EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 17 AVRIL 2013

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M. Alain Anziani , rapporteur . - En décembre 1999, aux larges des côtes bretonnes, l' Erika , un pétrolier chargé de fioul lourd affrété par la société Total faisait naufrage, souillant 400 kilomètres de côtes, tuant 150 000 oiseaux, répandant dans l'océan 18 tonnes de fioul et huit tonnes de produits cancérigènes. À la suite d'un procès qui a duré onze ans, dont les conséquences environnementales ont dépassé celles du naufrage de l' Amoco Cadiz en 1978, la Cour de cassation a, le 25 septembre 2012, rendu contre l'avis de l'avocat général un arrêt, publié dans toutes les gazettes de France et du monde. Confirmant les décisions antérieures, elle condamnait Total à l'amende maximale, 375 000 euros, et à 200 millions d'euros de dommages et intérêts à payer à l'État, aux collectivités territoriales et à des associations agrées de protection de l'environnement.

Toute la procédure a été traversée par une question juridique et à certains égards, politique. Qu'est-il possible d'indemniser au juste ? La Cour de cassation a indemnisé le préjudice porté à l'image des collectivités territoriales,  de même que la perte d'intérêt matériel que constitue une diminution du tourisme. Au-delà du préjudice matériel et moral, n'y avait-il pas un préjudice causé directement à l'environnement lui-même ?

L'ourse Cannelle abattue par un chasseur dans les Pyrénées était la dernière représentante de son espèce : la disparition d'une espèce ne constitue-t-elle pas un pur préjudice environnemental ?

La proposition de loi mérite-t-elle d'exister ou bien le droit positif règle-t-il déjà les questions dont elle traite ? Certes, la Charte de l'environnement de 2004 a désormais valeur constitutionnelle et la protection de l'environnement figure à l'article 34 de la Constitution. Cependant, la loi du 1 er aout 2008 relative à la responsabilité environnementale, qui transpose la directive du 21 avril 2004, est inapplicable, parce qu'en énumérant certains dommages seulement, le législateur en a écarté d'autres et ignoré l'obsolescence des techniques. Les préfets, chargés de son application, n'ont jamais utilisé cette procédure, jugée trop complexe.

Autre objection, pourquoi ajouter ces dispositions à un code civil déjà trop épais ? L'article 1382 prévoit que celui qui cause un dommage à autrui doit le réparer. L'article 1383 dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé par sa négligence ou par son imprudence. Enfin, l'article 1384 rend responsable des personnes ou des choses qu'on a sous sa garde.

Cependant, l'étude de la jurisprudence met en évidence le malaise des tribunaux. Afin de donner un fondement à la réparation du préjudice écologique, la Cour de cassation s'appuie sur la notion de préjudice moral pour indemniser les associations agréés qui n'ont pas subi de préjudice matériel. En outre, les juridictions du fond ne sont pas toutes des lectrices attentives des arrêts de la Haute juridiction, et il faudra un certain temps pour écarter le risque de divergences. Le plus simple est donc d'éclaircir la question. C'est également l'avis de la chancellerie, qui a mis en place un groupe de travail sur le sujet, et se montre favorable à l'évolution du code civil.

Si je suis favorable au texte, je pense qu'il faut le faire évoluer sur certains points. Ses auteurs ont renoncé à toucher à ce monument du droit qu'est l'article 1382. Pour rassurer les juristes, ils ont créé un article 1386-19, distinct de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, et de la responsabilité du fait des produits défectueux, et instauré une nouvelle responsabilité au titre IV ter, consacré à la responsabilité du fait des dommages causés à l'environnement : conformément à l'article 1382 qui l'inspire, il s'agit d'une responsabilité pour faute. Malgré les craintes des milieux économiques, j'aurais opté pour une responsabilité sans faute, plus conforme au mouvement de la jurisprudence, de même qu'au principe « pollueur-payeur », inclus dans la Charte de l'environnement, et je vous proposerai un amendement à cette fin.

La proposition de loi prévoit prioritairement une réparation en nature : si la plage est polluée, le pollueur devra la remettre en l'état. Si la réparation en nature est impossible, j'ai déposé un amendement permettant au juge d'ordonner une compensation en dommages et intérêts, avec une affectation à une cause environnementale.

