EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er - Rétrocession des atolls de Moruroa et de Fangataufa à la Polynésie française

Commentaire : cet article prévoit la rétrocession des atolls de Moruroa et de Fangataufa au domaine public de la Polynésie française et la poursuite par l'État de la réhabilitation environnementale et de la surveillance radiologique et géomécanique des deux atolls.

I. Le droit en vigueur

• L'État dispose de plusieurs moyens pour céder un bien appartenant à son domaine public .

Les biens des personnes publiques, telles que l'État ou les collectivités territoriales, sont en principe inaliénables et imprescriptibles 19 ( * ) . Mais, d'une part, la cession d'un tel bien devient possible s'il fait l'objet d'un déclassement qui lui fait perdre son caractère de dépendance du domaine public.

D'autre part et surtout, le déclassement lui-même n'est pas nécessaire si l'acquéreur est une autre personne publique et que certaines conditions sont vérifiées : la cession est réalisée à l'amiable, les biens sont destinés à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et ils relèveront de son domaine public 20 ( * ) .

En tout état de cause, le transfert de propriété entre personnes publiques peut également faire l'objet d'une loi. À titre d'exemple, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a ainsi transféré au domaine public des départements une grande partie des routes classées dans le domaine public routier national.

• Par ailleurs, l'Assemblée territoriale de Polynésie , confirmant la délibération de sa commission permanente en date du 6 février 1964, a autorisé la cession gratuite à l'État , en toute propriété, des atolls domaniaux de Moruroa et de Fangataufa (voir supra , « L'implantation du centre d'expérimentation du Pacifique » ).

Cette délibération contenait une mention selon laquelle les atolls feraient d'office retour gratuit au domaine de la Polynésie française en cas de cessation des activités du centre d'expérimentation du Pacifique , aucun dédommagement ni réparation d'aucune sorte n'étant exigé de l'État.

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article prévoit que les deux atolls de Moruroa et de Fangataufa sont rétrocédés à la Polynésie française pour faire partie de son domaine public, à compter du 1 er janvier 2014.

Moruroa ou Mururoa ?

L'atoll sur lequel ont eu lieu la plupart des essais nucléaires français est désigné en Polynésie sous le nom de « Moruroa ».

L'autorité militaire et les médias de métropole ont retenu depuis 1964, de manière presque constante mais erronée, la graphie « Mururoa » 21 ( * ) .

La proposition de loi, qui prévoit la rétrocession de l'atoll à la Polynésie française, retient logiquement le nom couramment utilisé localement.

L'atoll de Moruroa ne constitue pas une commune. Son nom ne figure donc pas dans le décret du 20 décembre 2005, dont l'article premier définit les subdivisions administratives de l'État dans ce territoire 22 ( * ) .

Il précise que l'État français conservera la charge de la réhabilitation environnementale et de la surveillance radiologique et géomécanique des deux atolls, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Assemblée de la Polynésie française.

Ces tâches sont actuellement exercées par le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires (DSCEN) de la Délégation générale pour l'armement, en coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le DSCEN a été créé par arrêté du 7 septembre 1998. C'est un arrêté du 25 août 2000 qui fixe aujourd'hui ses attributions et son organisation.

Les missions du DSCEN

« Le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires est chargé :

« 1. D'assurer la direction et le suivi de la surveillance radiologique, géologique et géomécanique des sites de Mururoa et de Fangataufa et des actions consécutives éventuelles ;

« 2. De planifier les missions périodiques de surveillance sur les sites, d'assurer l'organisation générale des campagnes de prélèvements et d'y participer ;

« 3. D'assurer le suivi des questions relatives à l'épidémiologie et à l'environnement ;

« 4. De rédiger et de présenter devant la commission mixte armées - Commissariat à l'énergie atomique de sûreté nucléaire le rapport annuel de surveillance des sites du Pacifique en proposant les évolutions souhaitables ;

