3. Une alternative aux accords « Rubik » : un dispositif inspiré du modèle américain « FATCA »
Face aux divergences constatées entre la volonté politique manifestée dans le cadre du G 20 d'une part, et la résistance de certains Etats pratiquant le secret bancaire, il existe une voie alternative que votre rapporteure a proposé dans le cadre de l'examen du projet de loi de régulation bancaire et financière 33 ( * ) ainsi que du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011 34 ( * ) .
Elle tend à optimiser la perception des impôts dus en France par des citoyens ou résidents français investissant à l'étranger et ne déclarant pas les revenus ainsi générés, sans remettre en cause le principe de l'échange automatique inscrit dans la directive « Epargne ». Toute institution qui conserverait l'anonymat de ses clients serait tenue de prélever une retenue à la source dissuasive sur certains de leurs revenus.
Cette proposition s'inspire du dispositif américain intitulé Foreign account tax compliance Act ( FATCA ), adopté par le Congrès américain le 16 mars 2010, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2013.
Confrontés à l'évasion fiscale, les Etats-Unis ont renforcé leur législation en matière d'information sur les comptes étrangers. La réglementation « FATCA » vise à instaurer un mécanisme d'échange d'informations automatique entre l'administration fiscale américaine 35 ( * ) et les institutions financières étrangères (IFE) qui gèrent dans le monde entier des comptes appartenant à des contribuables américains.
Cet échange est sanctionné par une retenue 36 ( * ) « punitive » de 30 % sur l'ensemble des sommes de source américaine versées sur le compte après le 31 décembre 2012. L'objectif premier du « FATCA » est par conséquent d'inciter les institutions financières à coopérer et non pas de trouver une source de revenus supplémentaires.
Foreign account tax compliance Act (FATCA) Le Foreign account tax compliance act (FATCA) 37 ( * ) instaure un nouveau système d'information portant sur les comptes détenus directement ou non par les contribuables américains auprès d'institutions financières étrangères. La législation « FATCA » est l'aboutissement d'une première tentative de modifier le régime « qualifed intermediary (QI) » en décembre 2008. Une banque ayant le statut d'intermédiaire qualifié est tenue de transmettre au fisc américain des informations sur ses clients contribuables aux Etats-Unis. Ces obligations sont renforcées et sanctionnées au terme du dispositif « FATCA » qui ne se substitue pas au régime « QI » existant, mais constitue un régime additionnel. Si le mécanisme QI se déclenche à partir des titres américains, celui du « FATCA » vise les clients américains. Son champ d'application est vaste puisqu'il tend à couvrir l'intégralité des institutions financières étrangères , au-delà des banques dépositaires pour atteindre les courtiers, les sociétés d'investissement, l'ensemble des véhicules collectifs d'investissement ainsi que les compagnies d'assurance. Ces institutions doivent signer un accord avec le fisc américain aux termes duquel elles s'engagent à identifier et documenter tous les comptes de leurs clients ayant un « compte américain » ( US account). Aux termes de la réglementation « FATCA » un compte américain est un compte directement détenu par un contribuable américain ou encore s'il est détenu par une entité étrangère dans laquelle un contribuable américain a un intérêt (défini par une participation directe ou non de plus de 10 % des bénéfices ou du capital ou des droits de vote). Les comptes inférieurs à 50 000 dollars sont néanmoins considérés hors du champ de « FATCA », si l'institution le décide. L'institution financière doit alors communiquer au fisc américain, concernant ce compte, tous les paiements effectués directement et indirectement à une « US Person ». Ces dernières sont les investisseurs individuels résidant hors du territoire national mais contribuables américains, soit essentiellement les citoyens américains, y compris les binationaux, ainsi que les détenteurs d'une carte verte. La portée de « FATCA » est donc plus large que celle du régime « QI » puisque des clients américains qui ne détenaient pas de titres américains échappaient au contrôle « QI » du fisc américain. En conséquence, les institutions qui reçoivent un flux financier en provenance des