Malgré son caractère réglementaire, un point de procédure mérite d'être soulevé, celui de l'intérêt à agir : au-delà de l'Etat et des collectivités territoriales, les associations agrées, ou dont l'objet statutaire est la protection de l'environnement, doivent-elles être concernées ? Pour ma part, j'y suis favorable, l'Etat ne faisant pas toujours preuve de la plus grande réactivité.

Enfin, se pose la question de la prescription : fixée à 30 ans par l'article L. 152-1 du code de l'environnement, elle court à compter du fait générateur. Or, une pollution souterraine de nappes fluviales peut se révéler cinquante ans plus tard... Je suggère donc de faire courir le délai à compter de la connaissance du dommage.

M. Alain Richard . - Rendons hommage à la pondération du rapporteur comme à son esprit d'équilibre. Si nous instituons une nouvelle responsabilité, il faut en examiner toute la chaîne, de l'évaluation, ardue, du préjudice à l'identité du titulaire du droit à la réparation. J'ai eu l'occasion de m'impliquer récemment dans mon département dans un cas concernant les conséquences de quatre-vingt dix ans d'épandage d'eaux usées sur des terres agricoles. J'essaye d'en convaincre les parties, l'activité n'était pas illicite à l'époque des faits, et le droit à réparation, s'il est reconnu, ne peut viser que les anciens propriétaires des terres : en aucun cas, la collectivité n'a subi un préjudice. D'où ma question : une collectivité sera-t-elle bénéficiaire de l'indemnisation, une compétition de victimisation opposera-t-elle des associations, éventuellement crées pour l'occasion ?

Le droit français est clair : toute responsabilité implique une indemnisation. Le tribunal, armé d'expertises toutes plus savantes les unes que les autres, devra définir un montant : comment indemniser la perte écologique que représente la mort de la malheureuse ourse Cannelle ? En d'autres termes, peut-on légiférer sans avoir préalablement réfléchi aux conséquences du texte ?

M. Yves Détraigne . - Je serai également fort prudent sur ce texte qui pose un principe sans l'encadrer. Qu'adviendra-t-il quand un agriculteur accusera son voisin d'avoir grillé deux rayons de betteraves ?

Mme Jacqueline Gourault . - Ou des pieds de vigne !

M. Yves Détraigne . - Des associations se créeront contre l'aménagement d'une crique ou d'un petit port de plaisance que tout le monde réclame. Plus qu'un grand progrès pour le territoire, je crains que le texte n'annonce la paralysie de l'aménagement territorial.

M. Jean-Jacques Hyest . - La proposition initiale portant sur l'article 1382 n'était pas raisonnable, d'autant que les articles 1382, 1383 et 1384 forment un bloc. La responsabilité du fait des choses est plus développée en matière environnementale que la responsabilité pour faute. Si un pipe-line fuit, le propriétaire est responsable, même quand il n'est pas fautif.

Les articles 1386 et suivants sur les produits défectueux seront- ils appliqués en plus des articles 1382 à 1384 ? Les différentes responsabilités ne sont pas exclusives, mais cumulatives. Malgré les efforts de clarification du rapporteur, il faut border davantage le texte.

Enfin, je suis très réservé sur la prescription. Si la prescription de trente ans à compter du fait générateur ne convient pas, il faut retenir le délai de droit commun, plus court, mais dont le point de départ est la découverte du dommage. Quand les faits sont connus, pourquoi attendre dix ans pour agir ?

M. Jean-Pierre Vial . - Le rapporteur a accompli un excellent travail. Je ne peux d'ailleurs que convier mes collègues à se reporter à la remarquable synthèse qui a été établie en amont.

L'affaire de l' Erika a cumulé un très grand nombre de problématiques juridiques : droit maritime, identification des responsables, puis présentation trop rapide de l'arrêt de la Cour de cassation sous l'angle du dommage écologique. Constatons d'abord un échec de notre droit de l'environnement et félicitons-nous que la Cour de cassation en soit venue à reconnaître le dommage écologique. Les juristes se félicitent de cet arrêt et s'interrogent sur l'utilité de faire évoluer l'article 1382 du code civil. En effet, pourquoi ébranler un principe dont la Cour de cassation a montré la pertinence en le faisant évoluer ? En revanche, l'article 1386-19 créé par le texte que nous examinons, s'en démarque, et devrait s'inscrire dans la logique des articles 1383 et 1384.

