B. COMBATTRE L'ABSENTÉISME ET LE DÉCROCHAGE SCOLAIRE : POUR LE GOUVERNEMENT, IL FAUT SURVEILLER ET PUNIR
1. La suspension des allocations familiales : une réponse à l'absentéisme brutale et inappropriée
Aux fins prétendument de lutter contre l'absentéisme , le décret n° 2011-89 du 21 janvier 2011 a choisi une méthode de surveillance étroite des absences avant de s'engager sur la voie punitive : la suspension des allocations familiales. Conscient de la brutalité sociale qu'il emploie, le ministère de l'éducation nationale a jugé utile d'observer, dans la réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux :
« Il convient de rappeler que la suspension des allocations familiales ne peut intervenir qu'après qu'a été constatée, au cours de deux mois différents dans une même année scolaire, l'absence d'un élève au moins quatre demi journées dans le mois, sans motif légitime, ni excuses valables ».
Or la procédure est bel et bien appliquée : toujours selon le ministère de l'éducation nationale, au 30 mai 2011, quelques mois seulement après l'entrée en vigueur du dispositif qui prévoit de surcroît une procédure par étapes :
- 36 243 signalements avaient été adressés par les établissements aux inspecteurs d'académie et 27 917 premiers avertissements adressés aux familles des enfants absentéistes ;
- 4 919 situations avaient donné lieu à une information des maires ;
- 6 280 seconds signalements avaient été adressés par les établissements aux inspecteurs d'académie, 147 demandes de suspension avaient été envoyées aux caisses d'allocations familiales (CAF) et 51 suspensions effectives étaient intervenues dans dix départements , le Gouvernement précisant que « dans plusieurs départements, des demandes de suspension sont en cours ».
Dans l'attente du rapport du Gouvernement évaluant les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire et d'accompagnement parental, dont l'article 7 de la loi du 28 septembre 2010 1 ( * ) prévoit la remise au Parlement avant le 31 décembre 2011, ce premier bilan montre une concentration des suspensions d'allocations familiales dans un petit nombre de départements. A l'injustice intrinsèque d'une telle mesure , qui pénalise les plus pauvres , s'ajoute une seconde inégalité dans sa mise en oeuvre , différenciée selon les départements .
2. Les établissements de réinsertion sociale : un outil contre le décrochage scolaire ou un instrument de police ?
Alors que l'absentéisme est souvent la première étape avant le décrochage scolaire, les établissements de réinsertion sociale (ERS) n'ont pas les moyens de leurs ambitions .
Cinq nouveaux ERS ont été ouverts à la rentrée 2011 et quatre autres doivent l'être au cours de l'année scolaire 2011-2012, ce qui porterait ainsi à vingt le nombre total de ces établissements.
Mais encore faudrait-il donner aux ERS qui existent déjà les moyens d'exercer leurs missions . Par exemple, fin novembre 2010, les syndicats alertaient le ministre de l'éducation nationale sur la situation de l'ERS de Nanterre, qui depuis un mois fonctionnait sans surveillant ni éducateur, en ne comptant qu'un seul enseignant éducateur. Les conditions de sécurité minimales n'étaient plus assurées, tant pour le personnel que pour les élèves.
Face aux incidents survenus dans plusieurs ERS en fin d'année 2010, la réponse de Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, a consisté une fois encore à surveiller et punir, en prônant notamment le recours aux travaux d'intérêt général et une utilisation accrue des équipes mobiles de sécurité.
3. Des réponses pragmatiques devant associer les acteurs de terrain
Face aux défis multiples que posent l'absentéisme et le décrochage scolaire, vos rapporteurs spéciaux prônent de lutter contre les inégalités sociales à l'école par la mise en place d'observatoires , formés à 50 % de représentants des personnels.
De même, une nouvelle sectorisation scolaire sera nécessaire pour concentrer les moyens dans les territoires où la fracture sociale et scolaire continue de grandir. Cette réponse doit s'imposer de préférence aux internats d'excellence qui poursuivent, sous une forme nouvelle, la ghettoïsation de l'école.
* 1 Loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.