B. LA DIRECTIVE EUROPÉENNE DE 2003
La directive de 2003, transposée par l'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, a fixé les règles de base applicables à la réutilisation des informations du secteur public dans l'Union européenne.
Par secteur public elle entend l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations constituées entre ces entités.
Les informations publiques détenues par ces organismes ne comprennent pas les documents :
- dont la fourniture est une activité qui ne relève pas de la mission de service public de ces organismes,
- dont des tiers détiennent les droits de propriété intellectuelle,
- qui ne sont pas accessibles du fait des règles d'accès en vigueur dans les États membres de l'Union (ce qui vise notamment la protection de la sécurité nationale, de la défense et des règles de confidentialité),
- qui sont détenus par des radiodiffuseurs de service public, des établissements d'enseignement et de recherche (en particulier les écoles, universités, services d'archives, bibliothèques, instituts de recherche) ou des établissements culturels (en particulier les musées, théâtres, opéras, etc.). (article 2)
La réutilisation des informations est définie comme l'utilisation par des personnes physiques ou morales de documents détenus par des organismes du secteur public à des fins commerciales ou non commerciales différentes de l'objectif initial de la mission de service public pour laquelle ces documents ont été produits (article 2).
Les redevances peuvent être perçues mais le total des recettes ne peut dépasser les coûts de collecte, de production, de reproduction et de diffusion, tout en permettant un retour sur investissement raisonnable (article 6).
Les organismes publics peuvent imposer des conditions à la réutilisation des documents, le cas échéant par le biais d'une licence (article 8). Si les accords d'exclusivité sont en principe interdits, ils peuvent être autorisés pour la prestation d'un service d'intérêt général dont le bien-fondé est réexaminé tous les trois ans (article 11).
C. L'INTÉGRATION DE LA DIRECTIVE DE 2003 À LA « LOI CADA »
À l'initiative de la commission des lois du Sénat, le législateur a choisi de transposer cette directive en modifiant et complétant la « loi CADA » car l'introduction de ce principe de réutilisation nécessitait l'ajustement de certaines de ses dispositions. Il en fut ainsi de son article 10, qui disposait, dans sa rédaction antérieure, que le droit à communication « exclu[ai]t, pour ses bénéficiaires ou pour les tiers, la possibilité de reproduire, de diffuser ou d'utiliser à des fins commerciales les documents communiqués », ce qui ne le rendait pas compatible avec le principe de réutilisation des documents, y compris à des fins commerciales, établi par la directive. 7 ( * )
L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques a procédé à ces ajustements. Ainsi que l'indiquait le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance, publié au Journal officiel du 7 juin 2005, celle-ci a créé un chapitre consacré à la réutilisation des informations publiques sans remettre en cause l'économie générale du régime d'accès aux documents administratifs. Ainsi, deux régimes distincts demeurent juxtaposés : celui de l'accès et celui de la réutilisation . Un pouvoir de sanction est confié à la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) par l'article 18 de la loi pour garantir en particulier le respect du principe de séparation de ces deux régimes.
1. Le champ de la réutilisation
L'article 10 de la « loi CADA » pose en effet le principe selon lequel les informations publiques, c'est-à-dire les informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations, peuvent être utilisées par toute personne à d'autres fins que celles de la mission de service public pour laquelle elle avait été produite ou reçue . Ce même article 10, ainsi que le suivant, viennent toutefois immédiatement tempérer ce principe.
Il résulte ainsi de la combinaison des articles 10 et 11 que sont exclues du champ de la réutilisation telle que prévue par le chapitre II de la « loi CADA » certaines informations publiques à raison soit de leur nature, soit de leur auteur, soit enfin d'un droit entrant en concurrence avec le droit à réutilisation.
Le premier motif conduit à écarter les informations considérées comme n'étant pas des informations publiques car figurant dans des documents dont la communication ne constitue pas un droit en application du régime d'accès aux documents administratifs, à moins qu'ils ne fassent l'objet d'une diffusion publique .