Enfin, la réparation des dommages en nature me gêne. Après l'affaire Arcelor-Mittal en 2012, nous risquons de connaître en 2013 l'affaire Rio Tinto Alcan, l'ex-Péchiney. Mon département héberge un des deux sites d'aluminium dont l'avenir va se jouer dans les prochaines semaines. Péchiney représentait hier 80 000 emplois, plus de 100 sites en France ; Rio Tinto Alcan emploie 3 500 emplois dont Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne.

Le Gouvernement se bat pour sauver ces deux sites, notamment celui de Savoie, menacé à court terme, et nous avons plus de cent sites pollués en France. J'ai contacté les maires concernés pour voir comment engager une action contraignante envers cet industriel, l'évaluation de la dépollution étant fixée à deux ou trois milliards d'euros. Or, à ma grande surprise, certains me répondent que la société leur propose de mettre gratuitement à leur disposition les sites, pour en faire des terrains de sport ou autre, ce qui lui évitera de débourser des milliards pour les remettre en état. Voilà les conséquences perverses de la réparation en nature.

De ce fait, je suis favorable à l'article 1386-19, à condition de le réécrire autrement que par référence à l'article 1382. Sur l'article 1386-20, je suis sceptique, car les effets pervers peuvent l'emporter sur l'apparente satisfaction d'une réparation.

M. Jean-René Lecerf . - Je ne me fais pas beaucoup d'illusion sur le sort des propositions de loi : elles sont l'occasion pour le parlement de parlementer... Le coût des catastrophes écologiques atteint des niveaux ahurissants. Fukushima devrait coûter entre 2 000 et 6 000 milliards d'euros. À côté, l' Erika fait pâle figure... La véritable protection réside dans la prévention. Or, les crédits destinés à la sécurité civile et aux associations chargées de la prévention et de la gestion de crise ont gravement chuté. La proposition de loi est une bonne façon d'attirer l'attention.

M. Jean-Pierre Michel . - Je suis très dubitatif. M. Anziani évoque les grandes catastrophes. Les paraboles installées sur les immeubles des cités constituent-elles un dommage à l'environnement ? Parlons des petites choses. Avec le texte actuel, un procès sera possible... En quoi le dommage à l'environnement est-il différent d'un dommage économique et comment le définir ? Tout cela est éminemment subjectif. Si en outre on enlève la responsabilité sans faute, on fera plaisir aux avocats...

Je ne suis pas favorable à ce texte. La Cour de cassation a rendu un arrêt très positif : laissons la jurisprudence prospérer. L'environnement, je ne sais pas ce que c'est. L'automobiliste qui roule avec un pot d'échappement défectueux pourra aussi être attaqué pour dommage à l'environnement...

L'émotion suscitée par l' Erika et les tempêtes justifie-t-elle de modifier les règles sur la responsabilité ? En tout état de cause, je ne pourrai pas voter ce texte.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Les gaz émis par certains animaux de ferme ont également un impact nocif sur l'environnement.

Mme Hélène Lipietz . - Etant commise d'office pour défendre la parole écologiste, je plaiderai l'effet psychologique de la loi : elle obligera les entreprises polluantes à provisionner des fonds pour l'indemnisation. Une catastrophe à Nogent-sur-Seine, par exemple, aurait des répercussions sur toute la région parisienne.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Dans un texte que j'ai publié jadis, « L'économie est-elle un humanisme ? », je définissais l'environnement comme ce qui est autour de l'espèce humaine. Ainsi, l'être humain n'en ferait pas partie, et sans espèce humaine, il n'y aurait pas d'environnement. Le sujet est à la fois philosophique, éthique et législatif.

Mme Virginie Klès . - Plutôt que d'escompter d'hypothétiques provisions des entreprises, il faudrait revoir la législation des entreprises sur les installations classées, même si l'on a toujours du mal, en France, à imaginer que les choses puissent ne pas fonctionner. Je partage l'analyse de M. Lecerf sur les associations de prévention.

M. Alain Anziani , rapporteur . - Je ne sens pas un enthousiasme débordant... Ce texte n'est pourtant pas une parfaite nouveauté !

Nous ne sommes pas démunis face à la notion d'environnement et de dommage : nous avons des années de jurisprudence derrière nous, une Charte, une Constitution...

