Rapport n° 55 (2014-2015) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 octobre 2014
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EXPOSÉ GÉNÉRAL
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I. LES HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES,
FONDEMENTS ESSENTIELS DE LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
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A. LA TRAJECTOIRE DE PIB POTENTIEL
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B. LES HYPOTHÈSES RELATIVES À LA
CONJONCTURE ÉCONOMIQUE
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A. LA TRAJECTOIRE DE PIB POTENTIEL
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II. LES ORIENTATIONS DES FINANCES PUBLIQUES POUR LA
PÉRIODE 2014-2019 : LES RENONCEMENTS DU GOUVERNEMENT
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A. LE REPORT DE L'ATTEINTE DES OBJECTIFS DE SOLDE
PUBLIC
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B. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES
PUBLIQUES ET DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
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1. Un ralentissement peu étayé de la
dépense publique
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a) La contribution de l'État et de ses
agences à l'effort en dépenses
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b) La fragile trajectoire financière des
collectivités territoriales
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c) Les économies des administrations de
sécurité sociale
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d) La sensibilité de la trajectoire
budgétaire à l'évolution de la dépense
publique : pas de droit à l'erreur
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a) La contribution de l'État et de ses
agences à l'effort en dépenses
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2. Une baisse modérée des
prélèvements obligatoires
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3. Des comparaisons européennes qui ne
rassurent pas
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1. Un ralentissement peu étayé de la
dépense publique
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C. UNE PROGRESSION INQUIÉTANTE DE LA DETTE
PUBLIQUE
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D. LA TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES FACE AUX
ALÉAS DE LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE : SUR LE « FIL
DU RASOIR »
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A. LE REPORT DE L'ATTEINTE DES OBJECTIFS DE SOLDE
PUBLIC
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I. LES HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES,
FONDEMENTS ESSENTIELS DE LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
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EXAMEN DES ARTICLES
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CHAPITRE PREMIER - LES OBJECTIFS
GÉNÉRAUX DES FINANCES PUBLIQUES
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ARTICLE 2 - Définition de l'objectif
à moyen terme (OMT) de solde structurel et de la trajectoire de solde
structurel pour les années 2014 à 2019
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ARTICLE 3 - Décomposition de la
trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante
conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires
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ARTICLE 4 - Objectif d'effort structurel des
administrations publiques sous-jacent à la trajectoire de solde
structurel
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ARTICLE 5 - Trajectoires de la dépense
publique hors crédits d'impôts et du taux de
prélèvements obligatoires
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ARTICLE 6 - Mécanisme de correction des
écarts par rapport à la trajectoire de solde structurel
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ARTICLE 2 - Définition de l'objectif
à moyen terme (OMT) de solde structurel et de la trajectoire de solde
structurel pour les années 2014 à 2019
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CHAPITRE II - L'ÉVOLUTION DES
DÉPENSES PUBLIQUES SUR LA PÉRIODE 2014-2017
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ARTICLE 7 - Objectifs d'évolution de la
dépense publique des sous-secteurs des administrations publiques
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ARTICLE 8 - Normes de dépenses de
l'État
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ARTICLE 9 - Stabilisation des effectifs de
l'État et de ses opérateurs
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ARTICLE 10 - Objectif de dépenses des
régimes obligatoires de base de sécurité sociale et
objectif national de dépenses d'assurance maladie
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ARTICLE 11 - Instauration d'un objectif
d'évolution de la dépense publique locale
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ARTICLE 12 - Mise en réserve des
crédits de l'État et des dépenses d'assurance
maladie
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ARTICLE 7 - Objectifs d'évolution de la
dépense publique des sous-secteurs des administrations publiques
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CHAPITRE III - L'ÉVOLUTION DES
DÉPENSES DE L'ÉTAT SUR LA PÉRIODE 2015-2017
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ARTICLE 13 - Programmation triennale des
crédits des missions du budget général de l'État
pour les années 2015 à 2017
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ARTICLE 14 - Baisse des concours financiers de
l'État aux collectivités territoriales
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ARTICLE 15 - Réduction des plafonds de
certaines impositions de toutes natures affectées à des
organismes concourant à une mission de service public
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ARTICLE 16 - Règles encadrant le recours
à l'affectation de recettes fiscales à certains organismes
concourant à une mission de service public
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ARTICLE 13 - Programmation triennale des
crédits des missions du budget général de l'État
pour les années 2015 à 2017
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CHAPITRE IV - LES RECETTES PUBLIQUES ET LE
PILOTAGE DES NICHES FISCALES ET SOCIALES
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ARTICLE 17 - Affectation des surplus de recettes
fiscales et sociales à la réduction du déficit
public
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ARTICLE 18 - Incidence annuelle des mesures
afférentes aux prélèvements obligatoires adoptées
par le Parlement ou prises par le Gouvernement
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ARTICLE 19
Plafonnement des dépenses fiscales et crédits d'impôt hors CICE
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ARTICLE 20 - Stabilisation en valeur du montant
des niches sociales
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ARTICLE 21 - Principe de révision des
dépenses fiscales et niches sociales trois ans après leur
création
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ARTICLE 17 - Affectation des surplus de recettes
fiscales et sociales à la réduction du déficit
public
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TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA
GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET À L'INFORMATION ET AU CONTRÔLE
DU PARLEMENT
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CHAPITRE II - OPÉRATEURS DE L'ÉTAT
ET AUTRES ORGANISMES PUBLICS
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ARTICLE 24 - Actualisation et aménagement
de la règle d'interdiction du recours à l'endettement par les
organismes divers d'administration centrale (ODAC)
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ARTICLE 25 - Amélioration de l'information
du Parlement à travers l'enrichissement de l'annexe
générale « jaune » relative aux
opérateurs de l'État
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ARTICLE 25 bis (nouveau) - Renforcement du suivi
des ressources fiscales affectées aux opérateurs et
recouvrées par eux
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ARTICLE 24 - Actualisation et aménagement
de la règle d'interdiction du recours à l'endettement par les
organismes divers d'administration centrale (ODAC)
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CHAPITRE III - ADMINISTRATIONS DE
SÉCURITÉ SOCIALE
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ARTICLE 26 (Art. L. 6143-4 du code de
la santé publique) - Pilotage budgétaire des
établissements de santé et suivi de l'évolution de leurs
dépenses de personnel
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ARTICLE 27 A (nouveau) - Création d'une
annexe au projet de loi de finances détaillant les prévisions de
solde public pour chacun des sous-secteurs des administrations publiques
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ARTICLE 27 (Chapitre II du titre II du livre IV
de la cinquième partie du code du travail) - Information du Parlement
sur les perspectives financières de l'assurance chômage
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ARTICLE 27 bis (nouveau)
(Art. L. 182-2-4 du code de la sécurité sociale) -
Information du Parlement sur les relations conventionnelles entre les
professions libérales de santé et l'assurance maladie
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ARTICLE 26 (Art. L. 6143-4 du code de
la santé publique) - Pilotage budgétaire des
établissements de santé et suivi de l'évolution de leurs
dépenses de personnel
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CHAPITRE IV - ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
LOCALES
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CHAPITRE V - AUTRES DISPOSITIONS
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ARTICLE 29 A - Création d'un
mécanisme de « frein à la dette »
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ARTICLE 29 - Bilan annuel de la mise en oeuvre de
la loi de programmation des finances publiques
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ARTICLE 29 bis (Art. L. 1414-2-1 [nouveau] du
code général des collectivités territoriales) -
Encadrement des partenariats public-privé conclus par des organismes
autres que l'Etat
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ARTICLE 30 - Abrogation de dispositions de la loi
de programmation des finances publiques en vigueur
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ARTICLE 29 A - Création d'un
mécanisme de « frein à la dette »
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE - LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES
FINANCES PUBLIQUES ET SON PILOTAGE. ANALYSE COMPARATIVE DANS LES PAYS
EUROPÉENS
N° 55
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 octobre 2014 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ,
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
2236 , 2245 et T.A. 413 |
|
Sénat : |
45 , 46 et 56 (2014-2015) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2017 doit succéder à trois autres lois de programmation de même nature adoptées entre 2009 et 2012 . Toutefois, le présent projet de loi est le premier à être examiné sous l'empire du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), entré en vigueur le 1 er janvier 2013, qui prévoit la définition de la trajectoire des finances publiques en termes de solde structurel 1 ( * ) - même si la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 respectait, par anticipation, cette exigence.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 2 ( * ) , l'alinéa pénultième de l'article 34 de la Constitution prévoit que les « orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». Aussi, conformément à la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 3 ( * ) , qui transpose le TSCG dans l'ordre juridique interne, la loi de programmation des finances publiques fixe un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel et, en vue de sa réalisation, détermine les trajectoires des soldes structurel et effectif , ainsi que l'évolution de la dette publique . Par ailleurs, elle précise l'effort structurel 4 ( * ) qui sera réalisé au titre de chacun des exercices de la période de programmation .
Dans la perspective d'un pilotage plus fin des finances publiques, la loi organique précitée prévoit, en outre, qu'une loi de programmation comprend un montant maximal pour les crédits de chacune des missions du budget général de l'État ; ceci se traduit par la définition d'un « budget triennal » qui constituait, à l'origine, le fondement des lois de programmation des finances publiques. Selon la même logique, doivent être définis des plafonds pour les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) .
En outre, la loi organique du 17 décembre 2012 prévoit qu'une loi de programmation des finances publiques « peut comporter des orientations pluriannuelles relatives à l'encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques », ce qui permet au présent projet de loi de proposer, notamment, la création d'un objectif indicatif d'évolution de la dépense publique locale (ODEDEL).
De même, le texte organique précise qu'une loi de programmation des finances publiques « peut comporter des règles relatives à la gestion des finances publiques ne relevant pas du domaine exclusif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ainsi qu'à l'information et au contrôle du Parlement sur cette gestion. Ces règles peuvent en particulier avoir pour objet d'encadrer les dépenses, les recettes et le solde ou le recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques ».
Toutefois, il convient de préciser que les différentes dispositions figurant dans les lois de programmation des finances publiques n'ont pas toutes la même valeur juridique . Ainsi, les orientations pluriannuelles des finances publiques constituent des dispositions programmatiques et ne sont pas juridiquement contraignantes ; en effet, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 décembre 2012 portant sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 5 ( * ) , ces orientations pluriannuelles ne sauraient porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution, ni même aux prérogatives du Parlement. À l'inverse, les règles relatives à la gestion des finances publiques ainsi qu'à l'information et au contrôle du Parlement ont, elles, une portée normative .
Alors que les articles 1 ers des lois de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 puis 2011 à 2014 précisaient les articles ayant une dimension programmatique, le présent projet de loi, à l'instar de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017, ne comporte pas une telle précision. Néanmoins, l'organisation du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 permet de distinguer aisément la « valeur » juridique des différentes dispositions. Aussi les dispositions inscrites dans le titre I « Orientations pluriannuelles des finances publiques » sont-elles non contraignantes, alors que celles relevant du titre II « Dispositions relatives à la gestion des finances publiques et à l'information du Parlement », elles, le sont 6 ( * ) .
L'exposé général présente et analyse, tout d'abord, les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes à la trajectoire budgétaire pluriannuelle du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 , qui ont acquis une importance accrue dès lors que le solde structurel est devenu le nouveau « pilier » de la politique budgétaire. Ensuite, il examine les orientations pluriannuelles des finances publiques proposées par le présent projet de loi soit, en particulier, les objectifs d'évolution du solde structurel, du solde effectif, des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires et de la dette publique.
I. LES HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES, FONDEMENTS ESSENTIELS DE LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES
En application des dispositions de la loi organique du 17 août 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui transpose le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en droit français, le présent projet de loi fixe un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, ainsi qu'une trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation .
Le calcul du solde structurel fait intervenir les notions de produit intérieur brut (PIB) potentiel et de croissance potentielle, qui ont donc acquis une place centrale dans le pilotage des finances publiques. C'est pourquoi, les développements qui suivent portent sur la trajectoire de PIB potentiel proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation des finances publiques , avant de traiter des hypothèses retenues concernant la conjoncture économique , soit celles relatives à l'évolution du PIB effectif et de l'inflation.
A. LA TRAJECTOIRE DE PIB POTENTIEL
L'évaluation du solde structurel est étroitement liée à l'estimation du PIB potentiel et de son évolution . Aussi le Gouvernement propose-t-il une révision substantielle de la trajectoire de PIB potentiel dans le présent projet de loi par rapport à celle figurant dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.
Force est de constater que la nouvelle prévision de croissance potentielle est beaucoup plus proche des estimations retenues par la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l'OCDE, ou encore les différents instituts de prévisions . Ceci tend à « crédibiliser » la trajectoire de PIB potentiel avancée par le Gouvernement, même si celle-ci peut, par certains aspects, interroger, notamment en ce qui concerne l'évaluation de l'écart de production en début de programmation, qui influe sur le « point de départ » de la trajectoire de solde structurel.
1. Solde structurel et trajectoire de PIB potentiel
Le solde structurel correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires . Cependant, avant de préciser les modalités selon lesquelles le solde structurel est calculé, il convient de rappeler les raisons ayant conduit à faire de cette notion la principale référence en matière de programmation des finances publiques .
L'institution d'une règle d'équilibre budgétaire définie en termes de solde structurel par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) 7 ( * ) a constitué une conséquence des limites inhérentes au pilotage des finances publiques sur la seule base du déficit effectif . La poursuite d'une trajectoire fondée exclusivement sur le solde effectif peut, en effet, contraindre les États à procéder à des ajustements substantiels de leurs finances publiques afin, notamment, de corriger la dégradation du solde résultant des évolutions conjoncturelles, ce qui a un effet pro-cyclique et peut réduire plus encore la croissance économique.
Le solde structurel est, en outre, supposé être un meilleur révélateur de la position budgétaire d'un État . En effet, il permet d'identifier la part des déficits qui ne saurait être imputée aux évolutions de la conjoncture, dès lors que les « accidents » conjoncturels peuvent avoir des effets sur le solde effectif, de par leurs incidences tant sur les recettes que sur les dépenses - notamment à travers le jeu des « stabilisateurs automatiques » 8 ( * ) .
Le calcul du solde structurel implique de distinguer les deux composantes du solde public effectif 9 ( * ) : le solde conjoncturel , qui correspond à la part des fluctuations du solde public qui peut être expliquée par des facteurs conjoncturels ou temporaires, et le solde structurel , soit le solde public tel qu'il serait constaté si le produit intérieur brut (PIB) était égal à son potentiel.
L'identification du solde conjoncturel et du solde structurel repose, par conséquent, sur l'estimation du PIB potentiel . La définition de ce dernier ainsi que les méthodes selon lesquelles il est évalué sont précisées infra . Le PIB potentiel permet de déterminer l' écart de production (ou output gap ), qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, exprimée en points de PIB potentiel. Ainsi, plus le PIB effectif est éloigné de son potentiel, plus l'écart de production est important ; inversement, lorsque le PIB effectif rejoint son potentiel, l'écart de production se resserre.
Le solde structurel correspond à l'écart entre les recettes structurelles et les dépenses structurelles. Aussi est-il nécessaire de corriger les recettes et les dépenses effectives des effets de la conjoncture, et ce à partir des élasticités des différentes recettes et dépenses à l'écart de production (cf. tableau ci-après). Il convient de souligner que, s'agissant des recettes, tous les prélèvements obligatoires sont supposés être sensibles à la conjoncture, à la différence des autres recettes ; pour ce qui est des dépenses, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont considérées comme étant de nature conjoncturelle.
Tableau n° 1 : Élasticité des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d'indemnisation du chômage à la conjoncture
IR* |
CSG* |
IS* |
CSS* |
APO* |
Chômage |
|
Élasticité à l'écart de production |
1,86 |
1,86 |
2,76 |
0,63 |
1,00 |
- 3,23 |
* IR : impôt sur le revenu ; CSG : contribution sociale généralisée ; IS : impôt sur les sociétés ; APO : autres prélèvements obligatoires (dont TVA).
Note de lecture : Lorsque l'écart de production augmente de 1 point de PIB potentiel, les recettes perçues au titre de l'IR augmentent de 1,86 %, tandis que les dépenses d'indemnisation du chômage diminuent de 3,23 %.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
Les données reprises dans le tableau précédent résultent d' une estimation économétrique de l'élasticité des prélèvements obligatoires réalisée par l'OCDE , dont les résultats ont été publiés à l'été 2014.
