EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La Haute Assemblée est, de nouveau, saisie de la proposition de loi portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes, adoptée par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 19 septembre 2013.
Cette proposition de loi est l'une des traductions législatives des états généraux de la démocratie territoriale, organisés sous l'égide du Président du Sénat, les 4 et 5 octobre 2012, qui ont mis en exergue le poids des normes dans l'activité quotidienne des collectivités territoriales. La nécessité de répondre à cette question fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus.
La présente proposition de loi est une initiative sénatoriale de nos collègues Mme Jacqueline Gourault, présidente de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle propose, non pas de lancer une révision générale des normes existantes, qui apparaît sans doute peu réaliste, mais d'apporter une réponse institutionnelle adaptée via la création d'une nouvelle instance : le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Celui-ci succèderait à l'actuelle Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) qui, sous la présidence de notre ancien collègue, M. Alain Lambert, a su, en cinq ans seulement, s'inscrire dans le paysage administratif et définir une doctrine dont l'administration est amenée à tenir compte.
Cette nouvelle instance bénéficierait d'un champ de compétences plus large et de capacités d'actions renforcées par rapport à la CCEN. Outre le flux de normes, elle serait également compétente sur le stock de normes, grâce à une capacité d'autosaisine dont ne bénéficie pas actuellement la CCEN. En outre, pour répondre à la problématique spécifique des normes sportives, la proposition de loi initiale propose d'adosser la commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES) au futur Conseil, afin de lui conférer une existence législative tout en renforçant ses prérogatives et en rééquilibrant sa composition au profit des élus locaux.
La présente proposition de loi complète l'initiative de notre collègue, M. Éric Doligé, qui a déposé une proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, adoptée par le Sénat en seconde lecture le 12 juin 2013. On peut également souligner l'excellent travail du commissaire à la simplification, rattaché au secrétariat général du Gouvernement, dont le bilan est positif et prometteur. Cette fonction, jugée primordiale, est désormais assurée par une directrice au sein du même secrétariat général.
Adoptée à l'unanimité le 28 janvier 2013 par le Sénat en première lecture, la présente proposition de loi a, en juillet dernier, été intégrée par l'Assemblée nationale au projet de loi d'affirmation des métropoles et de modernisation de l'action publique locale, dont l'examen doit se poursuivre pendant les prochains mois. Or, la conclusion du pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités territoriales, également en juillet dernier, exige une accélération du processus de lutte contre l'inflation normative, comme l'a rappelé Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi le Président de la République, sur demande du Gouvernement, a inscrit la proposition de loi, en vue de son adoption comme « texte autonome » par l'Assemblée nationale, à l'ordre du jour de la session extraordinaire de septembre 2013. Aussi, a-t-il été jugé préférable de conduire au terme de son processus législatif la présente proposition de loi.
L'Assemblée nationale a ainsi adopté en première lecture la présente proposition de loi le 19 septembre 2013. Tout en conservant l'économie générale du dispositif conçu et adopté par votre Haute Assemblée, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs modifications substantielles sur lesquelles le Sénat est appelé à statuer.
Pour cette raison, à l'initiative de notre collègue, M. René Vandierendonck, rapporteur du projet de loi d'affirmation des métropoles et de modernisation de l'action publique locale, votre commission a retranché de ce projet de loi les dispositions de la présente proposition de loi qui avaient été introduites par les députés.
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Les apports du Sénat en
première lecture : la volonté de renforcer la lutte contre
l'inflation normative à travers un outil institutionnel
adapté
La Haute Assemblée a approuvé la démarche pragmatique proposée par nos collègues Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, tendant à renforcer les compétences du nouveau Conseil national, en comparaison de l'actuelle Commission consultative d'évaluation des normes.
A l'initiative de son rapporteur, elle a néanmoins clarifié certaines dispositions.
Tout d'abord, elle a précisé que le CNEN exercerait ses compétences en prenant en compte les avis rendus, depuis 2008, par la CCEN. En effet, l'abrogation de la CCEN ne signifie pas l'abandon des avis et de la doctrine bâtie par celle-ci. C'est pourquoi le Sénat a précisé que le CNEN assurerait la continuité des travaux de la CCEN en prenant en compte ces derniers, en assurant leur publicité et la continuité de leur application. Le Sénat sera par ailleurs très attentif à ce que les administrations d'État continuent d'appliquer la doctrine définie par la CCEN.
