courante aujourd'hui dans, par exemple, les secteurs de l'automobile, de l'ameublement ou de l'électroménager).

b) Le champ d'application temporel

Les règles que fixe la directive ont vocation à s'appliquer à partir du 12 mai 2010 , soit la date limite retenue pour la transposition (article 27, paragraphe 1). En pratique, cependant, la date d'entrée en vigueur de ces règles, si elle ne peut être plus tardive que le 12 mai 2010, dépendra des textes nationaux de transposition.

Conformément aux principes généraux régissant l'application de la loi dans le temps, et sauf aménagement décidé par chaque Etat membre, les contrats conclus antérieurement à cette date ne seront pas soumis au nouveau régime , en principe applicable aux seuls nouveaux contrats.

2. Des règles concernant la période précontractuelle orientées vers la responsabilisation des acteurs

Ainsi que cela a été précédemment indiqué, la directive du 23 avril 2008 tend à instaurer une pratique « responsable » du crédit à la consommation . Cet objectif fondamental a conduit le législateur communautaire à définir un ensemble de règles destinées à encadrer la période précontractuelle et visant essentiellement à assurer l'information adéquate des parties. Le but est que tant l'engagement du consommateur que l'accord du prêteur soient décidés en pleine connaissance de cause .

a) L'information du consommateur

Les règles relatives à l'information du consommateur, potentiel emprunteur, visent aussi bien la publicité du crédit que la phase précontractuelle stricto sensu .

(1) La règlementation de la publicité

Conformément à l'article 4 de la directive, la mention d'informations « de base » est en principe imposée à « toute publicité concernant les contrats de crédit qui indique un taux d'intérêt ou des chiffres liés au coût du crédit pour le consommateur ». Les messages publicitaires qui ne contiennent pas ces éléments se trouvent donc soustraits à l'obligation ; en revanche, le support des messages (écrit ou audiovisuel) s'avère indifférent.

Les messages concernés doivent ainsi faire apparaître, « de façon claire, concise et visible, à l'aide d'un exemple représentatif » :

- le taux d'intérêt (appelé « taux débiteur » par la directive), fixe et/ou variable, accompagné d'informations relatives à tous les frais compris dans le coût total du crédit pour le consommateur. Ce « coût total » intègre notamment les intérêts, commissions, taxes et autres frais, hors frais de notaire, et les coûts relatifs aux services obligatoirement liés au crédit, notamment les primes d'assurance (article 2, g) ;

- le total ou plafond des sommes rendues disponibles (soit le « montant total du crédit ») ;

- le « taux annuel effectif global » ( TAEG ), défini comme le « coût total du crédit pour le consommateur , exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais [de tenue d'un compte, d'utilisation d'un moyen de paiement et autres] » (article 2, i et article 19). En ce qui concerne les facilités de découvert, les Etats membres peuvent décider qu'il n'est pas nécessaire d'indiquer ce TAEG ;

- le cas échéant, la durée du crédit ;

- le cas échéant, le montant total dû par le consommateur (somme du montant rendu disponible et du coût du crédit) et celui des versements échelonnés ;

- s'il s'agit d'un crédit accordé sous la forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service, le prix au comptant et le montant de tout acompte.

La publicité doit également mentionner l' obligation de contracter un service lié au crédit , notamment une assurance , si le coût de ce service ne peut être déterminé préalablement. Il est précisé que ces mentions obligatoires doivent être rédigées et, s'il y a lieu, complétées conformément à la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 « relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs » 75 ( * ) .

Par ailleurs, un intermédiaire de crédit (au sens précité) doit, dans sa propre publicité et ses documents en direction du consommateur, indiquer « l'étendue de ses pouvoirs, notamment s'il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant » (article 21, a).

(2) L'information précontractuelle

L'article 5 de la directive oblige le prêteur et, le cas échéant, l'intermédiaire de crédit à donner au consommateur, avant la conclusion du contrat de crédit et « en temps utile », les informations « nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause ». Le consommateur doit ainsi se trouver « en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière ».

Ces informations sont données « sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier », et à l'aide des « informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs », qui figurent à l'annexe II de la directive. Devant être portées sur un support papier ou autre « support durable » (c'est-à-dire permettant le stockage pendant un laps de temps adapté, selon l'article 3, m), ces informations concernent :

- le type de crédit ;

- l'identité et l'adresse du prêteur ainsi que, le cas échéant, de l'intermédiaire de crédit ;

- le montant total du crédit et les conditions de prélèvement ;

- la durée du crédit ;

- en cas de crédit sous la forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service, ou de contrats « liés » (le crédit étant affecté au financement de l'achat d'un bien ou d'un service), ce bien ou ce service et son prix au comptant ;

- le taux d'intérêt , les conditions applicables à celui-ci et, si disponible, tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux ;

- le TAEG (au sens précité) et le montant total dû par le consommateur, « à l'aide d'un exemple représentatif qui mentionne toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux ». Il est précisé que, si le consommateur a indiqué au prêteur les éléments du crédit qu'il privilégie, tels que la durée ou le montant du crédit, le prêteur doit en tenir compte. En outre, dans l'hypothèse où plusieurs possibilités sont offertes quant au prélèvement, assorties de frais ou de taux d'intérêt différents, le prêteur est en principe tenu d'indiquer « que l'existence d'autres modalités de prélèvement pour ce type de crédit peut avoir pour conséquence l'application de taux annuels effectifs globaux plus élevés » ;

- le montant , le nombre et la périodicité des paiements à effectuer et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les paiements seront affectés aux différents soldes dus fixés à des taux d'intérêt différents ;