Enfin, pour ce qui est des mesures ponctuelles et temporaires , le rapport annexé au présent projet de loi rappelle qu'il s'agit des mesures « qui n'ont pas d'impact pérenne sur le déficit public, les "one-offs" ». Aussi, répondant à une demande du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) 10 ( * ) , le Gouvernement propose-t-il un ensemble de critères permettant de définir le périmètre des mesures exceptionnelles et temporaires à exclure du solde structurel. À ce titre, il distingue un premier ensemble correspondant aux « mesures one-offs systématiques », qui répondent aux cinq critères suivants : « l'évènement concerné ne doit pas être récurrent » ; « pour une année donnée, le nombre de one-offs doit être limité pour éviter de biaiser la mesure du déficit public » ; « l'évènement concerné doit entraîner un impact budgétaire significatif » ; « tout évènement qui améliore le solde pour le dégrader dans le futur doit être considéré comme un one-off » ; « les mesures one-offs ne doivent pas concerner le mode de calcul de l'impôt ». À cela viennent s'ajouter un deuxième ensemble, composé des « évènements dont l'impact budgétaire est substantiel et dont la temporalité est incertaine », comme les contentieux fiscaux de masse, et un troisième, qui renvoie aux « évènements imprévus ayant un impact unique sur le solde public », à l'instar de la recapitalisation de Dexia de 2012.
Une méthode simplifiée de calcul du solde conjoncturel - appelée « règle du pouce » - consiste à considérer qu'en pratique ce dernier est proche de la moitié de l'écart de production pour la France 11 ( * ) . Ceci s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l'ordre de 1.
Ceci fait clairement ressortir l'importance des hypothèses relatives au PIB potentiel dans l'estimation du solde structurel . Mécaniquement, pour un niveau de PIB effectif donné, une estimation plus élevée du PIB potentiel aura pour effet de creuser l'écart de production et donc d'améliorer le solde structurel ; à l'inverse, une estimation plus faible du PIB potentiel conduira à un resserrement de l'écart de production et, par suite, à une dégradation du solde structurel. L'exemple suivant permet d'illustrer ce phénomène.
Ainsi, il est considéré un pays dont le PIB effectif est égal à 100 et dont le solde public effectif est de - 3 % du PIB. Le tableau ci-après présente les estimations de l' écart de production et de solde structurel selon que le PIB potentiel est évalué à 101 (scénario A), 102 (scénario B) ou 103 (scénario C). Les mesures exceptionnelles et temporaires sont supposées égales à 0.
Tableau n° 2 : Incidences des hypothèses relatives au PIB potentiel sur les évolutions du solde structurel
Scénario A |
Scénario B |
Scénario C |
|
PIB potentiel (1) |
101 |
102 |
103 |
PIB effectif (2) |
100 |
100 |
100 |
Écart de production (3) = [(2)-(1)]/(1)*100 |
- 1,0 % |
- 2,0 % |
- 2,9 % |
Solde public effectif (4) |
- 3,0 % |
- 3,0 % |
- 3,0 % |
Solde conjoncturel (5) = (3)*½ |
- 0,5 % |
- 1,0 % |
- 1,5 % |
Mesures exceptionnelles et temporaires (6) |
0,0 % |
0,0 % |
0,0 % |
Solde structurel (7) = (4)-(5)-(6) |
- 2,5 % |
- 2,0 % |
- 1,5 % |
Source : commission des finances du Sénat
Ceci montre que la modification de l'estimation du PIB potentiel et de son évolution proposée dans le cadre du présent projet de loi a une incidence significative sur la trajectoire de solde structurel . Aussi, préalablement à l'examen des hypothèses relatives au PIB potentiel retenues par le Gouvernement, il convient de préciser les notions de PIB potentiel et de croissance potentielle, ainsi que la manière dont ceux-ci sont déterminés.
2. Qu'est-ce que le PIB potentiel et la croissance potentielle ?
Le PIB potentiel peut être défini comme le produit intérieur brut pouvant être obtenu durablement, c'est-à-dire sans produire de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail . En cela, le PIB potentiel se distingue fondamentalement du niveau maximal de production réalisable à un instant donné ; en effet, il s'agit d'un niveau d'activité « soutenable » sur longue période, qui n'entraîne pas d'accélération de l'inflation ou d'accroissement des salaires .
Dès lors, la croissance potentielle correspond à l'évolution du niveau de production « soutenable » , soit du PIB potentiel.
Bien que n'étant pas observable, ce dernier peut néanmoins être estimé par le biais de différentes méthodes qui se répartissent entre trois grandes approches : l'approche purement statistique, l'approche structurelle et l'approche mixte. Dans le cadre de l' approche purement statistique , le PIB potentiel est assimilé au PIB tendanciel. Parmi les méthodes « empiriques » les plus connues figurent le recours au filtre de Hodrick et Prescott 12 ( * ) , qui permet de distinguer, au sein d'une série temporelle, une composante cyclique et une composante tendancielle, et la méthode des ruptures de tendance. Dans l' approche structurelle , le PIB potentiel est déterminé à partir d'une fonction de production en évaluant les quantités de facteurs de production qui permettent un niveau d'activité soutenable 13 ( * ) . Aussi la croissance potentielle est-elle conçue comme la somme de la croissance des facteurs de production disponibles - stock de capital, nombre d'emplois, heures travaillées par tête, qui peuvent être augmentés de leur « qualité » qui dépend, par exemple du niveau de qualification 14 ( * ) - et de la croissance de la productivité globale des facteurs (PGF) 15 ( * ) . L' approche mixte , enfin, mobilise tout à la fois des outils statistiques et des hypothèses structurelles.
Toutefois, il convient de souligner que
la notion de
PIB potentiel
- et donc celle de croissance potentielle -, de même
que son estimation, présentent d'importantes fragilités
.
Tout d'abord, la diversité des méthodes d'évaluation a
pour conséquence nécessaire une
disparité des
résultats
.
Ensuite, le PIB potentiel et la croissance potentielle n'étant pas des données comptables - ni même observables -, leurs révisions ex post peuvent être tout à fait substantielles , ce qui montre bien l'incertitude qui entoure toute estimation de ces valeurs.
Enfin, d'un point de vue conceptuel, la « soutenabilité » de la production est généralement appréhendée à travers les tensions sur les prix, sans qu'il soit tenu compte d'autres types de déséquilibres, notamment financiers , dont les incidences potentielles sur l'activité ne sauraient pourtant être négligées. Ce point a été notamment développé par Michel Aglietta lors d'une audition conjointe sur le risque de déflation dans la zone euro organisée par la commission des finances en mai dernier 16 ( * ) , au cours de laquelle celui-ci indiquait : « Il est très difficile de définir et de calculer le potentiel de croissance. Il est calculé généralement par rapport à l'inflation. Comme il n'y a plus d'inflation depuis des décennies, les tensions proviennent du surendettement. Les potentiels de croissance avant la crise étaient surévalués : des déséquilibres massifs se sont cumulés sans ajustement des marchés. En tenant compte des déséquilibres financiers, on aboutit à des potentiels de croissance inférieurs. »
Dans ces conditions, en dépit de leur indéniable utilité tant du point de vue de l'analyse économique que de celui du pilotage des finances publiques, les concepts de PIB potentiel et de croissance potentielle doivent être maniés avec discernement et humilité : ils ne sauraient être conçus autrement que comme de simples « points de repère », permettant d'introduire un peu de stabilité en des domaines fortement marqués par les variations conjoncturelles.
3. L'estimation gouvernementale du PIB potentiel
Dans le présent projet de loi , le Gouvernement propose une révision substantielle de la trajectoire de PIB potentiel qui était retenue jusqu'à présent . En effet, alors que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2012-2017, prévoyait une accélération progressive de la croissance potentielle au cours de la période couverte, celle-ci devant atteindre 1,6 % à compter de 2016, le Gouvernement retient, dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) 2014-2019, une hypothèse de croissance potentielle moyenne de 1,1 % entre ces deux années . Le Gouvernement reprend ainsi les estimations de croissance potentielle publiées par la Commission européenne en mai dernier 17 ( * ) .
En cela, il est difficile de ne pas y voir un souhait du Gouvernement d'envoyer des signes de bonne volonté à l'endroit des institutions européennes , afin de compenser une position budgétaire de la France pour le moins fragile, et ce alors même que les nouvelles orientations des finances publiques sont marquées par le report des différents objectifs en termes de solde structurel et de solde effectif qui avaient été arrêtés en vertu de nos engagements européens.
Il en va de même s'agissant de l'écart de production pour 2013, l'évaluation avancée par la Commission en mai 2014, de - 2,7 % du PIB potentiel, ayant également été retenue par le Gouvernement . Aussi l'estimation de l'écart de production pour cette année est-elle abaissée de 0,4 point par rapport à celle figurant dans la LPFP 2012-2017.
Tableau n° 3 : Comparaison des trajectoires de PIB potentiel de la LPFP 2012-2017 et du PLPFP 2014-2019
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
||
LPFP 2012-2017 |
Croissance potentielle |
1,1 |
1,3 |
1,4 |
1,5 |
1,5 |
1,6 |
1,6 |
||
Écart de production* |
- 0,8 |
- 1,7 |
- 2,3 |
- 1,9 |
- 1,4 |
- 1,0 |
- 0,6 |
|||
PLPFP 2014-2019 |
Croissance potentielle |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
1,1 |
1,3 |
1,2 |
1,1 |
||
Écart de production* |
- 2,7 |
- 3,3 |
- 3,4 |
- 3,1 |
- 2,5 |
- 1,7 |
- 0,9 |
* En % du PIB potentiel
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
Quoi qu'il en soit, le choix du Gouvernement de retenir les
estimations du PIB potentiel de la Commission européenne a
indubitablement permis de
renforcer la crédibilité de la
trajectoire de PIB potentiel sous-jacente à la programmation
2014-2019
. À cet égard, lors de son audition par la
commission des finances, le 15 octobre dernier
18
(
*
)
, le président du Haut Conseil des finances
publiques, Didier Migaud, a déclaré que
«
l'estimation [de croissance potentielle] de 1 % en 2014 et
2015, et de l'ordre de 1,2 % en moyenne pour les années 2016
à 2019, constitu[ait] une hypothèse acceptable
».
Comme le montrent les développements qui suivent,
les
anticipations de croissance potentielle se sont nettement rapprochées de
celles du Fonds monétaire international (FMI)
19
(
*
)
, de
l'OCDE
20
(
*
)
, ou encore du consensus de la croissance
potentielle établi par la commission des finances
, qui regroupe
les prévisions de différents instituts de conjoncture.
Pour ce qui est de l'écart de production pour 2013, la prévision de la Commission européenne retenue par le Gouvernement se situe entre les estimations du FMI (- 2,2 % du PIB potentiel) et de l'OCDE (- 2,9 % du PIB potentiel) ; de même, elle se trouve dans la fourchette avancée par la Note de conjoncture de l'Insee de mars 2014, qui retient des estimations centrales d'écart de production s'échelonnant de - 2,0 à - 3,5 % du PIB potentiel en 2013 21 ( * ) .
De telles évaluations suggèrent que le PIB est bien en deçà de son potentiel, ce qui signifie que la France disposerait d'une capacité de rebond significative - étant entendu qu'il est supposé que le PIB rejoint nécessairement, à terme, son niveau potentiel.
Toutefois, dans son avis du 26 septembre 2014 22 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques - qui se prononçait pour la première fois sur les hypothèses relatives au PIB potentiel sous-jacentes à une loi de programmation des finances publiques - a estimé « non négligeable la probabilité d'un écart de production et donc d'un potentiel de rebond plus limités que les estimations actuellement retenues par le Gouvernement et les organisations internationales ». En effet, celui-ci a rappelé que les chocs subis par l'économie française depuis 2008 pourraient avoir eu une incidence durable sur son potentiel de croissance 23 ( * ) .
Par ailleurs, comme le note le Haut Conseil, la prise en compte d'une hypothèse d'écart de production plus faible se traduirait par un solde structurel plus dégradé sur toute la période de programmation . Aussi, une telle éventualité se doit d'être envisagée, ce que s'attache à faire le présent rapport infra .
Enfin, il convient de rappeler que la trajectoire de PIB potentiel qui figure dans le rapport annexé des lois de programmation des finances publiques présente une importance toute particulière . En effet, l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, qui porte sur le mécanisme de correction 24 ( * ) , prévoit que lorsque le Haut Conseil examine, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, les résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation, cette « comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi ». Cette précision, apportée par le Sénat à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, doit permettre d'assurer une permanence des méthodes dans le suivi de la trajectoire de solde structurel. Elle garantit, en effet, que les modalités selon lesquelles sont calculés le solde structurel ainsi que l'ajustement structurel présentent une certaine stabilité et restent cohérentes avec celles retenues lors de la définition de l'objectif à moyen terme (OMT), évitant ainsi le « syndrome de la cible mouvante ».
4. Les évaluations alternatives de la croissance potentielle
Afin de mieux apprécier la trajectoire de PIB potentiel retenue par le Gouvernement dans le présent projet de loi, il est utile de disposer des estimations alternatives de croissance potentielle et, le cas échéant, d'écart de production proposées par l'Insee, la Commission européenne, les organisations internationales, ainsi que par les instituts de conjoncture, dont les prévisions ont été réunies dans un consensus de la croissance potentielle de la commission des finances.
a) L'estimation de la croissance potentielle de l'Insee
Une estimation de la croissance potentielle de l'économie française a été proposée dans une étude publiée en juin 2013 par trois économistes de l'Insee 25 ( * ) . À partir d'une nouvelle mesure de la productivité globale des facteurs (PGF), reposant sur la prise en compte de la contribution à la croissance de la « qualité » du capital et du travail, soit des différences de productivité des différentes catégories de capital et de main d'oeuvre, ces derniers avancent trois scénarii d'évolution de la croissance potentielle. Ils notent, à cet égard, que l'incertitude la plus forte concerne les évolutions de la productivité globale des facteurs - les effets de la crise économique et financière sur celle-ci étant difficiles à appréhender.
Ainsi, dans le scénario central , il est supposé que la croissance de la productivité globale des facteurs a été marquée par une rupture durable , évoluant de + 0,5 % par an entre 2015 et 2025, contre + 0,7 % par an sur la période précédant la crise (1994-2007). Dans la variante haute , la productivité globale des facteurs retrouverait son rythme de croissance d'avant-crise, soit 0,7 % par an. Dans la variante basse , enfin, une rupture durable et importante aurait touché la productivité globale des facteurs, qui ne croîtrait alors que de 0,3 % par an. Le détail des différentes hypothèses retenues par l'Insee est repris dans le tableau ci-après.
Tableau n° 4 : Croissance potentielle 2015-2025 du PIB et contribution des facteurs de production
Note de lecture : PGF : productivité globale des facteurs ; TUC : taux d'utilisation des capacités de production.
Source : P.-Y. Cabannes, A. Montaut et P.-A. Pionnier (2013)
Ainsi, selon l'ampleur des incidences de la crise sur le rythme d'évolution de la productivité globale des facteurs (PGF), l'étude de l'Insee estime que la croissance potentielle de l'économie française serait comprise entre 1,2 % et 1,9 %, avec un scénario central à 1,5 % . Ces résultats tendent à valider la trajectoire de croissance potentielle retenue par le Gouvernement dans le présent projet de loi.
En outre, cette publication montre un abaissement du potentiel de croissance de la France à la suite de la crise économique et financière, la croissance effective s'étant élevée, en moyenne, à 2,2 % par an entre 1994 et 2007 . Ceci montre l'absolue nécessité de procéder aux réformes structurelles devant permettre de relever les perspectives de croissance à long terme de notre pays.
b) L'estimation de la croissance potentielle des institutions internationales
Ainsi que cela était indiqué précédemment, le Gouvernement a fait sienne la trajectoire de croissance potentielle retenue par la Commission européenne pour la période 2013-2015 dans ses prévisions économiques de printemps, publiées en mai dernier. Selon cette dernière, la croissance potentielle de l'économie française serait de 1 % en moyenne entre 2013 et 2015 . De même, le Gouvernement a retenu l'estimation de l'écart de production de la Commission au titre de l'année 2013, soit - 2,7 % du PIB potentiel. Pour les années suivantes, il apparaît toutefois que la Commission prévoit un resserrement plus rapide de l'écart de production. Ceci est imputable aux prévisions de croissance du PIB effectif avancées jusqu'à présent par la Commission pour 2014 et 2015, plus favorables, mais qui devraient, de toute évidence, être revues à la baisse dans ses prévisions d'automne, qui devraient être publiées le 4 novembre prochain.
Tableau n° 5 : Estimations de la croissance potentielle et de l'écart de production de la France par la Commission européenne, le FMI et l'OCDE
(en points de PIB potentiel)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
||
Commission européenne (1) |
Croissance potentielle |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
||||
Écart de production |
- 2,7 |
- 2,8 |
- 2,4 |
|||||
FMI (2) |
Croissance potentielle |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
1,2 |
1,3 |
1,4 |
1,5 |
Écart de production |
- 2,2 |
- 2,5 |
- 2,2 |
- 1,7 |
- 1,1 |
- 0,6 |
- 0,2 |
|
OCDE (3) |
Croissance potentielle |
1,3 |
1,4 |
1,6 |
||||
Écart de production |
- 2,9 |
- 3,4 |
- 3,4 |
(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2014 », European Economy 3/2014 , mai 2014.
