B. DES EFFORTS DE PRÉVENTION IMPORTANTS MAIS ENCORE INSUFFISANTS MENÉS PAR DIFFÉRENTS ACTEURS
Votre rapporteur a pu constater, au cours des auditions qu'il a menées, que la plupart des acteurs se sentaient concernés par la question des dérives observées lors de certains rassemblements étudiants -des chefs d'établissement aux associations étudiantes en passant par les mutuelles étudiantes ou encore les professionnels de l'alcool-, qu'ils tenaient un discours de responsabilité et déclaraient s'engager en faveur d'une consommation maîtrisée d'alcool lors de ces fêtes.
Cette prise de conscience du problème s'est traduite par des actions de prévention. Celles-ci peuvent en particulier être financées par le fond de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) 3 ( * ) . Selon les projets concernés, il existe également d'autres organismes susceptibles de contribuer à des actions de prévention ou se sensibilisation. Ainsi, lors de son audition, la FAGE, une des principales fédérations nationale d'associations étudiantes, a évoqué l'appel à projet « campus drinking », mis en oeuvre en partenariat avec l'association « Entreprise et prévention » regroupant des producteurs de boissons, qui consiste en l'organisation de représentations théâtrales destinées à sensibiliser de manière ludique les étudiants aux risques que comporte la consommation excessive d'alcool. Outre le FSDIE, les projets entrant dans ce cadre peuvent être soutenus par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) et par la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
La FAGE organise également des formations pour ses associations membres sur la manière de tenir un bar ; elle a publié une charte des soirées responsables à laquelle plusieurs centaines d'associations ont adhéré ; elle développe également l'installation de stands de prévention lors de soirées, la prise des clefs de voitures (les clefs n'étant pas restituées à l'étudiant dont l'éthylotest a démontré qu'il ne pouvait pas conduire), la mise en place de navettes de bus, etc.
Par ailleurs, l'association « Prévention routière » promeut depuis plusieurs années la notion de « capitaine de soirée » et propose des kits gratuits à destination des soirées étudiantes comprenant des éthylotests et divers matériels de prévention.
Si l'éventail des actions menées en matière de prévention paraît ainsi important, les représentants des étudiants entendus par votre rapporteur ont soulignés les progrès restant à accomplir.
En outre, au-delà des quelques associations que votre rapporteur a pu entendre, il ressort de l'étude du CREDOC précitée qu' un tiers seulement des organisateurs de soirées dans lesquelles des étudiants font le service des boissons mettent en place des actions de prévention . Plus généralement, près du tiers des soirées ne donnent lieu à aucune action de prévention. En outre, beaucoup d'associations jugent ces actions contraignantes ou inutiles. Les réalités financières sont souvent évoquées pour expliquer l'absence ou le caractère exceptionnel des dispositifs de prévention. Toutefois, le rapport du CREDOC établit que le manque de connaissances sur les actions et les outils est également un des freins principaux à la mise en oeuvre d'actions de prévention.
L'étude met par ailleurs en exergue la signature de chartes de prévention : 44% des associations interrogées signent ainsi une charte ou une convention de prévention.
Les contacts avec des administrations, des collectivités locales, des grandes associations telles que la Croix Rouge ou l'association Prévention Routière constituent une autre manière de promouvoir un comportement plus responsable dans les soirées : les trois quarts des associations sont concernées. Ces contacts peuvent cependant recouvrir des réalités très variables en termes de contenu des échanges et de lien éventuel avec l'adoption d'actions de prévention.
Les chartes et les contacts entre les associations étudiantes et les acteurs de la prévention semblent avoir un impact favorable sur la mise en place de dispositifs de prévention . En particulier, les organisateurs ayant signé des chartes sont plus nombreux à déclarer mettre en oeuvre des actions de prévention : 78% le font, 32% en mettent en place systématiquement. En l'absence de charte, seuls 63% des organisateurs mettent en place des actions de prévention, dont 21% systématiquement.
Lors de son audition, l'UNEF a fait valoir d'une part que la formation des membres des associations qui organisent les soirées devrait constituer une priorité, d'autre part que ni les fonds du FSDIE ni ceux versés directement par les établissements dans le cadre de conventions avec une association ne devraient pouvoir bénéficier à celle-ci alors même que, parallèlement aux actions positives qu'elle a engagées et qui justifient la subvention, elle organise également des événements « à risque » en dehors de l'établissement (soirée dans une forêt, par exemple). L'association « Promotion et défense des étudiants » a pour sa part indiqué que son axe principal de travail portait sur le renforcement du triangle chef d'établissement/associations/mutuelles étudiantes, qui doit, notamment par le biais de conventions, aboutir à un meilleur encadrement des événements étudiants.
L'ensemble des acteurs du monde étudiant entendus par votre rapporteur se sont d'ailleurs accordés sur la nécessité de renforcer les liens entre les associations et les chefs d'établissement . Cette constatation a conduit votre rapporteur à ne pas proposer de modification de l'obligation d'information du chef d'établissement prévue par la proposition de loi.
Enfin, les initiatives dans le domaine de la prévention et de la sensibilisation aux risques, même si elles vont dans le bon sens, pêchent par manque de coordination . Ainsi, il existe de nombreuses chartes de bonnes pratiques d'origine différente pour les soirées étudiantes, ce qui brouille quelque peu le message : l'élaboration d'une charte unique, validée par l'ensemble des acteurs, constituerait donc un progrès appréciable.
Pour conclure, votre rapporteur a pu constater qu'il existait indéniablement un mouvement, voir un foisonnement d'initiatives pour réduire les risques liés à la consommation excessive d'alcool lors des rassemblements étudiants . Toutefois, les représentants des étudiants font également valoir que les financements sont insuffisants pour développer ce mouvement autant qu'il est nécessaire et l'ensemble des acteurs reconnaît un besoin de clarification et de mise en cohérence des initiatives.
En tout état de cause, il est nécessaire de prendre garde à ne pas « casser » cette dynamique par un texte qui substituerait une approche par trop répressive aux efforts de prévention menés par l'ensemble des acteurs. Selon les auteurs du rapport du CREDOC : « les acteurs soucieux de prévenir les risques auraient tout à gagner à s'appuyer sur ces organisateurs de soirées, qui, en ce domaine, sont majoritairement conscients de leurs responsabilités. Plus que d'un arsenal législatif répressif dont l'efficacité est souvent toute relative, ce dont les associations étudiantes nous disent avoir besoin c'est avant tout d'être mieux formées, mieux outillées et mieux accompagnées ».
* 3 Lors de son inscription à l'Université, chaque étudiant verse une somme forfaitaire, déterminée par arrêté ministériel, pour le compte du FSDIE (14€ pour l'année universitaire 2009-2010). L'ensemble de ces sommes permet de participer au financement de projets divers, portés par des étudiants de l'université. Chaque dossier est examiné par le conseil des études et de la vie étudiante (groupe de travail de la vie étudiante, composé notamment des VPE (vice-présidents étudiants), d'élus étudiants, de représentants des associations et des enseignants), qui statue sur l'attribution d'un financement ainsi que sur son montant.