« 5. De conserver et d'exploiter les archives de l'ex-direction des centres d'expérimentations nucléaires ;

« 6. De conserver les archives concernant les expérimentations nucléaires et de faire réaliser ou de suivre toute étude particulière relative aux expérimentations nucléaires sous leurs aspects scientifique, sanitaire, écologique, médiatique se rapportant à l'organisation et à la conduite de ces expérimentations ainsi qu'à l'impact de ces dernières sur les populations et l'environnement ;

« 7. De fournir aux autorités compétentes un avis sur toute intervention d'organismes extérieurs publics ou privés sur les sites ;

« 8. D'organiser, en tant que de besoin, des missions de contrôle nationales ou internationales et d'y participer. »

(Arrêté du 25 août 2000 fixant les attributions et l'organisation du département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires, article 2)

III. La position de votre commission

L'objectif de rétrocession des atolls de Moruroa et Fangataufa a été exprimé plusieurs fois, notamment au Sénat lors de l'examen de la loi organique du 27 février 2004 sur le statut d'autonomie de la Polynésie française. Notre ancien collègue Lucien Lanier, rapporteur de cette loi, a précisé dans son rapport comme lors de l'examen du texte en séance publique que ces lagons et atolls ont vocation, à terme, à intégrer le domaine public polynésien.

Si la présence de matières hautement radioactives sur le site impose certainement une présence continue de l'État justifiée par la compétence exclusive de celui-ci en matière de défense, votre rapporteur considère que la Polynésie française dispose de son côté de compétences en matière environnementale, mais aussi culturelle, qui justifient un retour des atolls dans son domaine public .

Il s'agirait de permettre aux Polynésiens, non seulement d'être mieux impliqués dans le suivi environnemental des essais nucléaires, mais d'en entretenir la mémoire 23 ( * ) et de clore une page importante de leur histoire.

M. Jacky Briant, ministre de l'environnement, de l'énergie et des mines de la Polynésie française, a indiqué à votre rapporteur dans une contribution écrite que la rétrocession, si elle avait lieu, devrait s'accompagner de garanties très fortes, telles que la déclassification militaire du site et son classement en installation nucléaire de base 24 ( * ) , afin de garantir un accès des Polynésiens à toutes les informations les concernant et l'application du principe « pollueur-payeur » imposé aux exploitants civils par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Votre rapporteur a toutefois dû examiner cette question sous l'angle juridique .

• La première question posée par cet article est celle de l'application de la clause de rétrocession contenue dans la délibération du 6 février 1964 .

La cession ayant eu lieu en pleine propriété et la délibération constituant un acte pris par l'Assemblée territoriale de Polynésie française et non un contrat entre cette collectivité et l'État, il est permis de se demander si la clause prévoyant une rétrocession automatique s'impose à l'État.

En tout état de cause, les termes de la délibération prévoient une rétrocession non pas à la cessation des expérimentations, mais en cas de cessation des activités du centre d'expérimentation du Pacifique . Or, comme l'ont fait valoir les représentants du ministère de la défense à votre rapporteur, le centre d'expérimentation du Pacifique a toujours des activités , bien que les essais nucléaires aient cessé depuis 1996. Le CEP est en effet soumis aux dispositions de l'arrêté du 9 décembre 1986 fixant l'organisation du centre d'expérimentations du Pacifique, modifié par arrêtés du 7 septembre 1998 et du 4 juillet 2000, qui lui attribue notamment la mission d'« assurer la protection et la défense des anciens sites d'expérimentations nucléaires ». Il assure également le soutien des opérations de surveillance géomécanique et radiologique.