(2) Fonds monétaire international, « France: 2014 Article IV Consultation--Staff Report », IMF Country Report No. 14/182 , juillet 2014.
(3) OCDE, OECD Economic Outlook , mai 2014.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
Le Fonds monétaire international (FMI) retient également une hypothèse de croissance potentielle proche de 1 % entre 2013 et 2015 ; néanmoins, il anticipe un relèvement progressif de celle-ci, qui atteindrait 1,5 % en 2019. Aussi, la croissance potentielle serait-elle, selon le FMI, d'environ 1,2 % par an en moyenne au cours de la période 2013-2019 . Pour ce qui est de l'écart de production, le Fonds évalue celui-ci à - 2,2 % du PIB potentiel en 2013, soit un niveau plus faible que l'estimation retenue par le Gouvernement.
L'OCDE, quant à elle, avance une estimation de la croissance potentielle légèrement plus favorable que le Gouvernement, à 1,4 % en moyenne entre 2013 et 2015 . L'écart de production est, lui, évalué à - 2,9 % du PIB potentiel.
Au total, les estimations de la croissance potentielle proposées par le FMI et l'OCDE tendent également à « crédibiliser » les hypothèses de croissance potentielle, identiques à celles la Commission européenne pour les années 2013 à 2015, qui sous-tendent la trajectoire budgétaire figurant dans le présent projet de loi . Concernant l'évaluation de l'écart de production, les études du FMI et de l'OCDE montrent l'ampleur des différences qui peuvent exister quant à l'évaluation de cet écart, révélant la difficulté de l'exercice , à l'instar des résultats précités figurant dans la Note de conjoncture de l'Insee de mars 2014 26 ( * ) .
c) Le consensus de la croissance potentielle de la commission des finances
Dans la perspective de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et de la révision, prévisible, de la trajectoire de PIB potentiel, la commission des finances s'est attachée à élaborer un consensus de la croissance potentielle regroupant les estimations de différents instituts de conjoncture .
Tableau n°
6
: Consensus de
la croissance potentielle
de la commission des finances du
Sénat
Prévisionnistes |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Moyenne 2015-2019 |
Axa AM |
0,8 % |
1,0 % |
1,25 % |
1,5 % |
1,5 % |
1,2 % |
COE-Rexecode |
1,2 % |
1,2 % |
||||
Euler Hermes |
1,5 % |
1,5 % |
||||
Exane |
1,1 % |
1,1 % |
1,1 % |
1,1 % |
1,1 % |
1,1 % |
Groupama AM |
1,2 % |
1,2 % |
1,2 % |
1,2 % |
1,2 % |
1,2 % |
Natixis |
0,8 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
Oddo Securities |
1,0 % |
1,0 % |
||||
Oxford Economics |
0,9 % |
1,1 % |
1,2 % |
1,2 % |
1,3 % |
1,1 % |
PAIR Conseil |
0,9 % (1) |
1,0 % (1) |
1,1 % (1) |
1,2 % (1) |
1,3 % (1) |
1,1 % (1) |
1,2 % (2) |
1,3 % (2) |
1,5 % (2) |
1,6 % (2) |
1,7 % (2) |
1,5 % (2) |
|
MOYENNE |
1,1 % |
1,1 % |
1,2 % |
1,2 % |
1,3 % |
1,2 % |
Minimum |
0,8 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
0,9 % |
Maximum |
1,5 % |
1,5 % |
1,5 % |
1,6 % |
1,7 % |
1,5 % |
(1) Scénario 1 de PAIR Conseil, dit « trajectoire fil de l'eau », soit à politique économique inchangée en zone euro.
(2) Scénario 2 de PAIR Conseil, dit « scénario policy mix européen adapté », retenant l'hypothèse du déploiement d'un policy mix en zone euro « plus adapté » en termes de politique monétaire, de politique budgétaire et fiscale ainsi que d'investissement public.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par les instituts cités)
À cet effet, les données produites par neuf instituts ont été recueillies et restituées dans le tableau ci-avant. Aussi le consensus fait-il apparaître une estimation moyenne de la croissance potentielle de 1,2 % entre 2015 et 2019 . Là encore, les résultats présentés viennent confirmer le caractère plausible de la trajectoire de croissance potentielle proposée par le Gouvernement dans le présent projet de loi - sans pour autant que celle-ci puisse être qualifiée de « prudente ». En effet, il convient de ne pas négliger les écarts qui existent entre les prévisions proposées par les instituts du consensus . Ainsi, pour la période 2015-2019, Natixis retient une croissance potentielle moyenne de 0,9 %, alors que PAIR Conseil, comme Euler Hermes, propose une estimation « haute » de 1,5 %, sous des hypothèses de politique économique favorables, toutefois. Ces écarts semblent se justifier au regard des difficultés inhérentes à l'évaluation de la croissance potentielle.
Le niveau du PIB potentiel lui-même est également difficile à appréhender, ce qui explique les différences d'évaluation de l'écart de production entre les divers instituts de conjoncture . Ainsi, au titre de l'année 2013, l'écart de production est estimé à - 1,8 % du PIB potentiel par Exane, à - 2,9 % par Oxford Economics et à près de - 3 % par Oddo Securities.
5. La croissance potentielle : un enjeu de politique économique
Si le PIB potentiel correspond, à bien des égards, à un niveau de production théorique, qui résulterait de l'utilisation des facteurs de production à leur niveau structurel, soit sans entraîner de tensions sur les prix, il n'en constitue pas pour autant un concept « hors sol ». En effet, en dépit des incertitudes inhérentes à l'estimation du PIB potentiel, celle-ci ne s'en appuie pas moins sur la réalité économique . De même, la croissance potentielle renvoie, fondamentalement, à la croissance envisageable d'une économie sur longue période.
Aussi la croissance potentielle ne constitue-t-elle pas seulement un enjeu théorique, mais également un enjeu de politique économique . En effet, la croissance potentielle de la France offre une image de ce que pourrait être, demain, la croissance effective de l'économie de notre pays. Or, force est de constater que la croissance potentielle estimée pour les prochaines années est relativement modeste , ce qui tend à signifier que nous devrions nous habituer, dans les années à venir, à une croissance moyenne plus faible que par le passé.
Toutefois, une telle situation ne semble pas constituer une « fatalité », dès lors que des mesures de politique économique ambitieuses permettraient de relever le potentiel de croissance de l'économie française . Ceci implique, au préalable, de s'interroger sur les effets possibles de la crise économique et financière sur la croissance potentielle.
a) Les effets de la crise sur la croissance potentielle
La période actuelle est encore marquée par les effets de la crise économique et financière sur la croissance économique . Néanmoins, de manière moins visible, de nombreux éléments laissent penser que la crise a également eu une incidence sur le niveau de PIB potentiel, voire sur la croissance potentielle, même s'il est encore difficile, à ce jour, de mesurer ce phénomène.
En effet, les canaux de transmission de la crise sur la production potentielle sont multiples et il est délicat de déterminer si ses conséquences sur l'emploi, le capital productif ou encore sur le progrès technique seront ou non durables .
De manière générale, les crises financières affectent durablement les différents facteurs de production et entraînent des pertes durables de l'activité 27 ( * ) . Celles-ci touchent, tout d'abord, le rythme d'accumulation du capital , dès lors que les faillites et les fermetures d'unités de production qui les accompagnent sont à l'origine d'une destruction du capital existant ; de même, le rationnement du crédit réduit les investissements et limite le renouvellement du capital productif, entraînant un accroissement de son obsolescence.
Ensuite, les crises financières ont des incidences sur le marché du travail . Toutefois, celles-ci peuvent être ambivalentes : si la participation au marché du travail peut reculer en raison du découragement des chômeurs de longue durée, la perte de revenu d'un chômeur peut inciter son conjoint inactif à rechercher un emploi - il s'agit de l'effet de travailleur additionnel 28 ( * ) . Pour autant, l'effet de découragement semble prévaloir. En outre, peut être constatée une dépréciation de l'expérience professionnelle , ce qui correspond à une perte de capital humain 29 ( * ) , en raison des pertes de « compétences » des chômeurs de longue durée et d'un manque d'accumulation des connaissances du fait de la dégradation des conditions d'emploi. Dès lors, les crises peuvent réduire en quantité et en qualité la main d'oeuvre disponible .
Les effets des crises financières sur le progrès technique sont également difficiles à prévoir . Alors que, d'un côté, les crises peuvent amener les entreprises plus performantes à se développer au détriment des moins productives, voire encourager les firmes à se réorganiser et à innover - il s'agit du cleansing effect 30 ( * ) -, d'un autre côté, elles sont susceptibles d'entraîner une diminution des dépenses de recherche et développement (R&D), porteuses à long terme de progrès technique, en raison des contraintes financières qui pèsent sur les entreprises. Malgré tout, les études empiriques semblent indiquer que les dépenses de R&D sont pro-cycliques 31 ( * ) , ce qui tend à indiquer que, dans les faits, les crises s'accompagnent essentiellement d'une baisse de ces dépenses , venant minorer les perspectives de croissance de la productivité globale des facteurs (PGF).
À ces différents éléments, s'agissant des États européens, viennent s'ajouter d'autres « chocs », dont la crise de la dette souveraine dans la zone euro à compter de 2010 et les plans de consolidation budgétaire qui l'ont suivie. L'impact de ces plans sur l'activité a été estimé par l'Insee, pour la zone euro dans son ensemble, à - 0,4 point de PIB en 2011 et - 1,1 point de PIB en 2012 32 ( * ) - et à - 0,3 point de PIB et - 0,8 point de PIB pour ces deux années pour la France. En 2013, les effets du redressement des comptes publics sur le PIB de la zone auraient été de même ampleur qu'en 2012 33 ( * ) .
Au total, la crise économique et financière semble avoir eu d'importantes incidences tant sur le capital productif, que sur la main d'oeuvre et la productivité globale des facteurs (PGF). Cependant, il demeure difficile à déterminer, même à ce jour, si celles-ci auront des conséquences durables, d'une part, sur la production potentielle et, d'autre part, sur la croissance potentielle . En effet, l'analyse économique n'exclut pas que les effets de la crise sur les facteurs de production puissent se résorber à moyen et long termes.
Aussi est-il possible d'envisager trois scénarii d'évolution du PIB potentiel au lendemain de la crise 34 ( * ) (cf. graphique ci-après) :
- un scénario dans lequel le PIB potentiel et sa croissance ne sont pas durablement affectés par la crise et peuvent être rapidement restaurés (scénario « trou d'air ») ;
- un scénario dans lequel le niveau du PIB potentiel est durablement affecté par la crise car sa croissance ne retrouve que très progressivement son niveau d'avant-crise (scénario « effet sur le revenu ») ;
- un scénario dans lequel le PIB potentiel et sa croissance sont affectés à long terme (scénario « effet sur le revenu et la croissance »).
Graphique n° 7 : Schémas récapitulatifs des trois scénarii d'évolution du niveau et de la croissance du PIB potentiel à la suite de la crise économique
Source : M. Lemoine et J. Pavot (2009)
Alors que certaines études économiques peuvent laisser penser que le « scénario effet sur le niveau » est le plus probable 35 ( * ) , d'autres, plus récentes, identifient également une baisse durable du rythme de la croissance potentielle dans la plupart des pays de l'OCDE 36 ( * ) . Ce point présente une importance toute particulière du point de vue de la politique économique à mener, ainsi que l'a souligné Michel Aglietta lors de l'audition conjointe précitée sur le risque de déflation dans la zone euro organisée par la commission des finances en mai 2014 : « On peut [...] imaginer deux scénarios : selon le premier, optimiste, la croissance potentielle n'a pas été atteinte, le profil conjoncturel est retardé et l'écart de production devrait se refermer progressivement ; d'où l'intérêt d'une politique monétaire en faveur d'un niveau d'inflation plus élevé, afin d'abaisser le taux réel de marché, et ce jusqu'à ce que l'on retrouve de bonnes conditions d'investissement. Mais - et c'est la vision plus pessimiste - la faiblesse prolongée de la demande peut contaminer l'offre et compromettre les capacités de production, en entraînant un chômage de longue durée et une moindre qualité des candidats à l'emploi. Dès lors, le progrès technique incorporé au capital baisse et celui-ci devient moins productif par rapport aux techniques contemporaines possibles. L'innovation s'en trouve handicapée, faute de dépenses suffisantes en recherche et développement (R&D). L'esprit d'entreprise faiblit : le taux de start-up - soit de firmes de moins d'un an - aux États-Unis par rapport au total des firmes est inférieur depuis 2010-2011 à celui des faillites. C'est certainement bien pire en Europe. La possibilité de la reprise est compromise dès lors que la croissance potentielle elle-même est mise en cause. Le problème des politiques économiques est alors différent : il faut trouver les vecteurs d'un relèvement de la croissance potentielle, donc d'une relance du progrès technique. Beaucoup pensent que c'est autour de l'environnement et du changement climatique qu'il faut chercher les grands progrès de productivité et les projets d'investissement de l'avenir. »
b) Des réformes pour relever le potentiel de croissance
Si le pire n'est jamais certain, il est néanmoins à craindre que les perspectives de croissance à long terme de l'économie française se soient affaiblies au cours de la période récente . À cet égard, il convient de relever qu'une récente publication du Conseil d'analyse économique 37 ( * ) a montré que de nombreux pays développés ont connu, avant même le déclenchement de la crise, un fléchissement de leur rythme de croissance.
Ce phénomène serait imputable, à titre principal, au ralentissement de la productivité - mesurée, notamment, à travers la productivité du travail, c'est-à-dire la production par personne employée, et la productivité horaire (cf. tableau ci-après). Ainsi, pour la France, la productivité par tête aurait progressé de 0,7 % par an entre 2000 et 2013 (1,05 % avant la crise et 0,31 % entre 2008 et 2013), 1,28 % entre 1990 et 1999 et 1,92 % entre 1980 et 1989.
Tableau n° 8 : Taux de croissance moyen de la productivité par tête et de la productivité horaire
(en % par an)
États-Unis |
Allemagne |
France |
Italie |
Suède |
Espagne |
|
1971-1979 |
||||||
|
1,22 |
2,91 |
3,28 |
3,20 |
1,06 |
4,06 |
|
1,68 |
4,11 |
4,30 |
4,34 |
1,68 |
4,70 |
1980-1989 |
||||||
|
1,37 |
1,04 |
1,92 |
1,98 |
1,53 |
2,33 |
|
1,39 |
2,07 |
2,85 |
1,88 |
1,20 |
3,40 |
1990-1999 |
||||||
|
2,02 |
1,67 |
1,28 |
1,33 |
2,56 |
1,04 |
|
1,73 |
2,23 |
1,84 |
1,34 |
2,02 |
1,08 |
2000-2013 |
||||||
|
1,38 |
0,66 |
0,67 |
- 0,27 |
1,46 |
0,89 |
|
1,83 |
1,18 |
1,06 |
0,21 |
1,71 |
1,17 |
Source : P. Artus, C. Garcia-Peñalosa et P. Mohnen (2014)
Selon la note du Conseil d'analyse économique, le freinage de la productivité ne pourrait être attribué « à l'évolution de la durée du travail dans la mesure où ce phénomène s'observe aussi bien pour la productivité par tête que pour la productivité horaire », celle-ci précisant que « bien que la durée annuelle du travail soit faible et ait beaucoup baissé en France depuis les années 1970, la dépression induite de la productivité par tête est dominée par le freinage de la productivité horaire du travail » 38 ( * ) .
Comment expliquer le ralentissement de la productivité en France ? À en croire le Conseil d'analyse économique, quatre facteurs pourraient être avancés. Tout d'abord, est envisagé le recul de l'industrie manufacturière , qui constitue un secteur à forts gains de productivité, dans l'économie. En effet, les données de l'Insee font apparaître un recul de 11 points entre 1971 et 2013 de la part de l'industrie manufacturière dans la valeur ajoutée (cf. graphique ci-après). Pour autant, cet « effet de structure » ne permettrait pas d'expliquer intégralement la décélération de la productivité, dès lors que celle-ci serait constatée dans presque tous les secteurs.
Graphique n°
9
:
Évolution de la part de l'industrie manufacturière
dans la
valeur ajoutée en France (1970-2013)
(en % de la valeur ajoutée)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)
Ensuite, en dépit d'une relative stabilité de l'investissement des entreprises, il est relevé la faiblesse des investissements de modernisation et de rationalisation dans l'industrie, se traduisant par une faible robotisation de cette dernière en comparaison de l'Allemagne ou de l'Italie. La note du Conseil d'analyse économique indique : « La faiblesse de l'investissement en technologies avancées est en partie liée à la part réduite de l'industrie dans l'économie. Mais dans l'industrie elle-même, l'investissement a pu être ralenti par le recul des marges bénéficiaires depuis le début des années 2000, installant un véritable cercle vicieux entre baisse des marges dans l'industrie, capacité à investir dans des technologies sophistiquées, investissement insuffisant conduisant à une baisse des marges, etc. » 39 ( * ) . Le Conseil d'analyse économique voit dans la faiblesse des marges dans l'industrie une conséquence possible de la concurrence limitée dans les services aux entreprises et activités de réseau en France, qui a pour effet de gonfler les coûts des entreprises.