Ensuite, le Sénat a renforcé la composition du futur Conseil, composé de trente-six membres, afin de favoriser une meilleure représentation des élus locaux et des représentants de l'État, des différentes strates de collectivités territoriales, qui soit également en cohérence avec la charge de travail accrue pour cette instance régulatrice.
Par ailleurs, à l'initiative de votre commission, la compétence obligatoire du futur Conseil a été étendue aux amendements du Gouvernement ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics tandis que sa consultation facultative a été renforcée pour les amendements d'origine parlementaire, sur saisine des Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, sauf opposition de son auteur.
Afin de lutter contre les normes techniques de normalisation et de certification qui, bien que non obligatoires, s'imposent de facto aux collectivités territoriales et à leur groupement, le Sénat a prévu une faculté d'autosaisine du Conseil sur ces projets.
Le Sénat a également reconnu une possibilité, pour le Conseil national, de proposer des recommandations d'application différenciée de normes en vigueur, afin de prendre en compte les spécificités des territoires et éviter une application mal adaptée de dispositions dont les inconvénients pourraient s'avérer contraires aux objectifs attendus.
Enfin, votre Haute Assemblée a rétabli une procédure d'extrême urgence permettant au Gouvernement de demander un avis du Conseil national soixante-douze heures après sa saisine et imposé la présence d'un représentant du Premier ministre lors de la seconde délibération d'examen d'un projet de norme réglementaire ayant fait l'objet d'un avis défavorable du Conseil lors d'une précédente délibération.
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Les modifications adoptées par
l'Assemblée nationale en première lecture : des
précisions utiles, des évolutions substantielles
Tout en conservant l'économie générale de la proposition de loi adoptée par le Sénat, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications, principalement rédactionnelles, à la présente proposition de loi, à l'initiative de son rapporteur, M. Olivier Dussopt.
Sur le fond, elle a supprimé la compétence consultative du Conseil national d'examen des amendements - de manière systématique en ce qui concerne les amendements déposés par le Gouvernement, sur saisine du président d'une assemblée parlementaire pour les amendements déposés par un de ses membres.
À l'initiative du Gouvernement, elle a précisé que la nouvelle délibération d'un projet de norme réglementaire ayant fait l'objet d'un premier avis défavorable rendu par le Conseil national pourrait porter sur un projet modifié par le Gouvernement afin de prendre en compte l'avis défavorable du Conseil national ou sur le même texte, accompagné « d'informations complémentaires » présentées par le Gouvernement, sans que le Premier ministre ait à être représenté à cette session du Conseil.
Par ailleurs, le mandat des membres du Conseil national a été ramené de six à trois ans tandis que la moitié de la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales devrait être composée de membres des exécutifs des collectivités qu'ils représentent.
L'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a également supprimé l'adossement de la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES) au Conseil national : un décret du 4 avril 2013 l'a transformée en formation restreinte du Conseil national du sport et a renforcé le poids des élus locaux au sein de cette instance ainsi que les obligations des fédérations sportives quant aux informations que celles-ci doivent fournir à la commission. Les députés ont estimé que ce dispositif offre une réponse satisfaisante aux préoccupations des collectivités territoriales en matière d'inflation des normes sportives.
Enfin, l'Assemblée nationale a modifié les modalités d'entrée en vigueur de la présente proposition de loi, afin que l'actuelle CCEN puisse poursuivre ses travaux entre la promulgation du présent texte et la mise en place du CNEN : ainsi, les textes dont la Commission consultative aurait été saisie et pour lesquels elle n'aurait pas rendu son avis seraient soumis, de plein droit, au Conseil national dès son installation.
• La position de votre commission : la nécessité d'une adoption rapide de la proposition de loi
Votre commission se félicite des améliorations adoptées par l'Assemblée nationale, qui a conservé la philosophie du dispositif adopté par le Sénat en première lecture. Les modifications introduites par les députés visent à permettre au futur Conseil national de disposer des compétences nécessaires pour faire face au « zèle normatif » auquel sont confrontées les collectivités territoriales.
Compte-tenu de ces observations et de l'urgence qui s'attache à l'adoption définitive du présent texte, votre commission a, à l'invitation de son rapporteur, adopté conforme cette proposition de loi, afin que le Conseil national d'évaluation des normes puisse être créé rapidement. Votre commission sera très attentive à la prise des décrets permettant de rendre effective cette nouvelle instance.
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La commission des lois a adopté la proposition de loi sans modification.