6. Le développement solidaire
a) Les modalités du développement solidaire au Cap Vert
Les dispositions concernant le développement solidaire apparaissent modestes. Les actions qui font l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le cadre du comité de suivi portent sur :
- la réduction des coûts de transferts d'argent des migrants,
- le soutien aux projets de développement local portés par les migrants,
- la promotion de l'investissement productif,
- la mobilisation des compétences des élites de la diaspora,
- l'appui à l'initiative de la jeunesse.
Il est prévu de consacrer à ces actions, sur le programme LOLF 301 « développement solidaire et migration », un montant de 250 000 euros par an sur trois ans à compter de 2010, ce qui reste modeste en comparaison des 6,24 millions d'euros sur trois ans pour le Burkina Faso.
Il est également stipulé dans la convention que « la France s'engage à développer un outil de comparaison sur Internet des prix des transferts de fonds afin d'encourager la transparence des coûts et une meilleure connaissance des modalités de transfert ». Or, l'Agence française de développement a été chargée par le CICID du mois de juin 2006 de la mise en oeuvre d'un « Observatoire des transferts financiers internationaux », disponible sur Internet via le site www.envoidargent.fr, sur lequel on peut trouver les coûts de transferts en direction du Cap Vert.
Enfin, les deux Parties s'engagent à mettre des mesures incitatives destinées à permettre la réinsertion au Cap Vert de ressortissants capverdiens installés en France depuis plus de deux ans et volontaires pour un tel retour. Toutefois, les mesures incitatives ne sont pas explicitées.
La réinsertion des étudiants dans leur pays d'origine est également un des instruments de développement. Les deux pays encouragent cette réinsertion, mais rien n'est explicité sur les modalités de cette réinsertion.
Il apparaît donc que la partie de l'accord relatif au développement solidaire est assez modeste et floue sur les modalités d'exécution de telles mesures. Cela limite l'intérêt d'un tel accord dont nous avons souligné, en introduction, que l'équilibre dépendait de la réalité du développement solidaire.
b) Les modalités du développement solidaire au Burkina Faso
A l'instar du Cap Vert, les deux Parties s'engagent à promouvoir les compétences et les ressources des migrants. L'objectif est d'appuyer des projets dans des zones de forte émigration, en vue d'actions en faveur du développement du Burkina Faso.
Ces actions font également l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le cadre du comité de suivi, et portent sur :
- la sensibilisation et l'information des populations sur les méfaits de la migration clandestine,
- la mise en place de projets de développement en zone de forte émigration,
- le cofinancement de projets de développement local portés par les migrants,
- la mobilisation des compétences des élites de la diaspora,
- l'appui à l'initiative de la jeunesse,
- le développement de services sociaux de base dans les régions de forte émigration.
Contrairement au Cap Vert, les projets de développement solidaire sont explicités et font l'objet d'un chiffrage précis en annexe. Il est recensé sept domaines ayant des projets bien spécifiques :
- l'amélioration de l'offre de soins liés aux accidents de la route,
- la santé,
- la sécurité alimentaire,
- l'eau et l'assainissement,
- la lutte contre la pauvreté,
- la formation professionnelle,
- le soutien à l'activité productive.
Le secteur de la santé est le premier concerné, notamment par des projets en matière de santé maternelle et infantile, et devrait recevoir 600 000 euros sur trois ans. La prévention de la malnutrition, quant à elle, est financée à hauteur de 400 000 euros sur trois ans, et la sécurité alimentaire à hauteur de 1 million d'euros sur trois ans. Les secteurs de l'eau et de l'assainissement mobilisent près de 600 000 euros, la lutte contre la pauvreté 230 000 euros, et la formation 1 million d'euros. Sur l'ensemble des secteurs, les crédits prévus par la convention se montent à 6,24 millions d'euros sur trois ans, hors coopération policière.
La mise en oeuvre des projets de développement solidaire prévus à l'accord pourrait être effective très rapidement. Pour 2010-2012, les autorisations d'engagement (AE) sont de 3 640 000 euros et les crédits de paiement (CP), pour 2010, de 2 387 000 euros, dont 1 600 000 euros pour l'AFD, dans le cadre d'une convention spécifique à conclure avec le ministère de l'immigration.
