EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 2 novembre 2011, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement », le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » et le compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - Je ferai d'abord une présentation de la politique française d'aide publique au développement (APD), puis des crédits dont nous sommes co-rapporteurs avec Fabienne Keller.
La mission « Aide publique au développement » ne regroupe qu'un tiers des dotations que la France consacre à l'APD, soit 3,33 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le présent projet de loi de finances. A cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l'ensemble des moyens concourant à l'APD française n'a pas facilité les travaux de vos rapporteurs spéciaux, ainsi que nous avons eu l'occasion de le dire à Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération, lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le 27 octobre. Il nous avait promis d'envoyer ce document dans les meilleurs délais, ce qu'il n'a pu faire, à notre grand regret.
Avec un montant global évalué à 9,7 milliards d'euros en 2010, la France est loin d'atteindre les engagements pris lors du sommet du G8 à Gleneagles, en 2005, de consacrer 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l'APD en 2015.
A cette fin, un rendez-vous avait été fixé en 2010 par les pays européens, qui s'étaient engagés à allouer, à cette date, 0,56 % de leur RNB à l'aide publique au développement. Or, ce ratio n'a atteint que 0,50 % pour notre pays. Par ailleurs, la stabilité des crédits consacrés à l'APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d'envisager de dépasser ce niveau dans un proche avenir. Le décalage entre les paroles, pavées de bonnes intentions, et les actes est d'autant plus flagrant que d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif d'augmentation de leur APD en 2010 pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0,56 % du RNB. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place mondiale des pays pour le volume global d'aide publique au développement.
S'agissant des crédits de la mission APD, leur montant en 2012 en crédits de paiement est stable à 3,33 milliards d'euros, respectant les engagements de la programmation pluriannuelle des finances publiques. Ces crédits retracent les actions de trois ministères :
- le ministère de l'économie, dans le programme « Aide économique et financière au développement » (à hauteur de 1,19 milliard d'euros en CP dans le présent projet loi de finances) ;
- le ministère des affaires étrangères et européennes, dans le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » (2,11 milliards d'euros en CP) ;
- et le ministère de l'intérieur, pour les actions retracées dans le programme « Migrations et développement solidaire » dont les crédits, modestes (28 millions d'euros en CP), sont de surcroît en recul de 6,7 % par rapport à 2011, ce qui soulève la question d'une vraie politique française de développement solidaire.
En ce qui concerne les autorisations d'engagement (AE) de la mission, elles baissent de 40 % en 2012 par rapport à 2011, pour s'établir à 2,7 milliards d'euros, mais les fortes évolutions observées d'une année sur l'autre ne font que refléter les calendriers de reconstitution de la contribution française aux fonds multilatéraux.
S'agissant des crédits de personnel, la correction technique du plafond d'emplois en 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ?
La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, ce qui est d'autant plus regrettable lorsque l'on considère le montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont été rabotés, et diminuent de 64 à 61 millions d'euros entre 2007 et 2012.
Je pense, plus encore, à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations-Unies : 86 millions d'euros en 2007, 71 millions en 2009, 64 millions en 2010, 49 millions en 2011, avant de remonter timidement à 51,4 millions d'euros en 2012.
Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l'Etat, l'Agence française de développement (AFD), au conseil d'administration de laquelle j'ai l'honneur de représenter la commission des finances. A cet égard, comme les autres membres du conseil d'administration, j'ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant le malaise tangible des personnels. L'AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une réduction de 8 % de ses frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures conduites ne peuvent l'être que dans la plus étroite concertation avec le personnel et leurs organisations représentatives, ce qui n'est apparemment pas le cas au regard des tensions apparues avec la direction.
Toujours en ce qui concerne l'AFD, la préparation du contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2011 à 2013 a pris du retard. Par ailleurs, en application de dispositions de la loi de finances initiale pour 2009 introduites à l'initiative de notre ancien collègue Michel Charasse, le résultat financier annuel de l'AFD est versé au budget général, au titre de dividende de l'Etat, en recettes non fiscales de l'exercice qui suit sa constatation. Si le résultat financier annuel de l'exercice 2008, d'un montant de 167,2 millions d'euros, correspond très exactement au dividende versé en 2009, le résultat financier annuel en 2009 - soit 242,4 millions d'euros - est supérieur au dividende versé en 2010 (220 millions d'euros), selon les informations qui ont été communiquées aux rapporteurs spéciaux. Nous interrogerons le Gouvernement en séance publique sur ce point.
