c) D'importantes questions restent en suspens
La première question posée par la mise en place du dispositif relatif à la pénibilité est celle du nombre de personnes concernées. Le Gouvernement a estimé qu'il pourrait s'agir de 30 000 personnes par an. Les évaluations fournies par la branche AT-MP montrent qu'il s'agit là d'un maximum. En effet, le nombre de 30 000 correspond à l'ensemble des titulaires d'une rente avec un taux supérieur ou égal à 10 %, qu'il s'agisse d'une maladie professionnelle, d'un accident du travail ou d'un accident de trajet. Or, les victimes d'un accident de trajet ont été explicitement exclues du bénéfice du dispositif concernant la pénibilité. De plus, la branche estime qu'un cumul de dommages ne peut permettre de bénéficier du dispositif : un travailleur auquel plusieurs rentes auraient été allouées mais dont aucune ne serait au moins supérieure ou égale à un taux de 10 % d'invalidité ne bénéficierait pas non plus du dispositif, quelles que soient les conséquences globales des dommages subis en termes d'incapacité. Ce point doit être précisé par voie réglementaire.
Surtout, le nombre de personnes concernées par le dispositif dépendra de l'interprétation donnée à la disposition selon laquelle les accidents du travail n'ouvriront droit au dispositif que s'ils ont « entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle ». Cette restriction se fonde sur la nature de la pénibilité. En effet, celle-ci doit être consubstantielle au travail, ce qui suppose qu'elle produise ses effets sur la durée. Cette conception de la pénibilité correspond aux caractéristiques des maladies professionnelles. A l'inverse, un accident survenu à l'occasion du travail mais sans lien avec ses caractéristiques (effondrement d'un toit dans une usine par exemple) ne peut être considéré comme relevant de la pénibilité et ne devrait donc pas ouvrir de droit au dispositif prévu pour la compenser. C'est cette même analyse qui a entrainé l'exclusion des accidents de trajet.
Il arrive cependant qu'un accident de travail soit directement lié à la pénibilité du travail. Pour les distinguer, le Gouvernement a choisi de se fonder sur les lésions provoquées. Si celles-ci sont de même nature que celles causées par une maladie professionnelle, on peut considérer que l'accident n'a fait que hâter les conséquences de la pénibilité.
Votre rapporteur est pleinement conscient de la complexité de cette question et de ses enjeux financiers. Le choix du Gouvernement repose sur un souci d'équité nécessaire. Cependant la complexité du système mis en place est susceptible de créer de nombreuses incompréhensions et injustices. En effet, les dispositions actuelles supposent que toutes les maladies professionnelles ayant causé une invalidité de plus de 20 % sont attribuables à la pénibilité, ce qui ne va pas de soi. A l'inverse, des accidents dont on pourrait considérer objectivement qu'ils sont liés à la pénibilité du travail, mais qui ne produiront pas de lésions identiques à celles d'une maladie professionnelle (accident causé par une machine par exemple), ne pourront être considérés comme ouvrant droit à un départ anticipé à la retraite.
Les premières hypothèses élaborées par la branche sur le nombre d'accidents du travail susceptibles d'ouvrir le droit à un départ anticipé dans le cadre du dispositif pénibilité indiquent que seul un quart des accidentés pourra être pris en compte. Le risque d'incompréhension et de sentiment d'injustice impose ici encore de progresser sur la définition de la pénibilité et d'assurer le suivi attentif de la mise en oeuvre des dispositions. A cette fin, un rapport sera remis au Parlement par le Gouvernement avant le 1 er janvier 2012.
Les incertitudes entourant la prise en compte de la pénibilité rendent difficile toute évaluation de son coût pour la branche AT-MP. Un scénario a minima a été présenté aux partenaires sociaux faisant état d'un surcoût de 200 millions d'euros par an à la fin de la montée en charge du dispositif.
Coût annuel en euros selon la montée en charge de la réforme