2. Des dispositions au contenu hétérogène et dont la non-transposition exposerait la France à des risques certains
A la lecture du dispositif de cette proposition de loi, deux observations majeures peuvent être formulées. D'une part, son contenu témoigne d'une grande diversité des dispositions à transposer , ce qui lui confère une unité toute relative, et, d'autre part, la non-transposition des dispositions de cette proposition de loi exposerait notre pays à des risques non négligeables vis à vis de la Commission européenne et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
• L'
article 1
er
porte transposition de la directive 2007/2/CE du 14 mars
2007 établissant une infrastructure d'information géographique
dans la Communauté européenne dite
« INSPIRE » dont
l'échéance de
transposition
était fixée au
15 mai
2009
. Cette directive vise à établir une infrastructure
d'information géographique dans la Communauté européenne
en demandant aux autorités publiques des États membres de mettre
en réseau leurs données et de les rendre accessibles au public
par voie électronique.
Le délai de transposition étant dépassé depuis cette date, la non-transposition de la directive « INSPIRE » fait l'objet d'une procédure d'infraction précontentieuse 22 ( * ) ouverte depuis le 30 juillet 2009. Un avis motivé a été adressé aux autorités françaises le 20 novembre 2009 et une décision de saisine de la Cour de justice de l'Union européenne sur la base de l'article 258 TFUE a été prise par le collège des Commissaires le 2 juin 2010. Une condamnation en manquement est donc logiquement attendue prochainement. En cas de non exécution par la France, c'est à dire de non-transposition complète de la directive, une seconde procédure contentieuse aboutissant à une condamnation pécuniaire, en vertu de l'article 260 du TFUE sera ouverte par la Commission. Enfin, à partir du 15 mai 2011, le retard de transposition de la directive sera de plus de deux ans, faisant de cette dernière une directive dite de « Barcelone » 23 ( * ) et fera ainsi l'objet d'une mise en exergue particulière dans le tableau de bord de la transposition publié tous les six mois par la Commission.
• L'
article 2
adapte la
législation nationale aux dispositions de l'article 17 du Protocole
de Kyoto et aux articles 16 et 20 du règlement (CE)
n° 2216/2004 du 21 décembre 2004 concernant un
système de registres normalisé et sécurisé des
permis d'émission. Il s'agit de sécuriser dans le droit
français, la conduite d'opérations portant sur les unités
de réduction des émissions dans le cadre des mécanismes
d'échange de quotas au niveau international.
En l'absence de ce dispositif, l'État ne pourrait pas complètement mettre en oeuvre le système communautaire et ne pourrait donc pas bénéficier de la possibilité offerte de mettre sur le marché ses unités carbone surabondantes et valoriser ainsi financièrement les efforts entrepris dans le cadre de sa politique de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Cela constituerait donc un manque à gagner potentiellement important pour l'État.
• Les
articles 3, 4 et 5
portent transposition des dispositions de la directive 2006/123/CE dite
« services » du 12 décembre 2006 en ce qui
concerne des professions et activités réglementées, et
dont
l'échéance de transposition
était
fixée au
28 décembre 2009
.
La « directive services » du 12 décembre 2006 est une directive fondamentale visant à la libre circulation des services dans le marché intérieur. A ce titre, elle fait l'objet d'un suivi particulier des services de la Commission européenne. Une procédure précontentieuse 24 ( * ) a été ouverte par cette dernière le 28 janvier 2010. Un avis motivé a été adressé aux autorités françaises le 23 juin 2010. A défaut d'une transposition complète de la directive, la prochaine étape sera en toute logique celle de la saisine de la CJUE en vue d'une condamnation en manquement.
L' article 3 adapte le statut des géomètres-experts en permettant aux ressortissants communautaires de constituer des sociétés de géomètres-experts et en assouplissant les conditions d'exercice des activités d'entremise et de gestion immobilières.