De même, j'interrogerai le Gouvernement sur la suppression en 2010 d'une niche fiscale, à l'initiative de la commission des finances : il s'agissait du compte épargne co-développement qui ne concernait, selon le Gouvernement, que 31 souscripteurs. Or, le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires. Qu'en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l'instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?
Le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l'Etat en faveur de l'aide au développement et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier européen en faveur de la Grèce.
La mission correspondante est dotée par le présent projet de loi de finances de 1,8 milliard d'euros en autorisations d'engagements et de 5,59 milliards d'euros en crédits de paiements, dont 3,89 milliards d'euros au titre du prêt accordé à l'Etat grec.
La première section du compte spécial retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des Etats émergents en vue de faciliter la réalisation d'infrastructures. Les projets susceptibles d'être soutenus dans ce cadre en 2011 sont détaillés dans le rapport. Force est de constater que les montants alloués, relativement faibles, traduisent l'insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.
La deuxième section porte sur les prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés.
La troisième section du compte spécial retrace des prêts à l'AFD pour octroyer des prêts dans des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.
Enfin, la quatrième section correspond à la mise en oeuvre, pour la deuxième année, du plan de soutien européen à la Grèce, dont le montant global représente 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour la France sur la période 2010-2013. Parmi les Etats membres de l'Union européenne, notre pays contribue à hauteur de 20,97 % au plan d'aide à la Grèce. Je rappelle que ces dispositions ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative du 7 mai 2010.
On relèvera que, pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce et en ce qui concerne les appels à la solidarité européenne en faveur de l'Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière (FESF).
Avant de céder la parole à ma collègue Fabienne Keller, je voudrais enfin dire un mot de la mission de contrôle budgétaire que j'ai effectuée en Haïti du 18 au 21 juillet 2011. Peut-être aurai-je d'ailleurs l'occasion, ultérieurement, Monsieur le Président, de présenter plus en détail cette mission. En tout cas, j'ai pu apprécier l'effort remarquable conduit sur place par l'équipe de l'AFD, après le terrible séisme qui a touché le pays, en causant près de 300 000 morts. La France a répondu présente par des promesses d'aide à hauteur de 326 millions d'euros en 2010 et 2011. Cependant, le taux d'engagement des crédits n'est pas satisfaisant puisqu'il n'atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. Certains projets sont par ailleurs discutables dans leur choix. Ces marges de progression soulignent tout le bénéfice que l'action de la France retirerait d'une coordination accrue entre le directeur local de l'Agence et notre Ambassadeur, alors que j'ai ressenti quelques tensions.
Sous le bénéfice de ces observations, je propose que la commission des finances s'en remette à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Je ferai simplement quelques réflexions sur des points précis, puisque Yvon Collin a présenté dans ses grandes lignes le budget de l'aide publique au développement, à la fois en termes de chiffres et d'analyse. Je partage pleinement ses observations sur la nécessité, pour notre pays, de respecter les engagements pris au G8 à Gleneagles, afin de converger vers le niveau de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement.
Permettez-moi d'insister sur quatre thèmes.
Quelques mots tout d'abord sur les engagements en faveur de la forêt et de la lutte contre le changement climatique. Un compte d'affectation spéciale, créé l'année dernière, vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation : « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Il était prévu de couvrir son besoin de financement par la cession de « quotas carbone » qui s'échangent entre les Etats. Il s'agit des unités de « quantité attribués » (UQA) de quotas carbone. Le Gouvernement escomptait 150 millions d'euros de recettes.