Cette exception renvoie en premier lieu aux documents préparatoires ( cf. supra ).
Cette exception fait, en second lieu, référence à l'article 6 de cette même loi, en particulier aux documents qui ne sont communicables qu'à l'intéressé, la CADA ayant précisé que n'entrent dans le champ de la réutilisation que les documents communicables à tous 8 ( * ) .
Sont ensuite exclues du champ du droit à réutilisation tel qu'autorisé par la « loi CADA » les informations produites ou reçues par deux types d'administrations :
- celles intervenant dans le cadre d'une mission de service public à caractère industriel ou commercial ;
- celles relevant des organismes d'enseignement et de recherche - écoles, universités et instituts de recherche - et des établissements, organismes ou services culturels - musées, bibliothèques, orchestres, opéras, ballets et théâtres.
Cette seconde exclusion conduit à ne pas appliquer aux documents de ces administrations et organismes le régime de réutilisation de la « loi CADA », mais n'interdit pas la réutilisation de l'ensemble des informations produites ou reçues par ceux-ci à moins qu'ils ne s'y opposent ou l'encadrent, sous le contrôle du juge 9 ( * ) .
Enfin, ne peuvent non plus faire l'objet d'une réutilisation les informations sur lesquelles des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle .
Ainsi le champ du droit d'accès aux informations publiques et celui du droit à leur réutilisation ne coïncident-ils pas strictement.
2. L'encadrement de la réutilisation
Le titre II de la « loi CADA » encadre la réutilisation des informations publiques.
L'article 12 instaure tout d'abord le respect d'une forme de droit moral de l'administration productrice dans la mesure où il impose à toute réutilisation d'informations publiques une triple condition : que les informations ne soient pas altérées , que leur sens ne soit pas dénaturé , enfin que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées .
L'article 13, quant à lui, crée un régime protecteur des données personnelles tout en renvoyant également à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés 10 ( * ) .
L'article 14 impose le principe d'égalité de traitement de tous les réutilisateurs en prohibant les accords d'exclusivité à moins que l'octroi d'un tel droit soit nécessaire à l'exercice d'une mission de service public. Dans ce cas, cet octroi doit faire l'objet d'un réexamen au moins tous les trois ans.
La réutilisation peut donner lieu au paiement de redevances , conformément à l'article 15. Dans ce cas, elle est obligatoirement soumise à licence en vertu de l'article 16.
* 7 Cf. le rapport de M. Bernard SAUGEY, fait au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (n° 5, 2004-2005) http://www.senat.fr/rap/l04-005/l04-005.html#toc130 .
* 8 CADA, avis n° 20082716 du 31 juillet 2008, Maire de Chelles. La CADA note d'abord que la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 précitée, dont la loi « CADA » assure la transposition, exclut de son champ d'application non seulement les « documents qui, conformément aux règles d'accès en vigueur dans les États membres, ne sont pas accessibles », mais également les « cas, dans lesquels, conformément aux règles d'accès, les citoyens ou les entreprises doivent démontrer un intérêt particulier pour obtenir l'accès aux documents ». Elle en déduit donc « que les règles prévues au chapitre II du titre I er de [la] loi ne s'appliquent qu'aux informations dont la communication constitue un droit pour toute personne, en application d'une disposition législative, et non à celles qui ne sont accessibles qu'à certaines personnes à raison de leur qualité ou de leur intérêt ».
* 9 CADA, conseil n° 20062674 du 29 juin 2006, Président du conseil général de l'Isère et CAA Lyon, 3 ème chambre, 4 juillet 2012, Département du Cantal.
* 10 Pour plus de précisions sur la protection des données personnelles dans le cadre de la réutilisation des informations publiques, cf. le rapport d'information de MM. Gaëtan Gorce et François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 469, 2013-2014) précité.