- le cas échéant, les frais de tenue d'un compte dont l'ouverture est obligatoirement liée au crédit, les frais d'utilisation d'un moyen de paiement permettant les prélèvements, tous autres frais découlant du contrat de crédit et les conditions dans lesquelles ils peuvent être modifiés, ainsi que l'existence de frais de notaire ;

- l'obligation de contracter un service lié au crédit, notamment une assurance ;

- le taux d'intérêt applicable en cas de retard de paiement , les modalités d'adaptation de ce taux et, le cas échéant, les frais d'inexécution, ainsi qu'un avertissement concernant les conséquences des impayés ;

- le cas échéant, les sûretés exigées ;

- l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation (voir infra ) ;

- le droit de procéder à un remboursement anticipé et, le cas échéant, le droit du prêteur à une indemnité ainsi que le mode de calcul de celle-ci (voir infra ) ;

- le droit du consommateur d'être informé immédiatement et sans frais du résultat de la consultation d'une base de données aux fins de l'évaluation de la solvabilité (voir infra ) ;

- le droit du consommateur de se voir remettre, sur demande et sans frais, un exemplaire du projet de contrat de crédit ;

- le cas échéant, le délai pendant lequel le prêteur est lié par les informations précontractuelles.

Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite donner au consommateur doivent être fournies dans un document distinct .

Par ailleurs, trois séries d'adaptation de cette information précontractuelle sont prévues :

- d'une part, les contrats de mise à disposition d'une réserve d'argent, ou « crédits revolving », font l'objet d'une information supplémentaire sur leur nature spécifique . Il s'agit d'« une déclaration claire et concise selon laquelle les contrats de crédit de ce type ne garantissent pas le remboursement du montant total du crédit tiré au titre du contrat de crédit, sauf si une telle garantie est donnée » (article 5, paragraphe 5) ;

- d'autre part, un régime d'information spécial est réservé aux facilités de découvert , calqué, avec les aménagements nécessaires, sur les règles de droit commun ci-dessus exposées (article 6) ;

- enfin, un allégement de l'information obligatoire est prévu pour les cas d' échanges par téléphonie vocale (article 5, paragraphe 2). En outre, si le crédit a été conclu, à la demande de l'emprunteur, par un moyen de communication à distance qui ne permettait pas de fournir la totalité de l'information légalement requise, celle-ci est donnée, « immédiatement après la conclusion du contrat », par le biais du formulaire correspondant aux « informations européennes normalisées » précitées (article 5, paragraphe 3).

b) L'information du prêteur

Outre les obligations d'information du consommateur ci-dessus présentées, la directive met à la charge du prêteur une obligation d'évaluer la solvabilité de l'emprunteur potentiel . Cette évaluation doit être menée « à partir d'un nombre suffisant d' informations , fournies, le cas échéant, par [ le consommateur ] et , si nécessaire , en consultant la base de données appropriée » (article 8, paragraphe 1).

Cette base de données, en pratique, pourra être le fichier national existant mais la directive, à la lettre , n'impose pas aux Etats membres la création d'un fichier , et a fortiori n'en indique pas la nature (fichier d'incidents de paiements ou fichier « positif » d'endettement). En revanche, dans le cas de crédits transfrontaliers, chaque Etat membre doit veiller à ce que les prêteurs des autres Etats membres aient accès , dans des conditions non discriminatoires, aux bases de données utilisées sur son territoire pour l'évaluation de la solvabilité des consommateurs (article 9, paragraphe 1).

L'évaluation de la solvabilité du consommateur doit être réalisée non seulement avant la conclusion d'un crédit, mais encore « avant toute augmentation significative du montant total du crédit » (article 8, paragraphe 2). « Si le rejet d'une demande de crédit se fonde sur la consultation d'une base de données, le prêteur informe le consommateur sans délai et sans frais du résultat de cette consultation et de l'identité de la base de données consultée » (article 9, paragraphe 2).

Il est précisé (article 9, paragraphe 4) que l'accès aux bases de données s'exerce dans le cadre des garanties prévues par la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 « relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ».

3. Des règles relatives aux contrats partagées entre enjeux de responsabilisation et enjeux économiques

S'agissant des contrats, la directive de 2008, dans la perspective de promouvoir une pratique « responsable » du crédit, se concentre logiquement sur l' information , qui doit être assurée à travers la rédaction des clauses comme en cours d'exécution. Le droit de rétractation du consommateur répond au même souci dans la mesure où il offre à l'intéressé un « dernier délai » de réflexion. Au-delà de ces aspects, c'est en suivant des orientations plus « classiquement » économiques qu'ont été réglées les hypothèses de remboursement anticipé du crédit et de résiliation du contrat, celle d'une cession de sa créance par le prêteur, ainsi que la situation des crédits affectés.

a) L'information contractuelle

En termes d'information, la directive fixe à la fois les mentions devant obligatoirement figurer dans le contrat de crédit et des règles destinées, en tant que de besoin, à assurer l'information continue du consommateur pendant l'exécution du contrat.

(1) Les mentions obligatoires du contrat

Le paragraphe 2 de l'article 10 de la directive dresse la liste des mentions obligatoires dans le contrat de crédit. Il s'agit d'abord des mêmes informations que celles qui doivent être données à titre précontractuel , comme indiquées ci-dessus, à l'exclusion de celles qui n'ont de sens qu'au stade précontractuel 76 ( * ) .