En outre, le Conseil d'analyse économique relève que la « France a une intensité de R&D, mesurée par la part des dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) en pourcentage du PIB, nettement plus faible que l'Allemagne et la Suède » 40 ( * ) ; en ce domaine, la France se trouvait en 2012, avec 2,26 % du PIB, au-dessus de la moyenne européenne de 1,98 %, mais en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE de 2,40 %. En particulier, la France souffre d'un déficit de dépenses privées en R&D ; toutefois, ce déficit serait lié à la faible part de l'industrie dans l'économie française et, notamment, des secteurs de moyenne et haute technologie - sachant que si « la France avait la structure industrielle de l'Allemagne mais conservait ses intensités sectorielles de recherche propres par sous-secteur, elle parviendrait à doubler son intensité globale de recherche » 41 ( * ) .
Enfin, le Conseil d'analyse économique considère les influences possibles de la situation de l'emploi et de la formation soit directement sur la croissance économique, soit indirectement par le biais de l'accumulation du capital et de la productivité globale des facteurs (PGF). Ainsi, est relevé le faible taux d'activité avant 25 ans ou après 54 ans. Selon l'Insee, il était de 36,9 % pour les 15-24 ans et de 62,5 % pour les 50 ans ou plus au premier trimestre 2014, contre 88,7 % pour les 25-49 ans. Ceci a pour effet de réduire la quantité de main d'oeuvre disponible et donc le potentiel de croissance. D'un point de vue plus « qualitatif », il apparaît, entre autres, que le système éducatif ne permettrait pas une adaptation efficace aux changements technologiques, ce qui pourrait expliquer le faible taux d'adoption des nouvelles technologies par les entreprises.
Quelles qu'en soient les causes, le ralentissement de la productivité constatée en France au cours des dernières décennies limite nécessairement le potentiel de croissance de l'économie française. Dans ces conditions, doit-on craindre qu'à la Grande dépression succède la Grande stagnation ? Il ne semble pas que le ralentissement de la croissance potentielle actuellement constaté constitue une « fatalité ». En effet, à partir des constats évoqués précédemment, le Conseil d'analyse économique avance différentes recommandations tendant à redresser la croissance potentielle de la France. Ces dernières visent, notamment, à faire évoluer le système éducatif ainsi que la formation professionnelle afin de renforcer l'adaptation des compétences aux besoins des entreprises, à rendre les modalités de l'indemnisation du chômage et de versement des pensions de retraite plus favorables à un relèvement du taux d'activité des plus de 50 ans , à poursuivre l'effort de simplification du crédit d'impôt recherche (CIR) et à compléter ce dernier par des aides directes à la recherche dans des domaines à fortes externalités et aux entreprises à fort potentiel , ou encore à accroître la concurrence dans les secteurs non manufacturiers , en particulier dans ceux produisant des services intermédiaires pour les autres secteurs.
Les travaux du Conseil d'analyse économique permettent de mettre en évidence les pistes, très concrètes, qui pourraient être explorées afin de relever le potentiel de croissance de la France . Quoi qu'il en soit, des réformes ambitieuses devront être engagées à cet effet, dès lors que la croissance à long terme détermine non seulement l'évolution de l'emploi et du niveau de vie des individus, mais également la soutenabilité des finances publiques et de notre système de protection sociale .
B. LES HYPOTHÈSES RELATIVES À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE
Au présent projet de loi de programmation des finances publiques sont également associées des prévisions portant sur l'évolution du PIB effectif, des prix, ou encore de la masse salariale , qui déterminent étroitement la variation des recettes et des dépenses des administrations publiques. Aussi ces hypothèses, reprises dans le tableau ci-après, présentent-elles une importance toute particulière et ont également été examinées dans le cadre de l'avis précité du Haut Conseil des finances publiques en date du 26 septembre 2014 42 ( * ) , conformément à la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Tableau n° 10 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique 2014-2019
(évolution en %, sauf mention contraire)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
||
PIB |
0,3 |
0,4 |
1,0 |
1,7 |
1,9 |
2,0 |
2,0 |
|
Déflateur de PIB |
0,8 |
0,8 |
0,9 |
1,4 |
1,7 |
|||
Indice des prix à la consommation hors tabac |
0,7 |
0,5 |
0,9 |
1,4 |
1 ¾ |
|||
Masse salariale privée |
0,8 |
1,6 |
2,0 |
3,5 |
4,2 |
|||
Croissance potentielle |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
1,3 |
1,3 |
1,2 |
1,1 |
|
Écart de production (en % du PIB potentiel) |
- 2,7 |
- 3,3 |
- 3,4 |
- 3,1 |
- 2,5 |
- 1,7 |
- 0,9 |
Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
1. Les prévisions économiques du Gouvernement pour 2014-2019
Sur l'ensemble de la période de programmation, le Gouvernement anticipe une croissance relativement atone en 2014 (+ 0,4 %), accompagnée d'un faible niveau d'inflation (+ 0,5 %), suivie d' une accélération progressive de l'activité à compter de 2015 (+ 1,0 %), toutefois marquée par une inflation modérée (+ 0,9 %), ouvrant la voie à une « normalisation » de la situation économique, avec une progression moyenne du PIB de 1,9 % par an entre 2016 et 2019 et un retour de l'inflation à 1,7 % en fin de période, au bénéfice d'une fermeture graduelle de l'écart de production.
Si d' incontestables progrès ont été réalisés en termes de « réalisme » des prévisions économiques sous-jacentes aux lois financières , notamment à la suite de la mise en place, en mars 2013, du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), il n'en demeure pas moins que le Gouvernement paraît éprouver des difficultés à se départir totalement d'un relatif optimisme en ce domaine, en particulier pour ce qui est des anticipations de moyen terme. Aussi le scénario macroéconomique proposé présente-t-il des fragilités , alors qu'eu égard aux circonstances actuelles, la prudence devrait être de mise.
a) 2014-2015 : de nouveaux espoirs déçus ?
Le Gouvernement prévoit une croissance économique de 0,4 % en 2014 et de 1,0 % en 2015 . En cela, il partage l'anticipation retenue par l'OCDE dans ses prévisions économiques intermédiaires de septembre 2014 43 ( * ) , en baisse par rapport à sa prévision de mai dernier - dont les principaux éléments sont repris dans le tableau ci-après.
Tableau n° 11 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour la France de la Commission européenne, du FMI de l'OCDE
(évolution en %)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
||
Commission européenne (1) |
PIB |
1,0 |
1,5 |
||||
Prix à la consommation |
1,0 |
1,1 |
|||||
FMI (2) |
PIB |
0,7 |
1,4 |
1,7 |
1,8 |
1,9 |
1,9 |
Prix à la consommation |
1,0 |
1,2 |
1,3 |
1,4 |
1,5 |
1,6 |
|
OCDE (3) |
PIB |
0,9 |
1,5 |
||||
Prix à la consommation |
0,9 |
1,1 |
(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2014 », European Economy 3/2014 , mai 2014.
(2) Fonds monétaire international, « France: 2014 Article IV Consultation--Staff Report », IMF Country Report No. 14/182 , juillet 2014.
(3) OCDE, OECD Economic Outlook , mai 2014.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
De même, les prévisions de croissance gouvernementales sont moins favorables que celles du FMI de juillet 2014 , qui retient une hypothèse de croissance de 0,7 % en 2014 et de 1,4 % en 2015, et de la Commission européenne de mai , prévoyant une progression du PIB de 1,0 % en 2014 et de 1,5 % en 2015. Néanmoins, ces prévisions sont antérieures à la publication par l'Insee, au mois d'août 44 ( * ) , des comptes nationaux trimestriels qui confirment l'apathie de l'activité économique au cours du premier semestre de l'année, venant mettre fin aux espoirs suscités par l'amélioration des perspectives conjoncturelles constatée en 2013.
Quoi qu'il en soit, la prévision de progression du PIB de 0,4 % en 2014 a été jugée « réaliste » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du 26 septembre 2014 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2015 45 ( * ) . En effet, il faut relever que l'acquis de croissance 46 ( * ) s'élevait déjà à 0,3 % à la fin du deuxième trimestre de l'année. S'agissant de la prévision d'évolution des prix à la consommation, soit + 0,5 %, celle-ci est légèrement supérieure à la moyenne annuelle de + 0,3 % observée par l'Insee en septembre. Pour autant, ces prévisions sont en ligne avec celles du Consensus Forecasts d'octobre, qui prévoit une croissance de 0,4 % et une progression des prix à la consommation de 0,6 % en 2014 ; de même le Point de conjoncture de l'Insee d'octobre 2014 anticipe une hausse du PIB de 0,4 % pour l'année en cours.
Au total, au regard des évolutions conjoncturelles récentes, le Gouvernement a fortement abaissé ses prévisions de croissance et d'inflation pour 2014 par rapport à celles retenues dans le programme de stabilité 2014-2017 47 ( * ) , respectivement de 1,0 % et de 1,2 %.
Il en va de même s'agissant de l'année 2015, pour laquelle le programme de stabilité précité anticipait une progression du PIB de 1,7 % et des prix à la consommation de 1,5 %. Malgré cela, l'avis du Haut Conseil relatif aux projets de lois financières pour 2015 a qualifié l'hypothèse de croissance du Gouvernement au titre de 2015, de 1,0 %, d'« optimiste » 48 ( * ) .
Le scénario gouvernemental pour 2015 présente, de toute évidence, quelques fragilités. Celui-ci repose, tout d'abord, sur une hypothèse d' accélération très progressive de la demande mondiale . À cet égard, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2015 indique que « fin 2014 et en 2015, les exportations seraient soutenues par le rétablissement très progressif de la croissance en zone euro et par l'environnement plus porteur hors zone euro » ; aussi la croissance de la demande étrangère adressée à la France serait-elle de 5,1 % en 2015. Néanmoins, la prévision de croissance du commerce mondial pour 2015 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a été abaissée à 4,0 % à la fin du mois de septembre , contre 5,3 % dans sa prévision d'avril, en raison du faible dynamisme du commerce observé au premier semestre de 2014. Dès lors, il ne saurait être exclu que la contribution du commerce extérieur à la progression du PIB soit plus faible qu'anticipé par le Gouvernement .
En outre, le scénario du Gouvernement prévoit que l'activité économique serait soutenue par les mesures prises en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi , en particulier par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) 49 ( * ) et le Pacte de responsabilité et de solidarité, visant à réduire le coût du travail. Ces dispositifs ont pour finalité de favoriser une reprise de l'investissement des entreprises et les créations d'emplois.
Toutefois, les tendances actuellement à l'oeuvre indiquent que les effets de ces dispositifs pourraient être plus limités que prévu . En particulier, il est difficile de déterminer comment les entreprises utiliseront le CICE , soit si celui-ci leur permettra effectivement d'investir ou d'embaucher, voire d'augmenter les salaires, dans un contexte caractérisé par un taux de marge des entreprises dégradé. Le Point de conjoncture de l'Insee d'octobre prévoit, à ce titre, que ce dernier s'établirait à 29,4 % en 2014, contre 29,8 % en 2013.
La dernière enquête de l'Insee sur les effets anticipés du CICE, publiée en septembre dernier 50 ( * ) , fait apparaître que 34 % des entreprises interrogées du secteur de l'industrie et 48 % de celles du secteur des services jugent que le CICE aura un effet positif sur l'emploi (cf. tableau ci-après). Elles sont, toutefois, moins nombreuses à estimer que le CICE permettra une augmentation des salaires (respectivement 26 % et 41 %) ou des baisses de prix (30 % et 32 %). En outre, les entreprises de l'industrie et des services indiquent qu'elles utiliseraient environ la moitié du montant du CICE pour augmenter leur résultat d'exploitation . Pour 58 % des entreprises de l'industrie et 52 % des entreprises de services, ce surcroît de résultat d'exploitation sera destiné majoritairement à l'investissement.
Tableau n° 12 : Effet attendu du CICE selon le secteur d'activité
% d'entreprises jugeant que le CICE aura un effet sur |
% du CICE destiné à accroître le résultat d'exploitation |
% d'entreprises utilisant majoritairement ce montant pour investir |
|||
l'emploi |
les salaires |
les prix de vente |
|||
Industrie |
|||||
Industrie agro-alimentaire |
33 % |
30 % |
29 % |
48 % |
64 % |
Biens d'équipement |
33 % |
21 % |
33 % |
48 % |
52 % |
Automobile |
31 % |
12 % |
34 % |
65 % |
74 % |
Autres matériels de transports |
46 % |
44 % |
28 % |
27 % |
61 % |
Autres branches industrielles |
34 % |
27 % |
29 % |
54 % |
57 % |
Ensemble de l'industrie manufacturière |
34 % |
26 % |
30 % |
52 % |
58 % |
Services |
|||||
Hébergement, restauration |
46 % |
41 % |
16 % |
34 % |
69 % |
Information, communication |
40 % |
30 % |
18 % |
46 % |
51 % |
Activités immobilières |
21 % |
21 % |
ns |
46 % |
42 % |
Activités spécialisées, scientifiques et techniques |
43 % |
38 % |
21 % |
43 % |
49 % |
Activités de services administratifs et de soutien |
62 % |
53 % |
59 % |
55 % |
47 % |
Ensemble des services |
48 % |
41 % |
32 % |
46 % |
52 % |
Source : Insee (2014)
Pour autant, force est de constater le faible dynamisme de l'investissement des entreprises et du marché de l'emploi en cette fin d'année , alors même que le CICE a été accordé pour la première fois aux entreprises en 2014. Aussi le Point de conjoncture de l'Insee du mois d'octobre anticipe-t-il un nouveau recul de l'investissement des entreprises au cours des deux derniers trimestres de l'année , de - 0,3 % puis - 0,2 %, après une baisse de 0,6 % et 0,7 % lors des premier et deuxième trimestres. Dans ces conditions, la reprise de l'investissement des entreprises pourrait être légèrement plus modérée que celle prévue dans le scénario gouvernemental (+ 0,9 %), le Consensus Forecasts tablant d'ailleurs sur une progression de 0,8 % en 2015.
De même, l'Insee prévoit une légère hausse du taux de chômage d'ici la fin de l'année 2014 , celui-ci devant atteindre 10,3 %, alors qu'il s'élevait à 10,1 % en 2013. Selon les données avancées par l'Insee, la stabilité de l'emploi au second semestre ne serait permise que par la montée en charge des emplois d'avenir , l'emploi marchand continuant son repli.
Ceci ne saurait surprendre, dès lors que le climat des affaires se dégrade depuis le printemps . En effet, l'indicateur de climat des affaires 51 ( * ) de l'Insee a reculé de 95,2 en mars 2014 à 90,9 en septembre, comme le fait apparaître le graphique ci-après.
Graphique n° 13 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires de l'Insee
Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)
De même, l'indicateur de retournement de l'Insee, qui vise à détecter les moments où la conjoncture change d'orientation, est à son niveau minimal depuis septembre, soit - 1 (cf. graphique ci-après). Cet indicateur, également construit sur la base des enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, retrace à chaque date la différence entre la probabilité que la phase conjoncturelle soit favorable et la probabilité qu'elle soit défavorable. Il évolue entre + 1 et - 1, un point proche de + 1 signalant que l'activité est en période d'accélération, alors qu'à l'inverse, un point proche de - 1 signale que l'activité est en nette décélération. Un indicateur proche de 0 correspond généralement à une période de stabilisation. Par suite, le recul substantiel de l'indicateur de retournement à compter de juillet dernier semble présager une reprise plus que modérée de la conjoncture économique en 2015 ; en effet, la prévision de 1,0 % de croissance du PIB retenue par le Gouvernement pour 2015 supposerait une accélération de l'activité qui ne semble pas se dessiner.
Graphique n° 14 : Évolution de l'indicateur de retournement de l'Insee
Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)
Dans ces conditions, l'hypothèse d'un accroissement de la consommation des ménages en 2015, de 1,3 % selon le Gouvernement, peut paraître également fragile . En effet, l'atonie persistante de l'activité économique et du marché du travail pourrait limiter la hausse du pouvoir d'achat et favoriser le maintien d'un haut niveau d'épargne de précaution ; à cet égard, le Point de conjoncture de l'Insee d'octobre prévoit un taux d'épargne des ménages de 15 % à la fin de l'année 2014 , contre 14,6 % en 2013. Au total, le Consensus Forecasts anticipe une progression de la consommation des ménages de seulement 0,9 % en 2015.
