IV. DE NOMBREUSES QUESTIONS EN SUSPENS
A. UN DROIT FISCAL AUTONOME ENCORE TROP IMPRÉCIS
1. Une divergence fiscalo-comptable
La Commission européenne a fait le choix de présenter un texte qui constitue un ensemble autonome au regard de la comptabilité : le résultat fiscal n'est pas établi à partir du résultat comptable . Il est calculé à partir des règles propres fixées par la directive.
A l'inverse, en France, le droit fiscal n'est pas autonome . Les entreprises commencent d'abord par déterminer le résultat comptable puis, dans un second temps, elles procèdent à des rectifications extra-comptables en vertu des règles du droit fiscal 28 ( * ) . Elles obtiennent ainsi le résultat fiscal, c'est-à-dire l'assiette imposable.
Cette question renvoie, en fait, à un sujet de fond au sein de l'Union européenne : en l'état actuel du droit, il n'existe pas de normes comptables harmonisées admises par tous les Etats membres . Seules les entreprises cotées sur un marché réglementé ont l'obligation d'appliquer les normes internationales IFRS intégrées dans la législation communautaire. Par conséquent, la directive ACCIS ne sauraient s'appuyer sur des règles comptables.
Or l'autonomie à l'égard de ces règles constitue une faiblesse de la directive. En effet, faute de référentiel comptable commun, même des concepts bien établis tel qu'un actif, une immobilisation, etc . doivent être à nouveau définis . En un mot, le choix de l'autonomie nécessite de reconstruire un corpus comptable suffisamment fin et précis pour ne pas laisser de prise à l'optimisation fiscale .
A ce titre, il est probable que la simplicité de la méthode de l'amortissement « par panier » - dont il a été démontré plus haut qu'elle en fait simpliste - résulte de l'impossibilité de se référer à des normes comptables mieux établies.
Le Gouvernement a donc demandé à l'Autorité des normes comptables d'examiner la proposition de la Commission européenne afin d'étudier les voies d'amélioration. En particulier, il sera probablement nécessaire de prévoir un ensemble de règles distinctes pour les établissements financiers et les entreprises d'assurance compte tenu de leurs spécificités comptables.
Pour autant, il n'est pas envisageable de demander à la Commission de recréer un référentiel comptable commun hors IFRS. Il revient donc aux autorités comptables nationales de d'adapter et d'établir des règles harmonisées sur lesquelles pourraient se fonder une assiette commune d'impôt sur les sociétés.
2. Des notions imprécises
Au-delà même de la question fiscalo-comptable, de nombreuses notions sont utilisées sans être clairement définies . Par exemple, l'article 14 dispose que 50 % des frais de représentation ne sont pas déductibles mais sans préciser les éléments qui entrent dans les « frais de représentation ».
Un commentateur souligne d'ailleurs que « si la proposition évoque plusieurs notions biens connues, la simplicité des définitions laisse une marge de manoeuvre extrêmement importante sur l'interprétation et la portée qu'il conviendra de leur donner » 29 ( * ) .
* 28 Il s'agit, par exemple, de rendre fiscalement non déductibles des charges qui sont comptablement déductibles.
* 29 Anne Colmet-Daâge, « Assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés : Saison 2 ! » in Lettre juridique et fiscale, Ernst & Young, avril 2011.