En outre , doivent être mentionnés dans le contrat :

- en cas d'amortissement du capital d'un crédit à durée fixe, le droit du consommateur de recevoir , à sa demande et sans frais, à tout moment durant toute la durée du contrat, un relevé, sous la forme d' un tableau d'amortissement . Ce tableau est tenu d'indiquer : les paiements dus et les périodes et conditions de paiement ; la ventilation de chaque remboursement entre l'amortissement du capital, les intérêts calculés sur la base du taux d'intérêt et, le cas échéant, les coûts additionnels ; si le taux d'intérêt n'est pas fixe ou si les coûts additionnels peuvent être modifiés en vertu du contrat, une mention « claire et concise » exposant cette situation ;

- s'il y a paiement de frais et intérêts sans amortissement du capital, un relevé des périodes et des conditions de paiement des intérêts débiteurs et des frais récurrents et non récurrents annexes ;

- des informations concernant les droits résultant du régime des crédits affectés (voir infra ) ;

- le droit au remboursement anticipé et la procédure à suivre ainsi que, le cas échéant, des informations sur le droit du prêteur à une indemnité et le mode de calcul de celle-ci (voir infra ) ;

- la procédure de résiliation du contrat (voir infra ) ;

- l'existence ou non de réclamations et recours extrajudiciaires et, le cas échéant, les modalités d'accès du consommateur à ces procédures ;

- le cas échéant, l'autorité de surveillance compétente ;

- les éventuelles autres clauses et conditions contractuelles.

Sur le modèle du régime précontractuel d'information, deux séries d'aménagements sont prévues. En premier lieu, les « crédits revolving » doivent faire l'objet d'une information complémentaire , « claire et concise », sur leur nature spécifique (article 10, paragraphe 4). En second lieu, les facilités de découvert bénéficient d'un régime d'information spécial adaptant le régime de droit commun (article 10, paragraphe 5) et, dans le cas où un compte courant rend possible un dépassement, le contrat d'ouverture de ce compte doit mentionner le taux d'intérêt applicable (article 18, paragraphe 1).

Il convient de préciser que le contrat de crédit doit être établi sur un support papier ou un autre « support durable » (au sens précité) et que toutes les parties contractantes doivent en recevoir un exemplaire (article 10, paragraphe 1).

(2) L'information en cours d'exécution

Pendant l'exécution du contrat , la directive impose une information de l'emprunteur , sur support papier ou autre « support durable », dans deux hypothèses.

D'une part, en cas de modification du taux d'intérêt (ce qui concerne, par définition, les crédits à taux variable et, éventuellement, les crédits « revolving » et certains découverts), l'intéressé doit en être informé avant que la modification entre en vigueur . Cette information tient aux incidences du nouveau taux sur le montant et, le cas échéant, le nombre et/ou la périodicité des paiements (article 11, paragraphe 1). Au demeurant, si la modification du taux d'intérêt doit résulter de celle d'un taux de référence par ailleurs rendu public, les parties peuvent convenir que l'information sera communiquée périodiquement à l'emprunteur (article 11, paragraphe 2).

D'autre part, dans le cas d'une facilité de découvert , le consommateur doit être « régulièrement informé » par un relevé de compte indiquant (article 12, paragraphe 1) : la période couverte par ce relevé ; les montants et dates des prélèvements ; le solde et la date du relevé précédent ainsi que le nouveau solde ; la date et le montant des paiements effectués par le consommateur ; le taux d'intérêt et tous les frais appliqués ; le cas échéant, le montant minimal à payer.

Le régime d'information, précité, prévu en cas de modification du taux d'intérêt est applicable, mutatis mutandis , aux découverts et étendu au cas d'une modification des frais (article 12, paragraphe 2). Dans l'hypothèse d'un dépassement « significatif » (situation caractérisée par un ou des critères qui ne sont cependant pas précisés par la directive) et qui se prolonge pendant plus d'un mois sur un compte courant, le prêteur est tenu d'en informer le consommateur « sans délai » en précisant le montant du dépassement et les taux d'intérêt, pénalités et frais ou intérêts sur arriérés applicables (article 18, paragraphe 1).

Par ailleurs, dans la perspective d'éventuelles évaluations ultérieures de la solvabilité du consommateur, la directive veille à l' actualisation des informations dont dispose le prêteur . En effet, si le montant du crédit vient à être révisé après la conclusion du contrat, le prêteur est tenu de mettre à jour les informations financières dont il dispose sur l'emprunteur (article 8, paragraphe 2).

b) Le droit de rétractation du consommateur

L'article 14 de la directive reconnaît au consommateur un droit de rétractation par rapport au crédit souscrit. Ce droit s'exerce sans avoir à en donner le motif et, en principe, dans la limite d'un délai de quatorze jours calendaires qui commence à courir :

- soit le jour de la conclusion du contrat ;

- soit, postérieurement à la conclusion, le jour où le consommateur reçoit les clauses et conditions contractuelles et les informations obligatoires prévues par la directive (ce qui concerne, en particulier, l'hypothèse de crédits conclus à distance).

Toutefois, deux exceptions peuvent être aménagées, à l'initiative des Etats membres . En premier lieu, ces derniers sont libres de prévoir que le droit de rétractation ne s'applique pas aux crédits dont la loi exige qu'ils soient conclus par-devant notaire , « pour autant que le notaire confirme que le consommateur jouit des droits prévus » par la directive en matière d'information précontractuelle et contractuelle (article 14, paragraphe 6).