Par suite, il ne saurait être exclu que les espoirs du Gouvernement de voir rebondir l'activité économique en 2015 soient de nouveau déçus , à l'instar de ceux du début de l'année 2014.
b) 2016-2019 : un retour espéré de l'activité vers son potentiel
Concernant les perspectives à moyen terme, pour les années 2016 à 2019, le Gouvernement prévoit une accélération progressive de l'activité , avec une croissance de 1,7 % en 2016, de 1,9 % en 2017 et de 2,0 % en 2018 et 2019. Il est possible d'y voir un scénario de « normalisation » de la situation économique, d'une part, parce que l'inflation reviendrait vers des niveaux correspondant à la cible de la Banque centrale européenne (BCE) et, d'autre part, parce que l'écart de production se refermerait progressivement au cours de la période . En effet, ainsi que le fait apparaître le graphique ci-après, selon la trajectoire retenue par le Gouvernement, une croissance de l'activité supérieure à la croissance potentielle à compter de 2016 permettrait un rapprochement du PIB effectif et du PIB potentiel - suivant en cela une logique de « rattrapage ».
Graphique n°
15
: Le
resserrement de l'écart de production
au cours de la période
2014-2019
(échelle de gauche : milliards d'euros
courants
échelle de droite : points de PIB potentiel)
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
Le scénario gouvernemental repose, notamment, sur l'anticipation d'un retour de la demande étrangère adressée à la France vers son rythme « habituel » (+ 6,5 %), un renforcement de l'investissement des entreprises , au bénéfice de la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité, et une progression de la consommation des ménages de 2 % en fin de période, en raison d'une amélioration du marché du travail ainsi que d'une diminution de l'épargne de précaution.
Tout en soulignant le fait que les « prévisions macroéconomiques pour les années 2018-2019 sont peu documentées », l'avis précité du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) relatif au présent projet de loi 52 ( * ) juge que si « le scénario macroéconomique du Gouvernement pour les années 2016-2017 est plus réaliste que celui présenté en avril dans le programme de stabilité », celui-ci « continue de reposer sur des hypothèses trop favorables sur l'environnement international et sur l'investissement ».
À cet égard, le Haut Conseil relève différents aléas négatifs, parmi lesquels figurent la possibilité d' une reprise moins rapide que prévu du commerce mondial , celle d' une inflation durablement plus basse que la cible de la BCE , le resserrement de la politique monétaire américaine , qui pourrait se traduire par une hausse des taux longs en zone euro, avec un impact défavorable sur l'investissement, la potentielle réapparition de tensions sur les dettes souveraines de certains États de la zone euro et l'éventualité d' une reprise moins marquée de l'investissement des entreprises , si celles-ci choisissent de limiter leur endettement au lieu d'investir, dans un contexte de lente amélioration de leur taux de marge. À l'inverse, des aléas positifs existent dont, notamment, les effets de la baisse de l'euro et la mise en place d'un plan d'investissement européen .
En tout état de cause, il convient de rappeler que la capacité de rebond de l'économie française pourrait être plus limitée que prévu s'il s'avérait que le PIB potentiel a été davantage diminué du fait de la crise économique et financière que ce que laissent voir les estimations du Gouvernement et de la Commission européenne. Dans ces conditions, si l'écart de production était plus réduit qu'estimé, le taux d'évolution du PIB rejoindrait celui de la croissance potentielle, sans véritablement la dépasser à moyen terme , en l'absence d'une nécessité de « rattrapage ». Or, il convient de rappeler que les différents instituts de conjoncture évaluent la croissance potentielle à un niveau proche de 1,2 %. Ceci tend à confirmer la nécessité, évoquée précédemment, d'engager des réformes ambitieuses visant à relever le potentiel de croissance de l'économie française.
2. Prévoir les évolutions économiques, un exercice difficile
Quoi qu'il en soit, prévoir les évolutions économiques constitue un art difficile , et ce d'autant plus depuis le début de la crise économique et financière. Si, dans un univers régulier, les évolutions de l'activité peuvent être, dans une certaine mesure, anticipées, dans un environnement chahuté, un tel exercice présente une grande difficulté.
À titre d'exemple, dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017, présenté en avril dernier, le Gouvernement prévoyait une croissance de 1,0 % pour l'année 2014. Le même mois, le Consensus Forecasts présentait une prévision proche, de 0,9 %. Même, dans son avis relatif au programme de stabilité précité 53 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques avait considéré qu'une hypothèse de croissance 1,0 % en 2014 était « réaliste », sachant qu'elle était identique à celle alors retenue par le FMI 54 ( * ) et l'OCDE 55 ( * ) . Pourtant, un peu plus de six mois plus tard, un tel taux de croissance de l'économie française paraît totalement inenvisageable.
Par suite, les difficultés inhérentes à l'anticipation des évolutions du PIB posent deux questions : celle de la « crédibilité » des prévisions macroéconomiques et celle de leur « prudence » .
La mise en place du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), en mars 2013, a permis de renforcer significativement le réalisme des prévisions macroéconomiques , du moins à court terme. Pour autant, le Gouvernement semble éprouver des difficultés à renoncer totalement à un relatif optimisme en ce domaine, en particulier pour ce qui est des hypothèses de moyen terme. Cet état de fait a été souligné par les différents avis du Haut Conseil, y compris celui relatif au présent projet de loi.
Pour autant, ce phénomène ne semble pas être propre à la France ; aussi, une étude économique 56 ( * ) portant sur une trentaine de pays a montré que les prévisions des autorités budgétaires affichaient généralement un « biais positif » , ce dernier étant plus prononcé encore pour les prévisions à un horizon de trois années que pour celles de court terme. Cette même étude relève que les prévisions officielles seraient plus biaisées encore dans les États soumis au Pacte de stabilité et de croissance (PSC) afin, selon son auteur, d'exposer - au moins en projection - un respect des règles budgétaires. Dans le prolongement de cette étude, un autre travail 57 ( * ) met en évidence que les États de la zone euro s'étant dotés d'institutions indépendantes chargées de produire les prévisions officielles faisaient apparaître un moindre degré d'erreur entre la prévision et la réalisation .
Aussi est-ce en raison de ce « biais positif » affectant les prévisions gouvernementales qui sous-tendent les trajectoires budgétaires que le Two Pack , qui constitue un ensemble de deux règlements du Parlement européen et du Conseil 58 ( * ) entrés en vigueur en mai 2013, s'est attaché à encadrer l'élaboration des prévisions macroéconomiques dans les États de la zone euro . En effet, il prévoit que ces derniers doivent mettre en place des organismes indépendants chargés de produire ou d'avaliser les prévisions macroéconomiques qui fondent les projets de budgets. Ainsi que le soulignent les considérations introductives de l'un des règlements qui forment le Two Pack , des « prévisions macroéconomiques et budgétaires biaisées et irréalistes peuvent considérablement nuire à l'efficacité de la planification budgétaire et, en conséquence, rendre difficile le respect de la discipline budgétaire » 59 ( * ) .
Par anticipation à l'entrée en application du Two Pack , la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a chargé le Haut Conseil des finances publiques de rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent les projets de lois financières. À cet égard, il apparaît qu'il a été fait le choix du mécanisme le moins « contraignant » dans la transposition du Two Pack , dès lors que les prévisions de croissance continuent d'être préparées par les services gouvernementaux et que le Haut Conseil ne formule qu'un avis sur ces dernières . Force est de constater, toutefois, que la majeure partie des pays européens ont fait un choix identique, comme le montrent les résultats de l'enquête menée par les services économiques de la direction générale du Trésor à la demande de la commission des finances et annexée au présent rapport.
Il n'en demeure pas moins que charger une institution indépendante de la production des prévisions macroéconomiques fondant les projets de lois financières permettrait sans doute de fiabiliser celles-ci , évitant tout « biais optimiste » en la matière. En tout état de cause, l'élaboration de ces prévisions par une telle entité permettrait également d'accroître leur crédibilité, dans la mesure où elles seraient délivrées de tout soupçon d'optimisme qui accompagne nécessairement les hypothèses gouvernementales.
Au-delà de la question de la crédibilité des prévisions économiques, il semble nécessaire que ces dernières soient réalisées en vertu du principe de prudence . Comme l'a montré l'expérience récente, le Haut Conseil lui-même n'est pas infaillible dans son appréciation de la conjoncture, et ce en raison du caractère heurté de cette dernière depuis le déclenchement de la crise. Or, les « erreurs » d'anticipation des évolutions conjoncturelles expliquent en partie le non-respect des cibles budgétaires arrêtées, en France ainsi que dans les autres États européens. C'est pourquoi, les estimations les plus prudentes de croissance et d'inflation devraient être retenues lors de la conception des projets de lois financières . À ce titre, l'enquête précitée de la direction générale du Trésor indique qu'en Allemagne, la coalition CDU-CSU/SPD a inclus dans son contrat de coalition du 11 novembre 2005 une phrase réclamant des prévisions prudentes : « Le principe suivant doit être appliqué : sur la base d'indicateurs de référence estimés de manière prudente, une planification prudente des recettes et des dépenses du budget fédéral et des autres comptes publics, y compris le compte social, doit être établie ». En dépit de l'absence de force juridique de cette déclaration, il semblerait que le ministère allemand de l'économie suive scrupuleusement ce principe.
Cependant, l'application d'un principe de prudence en matière de prévision économique est délicate dans les faits eu égard à la difficulté de déterminer le moment où celui-ci doit être mis en oeuvre et dans quelle mesure, dans le souci de ne pas retenir des hypothèses de croissance trop dégradées, qui conduiraient au déploiement d'une politique fiscale et budgétaire dont les effets pourraient être récessifs. Afin de répondre à ce problème, la commission des finances s'est appliquée à développer un indicateur d'incertitude économique ayant pour finalité de donner une assise concrète à la mise en oeuvre du principe de prudence .
3. L'indicateur d'incertitude économique
L'indicateur d'incertitude économique (IIE) de la commission des finances vise à appréhender le degré d'incertitude affectant les prévisions macroéconomiques . Cet indicateur mesure la « dispersion » des anticipations des instituts concourant à l'élaboration du Consensus Forecasts concernant l'évolution du PIB et de l'indice des prix à la consommation (IPC) de l'année en cours et de l'année à venir 60 ( * ) , étant entendu que plus cette dispersion est grande, plus le niveau d'incertitude est élevé - dès lors que les écarts entre les prévisions des différents instituts sont importants.
Le graphique ci-après fait clairement apparaître que lors des périodes de turbulence économique, l'indicateur d'incertitude économique s'accroît substantiellement . Ainsi, à la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008, qui a marqué une étape essentielle dans la diffusion de la crise économique et financière, l'IIE a atteint 2,1 en janvier 2009, contre une valeur moyenne de 0,9 pour les années 2007 et 2008. Puis, conséquemment au premier plan d'aide à la Grèce en avril 2010, l'indicateur s'est élevé à 1,4 en mai 2010, avant de rebondir de nouveau à 1,5 en février 2012, en raison de la diffusion de la crise de la dette souveraine dans la zone euro.
Graphique n°
16
: Indicateur
d'incertitude économique
de la commission des finances du
Sénat
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Consensus Forecasts )
L'indicateur d'incertitude économique, de notre point de vue, présente une utilité opérationnelle indubitable : il permet de déterminer le niveau de prudence qui doit être retenu dans la définition des hypothèses macroéconomiques sous-tendant les projets de lois financières .
De toute évidence, il existe une relation négative entre, d'une part, l'indicateur d'incertitude économique et, d'autre part, l'écart entre la prévision d'évolution du PIB en valeur retenue par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour l'année à venir et sa variation finalement constatée ; en particulier, il apparaît nettement que lorsque la moyenne annuelle de l'indicateur d'incertitude s'élève, la différence entre la prévision et la réalisation se creuse. À titre d'exemple, concernant l'exercice 2009, l'indicateur d'incertitude économique annuel moyen a atteint 1,5, soit son plus haut niveau au cours de la période 2005-2013, alors que l'écart entre la prévision de croissance du PIB en valeur (+ 3,25 %) et la réalisation (- 2,8 %) était de - 6,1 points 61 ( * ) (cf. graphique ci-après).
Graphique n°
17
:
Corrélation entre le niveau d'incertitude et l'écart des
réalisations par rapport aux prévisions
Note de lecture : L'écart prévision-réalisation correspond à la différence entre la prévision d'évolution du PIB en valeur retenue par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour l'année à venir et la variation constatée du PIB en valeur pour l'année considérée.
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee, du Gouvernement et du Consensus Forecasts )
Si, comme cela a été indiqué, la mise en place du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a contribué à fiabiliser les hypothèses économiques utilisées par le Gouvernement dans la construction des projets de lois financières, et ce même si des progrès en ce domaine restent à faire, l'indicateur d'incertitude économique (IIE) permet de donner un fondement concret à la démarche prudente qui doit être au fondement de la politique budgétaire . Par suite, lorsque l'indicateur affiche une tendance haussière, la détermination des hypothèses d'évolution du PIB et de l'indice des prix devrait fait l'objet d'une prudence accrue.
À ce jour, l'indicateur d'incertitude économique présente un niveau relativement modéré, s'élevant à 0,6 en octobre 2014, contre une moyenne de 0,9 sur la période 2005-2014 62 ( * ) . Néanmoins, ce résultat ne vient aucunement confirmer l'anticipation de croissance du Gouvernement au titre de 2015, de 1,0 %, dont il a été indiqué qu'elle avait été qualifiée d'« optimiste » par le Haut Conseil ; tout au plus, il vient corroborer la robustesse de la prévision du Consensus Forecasts qui retient une hypothèse de croissance de 0,8 %.
Malgré la faiblesse momentanée de l'indicateur d'incertitude économique, ainsi que le montre la droite de tendance figurant sur le graphique représentant l'évolution de l'indicateur au cours de la dernière décennie, le niveau d'incertitude a tendanciellement crû entre 2005 et 2014, du fait des évolutions économiques récentes. À cela, s'ajoute une instabilité plus forte de l'indicateur. Aussi, dès lors que la difficulté à anticiper les variations du PIB et de l'inflation semble s'être renforcée lors des années récentes, une rigueur plus grande doit être retenue dans la conception des hypothèses économiques . C'est la raison pour laquelle une posture plus prudente aurait dû être adoptée dans l'élaboration du scénario macroéconomique du Gouvernement pour les années 2016 à 2019, dont le relatif optimisme a été souligné par le HCFP dans son avis relatif au présent projet de loi 63 ( * ) .
II. LES ORIENTATIONS DES FINANCES PUBLIQUES POUR LA PÉRIODE 2014-2019 : LES RENONCEMENTS DU GOUVERNEMENT
Les orientations figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 marquent plusieurs renoncements. Le Gouvernement renonce, en effet, à ramener le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015 , ainsi qu'à la trajectoire de solde structurel et à son objectif à moyen terme (OMT), qui avaient été définis dans la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 , en contradiction avec les engagements pris devant le Parlement et nos partenaires européens.
Certes, les conditions économiques des derniers mois se sont révélées particulièrement défavorables. Mais ceci éclaire le problème plus qu'il ne le justifie : espérant un retour rapide de la croissance économique, le Gouvernement semble avoir considéré qu'il pourrait faire l'économie des réformes structurelles nécessaires pour permettre un ralentissement tendanciel de la dépense publique .
Les développements qui suivent exposent et analysent la nouvelle trajectoire de solde structurel et de solde effectif proposée par le présent projet de loi, avant d'examiner les autres orientations des finances publiques, à savoir, l' évolution prévisionnelle des dépenses des administrations publiques - supposées porter un effort de 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017 -, des prélèvements obligatoires , ainsi que de la dette publique .
A. LE REPORT DE L'ATTEINTE DES OBJECTIFS DE SOLDE PUBLIC
La trajectoire du solde des administrations publiques était, jusqu'à présent, structurée autour de deux objectifs principaux : le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015 , en application du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), et l'atteinte de l'équilibre structurel en 2016 , correspondant à l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel défini par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, conformément aux exigences du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Toutefois, ces objectifs sont « abandonnés » par le présent projet de loi, qui reporte la correction du déficit excessif à 2017 et redéfinit significativement l'objectif à moyen terme (OMT), et ce en raison d'une réduction de l'effort structurel devant être consenti au cours de la période de programmation.
1. Les engagements budgétaires actuels de la France
La révision des objectifs de solde public par le Gouvernement ne saurait surprendre, dès lors qu' aucun de ceux qu'il a arrêtés depuis 2012 n'a été respecté .
Le premier d'entre eux concerne, comme cela a été indiqué, le solde structurel. Pour les raisons qui ont été évoquées précédemment, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) impose, en effet, aux États signataires de définir un objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, qui ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB , et une trajectoire de solde structurel, appelée « trajectoire d'ajustement », permettant sa réalisation.
