EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Les nombreuses auditions menées par votre rapporteur ont montré, alors même que le Parlement a déjà voté de multiples lois de simplification, que l'ouvrage de la simplification du droit méritait d'être toujours remis sur le métier, devenant ainsi un processus continu. L'exigence de simplification est d'ailleurs aujourd'hui très bien intégrée dans le processus gouvernemental d'élaboration des textes législatifs comme réglementaires, dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) et sous l'autorité du secrétariat général du Gouvernement.
Cette exigence est également partagée par les deux assemblées. La conférence des présidents de l'Assemblée nationale vient d'ailleurs de créer, le 26 novembre, une mission d'information sur la simplification législative.
Ainsi que l'illustre le présent projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, pour lequel la procédure accélérée a été engagée, déposé à l'Assemblée nationale le 4 septembre 2013 et transmis au Sénat le 2 octobre, le droit des entreprises est un champ privilégié de simplification. La compétitivité se joue aussi sur ce terrain, comme chacun s'accorde désormais à le reconnaître au-delà des clivages politiques.
Ce projet de loi se situe dans le prolongement des décisions prises par le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) tenu le 17 juillet 2013, qui a notamment annoncé le présent projet de loi, dans le cadre d'un programme pluriannuel de simplification « construit autour des moments-clés de la vie des entreprises » (décision n° 20) 1 ( * ) .
Cependant, si la simplification s'apparente désormais à un processus permanent, ses voies et moyens ont varié en matière législative depuis dix ans que le Parlement examine de façon régulière de textes expressément qualifiés de lois de simplification.
Alors que la période de 2007 à 2012 a connu quatre propositions de loi de simplification initiées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann, le Gouvernement actuel renoue avec la méthode qui avait cours entre 2002 et 2007, c'est-à-dire la simplification par voie d'ordonnances.
Dès lors, si le présent projet de loi, en étant clairement centré sur le droit des entreprises, rompt avec l'hétérogénéité des propositions de loi de simplification, que votre commission a continûment contestée, on ne peut que déplorer le recours aux ordonnances, s'agissant notamment des réformes les plus importantes proposées par ce texte, en particulier celle du droit des entreprises en difficulté. En dépit du précédent récent de l'ordonnance du 18 décembre 2008, prise sur le fondement de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, votre commission considère que l'adaptation des procédures instituées au livre VI du code de commerce devrait être réalisée par la voie de projets de loi ordinaires, à l'image de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, rapportée par notre collègue Jean-Jacques Hyest.
Selon le Gouvernement, l'urgence de la situation économique justifie cependant de procéder à une telle réforme par la voie, jugée plus rapide, de la publication d'une ordonnance.
Votre commission veut bien admettre, cependant, que les projets de loi d'habilitation à simplifier le droit déposés par le Gouvernement en 2013 ont chacun la vertu de se concentrer sur un champ donné, répondant ainsi au constat de « l'épuisement du modèle des lois générales de simplification », formulé par notre collègue Jean-Pierre Michel, rapporteur de la dernière proposition de loi de simplification 2 ( * ) en décembre 2011, appelant à « une nouvelle méthode de simplification législative » à l'aide de textes ciblés et sectoriels.
Partageant la réticence de votre commission à propos du recours aux ordonnances, votre rapporteur s'étonne en outre du fait que de nombreuses personnes entendues lors de ses auditions avaient une perception souvent différente les unes des autres de la portée et de la finalité réelle de certaines habilitations, notamment s'agissant des habilitations concernant la réforme du droit des difficultés des entreprises. Le recours aux ordonnances est ainsi une source d'incertitude.
Toujours est-il que, par le présent projet de loi, le Gouvernement sollicite du Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance des mesures destinées à simplifier et à sécuriser le droit des entreprises, objectif auquel votre commission ne peut que souscrire.
Il appartiendra néanmoins à votre commission d'être vigilante lorsque la ratification des ordonnances sera soumise au Parlement.
S'agissant d'un projet de loi d'habilitation, la capacité d'initiative de votre rapporteur était nécessairement restreinte, tant en raison de l'inévitable généralité de la formulation des habilitations que du fait de la jurisprudence rigoureuse du Conseil constitutionnel, selon laquelle une habilitation ne peut être d'origine parlementaire. En outre, afin d'assurer un achèvement rapide de l'examen de ce texte, votre commission s'en est tenu à sa logique première sans y adjoindre de dispositions nouvelles modifiant le droit en vigueur.
Votre commission a cependant veillé à ce que la finalité des mesures envisagées par le Gouvernement soit définie avec suffisamment de précision, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière d'ordonnances de l'article 38 de la Constitution, de sorte que le législateur puisse déléguer sa compétence de façon éclairée.