En second lieu, dans le cas d'un crédit lié à un contrat d'achat (voir infra ), la possibilité est « exceptionnellement » ouverte aux Etats membres de prévoir que le délai de rétractation peut être réduit , à la demande expresse du consommateur, au délai spécifique qu'avait pu retenir la législation nationale avant l'entrée en vigueur de la directive (soit le 11 juin 2008) pour la mise à disposition des fonds au consommateur (article 14, paragraphe 2). Seuls les Etats membres dont le droit prévoyait un tel délai, tels que la France, se trouvent donc autorisés à exploiter cette faculté.

La rétractation, pour être effective, doit être notifiée par le consommateur au prêteur avant l'expiration du délai prévu et « de manière à ce que la preuve de cette notification puisse être administrée » (article 14, paragraphe 3, a). Elle impose au consommateur de payer au prêteur , au plus tard trente jours calendaires après la notification , le capital et les intérêts cumulés « depuis la date à laquelle le crédit a été prélevé jusqu'à la date à laquelle le capital est payé » ; ces intérêts sont calculés sur la base du taux convenu (article 14, paragraphe 3, b). Le prêteur n'a droit à aucune autre indemnité, excepté pour les frais non récupérables qu'il aurait pu payer à une administration publique.

Si le droit de rétractation se trouve exercé alors qu'un service accessoire était fourni avec le crédit (soit par le prêteur, soit par un tiers en vertu d'un contrat avec le prêteur), le consommateur n'est plus tenu par le contrat relatif à ce service (article 14, paragraphe 4).

c) Le remboursement anticipé du crédit

Un droit au remboursement anticipé du crédit est reconnu à l'emprunteur par l'article 16 de la directive. Pouvant être acquitté « à tout moment, intégralement ou partiellement », ce remboursement emporte deux conséquences.

En premier lieu, une réduction du coût total du crédit , qui correspond aux intérêts et frais dus pour la durée résiduelle du contrat, est alors due à l'emprunteur (article 16, paragraphe 1).

En second lieu, si le remboursement anticipé intervient pendant une période à taux d'intérêt fixe, le prêteur a droit à une indemnité « équitable et objectivement justifiée pour les coûts éventuels liés directement au remboursement anticipé » (article 16, paragraphe 2). Cette indemnité peut aller jusqu'à 1 % du montant du crédit si le délai entre le remboursement anticipé et le terme du contrat est supérieur à un an, ou jusqu'à 0,5 % seulement si ce délai est inférieur. Mais, en tout état de cause, elle ne peut excéder le montant d'intérêt que le consommateur aurait dû payer s'il n'avait pas procédé au remboursement anticipé (article 16, paragraphe 5). En revanche, le consommateur n'est tenu de payer aucune indemnité si le remboursement anticipé intervient pendant une période où le taux d'intérêt est variable ; il en va de même dans le cas d'un crédit sous la forme d'une facilité de découvert ou dans l'hypothèse où le remboursement anticipé a été effectué en exécution d'un contrat d'assurance destiné à garantir le remboursement du crédit (article 16, paragraphe 3).

Cependant, une double faculté d'aménagement de ce régime indemnitaire du prêteur est ouverte aux Etats membres. En effet, ces derniers peuvent prévoir :

- d'une part (article 16, paragraphe 4, a), que le prêteur n'a droit à une indemnité que si le montant du remboursement anticipé dépasse un seuil , défini par la loi nationale, qui ne peut excéder 10.000 euros au cours d'une période de douze mois ;

- d'autre part (article 16, paragraphe 4, b), qu' une indemnité supérieure peut être obtenue par le prêteur, à due concurrence du préjudice subi du fait du remboursement anticipé , à la condition que ce préjudice soit prouvé. Ledit préjudice « consiste dans la différence entre le taux d'intérêt de référence initialement convenu et le taux d'intérêt de référence auquel le prêteur peut à nouveau prêter sur le marché le montant remboursé par anticipation », et « prend en compte l'impact du remboursement anticipé sur les frais administratifs ». A l'inverse, s'il s'avère que « l'indemnité exigée par le prêteur dépasse le préjudice effectivement subi, le consommateur peut réclamer une réduction à due concurrence ».

d) La résiliation du contrat

La directive, en cas de crédit à durée indéterminée , permet la résiliation du contrat :

- d'une part (article 13, paragraphe 1), à l'initiative de l'emprunteur , sans frais et à tout moment , à moins que les parties aient convenu d'un délai de préavis , lequel ne peut être supérieur à un mois . Pour cette démarche, aucun formalisme particulier n'est précisé par la directive ;

- d'autre part, à l'initiative du prêteur , et seulement si le contrat le prévoit , soit par « résiliation type », en donnant au consommateur un préavis d'au moins deux mois (article 13, paragraphe 1), soit « pour des raisons objectivement justifiées » dont le prêteur doit en principe informer l'emprunteur « si possible avant la résiliation et au plus tard immédiatement après » (article 13, paragraphe 2). La directive, dans les deux cas, exige ici l'emploi d'un support papier ou d'un autre support « durable ».

e) Les cessions de créances

La directive envisage le cas où le prêteur cède les droits qu'il tient d'un contrat de crédit , voire le contrat lui-même, à un tiers. Dans cette hypothèse, le consommateur doit en principe être informé de la cession, « sauf lorsque le prêteur initial, en accord avec le cessionnaire, continue à gérer le crédit » (article 17, paragraphe 2). En tout état de cause, « le consommateur peut faire valoir à l'égard du cessionnaire tout moyen de défense qu'il pouvait invoquer à l'égard du prêteur initial , y compris le droit à une compensation, si celle-ci est autorisée dans l'Etat membre concerné » (article 17, paragraphe 1).

f) Le régime des crédits affectés

Est enfin prévu le cas du contrat de crédit « lié » , ou affecté, c'est-à-dire qui « sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers », ces deux contrats constituant, « d'un point de vue objectif, une unité commerciale » (article 3, n). La directive tire les conséquences logiques de cette solidarité entre contrats.