Pour 2010, l'AFD a demandé au ministère de l'immigration chargé du programme 301 de lui déléguer 1 510 000 euros en AE et 564 773 euros en CP pour la mise en oeuvre des projets suivants :
- santé maternelle et infantile (Bioforce) : 258 423 euros ;
- soutien à la junior entreprise (Fondation EIE) : 100 000 euros ;
- appui à la formation post-baccalauréat (Fondation 2IE) : 146 350 euros ;
- lutte contre la pauvreté des femmes dans la région de Gaoua (Association pour la promotion féminine de Gaoua - APFG) : 60 000 euros.
L'encouragement à l'investissement dans des projets portés par les migrants et dans l'investissement productif peuvent passer par les transferts de fonds des migrants.
L'accord prévoit à cet égard que « la France et le Burkina Faso conviennent de promouvoir les instruments financiers créés en France dans le but de faciliter les transferts de fonds des migrants et leur investissement dans des activités participant au développement économique du Burkina Faso. Les ressortissants burkinabés établis en France bénéficient des dispositifs français du compte épargne co-développement et du livret d'épargne pour le co-développement, lequel donne lieu à une prime d'épargne ».
Pour ce faire, les investissements ouvrant droit à cette prime doivent appartenir à l'une des catégories suivantes :
- la création, la reprise ou la prise de participation dans les entreprises locales ;
- l'abondement de fonds destinés à des activités de micro finance ;
- l'acquisition d'immobilier d'entreprise, ou commercial ou de logements locatifs ;
- le rachat de fonds de commerce.
En ce qui concerne les instruments financiers, le compte épargne co-développement, créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et l'intégration, ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu à hauteur de 40 % des sommes versées dans l'année. Il est rémunéré par un taux librement fixé entre l'établissement de crédit et l'épargnant. Lorsqu'elles sont retirées, les sommes doivent obligatoirement être investies dans un pays en développement. Dans le cas contraire, un prélèvement libératoire de 40 % leur est appliqué.
S'agissant du livret d'épargne pour le co-développement, créé par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, à l'issue d'une phase d'épargne comprise entre trois et huit ans, le titulaire du livret bénéficie d'une prime d'épargne, à la condition de contracter un prêt en vue d'investir dans un pays signataire avec la France d'un accord prévoyant la distribution du livret.
Le succès de ces produits s'avère extrêmement faible. En effet, seule l'Union tunisienne des banques distribue le compte épargne co-développement. Le montant des encours des 31 comptes épargne co-développement, au 31 juillet 2010 (seulement 2 en juillet 2009), est de 261 000 euros (10 700 en juillet 2009).
Le livret d'épargne pour le co-développement n'est quant à lui pas encore distribué, aucune banque n'ayant à ce stade signé de convention.
La France et le Burkina Faso s'engagent également à permettre la réinsertion au Burkina Faso des professionnels burkinabés travaillant en France et volontaires pour un tel retour. L'objectif affiché est que ces ressortissants retrouvent les mêmes conditions d'exercice de leur métier qu'en France.
De même que pour le Cap Vert, la France et le Burkina Faso encouragent la réinsertion des étudiants dans leur pays d'origine.
La coopération décentralisée fait l'objet de l'article 6 et d'une annexe qui explicite les modalités de sa réalisation et la description des plans locaux de développement, notamment dans les secteurs de la formation professionnelle, de l'éducation, de la santé, de l'état civil, de la création des petites entreprises et du développement des activités agricoles.
Le Burkina Faso s'est engagé, depuis 2004, dans une communalisation intégrale du pays : 302 communes rurales ont été créées et viennent s'ajouter aux 33 communes urbaines existantes. Il a également été créé 13 régions (collectivités territoriales).
Un code général a été élaboré et prévoit la responsabilisation de ces communautés de base. Indirectement, cela se traduit par une responsabilisation des populations dans l'élaboration des plans locaux de développement, la maîtrise d'ouvrage et la gestion des investissements qu'elles cofinancent.
Un plan local de développement se définit comme la construction d'une vision commune ou concertée entre les acteurs concernés en vue de la définition d'objectifs communs et négociés. Ce plan doit constituer un outil référentiel de travail, pour les acteurs du développement de chaque collectivité territoriale.