Enfin, lors de sa réunion du 20 novembre 2013, votre commission a décidé de déléguer l'examen au fond de plusieurs articles qui ne relevaient pas de sa compétence, permettant ainsi de respecter le champ d'attribution de chaque commission, dès lors qu'elle s'est saisie pour avis.
Ainsi, l'examen des articles suivants a été délégué à la commission du développement durable :
- l'article 8 relatif au droit des transports et aux compétences de la Société du Grand Paris ;
- l'article 16 relatif à l'information des consommateurs sur les produits recyclables.
En outre, l'examen des articles suivants a été délégué à la commission des finances :
- l'article 11 visant à mettre en conformité le droit français avec divers textes européens en matière d'établissements financiers et de surveillance prudentielle ainsi qu'à réformer le calcul du taux d'intérêt légal ;
- l'article 12 visant à mettre en conformité le droit français avec les compétences de la Banque centrale européenne en matière de surveillance prudentielle, dans le cadre de l'union bancaire ;
- l'article 15 ratifiant une ordonnance relative aux communications électroniques et ratifiant, en la modifiant, une ordonnance relative aux établissements de crédit et sociétés de financement ;
- l'article 21 ratifiant et modifiant une ordonnance relative à la gestion d'actifs.
Pour ces articles, votre commission s'en est donc tenue, par principe, à la position adoptée par la commission délégataire.
I. LA SIMPLIFICATION DU DROIT : UN PROCESSUS CONTINU, DES MÉTHODES VARIABLES
Engagé de façon approfondie et continue depuis 2003, le chantier de la simplification a sollicité le législateur de façon répétée. Aujourd'hui, après quatre lois issues d'initiatives élaborées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann entre 2007 et 2012, en lien avec les administrations ministérielles intéressées, le Gouvernement saisit le Parlement de projets de loi l'habilitant à simplifier le droit par ordonnances, reprenant la méthode antérieure à 2007.
On peut déplorer à juste titre le recours aux ordonnances, mais on doit toutefois reconnaître que le Gouvernement fait aujourd'hui le choix de textes thématiques et circonscrits, conformément aux voeux de votre commission.
A. LA SIMPLIFICATION DU DROIT DEPUIS DIX ANS
Dans son rapport précité, en 2011, sur la dernière proposition de loi de simplification, notre collègue Jean-Pierre Michel avait établi un historique des lois de simplification depuis une dizaine d'années et de leur méthode, de sorte que votre rapporteur s'en tiendra à un bref rappel.
Même si la simplification du droit est une préoccupation ancienne, le législateur est saisi depuis une décennie, de façon régulière, de textes visant expressément voire exclusivement à simplifier le droit. Auparavant, il était certes saisi de tels textes, mais de façon moins régulière et systématique.
Pour la période antérieure à 2003, on peut citer diverses initiatives gouvernementales, par exemple la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d'urbanisme et à diverses dispositions concernant le bâtiment ou le projet de loi portant diverses mesures de simplification administrative, déposé au Sénat le 23 mai 1997, avant un changement de législature, sans pouvoir être examiné.
Le chantier législatif de la simplification s'est ouvert en 2003 avec la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit et s'est poursuivi avec la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit. Un projet de loi de simplification du droit, déposé Sénat 13 juillet 2006, n'a pas été examiné. Ces textes comportaient pour l'essentiel des demandes d'habilitation.
La législature suivante de l'Assemblée nationale, ouverte en 2007, a vu un renouvellement de la méthode de simplification législative, avec l'examen de quatre propositions de loi de simplification déposées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann : la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit et la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Particulièrement volumineux, ces textes procédaient pour l'essentiel par modification directe du droit en vigueur.
Toutefois, l'ensemble de ces lois de simplification ne s'attachaient pas à un domaine donné, mais comportaient des habilitations ou des modifications touchant des champs très variés, constituant ainsi des textes très composites, rendant plus difficile un examen parlementaire en raison tant du nombre de commissions intéressées que de la difficulté à tenir un débat sur des sujets sans lien les uns avec les autres.
Si votre commission partage pleinement l'objectif de simplification, ainsi que l'a indiqué notre collègue Jean-Pierre Michel dans son rapport précité, elle a régulièrement exprimé sa préférence pour des textes de simplification plus sectoriels et circonscrits, à l'instar de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique ou encore de la proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, déposée par notre collègue Éric Doligé le 4 août 2011, en instance de deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
* 1 Le relevé de décisions du CIMAP du 17 juillet 2013 est consultable à l'adresse suivante :
http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/releve_de_decisions_cimap3_17_juillet_2013.pdf
* 2 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l11-224-1/l11-224-1.html