EXAMEN EN COMMISSION
M. Jean-Jacques Hyest , président, a observé que l'examen de ces deux textes donnait lieu pour la première fois, devant la commission des lois, à l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 18 du Règlement du Sénat, permettant aux membres du Gouvernement d' « assister aux votes destinés à arrêter le texte des projets et propositions de loi sur lequel portera la discussion en séance ».
M. Patrice Gélard , rapporteur, a indiqué que, conformément aux dispositions issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le projet de loi organique avait pour objet de déterminer les emplois ou fonctions pour lesquels, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ». Il a rappelé que le cinquième alinéa de l'article 13 précisait que « lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions », le Chef de l'Etat ne pouvait procéder à la nomination envisagée. Il a indiqué en outre que la dernière phrase de l'article 13 renvoyait à la loi ordinaire le soin de déterminer les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés.
Le rapporteur a noté que le Gouvernement avait proposé, dans l'annexe du projet de loi organique, une liste très complète d'emplois et de fonctions concernant 16 autorités administratives indépendantes et 25 entreprises ou établissements publics.
Evoquant les modifications introduites par l'Assemblée nationale, M. Patrice Gélard, rapporteur, a relevé que les députés avaient ajouté à cette liste quatre emplois ou fonctions (le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le président de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, le président de l'Autorité des normes comptables et le directeur général de l'Office national des forêts). Il a indiqué qu'il proposerait à la commission de compléter également cette liste par la mention de trois nouvelles autorités.
Le rapporteur a observé que les députés avaient également prévu, sous la forme d'un article additionnel au projet de loi organique, d'exclure la possibilité de délégation lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis d'une commission sur un projet de nomination. Il a rappelé que, en l'état du droit, le Sénat, conformément aux dispositions de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote permettait aux sénateurs de déléguer leur droit de vote en séance publique ou en commission. Il a précisé que, à l'Assemblée nationale, les délégations de vote étaient également autorisées à l'exception de celles concernant les scrutins relatifs aux nominations personnelles. Il a noté que les députés avaient entendu consacrer cette interdiction dans le projet de loi organique pour les avis rendus en application de l'article 13.
M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est déclaré très réservé sur cette initiative. Il a rappelé que la seule interdiction explicite des délégations de vote trouvait actuellement son fondement dans l'article 68 de la Constitution relatif à la procédure de destitution du Chef de l'Etat. Il s'est interrogé sur la constitutionnalité d'une référence à une nouvelle hypothèse d'interdiction de délégations de votes dans un texte à caractère organique. Il a en revanche invité la commission à donner son accord au principe, introduit par les députés dans le projet de loi ordinaire, d'un dépouillement simultané du scrutin relatif à l'avis dans les deux commissions de chaque assemblée. Il a relevé à cet égard que le vote ne suivant pas nécessairement l'audition de la personne pressentie, la délégation serait particulièrement utile pour les parlementaires qui, ayant entendu la personne, ne pourraient être présents au moment du scrutin.
M. Henri de Raincourt ministre chargé des relations avec le Parlement, a indiqué que le Gouvernement serait favorable aux propositions formulées par le rapporteur tendant à compléter la liste des emplois et fonctions soumis à la procédure du cinquième alinéa de l'article 13. Constatant les divergences entre le Sénat et l'Assemblée sur la question des délégations, il a souhaité que les deux assemblées puissent, à la faveur de la navette, parvenir à un accord afin de permettre l'application de l'article 13 de la Constitution. Il a estimé qu'il serait dommage que le Parlement ne se donne pas la possibilité d'aller rapidement au terme d'une réforme dont l'objectif est d'accroître ses prérogatives.
M. Jean-Jacques Hyest , président, a estimé que la Constitution n'imposait pas qu'une procédure identique soit retenue dans les deux assemblées pour prononcer l'avis prévu par l'article 13 de la Constitution. Il a estimé que, au contraire, le constituant avait souhaité laisser aux règlements respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat la détermination de ces dispositions conformément au principe d'autonomie des assemblées.
