EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er (art. L. 621-2 du code de commerce) Possibilité d'ordonner des mesures conservatoires à l'égard des biens de tiers dans le cadre de l'action en extension à l'occasion d'une sauvegarde, d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation judiciaire
L' article 1 er de la proposition de loi, dans le cadre de la procédure de sauvegarde, complète l'article L. 621-2 du code de commerce, lequel permet d'étendre la procédure de sauvegarde à des tiers, « en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale » 6 ( * ) .
L'article L. 621-2 est applicable au redressement judiciaire en vertu de l'article L. 631-7 et à la liquidation judiciaire en vertu de l'article L. 641-1.
Le texte permet au président du tribunal ayant ouvert la procédure collective, en cas d'engagement d'une action en extension, d'ordonner toute mesure conservatoire utile, saisie ou sûreté, à l'égard des biens des personnes visées par l'action en extension, dans l'attente du jugement au fond. Le président du tribunal peut agir d'office ou à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public, déjà compétents pour engager l'action en extension. L'ordonnance du président du tribunal relève des voies de recours de droit commun prévues par le code de procédure civile.
Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .
Article 2 (art. L. 631-10-1 et L. 631-10-2 [nouveaux] du code de commerce) Possibilité d'ordonner des mesures conservatoires à l'égard des biens des dirigeants dans le cadre d'une action en responsabilité à l'occasion d'un redressement judiciaire et modalités d'information des représentants des salariés sur les mesures conservatoires
L' article 2 de la proposition de loi introduit deux nouveaux articles L. 631-10-1 et L. 631-10-2 dans le code de commerce.
Dans le cadre du redressement judiciaire, l'article L. 631-10-1 vise à permettre au président du tribunal saisi par l'administrateur ou le mandataire judiciaire d'une action en responsabilité à l'encontre des dirigeants de droit ou de fait - personnes physiques et personnes morales - d'une société en situation de redressement judiciaire d'ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens de ces dirigeants, lorsque l'action en responsabilité qui les visent est fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements, laquelle a conduit à l'ouverture de la procédure de redressement.
Ce dispositif s'apparente clairement, sans lui être tout à fait identique, à l'action pour insuffisance d'actif. Il s'agit en effet de rechercher une faute - qui n'est pas nécessairement une faute de gestion, mais qui serait en pratique le plus souvent une faute de gestion - imputable aux dirigeants.
Cette action à l'encontre des dirigeants d'une société en redressement se situe dans le cadre du droit commun de la responsabilité, sur la base de l'article 1382 du code civil. Elle peut conduire au versement de dommages et intérêts qui viendraient abonder l'actif de la société. Son insertion dans le code de commerce comme dispositif spécifique est néanmoins nécessaire pour prévoir, notamment, des mesures conservatoires qui dérogent avec le droit commun des mesures conservatoires tel qu'il résulte de l'article 67 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.
La proposition de loi dispose qu'il appartient à l'administrateur ou au mandataire judiciaire de demander au président du tribunal la mise en place de mesures conservatoires, en tant qu'initiateurs de l'action. L'ordonnance du président du tribunal prononçant ces mesures conservatoires peut faire l'objet des voies de recours de droit commun du code de procédure civile.
Issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en séance, à l'initiative du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, assorti de trois sous-amendements présentés par le Gouvernement, l'article L. 631-10-2 organise l'information des représentants des salariés - le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel -, par l'administrateur ou le mandataire judiciaire, lorsqu'une mesure conservatoire est ordonnée dans le cadre d'une action en extension prévue à l'article L. 621-2. Votre rapporteur note que seule l'action en extension est visée, oubliant l'action en responsabilité instituée par l'article 2 de la proposition de loi comme l'action existante pour insuffisance d'actif. Il considère qu'il aurait été judicieux de mentionner, outre l'article L. 621-2, les deux articles L. 631-10-1 et L. 651-4. Il note, en outre, que ce nouvel article se place dans le titre relatif au redressement alors qu'il vise une disposition du titre relatif à la sauvegarde. Il considère que les administrateurs et mandataires judiciaires feront très probablement une interprétation large de leur nouvelle obligation d'information. Il considère en tout état de cause que l'intention du législateur est bien que l'information des représentants des salariés en cas de mesures conservatoires ait lieu de manière exhaustive, dans les trois cas prévus aux articles L. 621-2, L. 631-10-1 et L. 651-4.
Ces modalités d'information des représentants des salariés se situent pleinement, sur le fond, dans la logique de l'article L. 623-3, lequel prévoit que le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés régulièrement par l'administrateur. Sans doute eut-il été préférable d'ailleurs de placer ces dispositions au sein de cet article L. 623-3.
Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .
Article 3 (art. L. 651-4 du code de commerce) Possibilité de maintenir les mesures conservatoires ordonnées à l'égard des biens des dirigeants en cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire
L' article 3 de la proposition de loi permet au président du tribunal de maintenir, dans le cadre d'une procédure de liquidation concernant une société ayant préalablement fait l'objet d'une procédure de redressement, des mesures conservatoires ordonnées à l'égard des biens des dirigeants à l'occasion d'une action en responsabilité telle que prévue à l'article L. 631-10-1, qui résulte de l'article 2 de la proposition de loi.
Ainsi, dès lors que la procédure de redressement judiciaire peut être convertie en procédure de liquidation judiciaire, il est nécessaire, si l'action en responsabilité engagée à l'égard des dirigeants au moment de la procédure de redressement est toujours pendante, de permettre d'assurer le maintien des mesures conservatoires qui ont été antérieurement décidées, quand bien même elles l'auraient été par un juge différent.
Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .
Article 4 (art. L. 663-1-1 [nouveau] du code de commerce) Possibilité d'autoriser la cession de certains biens de tiers faisant l'objet de mesures conservatoires et l'utilisation du produit de la cession
L' article 4 de la proposition de loi insère dans le code de commerce un nouvel article L. 663-1-1 autorisant la cession de biens faisant l'objet d'une mesure conservatoire ordonnée au titre de toute action engagée dans le cadre d'une procédure collective, lorsque la conservation ou la détention de ces biens génère des frais ou que ces biens sont susceptibles de dépérissement : action en extension (article L. 621-2), action en responsabilité pour faute des dirigeants ayant contribué à la cessation des paiements (article L. 631-10-1) et action en responsabilité pour insuffisance d'actif (article L. 651-4). La cession est réalisée par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
Comme est en cause le droit de propriété de la personne propriétaire des biens faisant l'objet d'une mesure conservatoire - le droit de propriété est constitutionnellement protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen -, la cession de ces biens doit être autorisée par le juge-commissaire désigné par le tribunal pour suivre la procédure, aux prix et conditions qu'il détermine 7 ( * ) . L'ordonnance du juge-commissaire encadre donc clairement les conditions dans lesquelles doit avoir lieu la cession et peut ainsi préserver les intérêts du propriétaire des biens concernés.
Puisque les biens cédés étaient sous mesure conservatoire, le produit de leur cession doit être confié à la Caisse des dépôts et consignations dans l'attente du jugement au fond. Pour éviter toute ambiguïté sur ce point, le texte prévoit expressément que les sommes résultant de la cession sont versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. En pareil cas, l'article L. 662-1 du code de commerce dispose que n'est recevable, dans le cadre d'une procédure collective, « aucune opposition ou procédure d'exécution de quelque nature qu'elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations ».
La proposition de loi permet aussi au juge-commissaire d'autoriser l'affectation du produit de la cession au paiement des frais engagés pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire des biens faisant l'objet d'une mesure conservatoire. L'affectation du produit de la cession paraît tout à fait dérogatoire, dans le cadre de mesures conservatoires, et porte manifestement atteinte au droit de propriété.
Cependant, l'intervention du juge-commissaire lui permet de veiller à la protection des intérêts du propriétaire, de façon à ne pas porter une atteinte excessive au droit de propriété. De plus, l'affectation n'est possible que si les fonds disponibles de la société faisant l'objet de la procédure ne suffisent pas à pourvoir aux frais de la gestion.
Enfin, ce dispositif se réfère à la notion de gestion d'affaires, qui est définie par les articles 1372 et suivants du code, afin de limiter le champ de l'utilisation des sommes. Sans doute la jurisprudence aura-t-elle à préciser l'interprétation qu'il convient de faire de cette disposition. Votre rapporteur ajoute qu'il est positif qu'ait été expressément mentionné, à la faveur d'un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, que la gestion des affaires du propriétaire des biens inclue le respect des obligations sociales et environnementales qui résultent de la propriété des biens.
Les ordonnances par lesquelles sont rendues les décisions du juge-commissaire peuvent faire l'objet de recours devant le tribunal lui-même, dont le jugement relève des voies de recours de droit commun prévues par le code de procédure civile.
Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .
Article 5 Application en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna
L' article 5 de la proposition de loi prévoit qu'elle est applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, en vertu du principe de spécialité législative, selon lequel la loi n'est applicable que sur mention expresse dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. Ceci suppose que l'État ait conservé la compétence sur le domaine modifié par la loi.
Le droit des procédures collectives relève en effet de la compétence de l'État dans ces deux collectivités ultramarines. Il relève, en revanche, de la compétence de la collectivité en Polynésie française, ce qui a conduit notre collègue rapporteur à l'Assemblée nationale à supprimer la Polynésie française de l'énumération faite à cet article.
Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .
Article 6 Application aux procédures en cours de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire
L' article 6 de la proposition de loi prévoit que les modifications et compléments qu'elle apporte au droit des procédures collectives s'appliquent aux procédures de sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire en cours à la date de publication de la loi. Forme particulière de sauvegarde, la sauvegarde financière accélérée est évidemment concernée.
L'application aux procédures en cours de modifications du droit des procédures collectives n'est pas très fréquente, car elle peut être source de confusion. C'est ainsi que les dispositions améliorant le fonctionnement de la sauvegarde, figurant à l'article 58 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, ont pris effet le premier jour du cinquième mois suivant la publication de la loi.
Cependant, il doit être noté qu'il s'agit ici d'améliorer les conditions de traitement des difficultés des entreprises et d'accroître les chances de poursuite d'activité. Il s'agit surtout, dans le cadre inchangé du droit des procédures collectives, de compléter une procédure particulière d'action en extension et de préciser les conditions d'une action en responsabilité - actions déjà connues - par la faculté d'ordonner des mesures conservatoires, qui ont un caractère provisoire, dans l'attente d'un jugement au fond. Les procédures existantes ne sont donc aucunement bouleversées, de sorte que l'application aux procédures en cours ne présente pas de difficulté pour la bonne administration de la justice comme pour les droits des justiciables.
Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .
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Votre commission a adopté la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet sans modification .
* 6 La situation particulière de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est aussi prise en compte par l'article L. 621-2.
* 7 L'article L. 621-9 du code de commerce prévoit que « le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ».