2. ... qui ne doit pas entraver le processus de révision de la directive « Epargne »
La logique qui a présidé à la conclusion des accords « Rubik » tend à remettre en cause la cohésion européenne en matière de lutte contre l'opacité fiscale comme en témoigne les difficultés rencontrées pour faire aboutir avec succès le processus de révision de la directive « Epargne ».
Cette dernière pose le principe de l'échange automatique d'informations pour l'ensemble des Etats membres 27 ( * ) , à l'exception du Luxembourg et de l'Autriche 28 ( * ) qui bénéficient d'un mécanisme transitoire 29 ( * ) de retenue à la source en lieu et place de l'obligation de cet échange afin de préserver leur secret bancaire.
Or, le Luxembourg tend à s'opposer à toute modification de la directive en faisant référence aux accords « Rubik ». Le Ministère des finances luxembourgeois a ainsi constaté « que le modèle de la retenue à la source - un modèle pour lequel le Luxembourg a toujours plaidé - est un élément clé des accords », qui devront « dans tous les cas avoir un impact sur les négociations qui sont en cours concernant la directive sur la fiscalité de l'épargne » 30 ( * ) .
Votre rapporteure déplore une telle position alors que la révision de la directive s'avère impérieuse en raison des nombreuses failles techniques constatées lors de sa mise en oeuvre. Force est, en effet, d'observer que l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale de la directive « Epargne » n'est pas atteint. Cette dernière tend à garantir par un mécanisme d'échange automatique d'informations l'imposition effective des revenus de l'épargne, versés sous forme d'intérêts dans un Etat membre à un bénéficiaire ayant sa résidence fiscale dans un autre Etat membre.
Or, la fraude fiscale 31 ( * ) perdure en raison d'un champ d'application trop restreint quant aux produits et personnes visées. D'une part, l e texte ne couvre que les versements directs d'intérêts . Ainsi les produits non porteurs d'intérêts tels que les actions, les produits dérivés ou les produits d'assurance-vie ne relèvent donc pas du champ de l'échange automatique de renseignements de la directive.
D'autre part, la directive ne vise que les versements à des personnes physiques établies dans l'UE. Il est, en conséquence, possible d'en écarter l'application par la constitution de structures intermédiaires telles que les trusts , les fiducies, les fondations ou les sociétés offshores qui peuvent alors dissimuler une personne physique qui est, en fait, le bénéficiaire effectif.
De ce fait, il n'est pas étonnant que le mécanisme dérogatoire, prévu en faveur du Luxembourg et de l'Autriche de retenue à la source, ne se soit pas révélé profitable puisque le Luxembourg n'a reversé que 11,3 millions d'euros à la France en 2010.
Constatant que de nombreux travaux techniques ont permis l'élaboration de projets successifs par la Commission qui ne sont cependant pas parvenus à recueillir à ce jour l'approbation du Conseil 32 ( * ) , votre rapporteure appelle de ses voeux la conclusion du processus de révision dans les plus brefs délais.
Elle déplore toutefois que la dernière version ne porte que sur le bénéficiaire final, sur la nature des produits ainsi que sur celle des informations transmises, sans remettre en cause le mécanisme de retenue à la source dérogatoire.
La plus récente proposition de la Commission prévoit ainsi la mise en oeuvre d'un mécanisme dit de « l'approche par transparence » obligeant l'opérateur économique à identifier le bénéficiaire effectif dans le cas où cet opérateur verse des intérêts à une entité non taxée située hors des territoires d'application de la directive.
Elle porte également sur la mise en oeuvre du concept d'« agent payeur » à la réception lorsque les paiements d'intérêts sont effectués par un opérateur à une entité non taxable située dans un Etat appliquant la directive (société de personnes, partnership ). Elle oblige alors celui-ci à fournir les informations sur les bénéficiaires effectifs des paiements d'intérêts. La révision de la directive tendrait également à élargir son champ d'application à certains OPCVM non couverts initialement, aux parts de fonds d'investissement et surtout à l'assurance-vie.
* 27 Un dispositif comparable est également applicable à cinq Etats tiers européens (Suisse, Andorre, Monaco, Liechtenstein et Saint-Marin) et dix territoires dépendant du Royaume-Uni et des Pays-Bas (Jersey, Guernesey, Île de Man et divers territoires des Caraïbes) par le biais d'accords bilatéraux conclus entre ces Etats et territoires et l'Union européenne.
* 28 La Belgique y a renoncé le 1 er janvier 2010.
* 29 La fin du régime transitoire est conditionnée par l'entrée en vigueur du dernier des cinq accords conclus par la Communauté européenne avec chacun des cinq Etats tiers européens garantissant un échange effectif d'informations sur demande, concernant les paiements d'intérêts. Cf . article 10.2 de la Directive.
* 30 In Europolitique du jeudi 8 septembre 2011 intitulé « Les accords « Rubik » risquent de semer la zizanie dans l'Union ».
* 31 Cf . paragraphes 5 et 6 de la directive Epargne qui disposent qu' « il est actuellement souvent possible aux résidents des Etats membres d'échapper à toute forme d'imposition sur les intérêts perçus dans un Etat membre différent de celui où ils résident. Cette situation entraîne, dans les mouvements de capitaux entre Etats membres, des distorsions qui sont incompatibles avec le marché intérieur.»
* 32 Plusieurs points étaient restés en suspens à l'issue de la présidence tchèque, tel que le périmètre du champ d'application de la directive (Fonds communs de placement, SICAV, ...) Bien qu'ayant finalisé les questions techniques, la présidence suédoise n'était pas parvenue à obtenir un accord du Conseil. La question était absente de la présidence belge. Enfin, sous la présidence hongroise, l'adoption de la directive amendée s'est heurtée à la position italienne jugeant que le dispositif proposé nécessitait d'être renforcé en termes de sanctions.