Cette mission est bien évidemment cruciale . Le ministère de la défense a indiqué lors de son audition auprès de votre rapporteur qu'une surveillance militaire est nécessaire en raison de la présence de matières radioactives dans les sédiments du lagon des deux atolls et dans les puits creusés pour les essais nucléaires ou le stockage de déchets :

- d'une part, une connaissance précise des matières nucléaires présentes dans les puits pourrait donner des indications à caractère sensible sur les essais nucléaires réalisés par la France, ce qui pourrait porter atteinte au principe de la dissuasion nucléaire ;

- d'autre part, les matières nucléaires, dont le plutonium présent dans les sédiments du lagon, doivent être surveillées afin d'éviter leur diffusion. Cette surveillance serait une obligation imposée par le traité de non-prolifération des armes nucléaires, auquel la France est partie.

La rétrocession ne paraît donc pas être une obligation juridique. Mais elle est bien entendu possible si l'État français et la Polynésie française le considèrent souhaitable et s'entendent sur les termes de la cession .

• Une seconde question juridique s'est alors posée à votre rapporteur : celle de la possibilité de recourir à une loi ordinaire et non organique pour organiser ce transfert.

L'article 47 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française 25 ( * ) définit en effet le domaine public maritime de la Polynésie française, qui comprend, « sous réserve des droits de l'État et des tiers, les rivages de la mer, y compris les lais et relais de la mer, le sol et le sous-sol des eaux intérieures, en particulier les rades et les lagons, ainsi que le sol et le sous-sol des eaux territoriales ». Cet article ne décrit pas le domaine public terrestre.

L'article 188 de la même loi organique prévoit qu'« une loi organique fixera la date d'entrée en vigueur des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 47, à l'exception de la zone économique exclusive, en ce qui concerne les lagons et atolls de Mururoa et Fangataufa ». Le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité à la Constitution de ces articles et notamment le caractère organique de l'article 188.

C'est de même au niveau de la loi organique qu'est défini le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie 26 ( * ) , de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin 27 ( * ) .

Votre commission en conclut que le transfert par une loi ordinaire au domaine public de la Polynésie française des atolls de Moruroa et Fangataufa est juridiquement possible , mais que la loi organique de 2004 continuera à s'imposer concernant la partie de ces atolls qui fait partie du domaine public maritime .

Si une loi organique serait en conséquence nécessaire pour mener à bien une restitution complète de ces atolls, votre commission a considéré que le présent article permettait de mettre en oeuvre cette restitution pour ce qui concerne la partie terrestre des atolls.

Un débat s'étant engagé sur la dénomination de l'atoll de Moruroa, votre commission a adopté un amendement oral de votre rapporteur ajoutant la graphie « Muroroa » entre parenthèses après le nom « Moruroa », afin d'éviter tout risque d'ambigüité.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 - Interdiction des activités de recherche à des fins militaires

Commentaire : cet article prohibe les activités de recherche à des fins militaires par toute personne physique ou morale

I. Le droit en vigueur

Les atolls de Moruroa et de Fangataufa ont le statut de zone protégée de défense nationale et d'installation nucléaire intéressant la défense (voir supra , « Le statut juridique des atolls et les conditions d'une rétrocession » ). Les représentants du ministère de la défense interrogés par votre rapporteur lui ont bien confirmé qu'il n'y avait aucune activité de recherche à des fins militaires sur ces deux atolls, les seules activités consistant dans un dispositif de protection des sites et de surveillance radiologique et géomécanique.

Les activités d'expérimentation nucléaire, en particulier, sont impossibles dans les faits, les installations ayant été démantelées, mais aussi en droit, puisque la France est partie au Traité d'interdiction complète des essais nucléaires de 1996. Ce traité prévoit dans son article premier que « chaque État partie s'engage à ne pas effectuer d'explosion expérimentale d'arme nucléaire ou d'autre explosion nucléaire et à interdire et empêcher toute explosion de cette nature en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle ».

La France a signé ce traité le 24 septembre 1996 et l'a ratifié le 6 avril 1998. Le traité n'est toutefois pas encore entré en vigueur, car il n'a pas été ratifié par l'ensemble des 44 États cités dans son annexe II.

