C. UN ÉLARGISSEMENT À TOUS LES DÉLITS PAR LA LOI DU 13 DÉCEMBRE 2011

En 2008, la commission présidée par M. Serge Guinchard a préconisé 4 ( * ) d'étendre le champ d'application de la CRPC à l'ensemble des délits quel que soit la durée de la peine d'emprisonnement prévue, tout en maintenant les exceptions précitées (mineurs, délits de presse, homicides involontaires, délits politiques et délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale).

En effet, pour cette commission, « sur un plan pratique, l'exclusion des délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement de cette procédure prive le ministère public d'une voie de poursuite qui pourrait s'avérer appropriée pour certaines infractions. La CRPC ne peut, par exemple, être utilisée pour les infractions de trafic de stupéfiants. Ainsi, en cas de détention ou de transport d'une petite quantité de stupéfiant, aucune qualification adaptée ne permet de recourir à cette procédure alors même que le prévenu reconnaît sa culpabilité et que la peine envisagée tiendra évidemment compte de la quantité modérée de stupéfiants transportés. En ce qui concerne la poursuite de délits aggravés par plusieurs circonstances tels que le vol ou l'abus de confiance, les parquets sont contraints de disqualifier les faits en cas de poursuite par voie de CRPC. Enfin, certains délits tels que la falsification ou la contrefaçon de chèque sont également exclus de ce mode de poursuite compte tenu de la peine encourue, sept ans, ce qui est fortement regrettable.

Or, à partir du moment où les peines pouvant être prononcées sont strictement prévues par la loi et ne peuvent excéder un an d'emprisonnement, il n'apparaît pas pertinent à la commission d'interdire le recours à la procédure de CRPC pour des délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement. En effet, soit les faits justifient une peine importante et en tout état de cause le ministère public devra choisir un autre mode de poursuite, soit les faits permettent une peine pouvant être prononcée dans le cadre de la CRPC et, compte tenu des garanties présentées par cette procédure, il n'y a pas lieu d'en écarter l'application ».

Ainsi, le champ de la CRPC a été significativement étendu par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles . Le recours à cette procédure est désormais possible pour tous les délits.

Toutefois, lors de l'examen du texte, votre commission des lois avait estimé que certaines infractions particulièrement graves, telles que les agressions sexuelles aggravées ou les violences habituelles commises au sein du couple ou à l'encontre d'un mineur par exemple, ne devraient pas pouvoir faire l'objet d'une CRPC. Pour cette raison, elle avait adopté un amendement de son rapporteur, notre collègue Yves Détraigne, tendant à exclure du champ de la CRPC les violences volontaires et involontaires contre les personnes, les menaces et les agressions sexuelles aggravées (notamment celles à caractère incestueux) prévues aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal dès lors que ces délits sont punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans.

Par ailleurs, votre commission avait également adopté un amendement du Gouvernement tendant à ouvrir la possibilité de recourir à la CRPC après une instruction, lorsque les faits reprochés à la personne mise en examen constituent un délit. Ainsi, aux termes de l'article 180-1 du code de procédure pénale créé par la loi du 13 décembre 2011, la CRPC peut également être mise en oeuvre à l'initiative du juge d'instruction, lorsque les faits reprochés au mis en examen constituent un délit.

Toutefois, le juge d'instruction ne peut renvoyer l'affaire au parquet afin qu'il mette en oeuvre une CRPC qu'à la demande ou avec l'accord de toutes les parties, après que la personne mise en examen a reconnu les faits et accepté la qualification pénale retenue. La procédure ne peut donc pas être mise en oeuvre sans l'accord de la partie civile. En outre, une fois l'affaire renvoyée au parquet, ce dernier ne dispose pas de l'opportunité des poursuites, puisqu'en l'absence de procédure de CRPC dans un délai de trois mois (un mois si la personne est détenue), le prévenu est automatiquement renvoyé devant le tribunal correctionnel. Enfin, logiquement, cette procédure n'est possible que pour les délits susceptibles de faire l'objet d'une CRPC.


* 4 « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée », la documentation française, 2008.

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