C. LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES POUR PERSONNES HANDICAPÉES
Le chantier de la réforme de la tarification des établissements et services pour personnes handicapées a été lancé lors d'un comité stratégique du 26 novembre 2014 présidé par la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Une équipe projet doit veiller à la mise en oeuvre de la feuille de route qui a été définie, notamment dans la perspective de la réalisation d'une étude nationale de coûts en 2016.
Le présent projet de loi de financement contient par ailleurs deux mesures qui doivent permettre de donner plus de cohérence au financement des structures pour personnes handicapées.
1. Le transfert vers l'assurance maladie du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail
L'article 46 du présent projet de loi prévoit le transfert du financement des établissements et services d'aide par le travail (Esat) vers l'assurance maladie. Cette mesure, qui entrera en application le 1 er janvier 2017, est présentée comme indispensable au bon pilotage par les ARS des financements alloués aux structures pour personnes handicapées. Elle devrait également garantir davantage de souplesse pour les organismes gestionnaires. Les associations et fédérations rencontrées par votre rapporteur n'ont pas contredit ces arguments. Elles estiment cohérent d'inscrire pleinement les Esat dans le champ médico-social.
Pour autant, votre rapporteur note que, si le principe du transfert est acté dès ce projet de loi, la définition de ses modalités de mise en oeuvre financière est renvoyée à 2017. D'ici là, le Gouvernement devra trouver une recette permettant d'abonder l'Ondam médico-social pour couvrir les dépenses de fonctionnement des Esat - 1,46 milliard d'euros en 2015 - ainsi que le plan d'aide à l'investissement - 1,84 million d'euros. Dans l'hypothèse où le niveau de la recette affectée ne serait pas suffisant, votre rapporteur craint que les ressources propres de la CNSA qui abondent l'OGD ne soient davantage sollicitées, ce qui risquerait de se faire au détriment de la compensation des dépenses d'APA et de PCH. En tout état de cause, elle note que le transfert est envisagé à enveloppe constante, alors même que nombre d'Esat connaissent aujourd'hui une situation financière particulièrement contrainte.
Votre rapporteur s'inquiète également de la cohérence, à terme, de la réforme proposée. L'Etat continuera de financer l'aide au poste, conçue pour garantir un niveau minimum de rémunération aux travailleurs en Esat. Or les montants alloués à l'aide au poste sont directement liés au nombre de places en Esat et, par conséquent, au niveau de leurs dépenses de fonctionnement. A partir de 2017, les deux enveloppes - dépenses de fonctionnement et aide au poste - seront placées sous la responsabilité de deux financeurs différents - assurance maladie et Etat. Une telle situation n'est en rien source de simplification et ne permet pas de garantir une évolution cohérente des moyens alloués aux Esat.
2. La généralisation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens dans le secteur personnes handicapées
L'article 47 prévoit la généralisation des Cpom dans les établissements et services pour personnes handicapées relevant de la compétence tarifaire de l'ARS. Ces contrats ont, jusqu'à présent, un caractère facultatif et n'ont été, de fait, signés que par une minorité de structures. Selon les données fournies par le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire, 16 % des établissements et services sociaux et médico-sociaux seraient actuellement financés dans le cadre d'un Cpom.
L'objectif recherché par l'article 47 est, d'une part, de moderniser le financement des structures concernées en faisant passer celles qui font l'objet d'une tarification au prix de journée vers une dotation globale, d'autre part de permettre aux organismes gestionnaires de s'engager dans un processus d'amélioration de la qualité. La conclusion des Cpom devrait s'échelonner sur une période de six ans.
Votre rapporteur note que la réforme proposée ne fait pas l'objet d'un accompagnement financier spécifique, ce qui risque de limiter les marges de manoeuvre des cocontractants pour définir ensemble des objectifs de qualité et d'amélioration de la prise en charge.
Elle souligne également que le champ personnes handicapées n'est pas entièrement couvert par l'article 47. En particulier, les centres d'action médico-sociale précoce (Camsp), financés à 80 % par l'assurance maladie et 20 % par les départements sont exclus de la contractualisation obligatoire. Sans doute aurait-il été prématuré de les inclure au regard des difficultés financières que rencontrent actuellement nombre de départements. Pour autant, votre rapporteur considère qu'il serait cohérent d'envisager, à terme, leur inclusion, et ce d'autant plus que l'Assemblée nationale a explicitement prévu que les départements pourraient être signataires des Cpom, option qui n'était pas envisagée dans la rédaction initiale du projet de loi.
Cette question soulève celle, plus large, de la cohérence des mesures mises en oeuvre pour généraliser les Cpom dans le secteur médico-social. L'objectif est bien d'assurer, grâce à une gestion plus souple et modernisée des crédits au niveau du gestionnaire et non plus de l'établissement ou du service, davantage de continuité dans la prise en charge des personnes. Le Cpom peut constituer un élément important dans la mise en oeuvre de véritables « parcours ». Il n'est cependant en aucun cas la solution miracle qui permettra de pallier les lacunes de l'organisation de l'offre médico-sociale dont le départ de milliers d'enfants et d'adultes vers la Belgique constitue malheureusement l'illustration.