M. René Garrec . - Une charte adossée à la Constitution !

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'environnement n'est pas uniquement ce qui entoure l'homme : on se réfère souvent à la notion plus précise d'habitat de l'homme, à sa façon d'habiter le monde. J'entends bien M. Michel, mais depuis longtemps, les tribunaux différencient le dommage minime du dommage significatif, pour ne retenir que ce dernier.

L'évaluation peut en effet poser problème, mais dans le cas de la plage polluée, elle n'est pas nécessaire à sa remise en l'état. C'est justement tout l'intérêt d'une réparation en nature. Nos éminents universitaires, travaillent depuis des années à établir sur le préjudice écologique une nomenclature comparable à celle que nous avons pour le préjudice corporel, la nomenclature « Dintilhac ».

M. Hyest voit juste concernant la prescription. Nous avons rencontré cette difficulté lors de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription. Nous nous heurtons à la directive du 21 avril 2004 qui impose une prescription de trente ans. Si l'on veut retenir comme point de départ la connaissance des faits, je suis d'accord avec vous, il serait assez naturel de réduire le délai de prescription, mais comment aller contre une directive ?

Monsieur Détraigne, un conflit au sujet de pieds de vigne constitue un préjudice personnel et non un préjudice écologique pur. Votre crainte d'une paralysie est infondée : les tribunaux sont déjà saisis de telles demandes : c'est la façon de les traiter qui est en cause. M. Hyest, une chose n'est pas toujours à l'origine d'un dommage. L'ourse Cannelle...

M. Jean-Jacques Hyest . - Il a été tué par un fusil !

M. Alain Anziani , rapporteur . - La loi du 1 er août 2008 qui crée un régime de police administrative ne fonctionne pas, et les articles 1382 et suivants qui ne traitent que des préjudices subis par les personnes sont insuffisants. Bien sûr, il faut agir sur la prévention et l'un de mes amendements donne au juge un rôle préventif.

M. Jean-Pierre Michel . -La production esthétique peut-t-elle constituer un dommage à l'environnement ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'entrée des villes, certainement !

M. Jean-Pierre Michel . - Je pensais à la pyramide du Louvre...

M. Alain Anziani , rapporteur . - C'est au juge du fond qu'il revient d'apprécier l'existence d'un préjudice.

M. Patrice Gélard . - Un amendement du rapporteur instaure une responsabilité sans faute, qui existe déjà en Allemagne.

M. Jean-Jacques Hyest . - En France aussi !

M. Patrice Gélard . - Quelles conséquences cette responsabilité générale sans faute a-t-elle en Allemagne ? J'aimerais savoir où nous allons...

M. Christophe Béchu . - Dans ce cas, un ouvrage peut être considéré comme une atteinte à l'environnement. Un projet légal comme l'aéroport de Notre-Dame des Landes, qui aura franchi tous les obstacles juridiques, pourra néanmoins engager une responsabilité sans faute de son auteur. La responsabilité pour faute limite le pouvoir des associations ; la responsabilité sans faute nous fait basculer dans l'inconnu.

M. Alain Anziani , rapporteur . - Ne désespérez pas des juges ! A vous entendre, on dirait que la justice n'a jamais eu affaire à cette question. Monsieur Michel, il est d'ores et déjà possible d'agir : c'est au juge d'évaluer le préjudice. Monsieur Béchu, ce texte n'est pas révolutionnaire, il y a déjà une responsabilité sans faute.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'amendement rédactionnel n° 1 substitue au terme « dommages », qui sont une conséquence, le terme d'« atteintes ».

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'amendement n° 2 dont nous avons débattu institue une responsabilité sans faute.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Alain Anziani , rapporteur . - Le texte de l'amendement n° 3 est assez explicite. Lorsque la réparation en nature est impossible, il convient de prévoir une compensation pécuniaire.

Mme Catherine Tasca . - L'expression « réparation en nature » n'est pas très claire. Il s'agit plutôt d'une remise en l'état, quand elle est possible. Sinon, on peut offrir un poulet au maire et considérer qu'on a réparé en nature...

M. Alain Anziani , rapporteur . - J'ai repris l'expression de la loi du 1 er août 2008 et la notion de réparation en nature est déjà appliquée en droit positif.

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est le terme usuel.

Mme Catherine Tasca . - Précisons qu'il s'agit d'une remise en l'état.