Aussi, conformément à cette prescription, transposée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 a défini un objectif à moyen terme (OMT), correspondant à l'atteinte de l'équilibre structurel en 2016, et une trajectoire de solde structurel pour l'ensemble de la période couverte .
Toutefois, des écarts significatifs sont apparus entre la trajectoire de solde structurel définie par la loi de programmation 2012-2017 et la réalisation , au titre de l'exercice 2012 et plus encore de l'exercice 2013, au cours duquel l'écart était de - 1,5 point de PIB comme le montre le graphique ci-après. Ceci a d'ailleurs amené le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) à identifier, dans son avis du 23 mai 2014 64 ( * ) , l'existence d'un « écart important » 65 ( * ) entre le solde structurel constaté au titre de l'année 2013 et la trajectoire, conduisant au déclenchement du mécanisme de correction prévu par l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 66 ( * ) .
Graphique n° 18 : Trajectoires de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2012-2017 et réalisation
(en points de PIB)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
Les raisons avancées par le Gouvernement afin de justifier cet écart ont été explicitées lors de la présentation, au Parlement, du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 67 ( * ) . Comme le fait apparaître le tableau ci-après, selon le Gouvernement, l'« écart important » observé au titre de l'exercice 2013 trouvait son origine dans les révisions apportées aux exercices antérieurs (- 0,6 point de PIB), à une plus faible élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB qu'anticipé (- 0,5 point de PIB), à un moindre rendement des mesures nouvelles en recettes (- 0,15 point de PIB) et à une atténuation de l'effort en dépenses (- 0,3 point de PIB), du fait d'une croissance de la dépense en volume supérieure à la prévision.
Tableau n°
19
: Explication
de l'écart du solde structurel
à la trajectoire
pluriannuelle
(en points de PIB)
Écart à la LPFP 2012-2017 |
- 1,5 |
Révisions apportées aux exercices antérieurs |
- 0,6 |
Effet d'élasticité (moindre dynamisme des recettes) |
- 0,5 |
Moindre rendement des mesures nouvelles en recettes |
- 0,15 |
Atténuation de l'effort en dépenses, dont : |
- 0,3 |
- croissance de la dépense en valeur plus faible qu'anticipé |
+ 0,2 |
- croissance de la dépense en volume supérieure à la prévision (faible inflation) |
- 0,5 |
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le Gouvernement)
Pas plus que la trajectoire de solde structurel, celle de solde effectif n'a été respectée . La loi de programmation 2012-2017 prévoyait un retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2013 ; toutefois, cet objectif a été rendu caduc par le report du délai laissé à la France par le Conseil de l'Union européenne pour corriger son déficit excessif . La France fait l'objet, depuis le 27 avril 2009, d'une procédure de déficit excessif (PDE) au titre du volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ; à ce titre, celle-ci devait ramener son déficit public effectif en-dessous de 3 % du PIB en 2012 au plus tard, délai qui avait été reporté à 2013 par le Conseil de l'Union européenne le 2 décembre 2009.
Toutefois, en raison de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission européenne a proposé, le 29 mai 2013, d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif - proposition validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013. Ce report s'est accompagné de recommandations du Conseil portant sur la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015, comprenant des cibles de déficit effectif et des objectifs d'ajustement du solde structurel . Ces différents éléments sont repris dans le tableau ci-après.
Tableau n° 20 : Recommandations du Conseil concernant la trajectoire des finances publiques de la France dans le cadre de la procédure de déficit excessif
(en % du PIB)
2013 |
2014 |
2015 |
|
Cibles de déficit effectif |
3,9 |
3,6 |
2,8 |
Objectifs d'ajustement structurel |
1,3 |
0,8 |
0,8 |
Source : Conseil de l'Union européenne (2013)
Ainsi, il est requis de la France qu'elle ramène son déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015 et qu'elle améliore son solde structurel de 0,8 point de PIB en 2014 et 2015 . Ces recommandations ont été prises en compte dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017 68 ( * ) (cf. tableau ci-après). Seulement, comme le montrent les développements qui suivent, la nouvelle trajectoire proposée par le Gouvernement, dans le présent projet de loi, fait clairement apparaître que ces prescriptions ne seraient pas respectées.
Tableau n°
21
: Trajectoires
des soldes effectif et structurel
du programme de stabilité
2014-2017
(en points de PIB)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Solde effectif |
- 4,9 |
- 4,3 |
- 3,8 |
- 3,0 |
- 2,2 |
- 1,3 |
Solde structurel |
- 4,0 |
- 2,9 |
- 2,1 |
- 1,2 |
- 0,8 |
- ¼ |
Ajustement structurel |
1,1 |
1,1 |
0,8 |
0,8 |
0,5 |
0,5 |
Source : commission des finances du Sénat (à partir du programme de stabilité 2014-2017)
2. Les nouvelles cibles de la trajectoire du solde public
a) La modification de l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel
En premier lieu, il est prévu une modification substantielle de l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel. L'article 2 du présent projet de loi propose, en effet, de fixer l'OMT à - 0,4 % du PIB en 2019 (cf. graphique ci-après). En cela, le Gouvernement fait usage de la « marge » laissée par le TSCG, en vertu duquel l'objectif à moyen terme ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB.
Ainsi, il apparaît que le Gouvernement a fait le choix de ne pas corriger l'« écart important » identifié par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) en mai 2014 , contrairement à ce qu'exigeait, pourtant, le mécanisme de correction prévu par la loi organique du 17 décembre 2012. Comme l'a très justement souligné le président du Haut Conseil, Didier Migaud, lors de son audition précitée par la commission des finances du 15 octobre 2014 : « La correction du Gouvernement consiste en une nouvelle loi de programmation ». En quelque sorte, le Gouvernement « efface l'ardoise », et donc les écarts passés, avec une nouvelle loi de programmation des finances publiques , qui abroge les orientations fixées par la loi de programmation 2012-2017.
Toutefois, l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel pouvait-il être modifié dans un délai aussi bref ? L'article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 69 ( * ) dispose que : « L'objectif à moyen terme est revu tous les trois ans. L'objectif à moyen terme peut être revu à nouveau en cas de mise en oeuvre d'une réforme structurelle ayant une incidence majeure sur la soutenabilité des finances publiques ». Aussi, dans le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 27), il est indiqué que dans « un contexte de mise en oeuvre de réformes structurelles visant à améliorer durablement la compétitivité de l'économie française (en particulier, le pacte de responsabilité et de solidarité qui représente de l'ordre de 1,3 point de PIB à l'horizon 2017), le Gouvernement modifie la définition de l'OMT de la France » ; ce dernier justifie donc la modification anticipée de l'OMT par les réformes structurelles qu'il a engagées , ainsi que par la réévaluation de la trajectoire de PIB potentiel (cf. supra ).
Sans pour autant préjuger de la manière dont cette modification sera accueillie par la Commission européenne, il peut être noté que le « code de conduite » publié en septembre 2012, qui précise les modalités d'application du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), indique que l'« OMT peut, en outre, être révisé en cas de mise en oeuvre de réformes structurelles ayant un impact important sur la soutenabilité des finances publiques » 70 ( * ) , tout en précisant que « seules les réformes importantes qui ont des effets budgétaires positifs à long terme, y compris par l'accroissement de la croissance potentielle, et, par conséquent, une incidence positive vérifiable sur la soutenabilité à long terme des finances publiques seront prises en compte. Par exemple, des réformes portant sur le système de santé, les retraites ou le marché du travail pourraient être considérées » 71 ( * ) . Ainsi, en modifiant l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, le Gouvernement semble considérer que les réformes comprises dans le Pacte de responsabilité et de solidarité répondent aux critères qui viennent d'être énoncés et contribueraient, en particulier, à assurer la soutenabilité des finances publiques à long terme .
En tout état de cause, comme le montre le graphique ci-après, l'inflexion de la trajectoire de solde structurel proposée par le présent projet de loi résulterait, notamment, d'une minoration de l'ajustement structurel prévu pour les années 2014 à 2017 . Alors que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait un ajustement structurel total de 1,8 point de PIB au cours de la période 2014-2017, celui prévu par le présent projet de loi s'élève à 1,1 point de PIB . À ce titre, il convient de relever que l'ajustement structurel permettant l'atteinte de l'OMT en 2019 est de 2,1 points de PIB. Par conséquent, près de la moitié du chemin à parcourir vers l'objectif à moyen terme devrait l'être après 2017... L'effort budgétaire à consentir est donc en grande partie reporté sur la prochaine législature .
Graphique n° 22 : Comparaison des trajectoires de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2012-2017 et du PLPFP 2014-2019
(en points de PIB)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
Le Gouvernement explique cette réduction du rythme de l'ajustement structurel par la révision des hypothèses de croissance potentielle . Cette révision vient minorer l'effort structurel prévu pour l'ensemble de la période de programmation, dès lors qu'elle réduit l'effort en dépense mesuré. En effet, l'effort structurel en dépenses correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle (cf. encadré ci-après portant sur les notions d'ajustement et d'effort structurels) ; par suite, le ralentissement de la dépense effective se traduit par un moindre effort en dépenses si la croissance potentielle est plus faible.
Tableau n° 23 : Effort structurel des administrations publiques (2015-2017)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Total 2015-2017 |
|
Effort structurel en points de PIB |
|||||
Effort structurel, dont : |
0,4 |
0,5 |
0,2 |
0,4 |
1,1 |
mesures nouvelles en prélèvements obligatoires |
0,1 |
0,0 |
- 0,2 |
- 0,2 |
- 0,4 |
effort en dépenses |
0,2 |
0,5 |
0,4 |
0,6 |
1,5 |
Effort structurel en milliards d'euros |
|||||
Effort structurel, dont : |
15 |
19 |
11 |
11 |
41 |
mesures nouvelles en prélèvements obligatoires |
0 |
- 2 |
- 4 |
- 3 |
- 9 |
effort en dépenses |
15 |
21 |
15 |
14 |
50 |
Source : commission des finances (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
Le tableau ci-dessus retrace la trajectoire d'effort structurel pour la période 2014-2017 , figurant à l'article 4 du présent projet de loi. De même, il s'attache à établir une correspondance entre les efforts en dépenses et en recettes prévus et les mesures d'économies et en prélèvements obligatoires, en valeur, annoncées par le Gouvernement pour les années 2015 à 2017 72 ( * ) - dont les estimations sont reprises du rapport annexé au projet de loi de programmation.
Au total, au titre de la période 2015-2017, le Gouvernement projette un effort structurel de 1,1 point de PIB - qui reposerait essentiellement sur les collectivités territoriales (cf. tableau ci-après) -, comprenant un effort en dépenses pour 1,5 point de PIB et des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires pour - 0,4 point de PIB. Dans le programme de stabilité 2014-2017, pour la même période, l'effort structurel était estimé à 1,6 point de PIB , dont - 0,6 points de PIB de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et 2,1 point de PIB d'effort en dépenses.
Tableau n°
24
:
Détail de l'effort structurel par sous-secteur
des administrations
publiques
(en points de PIB)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Total 2015-2017 |
|
Effort structurel, dont : |
1,2 |
0,4 |
0,5 |
0,2 |
0,4 |
1,1 |
Administrations publiques centrales (APUC) |
0,9 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
0,5 |
Administrations publiques locales (APUL) |
- 0,2 |
0,1 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,7 |
Administrations de sécurité sociale (ASSO) |
0,5 |
0,1 |
0,0 |
- 0,1 |
0,0 |
- 0,1 |
Source : commission des finances (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
Le « passage » entre l'effort structurel et l'ajustement structurel implique également de tenir compte et de la composante non discrétionnaire 73 ( * ) de ce dernier et de la « clef en crédits d'impôts », comme le rappelle l'encadré ci-après.
Le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 57) indique que « si, en 2015, la montée en charge du CICE continuerait de peser sur l'ajustement structurel via la clé en crédits d'impôts [...], tout comme une élasticité légèrement inférieure à l'unité, ces facteurs disparaîtraient à partir de 2016, l'élasticité devenant proche de l'unité, permettant à l'ajustement structurel d'atteindre le rythme de 0,5 point de PIB en 2017 ». Ces différents effets sont retracés dans le tableau qui suit.
Tableau n° 25 : Variation du solde structurel des administrations publiques
(en points de PIB)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Ajustement structurel, dont : |
1,1 |
0,1 |
0,25 |
0,25 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
Effort structurel |
1,2 |
0,4 |
0,5 |
0,2 |
0,4 |
- |
- |
Composante non discrétionnaire |
- 0,2 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0,0 |
0,0 |
- |
- |
Clef en crédit d'impôt |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0,0 |
0,1 |
- |
- |
Source : commission des finances (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
En dépit des incidences de la composante non discrétionnaire et de la nouvelle comptabilisation des crédits d'impôts, le ralentissement de l'ajustement structurel résulterait essentiellement de celui de l'effort structurel au cours de la période de programmation , qui résulterait de la révision à la baisse des hypothèses de croissance potentielle.
Toutefois, dans son avis relatif au présent projet de loi 74 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a estimé que cette réévaluation de la croissance potentielle n'expliquait qu'une partie de l'écart entre l'ajustement structurel annoncé dans le programme de stabilité 2014-2017 et celui prévu dans le présent projet de loi , à hauteur de « 0,2 point de PIB de la baisse de la variation de solde structurel chaque année ». Aussi juge-t-il que, « plus fondamentalement, l'ajustement structurel est limité par le fait que l'effort en dépense, relativement modéré au regard de celui qui a pu être réalisé par le passé par d'autres pays, sert en partie, à compter de 2016, à financer des baisses de prélèvements dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité », tout en notant que ce moindre ajustement structurel ne serait pas compensé par un effort supplémentaire ultérieur.
Dès lors, la modification de l'objectif à moyen terme (OMT) et de la trajectoire d'ajustement structurel ne saurait être vue comme une simple opération « technique », traduisant mécaniquement la révision des hypothèses de croissance potentielle : elle s'accompagne également, selon le Haut Conseil, d'un net recul de l'effort structurel projeté au titre de la période 2015-2017.
Pour conclure ce développement relatif à la trajectoire de solde structurel proposée par le présent projet de loi, il convient de revenir sur l'estimation de l'écart de production sur laquelle cette trajectoire se fonde .
Ainsi que cela était indiqué au début de cet exposé général, l'écart de production occupe une place centrale dans le calcul du solde structurel. Par conséquent, l'évaluation retenue de l'écart de production pour l'année 2013, soit - 2,7 % du PIB potentiel, présente une importance déterminante. En effet, c'est sur la base de celle-ci qu'est calculé le « point de départ » de la trajectoire de solde structurel , soit un solde structurel de - 2,5 %. Or, dans son avis précité, le Haut Conseil a estimé que l'écart de production pourrait être plus resserré, en 2013, que ce que prévoit le Gouvernement - qui reprend, par ailleurs, l'estimation de la Commission européenne (cf. supra ). Dans une telle hypothèse, le solde structurel serait plus dégradé sur l'ensemble de la période de programmation.
Graphique n° 26 : Effets de l'estimation de l'écart de production sur la trajectoire de solde structurel
(en points de PIB)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
Afin d'illustrer les effets d'un tel phénomène, il est proposé de reconstituer la trajectoire de solde structurel - à ajustement structurel inchangé - dans l'éventualité où l'écart de production serait plus resserré que ce que prévoit le Gouvernement. Les estimations de l'écart de production sont diverses, certains des instituts de conjoncture interrogés par la commission des finances évaluant l'écart de production à un niveau légèrement supérieur à - 2,0 point de PIB potentiel, d'autres retenant même une estimation proche de 0. Toutefois, l'essentiel des évaluations des instituts de conjoncture, des organisations internationales ou de l'Insee sont comprises entre - 2,0 et - 3,5 points de PIB potentiel. Aussi une estimation de l'écart de production de - 2,0 points de PIB potentiel est-elle retenue pour cette projection , dont les résultats apparaissent dans le graphique ci-avant.
Ainsi, si l'écart de production s'élevait à - 2,0 points de PIB potentiel et non à - 2,7 points de PIB potentiel en 2013, la trajectoire de solde structurel - recomposée sur la base de la « règle du pouce » - s'en trouverait abaissée de 0,6 point de PIB , le solde structurel s'élevant alors, en 2019, à - 1,0 % du PIB ; dans de telles conditions, l'objectif à moyen terme (OMT) ne répondrait pas aux exigences du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Toutefois, il s'agit là d'une projection tout à fait théorique, dans la mesure où, comme cela a été rappelé, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), en application de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, doit retenir la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé de la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il contrôle le respect de la trajectoire de solde structurel fixée par cette dernière.
Ajustement structurel et effort structurel L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire . En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement. Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 75 ( * ) .