M. Pierre Fauchon a jugé que la faculté reconnue aux assemblées par l'article 13 de la Constitution de donner un avis sur les nominations atténuait le caractère unilatéral du processus de nomination tout en garantissant sa transparence, ce qui, selon lui, permettrait d'écarter préventivement des candidats dont les compétences ne seraient pas à la hauteur de l'emploi auquel on les destinait. Il a estimé en outre, citant l'exemple du Sénat américain, que le passage devant une commission pourrait être une véritable mise à l'épreuve pour le candidat. Il a estimé que le système proposé par la Constitution était dans l'ensemble équilibré et permettrait de faire progresser la démocratie pluraliste. Il a formulé une seule réserve, craignant que le nouveau mécanisme de nomination ne conduise à favoriser des candidatures sans relief plus susceptibles de recueillir le consensus.
M. Jean-René Lecerf a regretté, s'agissant de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que l'avis des commissions soit sollicité sur la nomination du directeur de cette autorité et non sur celle du président de son conseil d'administration pourtant principal titulaire de la responsabilité politique. Il a par ailleurs estimé souhaitable que le vote suive immédiatement l'audition de la personne proposée et craint que l'obligation de simultanéité de dépouillement du scrutin ne remette en cause cette nécessité.
M. Jean-Jacques Hyest , président, a observé que la disposition adoptée par les députés laissait en pratique à chaque commission la liberté d'organiser le déroulement de la procédure comme elle l'entendait sous la seule réserve que le scrutin fasse l'objet d'un dépouillement simultané.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, a précisé que l'avis devait porter par priorité sur la fonction exécutive au sein de l'établissement concerné. Il s'est déclaré ouvert à la proposition d'aménagement formulée par M. Jean-René Lecerf, sous réserve de vérifier, d'ici à l'examen du texte en séance publique, qu'une modification sur ce point n'entraîne pas de discordance avec les choix faits par le projet de loi organique pour d'autres organismes.
M. Bernard Frimat a remercié le ministre chargé des relations avec le Parlement d'avoir communiqué aux membres de la commission la liste des emplois et fonctions actuellement désignés par le Président de la République, ce qui permettra de mieux mesurer le champ des nominations susceptibles de relever de la procédure visée au cinquième alinéa de l'article 13. Il a rappelé que s'il était favorable au contrôle du Parlement sur le pouvoir de nomination, le groupe socialiste avait, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, critiqué l'exigence d'une majorité des trois cinquièmes des voix pour s'opposer à une nomination.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a regretté également que le pouvoir du Parlement sur la procédure de nomination ait été rigoureusement limité.
M. Jean-Jacques Hyest , président, a observé que la procédure d'avis simple, sans possibilité de veto, déjà mise en oeuvre par le Parlement avant la révision de l'article 13 de la Constitution, avait dissuadé l'exécutif de présenter des candidats qui n'auraient pas recueilli l'assentiment des parlementaires et que, a fortiori, le nouveau cadre constitutionnel conforterait encore l'influence des assemblées.
M. Patrice Gélard , rapporteur, a souhaité attirer l'attention des membres de la commission sur la question particulière de la désignation du président du Conseil constitutionnel lorsque celui-ci est choisi comme tel a été le cas, en certaines occasions, parmi les membres nommés par le Président de l'une des deux assemblées. Il a constaté que la commission de l'autre assemblée n'aurait pas eu alors la possibilité d'émettre un avis sur la nomination de ce membre.
M. Hugues Portelli a rappelé que la présidence du Conseil constitutionnel n'était ni un emploi, ni une fonction et qu'elle n'entrait pas, en conséquence, dans le champ d'application de l'article 13. Il a estimé qu'elle relevait du pouvoir discrétionnaire du Président de la République.
M. Jean-Jacques Hyest , président, a observé, à cet égard, que la rédaction de l'article 56 distinguait clairement la nomination des membres du Conseil constitutionnel, soumise au dernier alinéa de l'article 13, de la désignation du président de cette institution nommé par le Président de la République.
M. Jean-Pierre Michel s'est étonné que le Président de la République nomme des présidents de conseils d'administration qui devraient, en principe, être élus par ces conseils.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, a observé que, le plus souvent, le conseil d'administration d'une institution proposait un candidat, confirmé ensuite par le Président de la République.
Examinant le projet de loi organique, la commission a alors adopté, à l'article premier (liste des emplois et fonctions soumis à la procédure de nomination après avis des commissions compétentes des deux assemblées), trois amendements du rapporteur, visant à compléter l'annexe de ce texte afin de soumettre à la procédure du dernier alinéa de l'article 13 les présidents de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et de la Commission de la sécurité des consommateurs ainsi que le président du conseil d'administration de Voies navigables de France.
