N° 449
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mars 2013 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Paul VERGÈS relative aux bas salaires outre-mer et sur la proposition de loi de M. Michel VERGOZ et plusieurs de ses collègues visant à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d'un bonus exceptionnel aux salariés d'une entreprise implantée dans une région ou un département d' outre - mer (à l' exception de Mayotte ), à Saint-Pierre-et-Miquelon , à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy (procédure accélérée),
Par M. Michel VERGOZ,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
414, 421 et 450 (2012-2013) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) du 27 mai 2009 a ouvert la possibilité, dans les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de conclure un accord interprofessionnel permettant aux employeurs de verser à leurs salariés, dans certaines conditions, un bonus exceptionnel bénéficiant d'un régime social favorable.
Il s'agissait de répondre aux vives protestations qui se sont élevées contre la « vie chère » et aux fortes revendications sociales qui se sont exprimées au cours de la crise profonde qui a durement touché les collectivités ultramarines en 2009.
La cherté de la vie outre-mer n'est pas seulement un ressenti : elle correspond à une réalité statistique. Le revenu disponible des ménages domiens apparaît inférieur de 35 % en moyenne à celui des ménages hexagonaux, tandis que les produits alimentaires sont de 30 à 50 % plus chers dans les Dom qu'en métropole 1 ( * ) . En outre, la proportion de salariés du secteur privé domien couverts par une convention collective est inférieure à 60 % tandis qu'elle s'établit à 85 % au niveau national, si bien que la proportion de salariés rémunérés au voisinage du Smic est plus élevée dans les Dom 2 ( * ) .
Dans ce contexte, depuis la crise de l'hiver 2008-2009, les populations ultramarines continuent d'être périodiquement exposées à de fortes tensions économiques et sociales. Or, en pratique, le dispositif incitatif d'exonération de charges sociales appliqué au bonus exceptionnel est appelé à s'interrompre brutalement entre les mois de mars et de décembre 2013, en fonction des dates de signature des accords interprofessionnels.
Il convient d'éviter une sortie successive et précipitée du dispositif en prorogeant temporairement ce dispositif, jusqu'à la fin de l'année 2013, avant le retour au droit commun.
Le Parlement s'est déjà prononcé favorablement sur une telle prolongation par un amendement du Gouvernement au projet de loi portant création du contrat de génération adopté définitivement le 14 février 2013. Par une décision du 28 février 2013, le Conseil constitutionnel a toutefois invalidé cette disposition, considérant qu'elle ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi 3 ( * ) .
Les présentes propositions de loi entendent remédier à cette difficulté d'ordre formel en reprenant dans un texte spécifiquement dédié ce dispositif de prorogation, qui revêt une haute importance dans l'attente des premiers effets des mesures de lutte contre la vie chère récemment adoptées par le Parlement à l'initiative du nouveau Gouvernement.
Dans un esprit de transition, il est donc proposé de prolonger les exonérations de cotisations sociales appliquées au bonus salarial exceptionnel pour une cinquième année et jusqu'au 31 décembre 2013 au plus tard.
I. LA « PRIME EXCEPTIONNELLE DE VIE CHÈRE » : UN BONUS SUR LES BAS SALAIRES ASSORTI D'UN RÉGIME SOCIAL FAVORABLE
A. UN BONUS PRESQUE ENTIÈREMENT EXONÉRÉ DE CHARGES SOCIALES
En application de l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom), les employeurs implantés dans un département d'outre-mer , à Saint-Pierre-et-Miquelon , à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy peuvent, dans certaines conditions, verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d'un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié .
Instituée à titre temporaire , cette possibilité est conditionnée à l'existence d'un accord régional ou territorial interprofessionnel applicable dès 2009 et conclu selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail 4 ( * ) .
L'article 3 de la Lodeom transpose ainsi dans la loi l'un des éléments des accords interprofessionnels de sortie de crise signés en 2009 dans les Antilles. Ces accords prévoyaient en effet la mise en place d'une « prime exceptionnelle de vie chère » d'un montant de 200 euros et reposant, d'une part, sur un bonus exceptionnel accordé par les employeurs, et, d'autre part, sur une contribution des collectivités territoriales et de l'État via la mise en place du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) d'un montant forfaitaire de 100 euros.
