EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La démocratie n'a pas de prix, mais elle a un coût, et celui-ci doit être réduit : telle est la philosophie qui semble présider au présent projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale le 19 décembre 2011 et qui sera examiné en séance publique par notre Assemblée le 12 janvier 2012.
Ce texte vise, en effet, à réduire de 5 % le plafond du remboursement forfaitaire des dépenses des candidats à l'élection présidentielle et à suspendre, jusqu'au retour à l'équilibre des finances publiques, l'application à ce scrutin du mécanisme d'actualisation du plafond de dépenses en fonction de l'inflation. Il s'agit donc la reprise des dispositions déjà adoptées par le Parlement, pour l'ensemble des autres élections au suffrage universel direct, à l'occasion de la loi de finances pour 2012. Ce dernier texte est toutefois resté sans conséquence sur l'élection présidentielle, pour laquelle la Constitution impose l'intervention d'une loi organique.
Le cumul de ces deux mesures devrait, selon le chiffrage optimiste -et discutable- établi par le gouvernement, générer une économie de près de 4 millions d'euros.
Cette volonté de réduction des dépenses s'inscrit dans le contexte du « plan d'équilibre des finances publiques » dont la mise en oeuvre, largement opérée en loi de finances, avait été annoncée en novembre 2011 par le Premier ministre François Fillon afin de tenir compte d'une nouvelle baisse du taux de croissance prévisionnel pour 2012 (qui avait été porté de 1,75 à 1 %). La baisse du taux de remboursement des dépenses exposées par les candidats à l'élection présidentielle s'appliquerait donc dès le scrutin présidentiel de 2012.
Consciente du caractère limité des économies que le présent texte permettra de réaliser, votre commission a toutefois souhaité que ce projet de loi organique soit, pour elle, l'occasion de mener une réflexion plus générale sur le financement de la campagne présidentielle, qui comporte de nombreuses failles : il incombe en effet au législateur non seulement de tenir compte de l'impératif de redressement de nos finances publiques, mais aussi de renforcer la portée et la pertinence des règles en vigueur -qui ne permettent pas, en l'état, d'assurer l'égalité entre les candidats.
I. LE FINANCEMENT DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE : DES RÈGLES DE REMBOURSEMENT SPÉCIFIQUES
A. LE REMBOURSEMENT FORFAITAIRE DES DÉPENSES EXPOSÉES PAR LES CANDIDATS À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE : DES RÈGLES QUI COMPORTENT CERTAINES SPÉCIFICITÉS
Les règles relatives au remboursement par l'État des dépenses exposées par les candidats en vue de l'élection présidentielle figurent aux paragraphes II, III et V de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Ces dispositions renvoient à de nombreux articles du code électoral 1 ( * ) et sont donc proches du droit commun en matière de financement des campagnes électorales . Elles prévoient notamment :
- une limitation du montant maximal des dépenses électorales : ce plafond est fixé par la loi de 1962 et était, jusqu'à la loi du 14 avril 2011 2 ( * ) , actualisé par décret tous les trois ans en fonction de l'indice du coût de la vie établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques 3 ( * ) ;
- la prise en charge partielle, par l'État, des dépenses électorales engagées dans l'année précédant le premier tour de scrutin (c'est-à-dire, pour l'élection présidentielle de 2012, à compter du 1 er avril 2011). Cette prise en charge est forfaitaire et intervient, en pratique, après l'élection : elle prend donc la forme d'un remboursement. Le montant du remboursement forfaitaire est plafonné en fonction de trois critères :
- le nombre de voix obtenues par le candidat : le montant du remboursement versé aux candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages ne peut excéder 5 % du plafond de dépenses 4 ( * ) , alors que les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages peuvent obtenir jusqu'à 50 % de ce même plafond ;
- l'accès, ou non, au second tour : en effet, le montant du droit à remboursement est étroitement corrélé au montant du plafond de dépenses (v. supra ). Or, la loi de 1962 fixe deux plafonds de dépenses distincts pour chacun des deux tours : dans la mesure où le plafond applicable aux candidats du second tour est nettement supérieur à celui auquel sont soumis les candidats éliminés après le premier tour, le montant maximal du remboursement versé aux premiers est plus important que celui qui s'applique aux seconds ;
- le coût de la campagne conduite par le candidat : le V de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 précise ainsi que la somme versée à chaque candidat « ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne ».
En outre, chaque candidat bénéficie, au début de la campagne (c'est-à-dire dès lors qu'il est inscrit sur la liste de candidats établie par le Conseil constitutionnel en vue du premier tour) d'une avance forfaitaire de 153 000 euros ; ce montant est ensuite déduit du droit à remboursement.
Enfin, depuis la loi organique du 5 avril 2006 5 ( * ) , le montant du remboursement forfaitaire effectivement versé aux candidats est arrêté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui dispose notamment du pouvoir de réformer ou de rejeter les comptes de campagne, ainsi que de diminuer le remboursement afin de sanctionner les irrégularités les moins graves.
Les décisions de la CNCCFP peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel dans le délai d'un mois suivant leur notification au candidat ; elles ne peuvent être contestées que par le candidat concerné 6 ( * ) .
* 1 V. le premier alinéa du II, qui renvoie notamment, en matière de financement des campagnes électorales, aux articles L. 52-4 à L. 52-11, L. 52-12, L. 52-14 et L. 52-15 du code.
* 2 Loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique. Ce texte a modifié l'article L. 52-11 du code électoral afin de prévoir une actualisation annuelle des plafonds de dépenses, en fonction de l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac.
* 3 À titre d'illustration, en 2007, le plafond de dépenses pour les candidats présents au second tour était de 21,594 millions d'euros, contre 16,166 millions d'euros pour les candidats du seul premier tour.
* 4 On rappellera que l'existence d'un remboursement public pour les dépenses des candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages est spécifique à l'élection présidentielle et que, pour tous les autres scrutins, seuls les candidats ayant obtenu plus de 5 % des voix peuvent prétendre au bénéfice du remboursement forfaitaire de l'État.
* 5 Loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l'élection du Président de la République.
* 6 III de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962. Aucun recours n'a été formé lors de l'élection de 2007 : le Conseil constitutionnel n'a donc été saisi d'aucun compte de campagne.