Ce ne sont ni les quotas carbone des entreprises, ni les quotas que peuvent acquérir les entreprises en investissant dans les pays en voie de développement. Le marché des quotas carbone entre Etats n'est, lui, malheureusement pas liquide et il n'y a donc pas eu de vente de quotas par la France pour mettre en oeuvre les actions prévues dans le compte d'affectation spéciale : l'imagerie satellite pour les pays d'Afrique centrale, la gestion forestière durable dans la province du Kalimantan en Indonésie, ou encore la coopération régionale sur le plateau des Guyanes.
Je partage la position du ministère des affaires étrangères et européennes sur le nécessaire maintien de ce compte. Nous pourrons peut-être nous intéresser, avec notre collègue Gérard Miquel, à ce marché d'échange des quotas carbone entre les Etats, dont les prix ne peuvent pas être complètement décorrélés de ceux des marchés de quotas carbone des entreprises .
La vente des quotas carbone montre l'intérêt des financements innovants. A cet égard, la contribution de solidarité sur les billets d'avion, parfois moquée lors son annonce par le Président Jacques Chirac, offre aujourd'hui une ressource stable, notamment auprès d'Unitaid qui reçoit 90 % du produit de la taxe. Cette ressource doit nous motiver pour évoquer la taxe sur les transactions financières (TTF).
La création de cette taxe a été soutenue depuis de longs mois par Christine Lagarde et par le Président de la République. Cette question est inscrite à l'ordre du jour du G20 des jeudi 3 et vendredi 4 novembre 2011. En janvier, le Président de la République avait mandaté Bill Gates pour la réalisation d'un rapport sur le financement du développement, en explorant notamment l'idée d'une taxe sur les transactions financières. Les conclusions de ce rapport devraient être débattues lors du prochain sommet du G20. Même si je ne doute pas que la crise grecque dominera l'ordre du jour, une décision devrait être prise à ce sujet.
En juin, à l'initiative de plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté une résolution sur l'introduction de cette taxe en Europe. Au niveau européen, la Commission a adopté une proposition en vue de la création d'une telle taxe, après un vote favorable, à une large majorité, du Parlement européen au printemps dernier. Enfin, Wolfgang Schäuble, dans une interview au Financial Times du lundi 31 octobre, a réaffirmé le soutien de l'Allemagne à un tel dispositif. Les estimations du rendement varient entre 15 et 55 milliards d'euros. La taxe devrait avoir une assiette large et un taux bas, même si des débats continuent sur le type de transactions entrant dans son champ d'application, ainsi que sur son affectation.
Je rappelle que notre collègue Yvon Collin a été l'auteur d'une proposition de loi sur la taxation de certaines transactions financières, déposée le 11 février 2010. Pour ma part, je voudrais former le voeu que nous puissions porter ensemble, majorité sénatoriale et majorité présidentielle, un amendement au projet de loi de finances qui pourrait prévoir l'instauration d'une telle taxe. Ce serait un signal fort en faveur de sa création, au lendemain du G20.
Rappelons brièvement l'intérêt de la taxe sur les transactions financières :
- elle possède une dimension morale : réguler un certain nombre d'excès, créer un frottement sur les marchés financiers et faire contribuer à la coopération et au développement le secteur financier qui est l'origine de la crise actuelle ;
- elle procède, deuxièmement, d'une nécessité budgétaire : compléter le budget européen, fournir une aide au développement et à la lutte contre le changement climatique, et réduire les déficits dans une certain proportion qui sera affectée au budget national ;
- enfin, elle résulte d'un engagement politique, celui de mettre en oeuvre un dispositif partagé par plusieurs Etats à travers le monde. Tel est l'enjeu du G20.
J'en viens aux deux derniers points de mon intervention.
Je voudrais tout d'abord évoquer la coopération décentralisée, dont les actions ont été estimées à 75 millions d'euros dans le budget 2011. On peut estimer que ce montant est très largement sous-évalué, puisque la mise à disposition de personnels, pourtant largement utilisée par les collectivités, n'est pas incluse dans son évaluation. S'agissant de la coopération entre un département et un territoire, entre deux villes, entre deux régions, on peut presque parler de coopération technique. Il est très naturel, pour les collectivités, d'échanger sur des sujets techniques, sociaux ou culturels.