La France est également membre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, signé le 1 er juillet 1968 et entré en vigueur le 5 mars 1970.

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article interdit, pour toute personne physique ou morale, d'entreprendre des activités de recherche à des fins militaires.

Il prévoit une sanction de quinze années de détention criminelle et de 300 000 euros d'amende.

III. La position de votre commission

L'article 2, en interdisant toute recherche militaire sur le site des deux atolls, tend à répondre à des objections formulées par le ministère de la défense concernant le risque, en cas de prélèvements dans le sous-sol par des experts indépendants ou étrangers, de divulgation d'informations sur les technologies de mise au point des armes nucléaires.

Si les dispositions de cet article ne sont pas nécessairement suffisantes par elles-mêmes à prévenir le risque indiqué, qui suppose de toute manière une surveillance constante des atolls, votre rapporteur considère que l'interdiction de toute recherche militaire sur le site de ces deux atolls, qui ne présente de toute manière guère d'intérêt de ce point de vue depuis la fin des essais nucléaires, permettrait de le « sanctuariser ».

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 - Surveillance radiologique et géomécanique

Commentaire : cet article prévoit une coopération entre l'État et les collectivités de Polynésie française concernant le dispositif de surveillance radiologique et géomécanique.

I. Le droit en vigueur

La surveillance radiologique et géomécanique est actuellement assurée par l'État français.

Cette surveillance est exercée (voir supra , p. 13) par le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires (DSCEN) de la Délégation générale pour l'armement, en coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Les autorités de Polynésie française ne participent pas directement à ce dispositif, qui est d'ailleurs largement automatisé avec le système TELSITE. Elles sont informées des résultats du dispositif par différents rapports publiés par le Gouvernement au cours des années, notamment le document « La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie » (2006) et les rapports annuels de surveillance radiologique et géomécanique, présentés dix-huit mois à deux ans après les campagnes de mesures.

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article introduit dans la loi une obligation de coopération entre l'État et les collectivités concernées, à savoir :

- d'une part, la Polynésie française, pays d'outre-mer et collectivité dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution ;

- d'autre part, les quatre communes les plus proches des atolls de Moruroa et Fangataufa : Tureia, les Gambier, Nukutavake et Hao.

III. La position de votre commission

Les essais nucléaires ayant cessé en 1996 et les installations militaires ayant été démantelées en 1998, votre commission considère souhaitable une implication des collectivités territoriales dans le dispositif de surveillance.

Conscient des contraintes liées à la présence de matières radioactives sur le site ainsi que des efforts menés par l'autorité militaire en matière de transparence avec la publication de nombreuses informations depuis la fin des essais nucléaires, votre rapporteur considère, après les auditions qu'il a menées, que l'état d'esprit d'ouverture doit encore être approfondi.

Sans remettre en cause la compétence technique de l'exploitant des installations, qui n'est mise en cause par aucune personne rencontrée, une plus grande ouverture des sites à des expertises indépendantes ou internationales améliorerait certainement la confiance des Polynésiens concernant l'état radiologique et les risques d'instabilité géomécanique des atolls.

Si une telle évolution repose d'abord et avant tout sur un état d'esprit de la part de l'autorité militaire comme des acteurs locaux, votre commission, sur la proposition de votre rapporteur, a adopté un amendement inscrivant dans la proposition de loi le principe d'un recours , de la part du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), à des expertises ponctuelles mais régulières de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) .

Cet organisme, placé sous la tutelle de plusieurs ministères, présente en effet des garanties de compétence technique reconnues de tous ; il exerce d'ores et déjà de telles missions auprès des autres installations nucléaires ainsi que dans le reste de la Polynésie française.