M. Jean-Jacques Hyest . - Il ne s'agit pas forcément d'une remise en l'état. Si une pollution provoque la disparition des grenouilles sur un lieu, on peut très bien en faire revenir, éventuellement sur un autre site. C'est également de la réparation en nature.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Sauf si l'ours est le dernier de l'espèce !

Mme Virginie Klès . - Pourquoi ne pas écrire « remise en état similaire ou équivalent » ?

M. Alain Richard . - Peut-on se prononcer sur des questions d'une telle importance sans la moindre étude d'impact ? Cet article est inamendable.

M. Patrice Gélard . - Exact !

M. Alain Anziani , rapporteur . - Mieux vaut s'en tenir à la formulation de la directive du 21 avril 2004, transposée dans la loi du 1 er août 2008. Dans une zone de turbulence, nous avons intérêt à nous caler sur l'existant. Un travail est en cours à la chancellerie. Ces questions y seront évoquées et le texte qui en résultera sera accompagné d'une étude d'impact.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'amendement n° 4 organise la prévention en autorisant le juge à prescrire des mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite à l'environnement.

M. Jean-Pierre Michel . - Le juge est saisi en référé ?

M. Alain Anziani , rapporteur . - Le référé est possible, faut-il le préciser ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Le juge ne pouvant s'autosaisir, cela serait judicieux. Etes- vous prêt à modifier l'amendement en ce sens ?

M. Jean-Jacques Hyest . - Si quelqu'un se plaint d'une atteinte à l'environnement qui est en train de se produire, et a qualité pour agir, le juge peut se prononcer. Cet amendement est superflu.

M. François Zocchetto . - Il est effectivement possible pour un juge d'intervenir, dès lors qu'il a été saisi.

L'amendement n° 4 est retiré.

M. Alain Anziani , rapporteur . - Avec l'amendement n° 5, une personne qui a engagé des frais pour éviter un dommage à l'environnement pourra en obtenir le remboursement, si ces dépenses ont été utiles.

M. Patrice Gélard . - Cela risque de poser problème à l'Etat. Sa politique est de laisser le littoral progresser ou régresser naturellement, alors que certains particuliers ou collectivités interviennent pour prévenir son érosion, comme c'est le cas dans ma commune, avec des écroulements de falaises. Vais-je demander un remboursement à l'Etat ?

M. Alain Anziani , rapporteur . - La notion de catastrophe naturelle existe, elle se distingue du préjudice écologique...

M. Patrice Gélard . - Elle ne s'applique pas ici, s'agissant d'un phénomène habituel.

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'engagement de la responsabilité prévu par le texte que nous examinons suppose que le juge identifie un auteur du dommage et reconnaisse préalablement l'existence d'un préjudice...

M. Alain Richard . - Je croyais qu'il y avait une large majorité dans les deux Assemblées pour contenir la hausse des dépenses publiques. L'exemple du doyen Gélard illustre comment cet article pourrait conduire des communes à inverser la politique de l'Etat, aux frais du contribuable...

M. Alain Anziani , rapporteur . - Prendre un avocat est une chose, gagner un procès en est une autre. Il appartient au juge d'apprécier s'il y a eu préjudice. Faut-il limiter sa faculté d'octroyer des dommages et intérêts en cas de faute de l'Etat ? Je ne le crois pas, quel que soit l'état des finances publiques.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article additionnel après l'article unique

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'amendement n° 6 porte sur les délais de prescription. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, je préfère le retirer, pour permettre qu'une réflexion plus approfondie soit menée sur ce sujet.

Mme Hélène Lipietz . - La loi étant d'application immédiate, vaudra-t-elle pour des pollutions intervenues auparavant ?

M. Jean-Pierre Sueur , président . - L'amendement est retiré, mais voilà qui nourrira la réflexion du rapporteur.

L'amendement n° 6 est retiré.

Intitulé de la proposition de loi

M. Alain Anziani , rapporteur . - L'amendement n° 7 substitue la notion de « dommage causé à l'environnement » à celle de « préjudice écologique » dans l'intitulé. Si la notion que je propose est techniquement et juridiquement la plus appropriée et permet de mettre en cohérence le titre avec le contenu du texte, les termes « préjudice écologique » sont passés dans le langage courant et utilisés par la jurisprudence. Je m'en remets donc sur ce point à la sagesse de la commission.

