Article 14 (Article L. 642-3 du code du patrimoine) - Avis simple de l'architecte des bâtiments de France sur les permis de construire situés dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP)
Commentaire : cet article transforme l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en avis simple pour l'autorisation des travaux intervenant dans le périmètre des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.
I. Le droit en vigueur
Le code du patrimoine autorise la création, sur proposition du conseil municipal des communes intéressées ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme, de zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) autour des monuments historiques et dans les quartiers, sites et espaces à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou culturel (article L. 642-1 du code du patrimoine).
L'article L. 642-2 du même code prévoit que des règles particulières en matière d'architecture et de paysages sont instituées à l'intérieur de ces ZPPAUP pour les travaux de construction, de démolition, de déboisement, de transformation et de modification de l'aspect des immeubles.
Enfin, le premier alinéa de l'article L. 642-3 prévoit que ces travaux sont soumis à autorisation spéciale, accordée par l'autorité administrative compétente en matière de permis de construire, après avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France, tandis que le deuxième alinéa prévoit un recours non juridictionnel en cas de désaccord émanant soit du maire ou de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire, soit du pétitionnaire. Le préfet de région peut alors émettre, après avis de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Enfin, ce même article du code du patrimoine (troisième alinéa) réserve au ministre compétent le droit d'évoquer tout dossier dont l'architecte des Bâtiments de France ou le préfet de région est saisi.
II. Le dispositif du projet de loi
L'article 14 du projet de loi propose de modifier l'article L. 642-3 du code du patrimoine :
- le 1° transforme l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en avis simple ;
- le 2° supprime la procédure de recours devant le Préfet, qui n'a plus lieu d'être puisqu'il sera désormais possible de passer outre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ;
- le 3° est une disposition de coordination avec la précédente ;
- le 4° prévoit qu'en cas d'évocation par le ministre du dossier dont est saisi l'architecte des Bâtiments de France, l'autorisation ne peut intervenir qu'avec son accord.
III. La position de votre commission
La question des autorisations de travaux en ZPPAUP a déjà connu plusieurs rebondissements dans la période récente.
Les dispositions contenues dans l'article 14 du projet de loi portant engagement national pour l'environnement avaient été intégrées sous forme d'amendement lors de l'examen du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés (article 22 de ce projet de loi) et adoptées par le Parlement. Cet article 22 a cependant été censuré par le Conseil constitutionnel qui a considéré qu'il constituait un cavalier législatif (décision n° 2009-575 DC du 12 février 2009).
On peut également rappeler qu'en première lecture du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement l'Assemblée nationale avait adopté un amendement, déposé par M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et tendant à substituer l'avis du préfet de département à celui du préfet de région en cas de contestation de l'avis rendu par l'ABF. Le Sénat était ensuite supprimé cet amendement pour tenir compte du fait qu'un amendement de suppression de l'avis conforme de l'ABF pour les travaux réalisés en ZPPAUP devait être examiné dans projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.
Votre commission souligne par ailleurs que la question de la suppression de l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France lors des demandes de travaux en ZPPAUP a été un thème abordé souvent et avec une certaine passion lors des auditions préparatoires à l'examen de ce texte.
Pour en venir au fond, votre commission a conscience du caractère contestable de certaines décisions d'espèce prises par l'ABF dans la procédure relevant de l'article L. 642-3 du code du patrimoine. L'arbitraire de certaines de ces décisions a été maintes fois souligné lors des débats de la commission.
Votre commission estime cependant que, si ce problème est réel, il ne faut pas non plus en exagérer l'importance. Les 600 ZPPAUP existantes génèrent en effet de l'ordre de 10 % des avis des ABF, soit 30 000 avis sur 300 000 émis annuellement et le pourcentage d'avis négatifs est en moyenne assez faible. De l'ordre de 5 % pour l'ensemble des avis, il est sans doute encore plus faible en ZPPAUP, car l'expertise patrimoniale de l'ABF est, dans ce cas, encadrée par une étude et un règlement spécifiques qui facilitent le dialogue avec les candidats constructeurs. Même si l'absence de statistiques disponibles sur ce point précis ne permet pas, malheureusement, de mesurer exactement ce taux.
Au total, les avis négatifs de l'ABF pour les travaux effectués en ZPPAUP atteignent ainsi, au plus, le nombre de 1 500 par an, et sans doute beaucoup moins. Or, sur ces 1 500 avis négatifs, tous ne sont probablement pas « infondés ». Même en faisant des hypothèses très pessimistes sur les risques d'erreur des ABF, on se situe au plus à un avis négatif problématique par an et par ZPPAUP en moyenne. Ces données objectives permettent de recadrer le débat. Il est certain qu'un avis négatif inopportun est de nature à irriter profondément ceux qui en sont les victimes, mais condamner la procédure d'avis conforme en raison de ces erreurs somme toute minoritaires paraît excessif.
L'un dans l'autre, votre commission estime en effet que les bénéfices de la procédure d'avis conforme l'emportent sur ses inconvénients. L'avis conforme donné par l'ABF à l'occasion des travaux dans les ZPPAUP est en effet un outil précieux pour aider les communes à mieux garantir la préservation de leur patrimoine protégé. L'ABF n'est pas là pour dire non aux maires, mais pour les conseiller et, le cas échéant, les aider à dire « non » face aux demandes de travaux qui peuvent leur être adressées dans un contexte de forte pression foncière. Le fait que les ZPPAUP disposent d'un règlement servant de fondement aux décisions d'autorisation de travaux ne rend pas inutile l'intervention personnelle de l'expert car, aussi précis soit-il, ce règlement reste général. Il est donc important qu'un spécialiste de ces questions complexes puisse juger dans chaque cas d'espèce des conditions de son application. De plus, il convient de ne pas oublier que les maires changent au gré des élections tandis que la gestion du patrimoine préservé doit, elle, préserver une certaine continuité.
En définitive, votre commission estime que le véritable problème n'est pas tant l'avis conforme de l'ABF que celui de la gouvernance des architectes des bâtiments de France . Plusieurs membres de votre commission ont ainsi répété qu'il fallait donner un « chef aux ABF ». Votre commission a pris acte de cette demande en reprenant l'amendement qui avait été adopté par l'Assemblée nationale lors de la discussion sur le Grenelle I et qui prévoit que ce « chef » soit le préfet de département et, qu'en cas de recours contre l'avis de l'ABF, ce soit lui qui ait le dernier mot.
Votre commission a adopté cet article ainsi modifié. |