(2) La directive « commerce électronique »
Cette directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de l'information entre les États membres.
Selon l'article 3, les États membres peuvent tout de même restreindre l'accès ou l'exercice d'un service de la société de l'information que si ces mesures sont justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général limitativement énumérées (ordre public, protection de la santé publique, sécurité publique, protection des consommateurs, y compris des investisseurs), qui semblent difficilement invocable, pour justifier la restriction envisagée sur le prix du livre numérique.
Cependant, comme dans la directive « services », l'article 1 § 6 dispose que « la présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou au niveau national, dans le respect du droit communautaire, pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme . »
Cette directive a été transposée en droit national par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et, plus particulièrement, par le Titre II, qui définit le commerce électronique comme l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services.
Le principe est le libre exercice de cette activité sur le territoire national à l'exclusion de quelques domaines comme celui des droits protégés par le code de la propriété intellectuelle (article 16-6° de la loi).
De plus, l'article 17 de la loi affirme le principe du pays d'origine selon lequel l'activité est soumise à la loi de l'État membre sur le territoire duquel la personne qui l'exerce est établie.
b) Les règles applicables aux acteurs non établis sur le territoire national
Pour les acteurs non établis sur le territoire national, le contrat de mandat continuera à s'appliquer. Ce contrat, qui permet à l'éditeur de fixer le prix de vente au public, concerne aujourd'hui l'ensemble des détaillants, qu'ils soient ou non établis en France.
Dans son avis précité, l'Autorité de la concurrence a procédé à une analyse de ce contrat. Votre rapporteur en reproduit ci-dessous un extrait :
« Tant en droit interne qu'en droit communautaire, les ententes sur les prix sont considérées comme portant une atteinte grave à la concurrence. Pour qu'une entente soit prohibée tant en droit interne qu'en droit communautaire, un accord de volonté des parties à l'accord est nécessaire, ce qui implique une autonomie de leur volonté. Dans un contrat de mandat, le mandataire perd l'autonomie de sa volonté au profit du mandant. Les obligations imposées au mandataire quant aux contrats qu'il conclut pour le compte du commettant ne relèvent donc pas de l'article L. 420-1 du code de commerce ni de l'article 101§1 du TFUE.
Les contrats de mandat appartiennent, en droit communautaire, à la catégorie plus vaste des « contrats d'agence ». Les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales définissent les contrats d'agence de la manière suivante : « Les contrats d'agence couvrent les cas dans lesquels une personne physique ou morale (l'agent) est investie du pouvoir de négocier et/ ou de conclure des contrats pour le compte d'une autre personne (le commettant), soit en son nom propre soit au nom du commettant en vue de : l'achat de biens ou de services par le commettant ou de l'achat de biens ou de services fournis par le commettant ».
Le facteur déterminant pour apprécier si un contrat rentre dans cette définition réside dans le risque commercial et financier que supporte l'agent en ce qui concerne les activités pour lesquelles le commettant l'a désigné. Ce risque doit être nul ou négligeable. Les contrats d'agence ne répondant pas strictement à cette condition peuvent tomber sous le coup de l'article 101§1 du TFUE (en cas d'affectation du commerce entre États membres). Dans cette hypothèse, les clauses de prix imposées sont en principe considérées comme anticoncurrentielles, comme indiqué plus haut. »
Le contrat de mandat est donc très contraignant pour le détaillant puisqu'il limite son autonomie, mais les éditeurs - tant français qu'étrangers - y ont légitimement recours pour garder la maîtrise de la politique tarifaire.