Outre un amendement de correction d'une erreur matérielle , votre commission a également adopté un amendement présenté par M. Richard Tuheiava et plusieurs de ses collègues, tendant à ce que les modalités de la coopération entre l'État, la collectivité d'outre-mer de la Polynésie française et les quatre communes concernées soient déterminées par convention.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article  - Risques environnementaux

Commentaire : cet article prévoit l'intégration dans les plans de prévention des risques majeurs en Polynésie française des risques environnementaux relatifs à la situation radiologique et géomécanique des atolls de Moruora et Fangataufa

I. Le droit en vigueur

Le code de l'environnement définit plusieurs catégories de plans de prévention des risques .

Des plans de prévention des risques naturels prévisibles sont élaborés par l'État en application du code de l'environnement 28 ( * ) .

Ces plans couvrent un ou plusieurs risques tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. Ils délimitent les zones exposées, interdisent le cas échéant les constructions ou aménagements, définissent des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises par les collectivités publique. Les plans de prévention des risques sont annexés aux documents d'urbanisme et s'imposent à toute personne publique ou privée.

L'État élabore également des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) 29 ( * ) qui ont pour objet de limiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans des installations utilisant et maniant des matières dangereuses pour l'environnement et pour l'homme, accidents qui risqueraient d'entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques. Le PPRT a pour objectif principal de maîtriser les conditions d'urbanisation aux abords des exploitations industrielles. Quatre grandes catégories de risques technologiques sont identifiées : le risque nucléaire, le risque industriel, le risque de transport de matières dangereuses et le risque de rupture de barrage.

Au niveau départemental, le préfet peut également élaborer des schémas de prévention des risques naturels (SDPRN) 30 ( * ) . Ces schémas, pris sur avis de la commission départementale des risques naturels majeurs, sont des documents stratégiques qui définissent la politique de prévention des risques naturels à l'échelle du département. Ils précisent les actions à conduire en matière notamment de connaissance des risques, de surveillance et d'information et de travaux permettant de réduire le risque.

Si les dispositions précitées du code de l'environnement s'appliquent en France métropolitaine ainsi que dans les départements d'outre-mer, seules des dispositions législatives spéciales s'appliquent en Polynésie par application de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française 31 ( * ) .

Ainsi, les plans de prévention des risques naturels prévisibles sont régis, en Polynésie française, par le titre 8 du livre premier du code de l'aménagement de la Polynésie française 32 ( * ) . L'établissement du plan est ordonné par arrêté du conseil des ministres de Polynésie française. Le projet de plan est transmis pour avis aux conseils municipaux des communes concernées, puis soumis à enquête publique et, après une nouvelle phase d'avis, approuvé par arrêté du conseil des ministres.

Ces dispositions se rapprochent de celles du code de l'environnement, mais une différence notable concerne l'énumération des risques concernés, qui inclut en Polynésie française le raz-de-marée et le tsunami.

S'agissant des compétences de l'État, la loi organique précitée dispose dans son article 14 que l'État est compétent dans les matières suivantes : « préparation des mesures de sauvegarde, élaboration et mise en oeuvre des plans opérationnels et des moyens de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes ; coordination et réquisition des moyens concourant à la sécurité civile ; ».

L'État doit donc apporter son concours à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles. L'ordonnance du 15 février 2006 33 ( * ) prévoit ainsi les conditions de définition de plans ORSEC et de plans particuliers d'intervention en Polynésie française.

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article prévoit que les plans de prévention des risques majeurs en Polynésie française intègrent les risques environnementaux relatifs à la situation radiologique et géomécanique des atolls de Moruroa et Fangataufa.

Il vise de manière générique les plans de prévention des risques majeurs, qu'ils soient naturels ou technologiques. Il est ainsi possible d'envisager la mise en place de plans d'urgence tels que les plans particuliers d'intervention (PPI) qui permettent de faire face à un risque grave.

III. La position de votre commission

Votre commission considère que le concours de l'État est indispensable afin de fournir les informations et les moyens de secours nécessaires aux autorités de Polynésie française pour élaborer les plans de prévention adaptés.