Ma dernière remarque a trait aux changements politiques survenus au Maghreb, où la France a une responsabilité particulière. Le Président de la République a pris des engagements lors du sommet du G8 à Deauville en 2011 : un plan de soutien à l'Egypte et à la Tunisie a été adopté, d'un montant de 40 milliards de dollars, et il a été décidé l'extension du mandat de la BERD. C'est là aussi un axe majeur en termes d'aide au développement, et qui montre le besoin d'être plus présent. Nous pouvons ainsi regretter que la dotation de Canal France International (CFI), qui est un des supports de France 24 et a eu rôle d'information très important au moment des révolutions arabes, soit érodée dans ce budget.
Pour conclure, je me réjouis que le budget de l'APD ait été sanctuarisé, puisqu'il n'a pas subi la réduction généralement appliquée aux autres budgets de l'Etat. Cette sanctuarisation des crédits traduit l'engagement du Gouvernement à protéger l'aide au développement en période de tempête budgétaire. Je vous proposerai donc d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que ceux des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Enfin, pour conclure, je voudrais dire également ma joie de partager ce rapport très riche avec Yvon Collin.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je souhaiterais faire deux observations. Tout d'abord, concernant la taxe sur les billets d'avions, je rappelle que la gauche l'a votée. J'ai vu dans le rapport écrit qu'elle a rapporté 707 millions d'euros depuis sa création, dont 163 millions d'euros en 2010, malgré une légère diminution l'an dernier par rapport à 2008, en raison notamment de la crise des transports aériens. C'est aux rapporteurs spéciaux de veiller à ce que le produit de la taxe soit effectivement affecté à des achats de vaccins et de médicaments.
Je voudrais ensuite parler de la taxation des transactions financières. Son principe donne lieu à un consensus entre l'Allemagne et la France, mais l'assiette, le taux et l'affectation font débat. Je trouve très optimiste de considérer qu'une partie puisse être dédiée à l'aide au développement. Dans la première version de cette taxe, telle qu'elle a été présentée il y a plus de dix ans à l'Assemblée nationale, celle-ci devait avoir un effet dissuasif sur les mouvements spéculatifs, comme la crise financière nous l'a rappelé. Mais pour beaucoup d'ONG, une telle taxe devait être consacrée au développement. Aujourd'hui, il est proposé qu'elle complète le budget de l'Union européenne, surtout au vu de la tendance à la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union, et qu'une autre partie soit affectée au budget des Etats. Je vous trouve donc optimiste, ma chère collègue, mais pourquoi pas ?
Ma deuxième question concerne l'aide aux pays émergents, désormais « émergés », comme les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Pouvez-nous nous éclairer sur les montants d'aide publique au développement que reçoivent ces pays, alors que diverses estimations circulent dans la presse ?
M. Philippe Marini, président . - Je joins ma voix à celle de la rapporteure générale, puisque nous avons déjà formulé ce type de remarques sur le financement de l'Agence française de développement (AFD) au cours des années passées. Le bureau de la commission des finances avait effectué une mission au Brésil, et nous nous étions étonné de la participation de l'AFD sur un projet, qui était importante en valeur absolue mais minoritaire dans l'ensemble des financements. Quelle était l'utilité d'apporter un financement dans un tel cadre ? Ne s'agissait-il pas de nourrir l'activité de l'AFD dans un pays comme le Brésil, dont l'Agence ne peut pas être absente ? Peut-être nos deux rapporteurs spéciaux auraient-ils l'un et l'autre quelques éléments d'information à nous apporter, en vue éventuellement d'un contrôle sur pièces et sur place...
M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - Suivant la même logique, une question récurrente est l'aide à la Chine et la justification de la présence de l'AFD dans ce pays. En réalité, il n'y a pas d'aide directe dans un pays émergent sans un retour pour notre pays, cette aide prenant notamment la forme de prêts qui sont remboursés. Il est aussi souhaitable que la France, à travers l'AFD, soit présente dans ces pays, car ils constituent des relais de notre présence, et ils apportent une aide technique dans certains secteurs.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Sur ce point, je ne peux que confirmer les explications de mon collègue. Le rapport détaille le mécanisme des prêts en fonction des pays, qui diffère entre les pays les moins avancés (PMA) et les pays émergents, dont les prêts sont les mieux remboursés.