Etats-Unis pour le compte de leurs clients doivent transmettre pour chaque client identifié comme un contribuable américain une déclaration annuelle mentionnant l'identification de la personne, le numéro et le solde du compte, ainsi que d'autres informations liées à l'activité du compte. S'agissant des autres clients non qualifiés de « contribuables américains », l'institution devra être en mesure de communiquer la preuve qu'ils ne relèvent pas du champ de l'impôt américain . En effet, cette obligation documentaire fonctionne selon une présomption négative puisque tout compte est considéré comme étant détenu par un contribuable américain jusqu'à preuve du contraire. En l'absence d'accord ou de documentation jugée suffisante, une retenue de 30 % sanctionnant l'absence de coopération est appliquée sur les paiements effectués sur ces comptes. Cette sanction frappe donc l'ensemble des revenus de source américaine , tels que les intérêts, dividendes, salaires, primes ainsi que les produits de cession des institutions financières étrangères et de leurs clients. La règlementation « FATCA » a également introduit le nouveau concept de passthru payments permettant de n'exclure aucun revenu, c'est-à-dire tout versement lié à un revenu de source américaine. Ainsi, les revenus distribués par un fonds habituellement qualifié d'étranger dont les ressources sont en parties générées par des investissements de source américaine ne seront plus considérés comme des revenus de source étrangère mais seront désormais soumis à la réglementation « FATCA ». Enfin, l'institution devra cesser toute relation d'affaires avec les clients non coopératifs, souhaitant conserver l'anonymat. Source : d'après des données recueillies par la Commission des finances du Sénat |
Le dispositif « FATCA », s'il est a adapté à la situation des Etats-Unis, peut être source de difficultés techniques et d'investissements bancaires lourds. Toutefois, il démontre qu'une modification de droit national peut offrir une alternative à un accord de type « Rubik ».
En effet, rappelons que contrairement aux accords « Rubik » prévoyant la retenue à la source comme alternative à l'échange automatique de renseignements, un mécanisme du type « FATCA » tend à garantir un tel échange par une sanction, une retenue dissuasive.
De plus, il renforcerait utilement le dispositif en vigueur de sanctions fiscales à l'égard des paradis fiscaux créé dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2009 précitée. L'efficacité d'une telle législation serait accrue si cette dernière était accompagnée d'une obligation de transmission automatique de renseignements des comptes de résidents français détenus à l'étranger.
En conclusion, la prise de conscience internationale de la lutte contre l'opacité fiscale apparue dès les années 2000 pour connaître un nouvel élan en 2009, sous l'égide du G 20, doit être suivie d'effets .
Des avancées certaines ont été réalisées dans le cadre de l'action conventionnelle bilatérale française et de la démarche multilatérale, renforcées par le projet de loi soumis à votre approbation.
Cependant, il convient de souligner que, pour le moment, cette action porte essentiellement sur la transmission de renseignements sur demande qui se heurte à de nombreux obstacles .
En effet, ce mode d'échange, s'il a le mérite de faire peser une menace sur les évadés fiscaux, ne peut véritablement fonctionner que dans le cas où l'administration de l'Etat d'origine dispose d'assez d'éléments pour présenter une demande étayée à l'Etat de destination.
C'est pourquoi, tout en saluant le travail accompli en ce domaine, votre rapporteure tient cependant à insister sur la nécessité de poursuivre les efforts de mise en oeuvre de l'échange automatique de renseignements au sein de l'Union européenne, menacée par les tentations nationales de recourir à la retenue à la source, qui ne saurait valablement être considérée comme « durablement équivalente à l'échange automatique ».
* 33 Cf . amendement n° 142 http://www.senat.fr/amendements/2009-2010/704/Amdt_142.html.
* 34 Cf . amendement n° 20 rect. http://www.senat.fr/amendements/2010-2011/786/Amdt_20.html.
* 35 Internal revenue service .
* 36 Withholdable payments et passthru payments.
* 37 Le FATCA constitue le sous titre A du titre V d'un programme pour l'emploi, la loi « Hiring incentives to restore employment Act ».