D'une part, une responsabilité contractuelle solidaire est aménagée entre le fournisseur et le prêteur (article 15, paragraphe 2). De la sorte, en cas de défaillance du fournisseur (« lorsque les biens ou les services ... ne sont pas fournis, ne le sont qu'en partie ou ne sont pas conformes au contrat »), le consommateur, s'il a exercé un recours contre le fournisseur sans obtenir gain de cause (« comme il pouvait y prétendre conformément à la loi ou au contrat »), dispose d'un droit de recours à l'encontre du prêteur, dans les conditions déterminées par chaque Etat membre.

D'autre part, l'exercice d'un droit de rétractation du consommateur à l'égard du contrat de fourniture de biens ou de services, contrat principal, entraîne la caducité du crédit affecté , contrat accessoire (article 15, paragraphe 1).

C. LES ADAPTATIONS REQUISES DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE

La France est tenue de transposer la directive du 23 avril 2008 , avant la date précitée du 12 mai 2010 , à peine d'encourir un double risque : non seulement celui d'une condamnation devant les instances communautaires, pour carence, suivant la procédure en « manquement d'Etat », mais également celui de fragiliser les contrats de crédit à la consommation qui seraient conclus après cette date, auxquels la directive impose le respect de ses prescriptions. Il est donc impératif procéder à la modification, en tant que de besoin, de notre législation en ce domaine, soient les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation.

Cette législation, cependant, en son état actuel, est généralement reconnue comme assurant d'ores et déjà l'un des niveaux de protection les plus élevés , pour les consommateurs, parmi les pays européens 77 ( * ) . De fait, les recoupements et points de convergence entre les dispositions du droit positif français et les exigences de la directive de 2008 s'avèrent très nombreux et le nouvel encadrement communautaire du crédit à la consommation ne nécessite par conséquent que peu d'ajustements de notre législation . Ces adaptations, qui se trouveront analysées en détail dans la suite du présent rapport, peuvent être synthétiquement regroupées en trois séries.

1. En termes de champ d'application des règles

En premier lieu, il convient d'aligner le champ d'application du droit français du crédit à la consommation sur celui que définit la directive. C'est ce que tend à faire l'article 1 er du présent projet de loi. Pour l'essentiel, il s'agit de rendre notre législation du crédit à la consommation applicable aux contrats d'un montant pouvant s'élever jusqu'à 75.000 euros , comme l'exige la directive, contre 21.500 euros actuellement . La plupart des autres modifications proposées en la matière revêtent un caractère avant tout formel.

Néanmoins, comme cela a été signalé ci-dessus, il reste loisible au législateur national d'étendre les règles du crédit à la consommation à un champ d'application plus large que celui qu'a retenu le législateur communautaire . Aussi le présent projet de loi recourt-il à cette faculté pour plusieurs types de crédit (contrats garantis par une hypothèque, crédits sans intérêt et sans frais supérieurs à trois mois, locations avec option d'achat), avec certains aménagements.

2. En termes de responsabilisation des acteurs

En deuxième lieu, il est nécessaire d'assurer la transcription, au sein de notre loi, des différents vecteurs de responsabilisation de la pratique du crédit à la consommation mis en place par la directive de 2008.

Il s'agit d'abord des éléments d'information obligatoires dans la publicité, la documentation précontractuelle et les contrats eux-mêmes. Les articles 2, 3 et 6 du projet de loi visent respectivement à régir ces aspects.

Ensuite, il convient d'introduire dans le code de la consommation les nouvelles dispositions communautaires relatives au devoir des prêteurs d'évaluer la solvabilité de leurs emprunteurs potentiels . L'article 4 du présent projet de loi s'y emploie.

En outre, la transposition du régime de la rétractation offerte au consommateur par la directive impose d'étendre à quatorze jours, contre sept jours en l'état de la législation existante , le délai de principe dans lequel l'intéressé pourra exercer ce droit. L'article 5 du présent texte y procède. Toutefois, pour les crédits affectés, l'article 10 exploite la possibilité ouverte aux Etats membres par la directive, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de prévoir un délai de rétractation réduit à la demande du consommateur. En l'occurrence, ce délai est maintenu à trois jours.

3. En termes d'économie de l'exécution contractuelle

En dernier lieu est requise la mise en cohérence de notre droit avec les règles de la directive afférentes, sous un prisme essentiellement économique comme on l'a relevé, à l' exécution des contrats de crédit. Le principal enjeu tient ici à l'organisation d'un régime d' indemnisation du prêteur en cas de remboursement anticipé par l'emprunteur , alors que le système français actuel proscrit une telle indemnisation .

A cet égard, l'article 7 du présent projet de loi utilise la faculté, que la directive accorde aux Etats membres, de décider que le prêteur n'a droit à une indemnité que dans l'hypothèse où le montant du remboursement anticipé excède un certain seuil . Celui-ci, d'après l'exposé des motifs du projet, devrait être fixé par décret au niveau maximal autorisé par la directive, soit 10.000 euros au cours d'une période de douze mois.