Le bonus exceptionnel versé par les employeurs est assorti d'un régime incitatif d'exonération quasi-intégrale de charges sociales . A son article 3, la Lodeom prévoit en effet l'exclusion du bonus de l'assiette de toutes les cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle à l'exception de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution au remboursement de la dette publique (CRDS) et du forfait social .
B. UN BONUS MODULABLE EN FONCTION DES COLLECTIVITÉS ET DES ACCORDS INTERPROFESSIONNELS SIGNÉS
Le versement mensuel du bonus par les entreprises a été mis en oeuvre selon des termes et des modalités différents en fonction des collectivités où ont été signés les accords régionaux interprofessionnels (ARI). Ces derniers ont tous fait l'objet d'arrêtés ministériels ou interministériels d'extension les rendant obligatoires dans l'ensemble des collectivités concernées 5 ( * ) .
Il existe une possibilité de modulation du bonus exceptionnel selon les salariés . Cette possibilité est doublement encadrée .
D'une part, elle doit avoir été définie soit par l'accord régional interprofessionnel, soit par un accord de branche ou d'entreprise auquel l'accord régional renvoie.
D'autre part, elle ne peut s'effectuer qu'en fonction de six critères limitativement énumérés : le salaire, la qualification, le niveau de classification, l'ancienneté, la durée du travail et la durée de présence dans l'entreprise du salarié.
Le tableau ci-dessous récapitule, pour chaque département concerné, le montant du bonus et le seuil limite d'application de l'exonération de charges sociales.
Montant du bonus exceptionnel et seuil limite d'application de l'exonération |
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Montant mensuel du bonus |
Seuil limite d'application |
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Martinique |
de 30 à 100 euros |
1,4 Smic |
Guadeloupe |
De 50 à 100 euros |
1,4 Smic |
Guyane |
De 29 à 46 euros |
1,5 Smic |
La Réunion |
De 50 à 60 euros |
Plafond de la sécurité sociale |
Source : ministère des outre-mer |
Selon les évaluations communiquées à votre rapporteur par le ministère des outre-mer, le dispositif concerne trois salariés sur quatre à La Réunion (94 400 salariés répartis dans 9 400 entreprises), 51 600 salariés et 8 500 entreprises en Guadeloupe et 24 400 salariés appartenant à 4 900 entreprises en Guyane.
L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a réalisé une estimation des pertes de recettes liées au dispositif d'exonération en appliquant aux données déclaratives un taux d'exonération de 38 % aux sommes versées par les employeurs. Les résultats de cette estimation, qui ont été communiqués à votre rapporteur par le ministère des outre-mer, figurent dans le tableau ci-dessous.
Enjeu budgétaire du dispositif
d'exonération de charges sociales
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2011 (sur 2010) |
2012 (sur 2011) |
Estimations 2013 (sur 2012) |
25,7 M€ |
18,6 M€ |
18,6 M€ |
Source : ministère des outre-mer |
* 1 Insee, Enquête spatiale de comparaison des prix entre les départements d'outre-mer et l'hexagone, 2010.
* 2 Insee, Emploi et salaires, édition 2013.
* 3 Décision n° 2013-665 DC du 28 février 2013
* 4 L'accord interprofessionnel doit avoir été signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés ayant recueilli 30 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles.
* 5 Arrêté du 3 avril 2009 portant extension de l'ARI sur les salaires en Guadeloupe en date du 26 février 2009 ; arrêté du 29 juillet 2009 portant extension de l'ARI sur les rémunérations des salariés du secteur privé de la Martinique du 11 mars 2009 ; arrêté du 27 juillet 2009 portant extension de l'ARI du 25 mai 2009 à La Réunion ; arrêté du 6 avril 2010 portant extension de l'ARI du 19 novembre 2009 sur l'application à la Guyane de l'article 3 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Selon les informations transmises à votre rapporteur par le ministère des outre-mer, aucun accord interprofessionnel n'a été signé à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.