Les plans de prévention relevant toutefois pour partie (voir supra ), dans le cadre du statut d'autonomie de la Polynésie française, de la compétence de cette collectivité, votre commission, sur la proposition de votre rapporteur, a adopté un amendement adaptant la rédaction de cet article à la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française.

Votre commission a également adopté un amendement présenté par M. Richard Tuheiava et plusieurs de ses collègues, prévoyant l'élaboration d'un plan particulier d'intervention en concertation avec les autorités locales concernées et l'État.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 - Commission nationale de suivi des essais nucléaires

Commentaire : cet article institue une commission nationale de suivi des essais nucléaires, réunissant des représentants du Gouvernement, des institutions de Polynésie et de la société civile.

I. Le droit en vigueur

Deux principaux types de structures d'information et de concertation existent autour des sites nucléaires en France :

- s'agissant des sites nucléaires civils, la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire 34 ( * ) prévoit dans son article 22 que des commissions locales d'information (CLI) sont chargées d'une mission générale de suivi, d'information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d'impact des activités nucléaires sur les personnes et l'environnement pour ce qui concerne les installations du site. Ces commissions réunissent des élus, des représentants d'associations, des représentants des intérêts professionnels ainsi que des personnalités qualifiées ; leurs travaux sont largement diffusés ;

- s'agissant des installations nucléaires de base secrètes et des lieux habituels de stationnement des navires militaires à propulsion nucléaire, un décret du 5 juillet 2001 35 ( * ) prévoit des commissions d'information qui ont pour mission d'informer le public sur l'impact des activités nucléaires sur la santé et l'environnement.

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux anciens sites d'expérimentation du Pacifique.

Par ailleurs, la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a créé, dans son article 7, une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires . Cette commission, compétente pour les seules conséquences sanitaires, se réunit au moins deux fois par an, à l'initiative du ministre de la défense, ainsi qu'à la demande de la majorité de ses membres.

Cette commission comprend dix-neuf membres dont :

- un représentant de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères ;

- les présidents du gouvernement et de l'assemblée de la Polynésie française ou leurs représentants ;

- deux députés, deux sénateurs ;

- cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ;

- ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine.

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article prévoit la création d'une commission nationale de suivi des essais nucléaires, qui comprendrait :

- des représentants du gouvernement français : ministres chargés de la défense, de la santé, de l'environnement ou leurs représentants ;

- des représentants de la Polynésie française : président du gouvernement, président de l'Assemblée de Polynésie française ;

- des parlementaires polynésiens : deux députés et deux sénateurs de la Polynésie française ;

- les maires des communes de Tureia, des Gambier, de Nukutavake et de Hao ;

- des représentants des associations représentatives des personnels civils et militaires en Polynésie française et des associations représentatives dans le domaine de la protection de l'environnement en Polynésie française.

III. La position de votre commission

Votre commission a approuvé la création de cette commission , qui constituera un lieu d'échange entre les autorités polynésiennes, l'État et la société civile.

Afin de la distinguer plus clairement de la commission créée par la loi précitée du 5 janvier 2010, votre commission a, sur la proposition de votre rapporteur, adopté un amendement tendant à la renommer en « commission nationale de suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires ». La commission a également complété la composition de cette commission en prévoyant la présence :

- du président du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire ou son représentant ;

- de personnalités scientifiques qualifiées dans les domaines suivis par la commission.

Votre commission a également adopté un amendement présenté par M. Richard Tuheiava et plusieurs de ses collègues, prévoyant la présence dans cette commission du ministre du gouvernement de la Polynésie française chargé de l'environnement ou de son représentant.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 - Missions et modalités de fonctionnement de la Commission nationale de suivi des essais nucléaires

Commentaire : cet article confie le suivi des questions relatives à l'environnement des atolls de Moruroa et Fangataufa à la Commission nationale de suivi des essais nucléaires

I. Le droit en vigueur

La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, créée par la loi précitée du 5 janvier 2010, est chargée du suivi de l'application de cette loi. Elle peut proposer une modification de la liste des maladies radio-induites et peut adresser à ce titre des recommandations au ministre de la défense et au Parlement.

Cette commission ne possède donc pas parmi ses compétences le suivi des questions environnementales relatives aux atolls de Moruroa et Fangataufa, qui n'est exercé, concernant le suivi radiologique et géomécanique, que par le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires (DSCEN) en coopération avec le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

II. Le texte de la proposition de loi

Le présent article propose de confier à la Commission nationale de suivi des essais nucléaires, créée en application de l'article 5, le suivi des questions relatives à l'environnement des atolls de Moruroa et Fangataufa.

L'approche est donc large, puisque cette commission envisagerait la situation environnementale d'ensemble des deux atolls. Elle assurerait également le suivi des impacts et effets du réchauffement climatique.

Il s'agit de vérifier si l'élévation du niveau des océans, qui pourrait résulter du changement climatique, risquerait de porter atteinte à l'étanchéité des puits qui comprennent des matières radioactives.

III. La position de votre commission

Outre un amendement rédactionnel, votre commission a adopté un amendement , présenté par votre rapporteur, prévoyant la large diffusion des travaux de la commission, la publicité de son rapport et la possibilité pour celle-ci d'obtenir les informations nécessaires à l'accomplissement de ses missions. La commission présenterait ainsi des garanties de transparence qui contribuent à la réussite, sur les autres installations nucléaires, des commissions locales d'information ou des commissions d'information 36 ( * ) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 - Gage

Commentaire : cet article prévoit une mesure de compensation des charges créées par le présent projet de loi

Cet article prévoit, de manière traditionnelle, la compensation de l'augmentation éventuelle des charges publiques résultant du présent projet de loi par la majoration, à due concurrence, des droits de consommation sur les tabacs .

Votre commission a adopté, sur la proposition de votre rapporteur, un amendement rédactionnel.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

*

* *

Lors de sa réunion du 11 janvier 2011, sur le fondement des recommandations formulées par votre rapporteur, votre commission a adopté cette proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.


* 19 Article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 20 Article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, créé par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006.

* 21 Selon l'ouvrage déjà cité de Bernard Dumortier, Atolls de l'atome , la graphie « Mururoa » proviendrait d'une erreur de transcription de la part d'un cartographe lors d'une mission géodésique menée entre 1950 et 1952.

* 22 Décret n° 2005-1611 du 20 décembre 2005 pris pour l'application du statut d'autonomie de la Polynésie française

* 23 Il existe déjà en Polynésie française des initiatives tendant à exercer ce travail de mémoire, tel le « Mémorial virtuel des essais nucléaires », créé par l'Assemblée de la Polynésie française ( http://www.moruroa.org ).

* 24 Le statut d'installation nucléaire de base est attribué aux installations nucléaires civiles, telles que les centrales nucléaires ou les centres de stockage des déchets nucléaires. Il garantit une transparence des informations et une concertation avec la population par la création notamment de commissions locales d'information (CLI).

* 25 Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 26 Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, articles 43 à 45.

* 27 Articles L.O. 6214-6 et L.O. 6314-6 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement.

* 29 Articles L. 515-15 et suivants du code de l'environnement.

* 30 Article L. 565-2 du code de l'environnement.

* 31 Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 32 Code de l'aménagement de Polynésie française, articles D. 181-1 et suivants .

* 33 Ordonnance n° 2006-173 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Polynésie française

* 34 Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

* 35 Décret n° 2001-592 du 5 juillet 2001 relatif à la sûreté et à la radioprotection des installations et activités nucléaires intéressant la défense, dispositions transférées dans l' article R*1333-38 du code de la défense.

* 36 Voir supra , Article 5 .

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