IV. LES CINQ PROPOSITIONS DE LOI RÉCEMMENT DÉPOSÉES SUR LE BUREAU DU SÉNAT

Témoignage de l'intérêt particulier porté par nos collègues à la double problématique du crédit à la consommation et du surendettement , cinq propositions de loi, déposées depuis le renouvellement sénatorial, sont soumises à l'examen de votre commission spéciale :

- PPL n° 94 (2008-2009) visant à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et à lutter contre le surendettement de M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues, déposée le 13 novembre 2008 ;

- PPL n° 114 (2008-2009) tendant à prévenir le surendettement de M. Claude Biwer et les membres du groupe de l'Union centriste, déposée le 27 novembre 2008 ;

- PPL n° 173 (2008-2009) renforçant l'encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement de M. Charles Revet et plusieurs de ses collègues, déposée le 16 janvier 2009 ;

- PPL n° 255 (2008-2009) visant à encadrer le crédit à la consommation et à instaurer un crédit social en faveur des ménages modestes de Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, déposée le 10 mars 2009 ;

- PPL n° 325 (2008-2009) tendant à prévenir le surendettement de M. Michel Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, déposée au Sénat le 7 avril 2009.

Ces divers textes visent, d'une part, à responsabiliser les acteurs du crédit à la consommation et, d'autre part, à prévenir le surendettement .

A. RESPONSABILISER LES ACTEURS DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION

1. Renforcer l'information préalable

La responsabilisation d'un emprunteur en matière de crédit à la consommation requiert qu'il soit informé et mis en garde avant la conclusion du contrat de crédit à la consommation afin que son consentement soit éclairé.

a) Interdictions et mentions d'avertissement spécifiques

La publicité et le démarchage posent avec acuité la question de principe de l'information et du consentement éclairé de l'emprunteur potentiel. Mais les risques d'altération du consentement de l'emprunteur-consommateur sont accentués lorsque ces techniques sont employées pour la commercialisation du crédit renouvelable ou du rachat de crédits .

En effet, la finalité financière de tels contrats peut être détournée de leur fonction première. Le crédit renouvelable ainsi que le rachat de crédits sont parfois utilisés comme variable d'ajustement des revenus de l'emprunteur et peuvent alors conduire à un déséquilibre de la situation financière de long terme de ces derniers.

C'est pourquoi la proposition de loi de M. Philippe Marini aborde en particulier les problématiques que posent le crédit renouvelable ainsi que le rachat de crédits, notamment en matière de publicité et de démarchage.

(1) Encadrement de la publicité relative au crédit renouvelable

Ainsi, l'article 3 78 ( * ) de ladite proposition de loi interdit tout d'abord , dans le cadre de la publicité ou d'une opération d'information relative au crédit renouvelable , toute mention assimilant ce crédit à une épargne, à un complément de budget ou à un assouplissement de la gestion du budget de l'emprunteur. Puis, il impose 79 ( * ) d'y faire figurer la mention que le crédit renouvelable ne saurait être utilisé « pour améliorer la gestion du budget ou la situation de l'emprunteur ».

En outre, l'article 3 80 ( * ) tend également à prescrire que toute publicité relative au crédit renouvelable mentionne le taux effectif global complété du taux annuel des assurances susceptibles d'être souscrites ainsi que, à proximité, le taux d'usure en vigueur.

(2) Encadrement de la publicité en matière de rachat de crédits

La proposition de loi n° 94 prévoit en outre des dispositions similaires à celles du crédit renouvelable pour le rachat de crédits .

Ainsi, son article 7 81 ( * ) vise à interdire, dans toute publicité relative à une opération de rachat de crédits, toute mention prétendant que celle-ci permet de simplifier ou d' assouplir la gestion du budget ou la situation financière de l'emprunteur. En outre, ce même article 82 ( * ) propose que toute publicité mentionne le surcoût total de l'opération de rachat de crédits obtenu par la différence entre le coût total de la nouvelle opération et celui de chacune des opérations à laquelle elle se substitue.

(3) Interdiction du démarchage en matière de crédit renouvelable et de rachat de crédits

Enfin, les articles 5 et 8 83 ( * ) de la proposition de loi précitée interdisent tout démarchage en matière de crédit renouvelable et d'opération de rachat de crédits antérieurs 84 ( * ) .

b) Informations pré-contractuelles générales

L'article 1 er85 ( * ) de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq prévoit que le prêteur ou l'établissement de crédit fournisse, avant la conclusion de tout contrat de crédit à la consommation (y compris d'une facilité de découvert), « les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause ». Il s'agit des informations fournies sur la base de l'Annexe II de la directive « Crédit aux consommateurs » 86 ( * ) .

c) Mentions de l'offre préalable

S'agissant de l' offre préalable du contrat de crédit , certaines des propositions de loi examinées suggèrent d'en compléter les mentions légales.

Ainsi l'article 2 87 ( * ) de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq tend à disposer que l'offre préalable comprend notamment, outre les mentions usuelles en vigueur, le taux annuel effectif global (TAEG) illustré d'exemples représentatifs 88 ( * ) , le taux débiteur ainsi que les conditions y afférant et les modalités de modification du taux, le taux d'intérêt en cas de retard et ses modalités d'application, ainsi que la mention de l'exigibilité immédiate du remboursement du montant total d'un crédit à découvert.

Cet article vise également à créer au bénéfice de l'emprunteur un droit d'information , immédiat et sans frais, lui permettant de connaître le « résultat de la consultation des bases de données afin d'évaluer sa solvabilité ». De surcroît, ces informations, fournies sur un support papier ou « durable » 89 ( * ) , doivent être remises, quelle que soit la nature du contact commercial (y compris dans le cas d'une communication à distance ), au moins huit jours avant la conclusion du contrat .