L'effort structurel peut se décomposer en deux
facteurs : l'
effort structurel en dépenses
, qui
correspond à l'écart entre la progression de la dépense
publique et la croissance potentielle, et l'
effort structurel en
recettes
, soit les mesures nouvelles portant sur les
prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des
administrations publiques
76
(
*
)
. Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un
traitement amélioré du traitement des recettes dans la mesure de
la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il
permet d'exclure les incidences de l'évolution des
élasticités. Toutefois,
il ne permet pas d'isoler les
évolutions des
En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 » 77 ( * ) , a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 78 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangé la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèsent » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ». |
b) Une correction du déficit excessif de nouveau reportée
La trajectoire des finances publiques proposée dans le présent projet de loi repousse également le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB à 2017 alors que, conformément aux recommandations du Conseil de l'Union européenne du 21 juin 2013, le déficit excessif de la France devait être corrigé avant 2015.
Tableau n° 27 : Évolution du solde public effectif, du solde conjoncturel, des mesures ponctuelles et temporaires et du solde structurel
(en points de PIB)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Solde public effectif (1+2+3) |
- 4,4 |
- 4,3 |
- 3,8 |
- 2,8 |
- 1,8 |
- 0,8 |
Solde conjoncture (1) |
- 1,9 |
- 2,0 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 0,9 |
- 0,5 |
Mesures ponctuelles et temporaires (2) |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Solde structurel (en points de PIB potentiel) (3) |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 1,9 |
- 1,4 |
- 0,9 |
- 0,4 |
Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
Ceci constitue une conséquence logique du ralentissement de l'amélioration du solde structurel , donc de l'effort structurel projeté par le Gouvernement. Mais il apparaît également que les mesures ponctuelles et temporaires 79 ( * ) affecteraient négativement le solde effectif au cours de la période de programmation en raison, notamment des contentieux sur les organismes de placement en valeur mobilière (OPCVM) et du contentieux dit « précompte », dont le coût pour les finances publiques est évalué à près de 6 milliards d'euros entre 2014 et 2017 (cf. tableau ci-après). Toutefois, les effets sur l'ajustement structurel de ces contentieux seraient concentrés sur les années 2015 et 2016 , à hauteur de - 0,1 point de PIB potentiel par an. Ainsi, la trajectoire de solde effectif pour ces exercices pâtirait des « retards » pris dans le traitement des contentieux OPCVM et « précompte » qui avaient, pour les années antérieures, conduit à ce que les contentieux fiscaux pèsent moins qu'anticipé sur les finances publiques.
Tableau n° 28 : Mesures ponctuelles et temporaires (2014-2019)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Mesures ponctuelles et temporaires (% du PIB pot.) |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
Précompte (en milliards d'euros) |
0,0 |
- 0,4 |
- 0,9 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
OPCVM (en milliards d'euros) |
- 0,7 |
- 1,8 |
- 1,8 |
- 0,5 |
0,0 |
0,0 |
Source : commission des finances (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
Quoi qu'il en soit, il s'agit de la deuxième fois que le Gouvernement reporte le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB depuis 2012, comme l'illustre le graphique ci-après.
Graphique n° 29 : Comparaison des trajectoires de solde effectif de la LPFP 2012-2017, du Programme de stabilité 2014-2017 et du PLPFP 2014-2019
(en points de PIB)
Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)
En l'état actuel des choses, ramener le déficit effectif sous le seuil de 3 % du PIB en 2015, conformément à nos engagements européens, impliquerait d' accroître l'effort budgétaire consenti en 2015 de près de 30 milliards d'euros .
Ceci met en lumière l'« impasse » qu'a représentée la politique budgétaire et fiscale menée par le Gouvernement depuis son entrée en fonction. Le redressement des comptes publics a reposé, dans les premiers temps, exclusivement sur les hausses d'impôt, les efforts en dépenses étant renvoyés en seconde partie de législature - sans doute dans l'espoir de bénéficier d'une reprise de l'activité économique. À cet égard, comme l'a rappelé le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale du 17 juin 2014 80 ( * ) , les augmentations d'impôts se sont élevées à 22 milliards d'euros en 2012 et à 29 milliards d'euros en 2013 .
Par conséquent, le Gouvernement est désormais contraint de chercher la quadrature du cercle , puisqu'il doit consolider les finances publiques tout en finançant des baisses de prélèvements obligatoires rendues indispensables par les hausses significatives qu'il a lui-même décidées il y a quelques mois. Ceci montre bien que le Gouvernement ne pouvait faire l'économie, et ce dès le début de la législature, des réformes structurelles nécessaires devant permettre un ralentissement tendanciel de la dépense publique .
Au regard des nouvelles règles de gouvernance financière, qui accorde une large place à la notion de solde structurel, en particulier depuis l'adoption du Six Pack 81 ( * ) , le non-respect du délai de correction du déficit excessif aurait pu se justifier si l'ajustement structurel était conforme aux recommandations du Conseil de l'Union européenne du 21 juin 2013 . Si le programme de stabilité 2014-2017, transmis en mai dernier aux institutions européennes, respectait ces prescriptions, tel n'est pas le cas de la trajectoire proposée par le présent projet de loi. Comme cela a été indiqué, l'ajustement structurel s'élèverait à 0,1 % du PIB en 2014 et à 0,25 % du PIB en 2015, alors que les recommandations du Conseil prévoyaient un ajustement de 0,8 % du PIB au cours de ces deux années - et qui ne pouvait être, conformément au Pacte de stabilité et de croissance, inférieur à 0,5 % du PIB par an.
Aussi, comme l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis relatif au présent projet de loi 82 ( * ) , « la trajectoire des finances publiques du projet de loi de programmation n'est pas cohérente avec les engagements pris par la France ». L'appréciation de la Commission européenne sur la nouvelle trajectoire devrait être connue prochainement, lors de la publication de son avis sur le projet de plan budgétaire de la France pour l'exercice 2015 , en application de la nouvelle procédure instituée par le Two Pack 83 ( * ) .
B. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES ET DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
La trajectoire pluriannuelle des dépenses publiques avancée dans le présent projet de loi doit reposer, selon le Gouvernement, sur la réalisation d'un programme d'économies de 50 milliards d'euros au cours de la période 2015-2017 , qui devrait permettre tout à la fois le redressement des comptes publics et de financer des baisses de prélèvements obligatoires. Ainsi, il est prévu un recul du ratio des dépenses publiques dans le PIB de même que du taux de prélèvements obligatoires tout au long de la période 2015-2017 .
Tableau n° 30 : L'évolution de la dépense publique et du taux de prélèvements obligatoires
(en points de PIB)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Dépense publique hors crédits d'impôts |
56,5 |
56,1 |
55,5 |
54,5 |
Dépense publique avec crédits d'impôts |
57,7 |
57,6 |
57,0 |
56,1 |
Taux de prélèvements obligatoires net des crédits d'impôts |
44,7 |
44,6 |
44,5 |
44,4 |
Taux de prélèvements obligatoires corrigé des crédits d'impôts |
45,7 |
45,7 |
44,5 |
45,7 |
Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur
Ainsi que cela a été indiqué précédemment, le nouveau système européen de comptes nationaux, dit « SEC 2010 », prévoit que les crédits d'impôts « restituables » doivent être comptabilisés en tant que dépenses publiques, et non plus en tant que moindres recettes. Par suite, les objectifs d'évolution de la dépense publique figurant à l'article 5 du présent projet de loi étaient exprimés hors crédits d'impôts, de la même manière que le taux de prélèvements obligatoires afin, précise le rapport annexé au projet de loi (alinéa 339), « de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques ». Le souci du Gouvernement d'assurer la comparabilité des données est tout à fait compréhensible ; toutefois, il était dommageable que les effets des crédits d'impôts, qui seront tout à fait substantiels dans les prochaines années ne puissent être aisément mesurés . Aussi, un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'article précité a précisé l'objectif d'évolution de la dépense publique avec crédits d'impôts. Toutefois, votre rapporteur a également souhaité pouvoir disposer de l'évolution prévisionnelle du taux de prélèvements obligatoires corrigé des crédits d'impôts , conformément aux nouvelles règles comptables. À cet égard, les données transmises par le Gouvernement, reprises dans le tableau ci-avant, font apparaître que, crédits d'impôts mis à part, le taux de prélèvements obligatoires serait relativement stable tout au long de la période 2015-2017 .
1. Un ralentissement peu étayé de la dépense publique
Le programme de 50 milliards d'euros d'économies pour la période 2015-2017 constitue indubitablement la pierre angulaire de la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement . Les économies projetées semblent avoir été réparties entre les différents sous-secteurs des administrations publiques en fonction de leur part dans les dépenses publiques, comme le fait apparaître le tableau ci-après.
Tableau n°
31
:
Répartition de l'effort en dépenses sur la période
2015-2017
entre les administrations publiques
État et ODAC |
APUL |
ASSO |
|
Part dans les économies |
36,0 % |
22,0 % |
42,0 % |
Part dans les dépenses publiques |
37,4 % |
19,3 % |
43,2 % |
Part dans le déficit public |
76,2 % |
10,3 % |
13,5 % |
Part dans la dette publique |
79,7 % |
9,4 % |
10,9 % |
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et des données de l'Insee)
Ainsi, l' État et ses agences assumeraient une économie totale de près de 19 milliards d'euros. À cela viendrait s'ajouter les économies demandées aux collectivités territoriales , de 11 milliards d'euros, et aux administrations de sécurité sociale (ASSO), de 21 milliards d'euros.
Sur les 50 milliards d'euros d'économies prévues, 21 milliards d'euros seraient réalisées en 2015 , dont 7,7 milliards d'euros par l'État et ses agences, 3,7 milliards d'euros par les collectivités territoriales et 9,6 milliards d'euros par les administrations de sécurité sociale. Le montant d'économies s'élèverait, ensuite, à 15 milliards d'euros en 2016 et à 14 milliards d'euros en 2017 .
S'agissant des années suivantes, aucune information n'est donnée quant à la manière dont pourrait être atteint l'ajustement structurel de 0,5 % du PIB annoncé pour 2018 et 2019. Ceci peut se comprendre dès lors que l'actuelle législature prendra fin en 2017. Pour autant, il convient de relever que ces deux exercices constituent des étapes essentielles dans le respect de la trajectoire de solde structurel , dans la mesure où elles devraient porter près de la moitié de l'ajustement sous-jacent à la trajectoire. Ainsi, ce sont près de 40 milliards d'euros d'économies qui sont seulement « évoquées » par le Gouvernement alors qu'elles fondent le respect de la trajectoire qu'il définit dans le présent projet de loi , laissant à la prochaine législature le soin d'en définir le contenu.
Quoi qu'il en soit, le programme de 50 milliards d'euros d'économies suppose un fort ralentissement de la dépense publique tant en valeur qu'en volume entre 2015 et 2017. Comme le montre le tableau ci-après, le taux de croissance de la dépense publique serait ramené en moyenne à 1,6 % en valeur et à 0,2 % en volume entre ces deux années. Ceci marquerait une rupture majeure dans la trajectoire d'évolution des dépenses publiques observée au cours des derniers exercices. Or, les informations communiquées jusqu'à présent peinent à assurer la crédibilité des économies annoncées, tant celles-ci demeurent peu documentées et reposent, parfois, sur des hypothèses fragiles .
Tableau n° 32 : Croissance de la dépense publique (hors crédits d'impôts)
(variation en %)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Moyenne 2015-2017 |
|
Taux de croissance de la dépense en valeur |
2,0 |
1,4 |
1,1 |
1,9* |
1,8 |
1,6 |
Administrations publiques centrales (APUC) |
- |
0,4 |
0,3 |
0,8 |
0,4 |
0,5 |
Administrations publiques locales (APUL) |
- |
1,2 |
0,3 |
1,8 |
1,9 |
1,3 |
Administrations de sécurité sociale (ASSO) |
- |
2,3 |
0,8 |
2,1 |
2,3 |
1,7 |
Taux de croissance de la dépense en volume |
1,3 |
0,9 |
0,2 |
0,5* |
0,0 |
0,2 |
Inflation hors tabac |
0,7 |
0,5 |
0,9 |
1,4 |
1 ¾ |
* Dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement précise que l'année 2016 sera marquée par des dépenses exceptionnelles liées, notamment, à un ressaut du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne et aux remises de dette aux États étrangers.
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
a) La contribution de l'État et de ses agences à l'effort en dépenses
Au cours de la période couverte par le « budget triennal », soit les années 2015 à 2017, 19 milliards d'euros d'économies seraient réalisées par l'État et ses agences. Dans ce cadre, 18,5 milliards d'euros d'économies porteraient sur les crédits des ministères et les ressources affectées aux agences , auxquels viendrait s'ajouter une moindre dépense de 0,5 milliard d'euros liée à une prévision de stabilisation du rythme des décaissements des investissements d'avenir .
Le montant d'économies avancé suppose une diminution en valeur des dépenses de l'État hors charge de la dette et des pensions et hors transfert aux collectivités territoriales . En effet, ce montant excède la progression tendancielle des dépenses relevant de ce périmètre, qui s'élèverait à 17,5 milliards d'euros entre 2014 et 2017 - soit à 5,8 milliards d'euros par an. À ce titre, le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 137) précise que « les dépenses de l'État hors charge de la dette, hors pension et hors transferts aux collectivités territoriales, seront diminuées de 1 Md€ en 2015, augmenteront de 1,5 Md€ en 2016 compte tenu du ressaut exceptionnelle du PSR-UE 84 ( * ) et diminueront ensuite de 1,5 Md€ en 2017 par rapport à l'année précédente ». Sur le seul périmètre des dépenses des ministères et des affectations de recettes plafonnées, la baisse serait de 2,26 milliards d'euros entre 2014 et 2017.
Dans ces conditions, l'économie réalisée par rapport au tendanciel serait de 7,2 milliards d'euros en 2015 , de 5,7 milliards d'euros en 2016 et de 5,6 milliards d'euros en 2017 .
Le principal levier identifié par le Gouvernement afin de réaliser les économies annoncées réside dans la maîtrise de la masse salariale. Ainsi, le point d'indice serait stabilisé , ce qui permettrait une économie d'un peu plus d'un milliard d'euros par an 85 ( * ) ; par ailleurs, les mesures catégorielles , qui ont augmenté en moyenne de 500 millions d'euros par an entre 2007 et 2012, seraient réduites à 177 millions d'euros par an sur la période 2015-2017, ce qui représenterait une économie d'environ de 0,3 milliard d'euros chaque année. Dès lors, la maîtrise de la masse salariale, qui repose également sur une stabilisation des effectifs, permettrait une économie de près de 1,4 milliard d'euros par an - soit environ 4,2 milliards d'euros sur le triennal .
Pour le reste, les économies projetées sont, hélas, moins précises. Dans le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 150), il est en effet question d' une amélioration de la productivité des administrations , reposant sur la « dématérialisation des échanges avec les citoyens », la « simplification des règles administratives », ou encore la « modernisation des achats publics et [l']optimisation des dépenses immobilières », qui permettrait une réduction des dépenses de fonctionnement.
Au total, les seuls efforts en dépenses tangibles résident dans le gel des rémunérations dans la fonction publique, les autres leviers d'économies peinant à être matérialisés. Aussi semblerait-il que le Gouvernement éprouve des difficultés à proposer des réformes structurelles permettant de réduire durablement les dépenses de l'État . Ceci n'est pas sans lien, de toute évidence, avec l'augmentation de la mise en réserve des crédits proposée par l'article 12 du présent projet de loi, ni même avec la mise en place d'une revue annuelle des dépenses, prévue à l'article 22 de ce dernier.
b) La fragile trajectoire financière des collectivités territoriales
L'évolution prévisionnelle de la dépense locale avancée dans le présent projet de loi, donc la contribution des collectivités territoriales à l'effort de réduction des dépenses, repose sur deux hypothèses qui présentent certaines fragilités.
Tout d'abord, il est supposé que la baisse des dotations de l'État d'un montant de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017 se traduirait, d'une part, par la réalisation d'économies d'un montant quasi équivalent sur les dépenses locales et, d'autre part, que ces économies porteraient exclusivement sur les dépenses de fonctionnement .
Tableau n° 33 : Évolution prévisionnelle des dépenses des administrations publiques locales et économies sous-jacentes
(en milliards d'euros)
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
Total 2015-2017 |
|
Dépenses locales (évolution en valeur, en %) |
252,0 - |
255,0 (+ 1,2 %) |
255,8 (+ 0,3 %) |
260,4 (+ 1,8 %) |
265,3 (+ 1,9 %) |
|
Montant des économies à réaliser** |
- |
1,8 |
5,4 |
2,4 |
2,2 |
10,0 |
* Le montant des économies à réaliser est calculé sur la base du tendanciel de croissance des dépenses locales, qui est estimé à 1,0 % en volume par le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) n° 2012-M-03 de mai 2012 86 ( * ) .