Concernant la taxe sur les transactions financières, ce projet a plusieurs origines. Cette taxe a été imaginée à l'origine par un libéral dans les années 1970, après la fin du système de Bretton Woods, pour réguler les marchés financiers. Elle fut ensuite défendue par les ONG pour financer des projets liés à la lutte contre le changement climatique dans les pays les plus fragiles, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie. Plus récemment, au niveau européen, il est apparu que la création d'une ressource propre pourrait s'appuyer sur cet instrument, pour desserrer l'étau des perspectives budgétaires de l'Union européenne. Enfin, un principe de pragmatisme budgétaire s'applique : pour créer une nouvelle fiscalité, il vaut mieux qu'il y ait un large consensus, d'où l'idée de partager le produit de cette taxe.
Dans la durée, ce sont plutôt les ONG qui ont défendu cette idée, mais celle-ci a fini par faire école. Compte tenu de la crise économique dans laquelle nous nous trouvons, c'est maintenant que nous pouvons surmonter les barrières techniques pour la mettre en place. Le simple fait de prélever cette taxe conduira à suivre un mouvement général. Il y aura une obligation de déclarer les transactions, et nous disposerons d'un suivi sur la nature et le volume des produits financiers échangés.
Concernant la taxe sur les billets d'avion, cette ressource est affectée à 90 % au fonds Unitaid, qui est l'un des fonds de prévention pour le sida. C'est une des grandes aides structurelles de nature multilatérale. Philippe Douste-Blazy dirige avec succès ce programme, grâce notamment à cette aide qui s'inscrit dans la durée, à l'échelle d'une maladie qui agit sur le long terme, et qu'elle permet de combattre dans les pays les plus pauvres.
M. Philippe Marini, président . - Je me permets de rappeler que les matières fiscales sont traitées, dans l'Union européenne, par un vote à l'unanimité. La Grande-Bretagne, notamment, n'appliquera jamais une taxe sur les transactions financières. Nous pouvons craindre que les choses s'arrêtent au niveau du verbe.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Je suis plus optimiste s'agissant de l'Union européenne. On peut espérer que sur un tel sujet, à l'image de la taxe sur les billets d'avions, plusieurs pays appliquent simultanément le dispositif. Ceci devrait être vrai pour l'Union européenne et les pays membres du G20. Nicolas Sarkozy essaie en effet de monter un groupe pilote, notamment avec des pays membres du G20, qui accepteraient de mettre en place cette taxe, sur des bases harmonisées.
Nous sommes en période d'innovation, et l'Union européenne n'a jamais progressé qu'en phase de crise.
M. Philippe Marini, président . - Nous pouvons donc avoir de grands espoirs !
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale . - Nous pouvons donc espérer une action sur la fiscalité, sujet majeur de blocage en Europe, par la mise en place de ce dispositif à l'échelle européenne. Un amendement au projet de loi de finances pour 2012 présenté par nos collègues députés à l'Assemblée nationale prévoyait une coordination des dispositifs entre la France et l'Allemagne. On peut espérer que ce projet, dans ses grandes lignes, sera validé lors du sommet du G20.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial . - Pour apporter une précision sur l'aide au développement, elle devrait s'orienter dans les années à venir vers l'agriculture. Il y a là un espoir de prospérité accrue pour plusieurs pays, notamment en Afrique. Le rapport de Bill Gates préconise un soutien majeur à l'agriculture. Il faudra s'attendre, à terme, à une réorientation des aides en ce sens.
M. Philippe Marini , président . - J'en déduis que la préconisation commune des rapporteurs spéciaux est de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Y a-t-il des objections ?
La Commission suit cet avis.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Aide publique au développement », du compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » et du compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2011, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a décidé de confirmer sa décision de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et sur les crédits des deux comptes spéciaux.