DEUXIÈME PARTIE : UNE RÉFLEXION À POURSUIVRE DANS LE CADRE D'UNE RÉFORME GLOBALE DE LA DGF

I. L'APPRÉCIATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES TERRITOIRES RURAUX NE PEUT SE LIMITER À LA DOTATION DE BASE

A. DES DOTATIONS PRENANT EN COMPTE LES « CHARGES DE RURALITÉ »

Certains concours de l'État aux collectivités territoriales reconnaissent les spécificités des communes rurales : il s'agit notamment de la dotation de superficie et surtout de la dotation de solidarité rurale (DSR).

1. La montée en puissance de la DSR dont l'efficacité est néanmoins diluée
a) La prise en compte des charges spécifiques des communes rurales par la DSR

La dotation de solidarité rurale, régie par les articles L. 2334-20 à L. 2334-23 du CGCT, reconnaît les spécificités des dépenses des communes rurales et les difficultés financières auxquelles elles peuvent faire face.

La DSR a été créée par la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 portant réforme de la dotation globale de fonctionnement et modifiant le code des communes et le code général des impôts. Son objectif, énoncé à l'article L. 2334-20 du même code, est de « tenir compte, d'une part, des charges qu'elles supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural, d'autre part, de l'insuffisance de leurs ressources fiscales ».

Initialement composée de deux fractions - la fraction dite « bourg-centre » et la fraction « péréquation » - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a créé une troisième part, dite « cible ».

Les trois fractions de la DSR (articles L. 2334-20 à L. 2334-23 du CGCT)

Aux termes de l'article L. 2334-20 du CGCT, « la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d'arrondissement de moins de 20 000 habitants » .

Les communes de moins de 10 000 habitants, chefs-lieux de canton ou regroupant au moins 15 % de la population du canton, peuvent bénéficier de la première fraction, dite « bourg-centre ».

Sont éligibles à la deuxième fraction - dite « péréquation » - les communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur au double du potentiel financier par habitant moyen de leur strate démographique.

La troisième fraction est destinée aux 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants classées en fonction d'un indice synthétique.

Or, les articles L. 2334-22 et L. 2334-22-1 du CGCT, qui régissent respectivement la fraction « péréquation » et la fraction « cible » de la DSR, prévoient que celles-ci sont réparties sur la base de critères de charges reconnues comme particulièrement importantes pour le monde rural :

- 30 % du montant à répartir prend en compte le potentiel financier et l'effort fiscal de la commune ;

- 30 % du montant est réparti proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal ;

- 30 % du montant est réparti en fonction du nombre d'enfants de 3 à 16 ans ;

- 10 % du montant est réparti en fonction du potentiel financier superficiaire.

Ainsi, en particulier, les dépenses scolaires et celles liées à l'entretien de la voirie communale sont bien prises en compte dans le cadre de la répartition de la DSR. La répartition, entre communes éligibles, de la fraction « péréquation » (représentant 53,4 % de la DSR) et de la fraction « cible » (soit 7,2 % de la DSR) repose donc sur des critères prenant d'ores et déjà en compte les charges spécifiques auxquelles doivent faire face les communes rurales.

Quant au critère reposant sur le potentiel financier et l'effort fiscal de la commune, il permet de prendre en compte les marges de manoeuvre fiscales et la richesse des communes et donc d'appréhender les différences de ressources entre communes rurales.

Il est donc bien tenu compte des spécificités des communes rurales, tant en matière de recettes que de dépenses.

b) La hausse de la DSR

En 2013, le montant de la DSR s'élève à 969,3 millions d'euros - dont 917,6 millions d'euros en métropole.

Depuis dix ans, le montant de la DSR a plus que doublé, renforçant ainsi la péréquation en faveur des communes rurales.

Il faut également souligner que, depuis 2007, la DSR a augmenté au même rythme que la DSU.

Évolution de la DSU et de la DSR

(en millions d'euros et évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Variation 2004/2013

DSU

montant

635,0

759,6

879,6

999,6

1 093,7

1 163,7

1 234,0

1 310,7

1 370,7

1 490,7

855,7

évolution annuelle

-

19,6%

15,8%

13,6%

9,4%

6,4%

6,0%

6,2%

4,6%

8,8%

134,8%

DSR

montant

420,5

503

572

620

711,2

756,7

802,3

852,3

891,3

969,3

548,8

évolution annuelle

-

19,6%

13,7%

13,6%

9,4%

6,4%

6,0%

6,2%

4,6%

8,8%

130,5%

Source : commission des finances du Sénat

Ce renforcement de la péréquation, alors que la dotation de base est gelée depuis 2011, illustre le choix de porter une attention particulière aux territoires les plus vulnérables plutôt que d'agir uniformément sur l'ensemble des communes.

c) Le saupoudrage de la DSR nuit à son efficacité

Malgré la création, par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, de la troisième fraction de la DSR, dite fraction « cible », la DSR voit son efficacité atténuée en raison de son saupoudrage.

Ainsi, près de 95 % des communes bénéficient de la DSR, pour un montant moyen de 26 000 euros par commune éligible ; la moitié des communes éligible à la DSR percevant une dotation de 9 600 euros ou moins.

Nombre et proportion de communes bénéficiant de la DSR

DSR

Fraction bourg-centre

Fraction péréquation

Fraction cible

Nombre de communes bénéficiaires

34 665

4 058

34 588

10 000

Pourcentage (par rapport au nombre de communes)

94,8%

11,1%

94,6%

27,4%

Pourcentage (par rapport au nombre de communes de moins de 10 000 habitants)

97,4%

11,4%

97,2%

28,1%

Source : commission des finances du Sénat

Aussi, seules les fractions « bourg-centre » et « cible » permettent de limiter le saupoudrage. Néanmoins, elles représentent moins de la moitié du montant de la DSR, la fraction « péréquation » représentant à elle seule près de 54 % du montant de la DSR - contre 38,68 % pour la fraction « bourg-centre » et 7,35 % pour la fraction « cible ».

En particulier, dès lors que le montant de la fraction « cible » est relativement limité (66,5 millions d'euros) et que 10 000 communes en bénéficient, le montant moyen perçu par les communes éligibles est faible (de l'ordre de 6 600 euros) et 50 % des communes éligibles perçoivent d'une fraction « cible » d'un montant inférieur à 4 060 euros. Le montant par habitant moyen perçu au titre de la DSR « cible » est de 6,80 euros.

C'est pourquoi, votre rapporteur considère que si la DSR prend effectivement en compte les spécificités des communes rurales, son fonctionnement actuel ne permet pas de répondre à l'ampleur des défis posés aux communes rurales en difficulté.

2. Au sein même de la dotation forfaitaire : la dotation de superficie

En plus de la DSR, les communes rurales bénéficient particulièrement de la dotation de superficie, qui fait partie de la dotation forfaitaire des communes (comme la dotation de base) et est calculée en fonction de la superficie de la commune.

L'article L. 2334-7 du CGCT prévoit, au sein de la dotation forfaitaire, « une dotation proportionnelle à la superficie, égale à 3,22 euros par hectare à compter de 2011 et à 5,37 euros par hectare dans les communes situées en zone de montagne ».

Le montant de cette dotation s'élève, en 2013, à 225 millions d'euros - contre 6,776 milliards d'euros pour la dotation de base.

Cette dotation ne prend pas directement en compte des dépenses spécifiques aux communes rurales, mais 80 % de son montant est réparti au profit des communes de moins de 3 500 habitants, et 99 % au profit des communes de moins de 20 000 habitants.

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