Article premier
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
1 |
Adjonction à la liste des emplois et fonctions soumis à la procédure du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution du président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires |
Adopté |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
2 |
Adjonction à la liste des emplois et fonctions soumis à la procédure du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution du président de la Commission de sécurité des consommateurs |
Adopté |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
3 |
Adjonction à la liste des emplois et fonctions soumis à la procédure du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution du président du conseil d'administration de Voies navigables de France |
Adopté |
Elle a également adopté deux amendements identiques présentés, d'une part, par le rapporteur et, d'autre part, par M. Hugues Portelli , tendant à supprimer l'article 3 (interdiction de délégation de vote pour les scrutins organisés sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution).
M. Pierre Fauchon a estimé légitime de réserver aux parlementaires ayant entendu le candidat le droit de prendre part au vote sur l'avis que la commission était appelée à rendre. Il a cependant indiqué qu'il se ralliait à la position de la commission, estimant que la détermination des règles dans ce domaine devait rester de la compétence de chaque assemblée.
Article 3 Interdiction de délégation de vote pour les scrutins organisés sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Patrice Gélard rapporteur |
4 |
Suppression de l'article |
Adopté |
M. Hugues Portelli |
5 |
Suppression de l'article |
Adopté |
La commission a alors adopté le projet de loi organique ainsi rédigé.
Elle a ensuite examiné le projet de loi ordinaire
A l'article premier (commissions permanentes compétentes pour émettre l'avis sur la nomination), la commission a adopté trois amendements de coordination afin de déterminer dans l'annexe de ce texte, par coordination, les commissions compétentes pour se prononcer sur les trois nouvelles autorités qu'elle proposait d'inclure dans le projet de loi organique.
Article premier
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
1 |
Désignation de la commission compétente en matière de transport pour l'avis sur la nomination du président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires |
Adopté |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
2 |
Désignation de la commission compétente en matière de consommation pour l'avis sur la nomination du président de la Commission de sécurité des consommateurs |
Adopté |
M. Patrice Gélard, rapporteur |
3 |
Désignation de la commission compétente en matière de transport pour l'avis sur la nomination du président du conseil d'administration de Voies navigables de France |
Adopté |
En outre, elle a adopté deux amendements de M. Hugues Portelli , tendant à insérer des articles additionnels après l'article 2 afin de préciser que la commission compétente pour donner un avis sur la nomination du Défenseur des droits en application du quatrième alinéa de l'article 71-1 de la Constitution ainsi que sur la nomination des personnalités qualifiées, membres du Conseil supérieur de la magistrature sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 65 de la Constitution, était la commission chargée des lois constitutionnelles.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, a estimé que la détermination de la commission compétente pour des nominations intéressant des autorités dont le statut relevait de la loi organique devait également être fixée par un texte de niveau organique. Il a noté que le projet de loi organique relatif au Conseil supérieur de la magistrature, actuellement en cours d'examen par le Parlement, prévoyait d'ailleurs de confier l'avis sur les nominations au Conseil supérieur de la magistrature à la « commission compétente en matière d'organisation judiciaire de chaque assemblée ».
M. Patrice Gélard a rappelé que la dernière phrase de l'article 13 de la Constitution rappelait, sans ambiguïté, que la détermination des commissions permanentes compétentes relevait de la loi ordinaire.
Articles additionnels après l'article 2 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Hugues Portelli |
4 |
Désignation de la commission chargée des lois constitutionnelles pour donner un avis sur la nomination du Défenseur des droits |
Adopté |
M. Hugues Portelli |
5 |
Désignation de la commission chargée des lois constitutionnelles pour donner un avis sur la nomination des personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature |
Adopté |
La commission a alors adopté le projet de loi ainsi rédigé.
ANNEXE 1 - LISTE DES EMPLOIS ET FONCTIONS POURVUS PAR DÉCRET DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Liste consultable au format pdf
ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
M. Jean Arthuis , président de la commission des Finances
Mme Muguette Dini , présidente de la commission des Affaires sociales
M. Jean-Paul Emorine , président de l'Économie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale
M. Jacques Legendre , président de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication
M. Josselin de Rohan , président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées
M. Jean Gicquel , professeur de droit constitutionnel à l'université de Paris-I