L' article 4 concerne la délivrance de l'agrément d'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite. Il propose de supprimer la condition d'expérience professionnelle en matière d'enseignement de la conduite.
L' article 5 est relatif à l'exercice de la profession d'expert automobile. Il est proposé de simplifier l'accès à l'exercice de la profession d'expert automobile, en retirant à la Commission nationale des experts automobiles (CNEA) son pouvoir de décision disciplinaire et celui d'inscription sur la liste nationale des experts, ainsi que de garantir l'indépendance des experts.
Au vu de l'importance stratégique que la Commission européenne accorde à la mise en oeuvre de la « directive services », il ne fait pas de doute qu'elle se montrera particulièrement sévère dans l'évaluation du montant des astreintes qu'elle demandera à la CJUE de prononcer à l'encontre de la France. Il n'est d'ailleurs pas exclu que la Commission décide de mettre en oeuvre, pour cette transposition, la procédure de l'article 260 paragraphe 3 du TFUE, et d'aboutir très rapidement à une sanction pécuniaire qui pourrait être significativement supérieure au plancher de 10 millions d'euros.
• L'
article 6
vise à
transposer les dispositions de l'article 1
er
de la
directive 2008/112/CE dite « classification, étiquetage
et emballage des substances et mélanges » du
16 décembre 2008 dont
l'échéance de
transposition
était fixée au
1
er
avril 2010
. Cette directive transversale
modifie plusieurs directives dans de nombreux secteurs, notamment la directive
76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976 relative aux produits
cosmétiques. C'est pourquoi, plusieurs adaptations du code de la
santé publique sont nécessaires : définition d'un
produit cosmétique, classification des substances dangereuses qu'il peut
contenir, expérimentation animale.
Une procédure précontentieuse 25 ( * ) a été ouverte par les services de la Commission européenne en raison du retard pris par les autorités françaises dans le cadre de la transposition. Une mise en demeure a été adressée le 27 mai 2010, à laquelle les autorités françaises ont répondu le 10 août dernier. Néanmoins, la transposition complète de la directive nécessite l'adoption de mesures législatives. En l'absence de celles-ci, la procédure ouverte ne pourra être close et la France s'exposera donc à une condamnation pécuniaire dont le montant minimal est de 10 millions d'euros.
• L'
article 7
porte
transposition de la directive 2008/96/CE « gestion de la
sécurité des infrastructures routières » du
19 novembre 2008 dont
l'échéance de
transposition
est fixée au
19 décembre
2010
. Cette directive impose des audits permanents sur les routes
appartenant au réseau transeuropéen afin de faire diminuer le
nombre d'accident de la route.
Si le délai de transposition n'est pas encore dépassé, l'adoption de la présente proposition de loi devrait permettre d'éviter que les services de la Commission européenne déclenchent une procédure précontentieuse pour défaut de transposition. D'ailleurs, si les dispositions législatives de transposition sont nécessaires, elles ne sont toutefois pas suffisantes à une complète transposition de celle-ci. En effet, des dispositions réglementaires seront attendues et ne pourront être finalisées et publiées qu'après la publication de la présente proposition de loi.
• L'
article 8
vise à
élargir les compétences des agents de la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) pour rechercher et constater les
infractions à l'obligation d'information préalable au voyage
incombant aux entreprises ferroviaires et aux vendeurs de billets. Il s'agit
d'une adaptation du droit français au règlement (CE)
n° 1371/2007 du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations
des voyageurs ferroviaires. A défaut, la France s'exposerait à
l'ouverture d'une procédure d'infraction en raison non pas d'un
défaut de transposition, mais d'une mauvaise application de la
législation communautaire.
* 22 Infraction n° 2009/0353.
* 23 Directive dont la transposition est en retard de plus de deux ans et pour laquelle le Conseil européen de Barcelone exigeait une transposition sans délai.
* 24 Infraction n° 2010/0091.
* 25 Infraction n° 2010/0345.