M. Jean-Pierre Michel . - Pourquoi donner à la proposition de loi un titre qui diffère de l'objet même de son article unique ? Je suis favorable à l'amendement.

M. Alain Anziani , rapporteur . - Dans le corps du texte en effet, nous avons tout intérêt à la précision juridique. C'est bien la notion de dommage causé à l'environnement qui restera dans le code civil, mais pour le tire de la proposition de loi, l'impératif n'est pas le même.

L'amendement n° 7 est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je voterai ce texte qui va dans le bon sens. Je me demande si nous pourrions un jour adopter une proposition de loi sur le droit de créer des entreprises et même des usines. J'ai pu constater dans mon département, comment des gens, qui ont pour seul projet de créer une entreprise, sont couverts de procès au motif qu'ils porteraient atteinte à l'environnement. L'emploi n'est pas une préoccupation secondaire, par rapport à celle, tout à fait légitime, qui anime ce texte.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Patrice Gélard . - Les propositions de loi se multiplient, dans le sillage de la révision constitutionnelle de 2008. Ce n'est pas une bonne formule, dans la plupart des cas. Certaines n'ont d'autre objet que de soulever un problème en attirant l'attention sur leur auteur. L'on pourrait y substituer avantageusement des questions orales avec débat ou des questions cribles thématiques. A l'inverse d'autres propositions de loi, tout à fait utiles et très courtes, elles ne sont jamais inscrites à notre ordre du jour. Les groupes devraient y réfléchir : on préfère les lois à impact médiatique. Cette réflexion pourrait avoir lieu au sein du bureau. En outre, l'immense majorité des propositions de loi que nous adoptons restent en rade au Sénat et ne sont jamais examinées par l'Assemblée nationale.

Mme Jacqueline Gourault . - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je m'en suis entretenu plusieurs fois avec M. le président du Sénat. Il est anormal qu'une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat, ou par l'Assemblée nationale, ne réussisse pas à se frayer un chemin jusqu'à l'autre assemblée : c'est du temps perdu pour tout le monde. Il fut un temps où les propositions de loi remplissaient une fonction déclaratoire. Tout le monde voit l'utilité des deux propositions de loi de Mme Jacqueline Gourault à l'issue des états généraux...

M. René Vandierendonck . - Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Le Premier ministre a dit qu'elles seraient examinées par l'Assemblée nationale ; elles ne sont toujours pas inscrites à son ordre du jour. Une autre proposition de loi de M. Hugues Portelli sur les sondages a été unanimement adoptée il y a deux ans...

Mme Catherine Troendle . - Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Elle est encore en attente devant l'Assemblée nationale. Tous les groupes peuvent en parler au président du Sénat mais il faut un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, pour que ces textes aboutissent.

Mme Catherine Tasca . - Il ne s'agit pas tant des relations entre les deux assemblées, que de l'économie du temps de travail au sein du Sénat. Les propositions de loi sont très consommatrices de temps. Je souscris pleinement à la remarque de M. Gélard. La règle des quatre heures oblige souvent à reporter la suite de l'examen des propositions de loi, ce qui bouscule notre calendrier.

Mme Hélène Lipietz . - Ce n'est pas qu'un problème d'organisation du Sénat et de l'Assemblée nationale, mais un problème d'organisation interne des partis. Nous avons réussi, en six mois, à faire passer notre loi sur les lanceurs d'alerte, parce que nous avons choisi de présenter ce texte, en accord avec l'Assemblée nationale.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. ANZIANI, rapporteur

1

Modification de l'intitulé du nouveau titre IV ter du code civil

Adopté

M. ANZIANI, rapporteur

2

Création d'un régime de responsabilité civile objective

Adopté

M. ANZIANI, rapporteur

3

Réparation pécuniaire subsidiaire en cas de réparation en nature impossible

Adopté

M. ANZIANI, rapporteur

4

Cessation des atteintes illicites à l'environnement

Retiré

M. ANZIANI, rapporteur

5

Droit à réparation pour les dépenses exposées pour prévenir ou limiter le dommage

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. ANZIANI, rapporteur

6

Délais de prescription applicables

Retiré

Proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. ANZIANI, rapporteur

7

Mise en cohérence de l'intitulé du texte
avec son contenu

Adopté

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