L'article 2 90 ( * ) de la proposition de loi de M. Charles Revet a également pour objet d'améliorer l'information du consommateur en disposant que l'offre préalable de crédit mentionne le seuil de taux d'endettement au-delà duquel l'opération de crédit ne pourra pas être agréée ( voir infra ) 91 ( * ) .

2. Distribuer le crédit en laissant le temps de la réflexion

Si une information appropriée est nécessaire pour assurer le consentement éclairé de l'emprunteur, il est essentiel que ce dernier dispose du temps indispensable à la réflexion . C'est pourquoi les cinq propositions de loi visent chacune à protéger l'emprunteur en augmentant le temps de sa réflexion, avant et après la conclusion du contrat.

a) Le temps de la réflexion « suspensif » : création d'un délai de réflexion

Certains produits ou situations sont susceptibles de fragiliser le consentement de l'emprunteur lors de l'offre de crédit à la consommation : le crédit renouvelable, le rachat de crédits et l'achat à crédit sur le lieu de vente. Il convient alors de permettre à l'emprunteur de réfléchir aux conséquences financières d'une telle offre.

En ce qui concerne les opérations de crédit renouvelable et de rachat de crédits , les articles 3 92 ( * ) et 9 93 ( * ) de la proposition de loi de M. Philippe Marini proposent d'instaurer un délai de réflexion obligatoire de huit jours entre, d'une part, la prise de contact entre le prêteur et le potentiel emprunteur et, d'autre part, la proposition d'un devis ou d'une simulation , la formalisation d'une réponse de principe ou la présentation de l'offre préalable .

S'agissant d'un autre facteur de fragilisation du consentement que constitue le lieu de vente , l'article 10 94 ( * ) de la proposition de loi précitée vise également à instaurer un délai de huit jours entre le démarchage bancaire et financier et la proposition d'une offre de crédit 95 ( * ) , lorsque ce démarchage a eu lieu dans les locaux des magasins de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1.000 m² 96 ( * ) .

b) Le temps de la réflexion « résolutoire » : droit de rétractation

Certaines propositions de loi tendent à renforcer non seulement le temps de la réflexion accordé au consommateur avant la conclusion du contrat, mais également après. Ainsi, les articles 2 97 ( * ) et 3 98 ( * ) de chacune des propositions de loi respectives de MM. Claude Biwer et Claude Mercier et les articles 3 3 et 4 4 de la proposition de loi de M. Charles Revet, tout en rappelant que le droit de se rétracter s'exerce dans le délai de sept jours à compter de l'acceptation de l'offre, précisent que le contrat ne devient parfait qu'à la double condition que, dans ce délai, l'emprunteur ne se soit pas rétracté et que le prêteur ait donné son agrément exprès. Ainsi, la lecture combinée de ces articles tend à supprimer toute distinction entre les contrats comportant une clause d'agrément et ceux qui en sont dépourvus 99 ( * ) .

S'agissant de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq, son article 7 100 ( * ) porte, conformément à la directive communautaire, le délai de rétraction de 7 à 14 jours , sans paiement d'une indemnité. Il prévoit cependant la possibilité d'exécuter le contrat à compter du huitième jour. En outre, s'agissant des crédits liés , l'article 8 101 ( * ) de cette proposition de loi propose que le droit de rétractation exercé sur le contrat principal emporte résiliation de plein droit du contrat de crédit sans frais ni indemnité.

3. Distribuer le crédit en distinguant clairement les logiques commerciale et financière

Les signataires de certaines des propositions de loi ont souhaité également créer une distinction entre la logique financière de la proposition de crédit et celle commerciale de la vente d'un bien à la consommation. Le risque de confusion entre logiques commerciale et financière peut, en effet, altérer le consentement du consommateur-emprunteur .

a) Distinction de l'offre de crédit et de l'offre commerciale

Une proposition de crédit adossée à une opération commerciale créée un conflit d'intérêt potentiel pour le prêteur pouvant conduire à la confusion de l'emprunteur quant au coût réel de ces deux opérations, commerciale et financière.

C'est pourquoi l'article 2 102 ( * ) de la proposition de loi de M. Philippe Marini vise à interdire de proposer dans les publicités des lots promotionnels liés à l'acceptation d'une offre préalable de crédit .

Dans une même perspective de distinction des opérations promotionnelles de celles de l'octroi de crédit, l'article 10 103 ( * ) de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq tend à interdire l'usage d'une carte de fidélité 104 ( * ) comme carte de crédit ou de réserve monétaire.

b) Distinction de la logique de prêt et de la logique commerciale sur le lieu de vente

Le risque de confusion entre la logique commerciale et celle financière est accru lorsque l'offre de crédit est proposée sur le lieu de vente . Il est également accentué, s'agissant des crédits particuliers tels que le crédit renouvelable ou le rachat de crédits. Deux des propositions de loi prennent en compte ce double contexte de fragilisation du consentement de l'emprunteur en encadrant l' offre de crédit renouvelable sur le lieu de vente .

Ainsi, l'article 9 105 ( * ) de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq tend à interdire tout démarchage , toute publicité , toute distribution et ouverture de crédit renouvelable dans la même surface de vente où le consommateur procède à l'achat du bien.

Pour sa part, l'article 12 106 ( * ) de la proposition de loi de M. Philippe Marini vise à interdire la proposition et la conclusion d'un contrat de crédit renouvelable lorsqu'elles ont lieu dans les locaux des magasins de grande surface ( i.e. d'une surface de vente supérieure à 1 000 m²).