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et des données de l'Insee de mai 2014)
Comme le fait apparaître le tableau ci-avant, la trajectoire d'évolution en valeur des dépenses des administrations publiques locales (APUL) retenue dans le présent projet de loi suppose la réalisation d'environ 10 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017 par rapport à la hausse tendancielle des dépenses locales , soit un montant proche de la réduction des dotations de l'État.
Dès lors, le Gouvernement suppose que les collectivités territoriales disposeraient des marges de manoeuvre nécessaires pour traduire cette baisse de dotations par des économies d'un montant égal et que cette réduction serait sans incidences sur l'investissement des collectivités - qui n'évoluerait donc qu'en fonction du cycle électoral -, dont il y a lieu de rappeler qu'il représentait près de 60 % de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques et 20 % environ de l'investissement total en 2013. Pourtant, tout laisse penser qu'une telle hypothèse est sans fondement eu égard au caractère contraint de nombreuses dépenses des administrations publiques locales : si le principe de libre administration des collectivités territoriales est consacré par la Constitution, celui de libre administration de la dépense locale est tout relatif ... De nombreuses hausses des dépenses résultent, en effet, de décisions de l'État, comme les récentes réformes des rythmes scolaires et du revenu de solidarité active (RSA), par exemple ; en outre, les contraintes réglementaires imposées aux collectivités territoriales les privent, souvent, des leviers nécessaires à la réalisation d'économies de fonctionnement, voire contribuent à l'augmentation de leurs dépenses, notamment en matière de gestion des personnels.
Dans ces conditions, il est fort probable que la diminution des dotations de l'État se traduira par un recul des dépenses d'investissement des collectivités qui restent, à court terme, les dépenses les plus aisément modulables - en particulier en début de cycle municipal, alors que les projets d'investissement n'ont pas encore été engagés. Cette probabilité est renforcée par la précipitation avec laquelle a été décidée la baisse de dotations . Le programme d'économies de 50 milliards, et la contribution des collectivités à hauteur de 11 milliards d'euros, intervient moins d'une année après le « pacte de confiance et de responsabilité » entre l'État et les collectivités locales, qui prévoyait une réduction des dotations de 1,5 milliard d'euros en 2015. Sans visibilité sur l'évolution de leurs ressources et sur le rythme des efforts en dépenses nécessaires, les collectivités peinent à définir les réformes qui permettraient un ralentissement durable de leurs dépenses de fonctionnement , et ce sans qu'il soit nécessaire de réduire leurs investissements.
La seconde hypothèse inhérente à la trajectoire prévisionnelle des dépenses locales a trait à l'évolution des dépenses d'investissement dans le cadre du « cycle électoral » . En effet, le Gouvernement anticipe un recul de ces dépenses de 5 % en 2014 et de 6 % en 2015, suivi d'une reprise progressive.
Graphique n° 34 : Évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques locales (1965-2013)
(variation en volume, en %)
Années d'élection : 1965, 1971, 1977, 1983, 1989, 1995, 2001, 2007
Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee, Comptes nationaux - Base 2010)
Il est vrai que l'existence d'un cycle, suivant celui des élections municipales, est perceptible sur la variation annuelle du volume d'investissement des administrations publiques locales , ce qu'illustre le graphique ci-avant. Ainsi, la première année du mandat municipal est marquée par un freinage de la FBCF, les programmes d'investissement des nouveaux maires n'étant pas encore lancés. La deuxième année connaît également une baisse de l'investissement : les commandes sont passées mais leur réalisation n'a pas commencé ou n'ont pas encore donné lieu à paiement. Lors de la troisième année, les dépenses de FBCF sont stimulées par les décisions prises au début du mandat. Au cours de la quatrième année, les dépenses d'investissement demeurent généralement stables. Enfin, les cinquième et sixième années sont marquées par une reprise de la croissance de la FBCF en raison des échéances électorales et de la finalisation de certains projets lancés en cours de mandat.
Ainsi, en 2002, une étude de l'Insee s'était attachée à déterminer, à partir de six cycles municipaux, la contribution du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF) 87 ( * ) des administrations publiques locales (APUL). Les résultats de celle-ci sont repris dans le graphique ci-après.
Graphique n° 35 : Contribution de la composante électorale à la croissance de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques locales
(en points)
Note de lecture : Au cours de l'année n, qui correspond à l'année d'élection, le cycle électoral contribue à hauteur de - 1,9 point à l'évolution de la formation brute de capital fixe (FBCF) ; à l'année n+5, soit la sixième année du mandat, le cycle électoral stimule l'investissement à hauteur de 4,6 points en raison des échéances électorales.
Source : D. Besson (2002)
Malgré l'existence indéniable d'un cycle de l'investissement local, l'hypothèse du Gouvernement consistant à retenir le cycle précédent comme base de référence paraît, à bien des égards, fragile . En effet, l'examen des cycles municipaux depuis 1965 et, en particulier de ceux intervenus à la suite de la première phase de décentralisation, fait apparaître une grande irrégularité dans les contributions du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF).
Aussi l'ampleur du recul des dépenses d'investissement locales prévu en 2014 et 2015, de 5 % puis de 6 %, que le Gouvernement impute au cycle électoral, semble particulièrement élevée et excède ce qui est observé sur longue période ; dans ces conditions, il y a lieu de se demander si les prévisions gouvernementales ne tiendraient pas, en sus, compte des éventuels effets des baisses de dotation sur l'investissement des collectivités territoriales ...
Enfin, une fragilité affecte également l'anticipation de progression des ressources des administrations publiques locales. Le rapport annexé au présent projet de loi (alinéa 218) précise que « les recettes des collectivités territoriales progresseront de 10 Md€ entre 2014 et 2017, soit de + 1,3 % par an en moyenne », ce qui permettrait de financer la hausse prévisionnelle des dépenses locales en valeur, d'un montant équivalent, au cours de cette période (cf. supra ). Aussi, la baisse des dotations de l'État serait compensée par une augmentation spontanée des ressources fiscales, de 10 milliards d'euros environ et des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, pour 5,3 milliards d'euros au total , résultant principalement de hausse de taux d'impôts locaux. Le surcroît d'augmentation des recettes des collectivités restant proviendrait de la hausse de leurs ressources hors prélèvements obligatoires et hors dotations de l'État .
Toutefois, l'augmentation spontanée des ressources fiscales des collectivités territoriales envisagée, de 10 milliards d'euros, repose sur l'hypothèse que celles-ci évolueraient avec l'activité économique ; or, l'expérience récente a montré que le produit des recettes fiscales locales présentait une évolution chaotique , en particulier en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Par suite, il ne saurait être exclu que les ressources fiscales soient moins dynamiques que ce que prévoit le Gouvernement - ce qui pourrait, par ailleurs, à supposer même que les économies attendues par l'État soient réalisées, peser un peu plus sur les dépenses d'investissement ou contraindre les collectivités territoriales à accroître la fiscalité locale plus qu'anticipé. Dans ces conditions, la trajectoire financière des administrations publiques locales, présentée dans le tableau ci-après, paraît bien fragile .
Tableau n° 36 : Dépenses, recettes et solde des administrations publiques locales
(en points de PIB, sauf mention contraire)
2012 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Dépenses |
11,9 |
11,9 |
11,7 |
11,6 |
11,4 |
Recettes |
11,5 |
11,6 |
11,5 |
11,3 |
11,1 |
Solde |
- 0,4 |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,3 |
Solde (en milliards d'euros) |
- 9,2 |
- 7,2 |
- 6,1 |
- 7,2 |
- 7,8 |
Solde structurel |
- 0,2 |
- 0,1 |
0,0 |
- 0,1 |
- 0,2 |
Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)
c) Les économies des administrations de sécurité sociale
Les administrations de sécurité sociale (ASSO), enfin, supporteraient la majeure partie des économies projetées par le Gouvernement, soit 21 milliards d'euros entre 2015 et 2017 , un montant correspondant à leur poids dans les dépenses publiques (cf. supra ). Les économies envisagées porteraient, à hauteur de 10 milliards d'euros, sur les dépenses d'assurance maladie et, pour les 11 milliards d'euros restants, sur les autres dépenses de protection sociale .
Ainsi, le présent projet de loi programme un taux de croissance annuel de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 2,0 % en moyenne entre 2015 et 2017 . L'article 10 du projet de loi fait apparaître que le taux prévisionnel de progression de l'ONDAM devrait être de 2,1 % en 2015, de 2,0 % en 2016 et de 1,9 % en 2017, ce qui correspondrait à une économie totale de près de 10 milliards d'euros sur la période 2015-2017 .
Le tableau ci-après permet d'illustrer la « mécanique » selon laquelle ces économies doivent être réalisées dans le domaine de l'assurance maladie. Le Gouvernement estime que les dépenses relevant de l'ONDAM affichent un tendanciel de croissance de 3,9 % par an . Aussi, afin d'abaisser le taux effectif d'évolution, il est nécessaire de réaliser un certain montant d'économies chaque année , figurant dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale sous la notion de mesures nouvelles d'économies. Il apparaît que près de 3,5 milliards d'euros d'économies par an devraient être réalisées en moyenne entre 2015 et 2017, de manière à respecter les cibles d'évolution de l'ONDAM figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Graphique n° 37 : Évolution prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et économies sous-jacentes
(en milliards d'euros)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
ONDAM (évolution en %) |
178,3
|
182,3
|
186,0
|
189,5
|
Montant des économies à réaliser** |
- |
3,2 |
3,4 |
3,8 |
* L'ONDAM prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 est en progression de 2,1 %, après prise en compte des changements de périmètre.
** Le montant des économies à réaliser est calculé sur la base du tendanciel de croissance des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM, qui était estimé à 3,9 % dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015.
Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015)
Pour autant, ces prévisions peuvent paraître ambitieuses dès lors qu'il est rappelé que le ralentissement des dépenses d'assurance maladie au cours des années passées a essentiellement résulté de la sous-exécution de l'ONDAM - qui a atteint, en 2013, 1,7 milliard d'euros par rapport à la prévision. Cette sous-exécution était imputable aux soins de ville, pour 1,3 milliard d'euros, et aux établissements de santé, à hauteur de 0,4 milliard d'euros. Or, comme l'indique la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale 88 ( * ) , les « écarts en exécution croissants constatés dans le domaine des soins de ville ne sont pas principalement la conséquence d'une meilleure gestion ou d'un effort important . Ils sont avant tout expliqués par un effet de base et par différents erreurs ou biais de prévision, les uns structurels, les autres spécifiques à 2013 et qui pèsent particulièrement sur la prévision des indemnités journalières et du médicament » 89 ( * ) .
Rien ne garantit que de tels « effets d'aubaine » se répèteront à l'avenir, ce qui implique donc que le Gouvernement engage d'importantes réformes de structure s'il souhaite abaisser durablement le rythme des dépenses d'assurance maladie . À ce titre, l'avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 7 octobre 2014 90 ( * ) a rappelé que « le taux de progression de l'ONDAM prévu pour 2015 s'inscrit dans le cadre de la programmation pluriannuelle de 2 % en moyenne sur la période 2015-2017 fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques et soulign[é] que des réformes structurelles sont nécessaires pour infléchir durablement l'évolution des dépenses d'assurance maladie ».
Pour ce qui est des économies portant sur les autres dépenses de protection sociale , d'un montant de 11 milliards d'euros, le « détail » en a été dévoilé dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017. Celles-ci résulteraient, tout d'abord, des décisions déjà prises en 2013 dans le cadre de la réforme des régimes de retraite de base et complémentaire et de la réforme de la politique familiale , pour 2,9 milliards d'euros. Le report de la revalorisation de certaines prestations sociales , notamment sur les retraites de base, permettrait une économie de 2 milliards d'euros. La poursuite de la démarche de rétablissement de l'équilibre des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco) serait à l'origine de 2 milliards d'euros d'économies supplémentaires. De même, le régime d'assurance-chômage devrait permettre d'économiser 2 milliards d'euros à l'horizon 2017, dont 0,8 milliard d'euros résulteraient de l'accord entre les partenaires sociaux de mars 2014, selon le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2015. Enfin, les organismes de protection sociale seraient amenés à dégager 1,2 milliard d'euros d'économies de fonctionnement.
d) La sensibilité de la trajectoire budgétaire à l'évolution de la dépense publique : pas de droit à l'erreur
Les développements qui précèdent font apparaître les nombreuses fragilités qui existent dans la trajectoire d'évolution des dépenses publiques envisagée par le Gouvernement . Alors que certaines hypothèses retenues dans ce cadre paraissent, à bien des égards, discutables, les économies annoncées demeurent, en grande partie, peu documentées. Dans ces conditions le respect des objectifs budgétaires, ayant trait tant au solde effectif qu'au solde structurel, n'est en rien assuré . À ce titre, il convient de relever que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis relatif au présent projet de loi 91 ( * ) , a estimé que « si cette trajectoire est moins ambitieuse que les précédentes, son respect n'est pas acquis. Il suppose d'infléchir fortement et sur toute la période de programmation la croissance de la dépense publique » ; celui-ci note d'ailleurs qu'en l'état actuel des mesures annoncées, il existe un risque de déviation par rapport à l'objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel.
Le Gouvernement fait, en effet, reposer la trajectoire pluriannuelle des finances publiques sur un ralentissement significatif du taux d'évolution de la dépense publique en volume, devant s'élever à + 0,2 % en moyenne entre 2015 et 2017 (cf. supra ). Aussi, afin de mettre en évidence la sensibilité de cette trajectoire au respect de l'effort en dépenses programmé, des projections ont été réalisées à partir de deux scénarii :
- un premier scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 1,1 % au cours de la période 2015-2019 , ce qui correspond à la moyenne constatée entre 2012 et 2014 ;
- un second scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 0,6 % entre 2015 et 2019 , soit une progression intermédiaire entre la moyenne 2012-2014 et la prévision du Gouvernement.
Il y a lieu de noter que ces deux scenarii reposent sur des hypothèses de croissance en volume des dépenses sensiblement inférieures à la moyenne constatée entre 2000 et 2013, de 2,0 % environ.
Les hypothèses d'évolution des recettes et les prévisions relatives à la composante non discrétionnaire de l'ajustement structurel sont supposées être similaires à celles retenues par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi. Par suite, les projections varient sous l'influence exclusive de l'évolution des dépenses publiques en volume .
Les projections réalisées montrent que le non-respect de l'objectif d'évolution annuelle de la dépense publique en volume, fixé par le Gouvernement dans le présent projet de loi, aurait pour conséquence de dégrader fortement la trajectoire des soldes structurel et effectif et de la dette publique , comme le font apparaître le tableau et les graphiques ci-après.
Une progression de la dépense publique de 1,1 % par an en volume entre 2015 et 2019 conduirait ainsi à un solde structurel d'environ - 2,9 % du PIB en 2019 , contre un objectif de moyen terme (OMT) fixé - 0,4 % du PIB. Le déficit effectif ne passerait en-dessous de 4 % du PIB qu'en 2018 , et ne reviendrait donc pas en deçà du seuil de 3 % du PIB au cours de la période de programmation. Enfin, la dette publique augmenterait continûment pour atteindre 100,2 % du PIB en 2018 .
Si la progression de la dépense publique en volume était de 0,6 % par an au cours de la période 2015-2019, le solde structurel serait toujours sensiblement supérieur à l'objectif de moyen terme (OMT) en 2019, atteignant - 1,6 % du PIB . Pour ce qui est du déficit effectif, celui-ci ne reviendrait en deçà du seuil de 3 % du PIB qu'à l'horizon 2018 . La dette publique en points de PIB, elle, serait supérieure de près de 3 points de PIB en 2019 par rapport à la prévision.
Ces résultats montrent bien que le Gouvernement n'a pas droit à l'erreur et devra donner plus de substance à son programme d'économies , en engageant les réformes structurelles nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique, s'il souhaite tenir ses engagements en matière de redressement des comptes publics.
Tableau n° 38 : Sensibilité de la trajectoire des finances publiques à l'évolution des dépenses des administrations publiques
(en % du PIB)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Croissance (en %) |
0,4 |
1,0 |
1,7 |
1,9 |
2,0 |
2,0 |
Trajectoire présentée par le Gouvernement dans le cadre du PLPFP 2014-2019 |
||||||
Évol. de la dépense en vol. |
0,9 |
0,2 |
0,5 |
0,0 |
0,0** |
0,0** |
Solde effectif |
- 4,4 |
- 4,3 |
- 3,8 |
- 2,8 |
- 1,8 |
- 0,8 |
Solde structurel |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 1,9 |
- 1,4 |
- 0,9 |
- 0,4 |
Ajustement structurel |
0,1 |
0,25 |
0,25 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
Dette publique |
95,3 |
97,2 |
98,0 |
97,3 |
95,6 |
92,9 |
Trajectoire en cas de croissance en volume de la dépense de 1,1 % entre 2015 et 2019 |
||||||
Évol. de la dépense en vol. |