4. Distribuer le crédit approprié

Deux des propositions de loi récemment déposées au Sénat ont également pour objet de permettre une meilleure adéquation entre l'offre et le besoin de crédit .

a) Renforcer l'offre de crédit affecté

Outre les dispositions particulières à l'encadrement du crédit renouvelable mentionnées ci-dessus, la proposition de loi de M. Philippe Marini 107 ( * ) tente d' imposer l'offre d'un crédit affecté au lieu de celle d'un crédit renouvelable quand cette première répond au besoin financier de l'emprunteur, indépendamment de toute logique commerciale ou de gestion des risques du prêteur. C'est ainsi que son article 3 interdit au prêteur d'exciper du montant du prêt afin de proposer un crédit renouvelable en lieu et place d'un crédit affecté 108 ( * ) .

b) Création d'un « crédit social »

Répondant à la problématique de l'exclusion de l'accès au crédit, l'article 14 de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq tend à créer, en faveur des emprunteurs aux ressources limitées, la possibilité de bénéficier d'une avance remboursable, dite « crédit social », d'un montant inférieur à 3.000 euros et pour une durée maximale de 120 mois. Cet article prévoit que le plafond des ressources ouvrant droit au bénéfice d'un tel crédit, ainsi que le plafond du taux d'intérêt, sont fixés par décret.

Ce crédit social est bonifié puisque, en contrepartie, cet article 14 vise à instituer un crédit d'impôt au profit des établissements de crédits 109 ( * ) distribuant de telles avances.

B. PRÉVENIR LE SURENDETTEMENT

La responsabilisation du prêteur et de l'emprunteur dans le cadre d'une opération de crédit à la consommation renvoie à la confrontation de deux logiques, celle de la viabilité de la marge financière de l'établissement de crédit et celle de la soutenabilité de l'endettement du consommateur.

C'est pourquoi une des propositions de loi prévoit de revoir la définition de certains taux tandis que, par ailleurs, toutes s'attachent à renforcer l'information soit des contractants, soit des autorités régulatrices.

1. Définition de taux adaptés

Les taux pratiqués, prix du service financier, constituent pour la proposition de loi de Mme Nicole Bricq un levier majeur de prévention de l'endettement et de promotion de l'offre de crédit adaptée : telle est la raison pour laquelle cette proposition aborde le taux de l'usure et les taux variables.

a) Taux de l'usure

S'agissant du taux de l'usure , il apparaît que certains emprunteurs sont aujourd'hui orientés vers le crédit renouvelable plutôt que vers un prêt amortissable en raison du risque d'insolvabilité qu'ils représentent. Ainsi, la distribution des crédits peut être effectuée en fonction de la gestion du risque plutôt qu'en fonction du besoin particulier de crédit .

Aussi l'article 5 110 ( * ) de la proposition de loi a-t-il pour objet de revoir les règles de calcul du taux de l'usure en définissant le prêt usuraire comme celui consenti à un taux effectif global excédant « le taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois multiplié par un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept ».

b) Plafonnement des taux variables

Concernant les prêts à taux variables , l'article 6 111 ( * ) de cette proposition de loi prévoit de le plafonner au « niveau mensuel moyen des taux de contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré ».

2. Mises en garde de l'emprunteur contre le risque d'endettement

Le crédit à la consommation peut conduire à la fragilisation de la situation financière de l'emprunteur, voire à un état de surendettement, si ce dernier n'est pas averti de toutes les conséquences financières que peut avoir l'octroi d'un tel crédit.

C'est pourquoi certaines des propositions de loi prévoient expressément soit des mises en garde contre le risque global d'endettement en raison de la conclusion d'un crédit à la consommation mal maîtrisé, soit l'interdiction même de l'opération .

a) Mise en garde

L'article 1 er 112 ( * ) de la proposition de loi de M. Philippe Marini impose un tel avertissement quant au risque de déséquilibre financier dans toute publicité relative à une opération de crédit.

Les articles 5 113 ( * ) et 6 114 ( * ) des propositions de loi respectives de M. Claude Biwer et de M. Michel Mercier créent pour leur part une obligation de mise en garde contre le surendettement non seulement dans la publicité pour un contrat de crédit à la consommation 115 ( * ) , mais également dans l' offre préalable . Dans les deux cas, l'avertissement doit être clairement lisible et couvrir au moins 10 % de la surface totale de la publicité ou de l'offre, selon le cas.

b) Seuil d'endettement

Allant plus loin que l'avertissement, la proposition de loi de M. Charles Revet a choisi de renforcer la protection du consommateur face au risque d'endettement en proposant dans son article 1 er116 ( * ) que soit déterminé, par décret, un seuil de taux d'endettement au-delà duquel l'opération de crédit ne peut être agréée . Ce seuil est fixé en concertation avec les établissements de crédit ainsi que les associations de consommateurs.

En outre, l'article 2 117 ( * ) de cette proposition vise à informer l'emprunteur de cette nouvelle disposition de plafond d'endettement dans l'offre préalable.

3. Renforcer l'information du prêteur avant la conclusion du contrat

a) Evaluation de la solvabilité de l'emprunteur

Toutes les propositions de loi imposent au prêteur l'obligation d'évaluer la solvabilité de l'emprunteur . Certaines posent ce principe en préalable à la création d'un fichier positif : il s'agit de l'article 3 118 ( * ) de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq ainsi que de l'article 1 er 119 ( * ) des propositions de loi respectives de MM. Claude Biwer et Claude Mercier.

Pour sa part, l'article 1